Chapitre 1 : Le grondement
Voleurs
Mevanor observa son frère enrouler la manche de sa veste autour de son poing, prendre une longue inspiration puis donner un grand coup dans la vitre. Le bruit du verre cassé résonna dans ses oreilles et ses yeux clignèrent par réflexe. Il jeta un regard derrière son épaule. La place déserte était plongée dans le noir de la nuit. Seul le clapotis de l’eau de la fontaine brisait le silence. Personne ne semblait avoir été réveillé.
Rassuré, Mevanor reporta son attention sur son aîné pour le voir passer le bras droit par l’orifice qu’il venait de créer, ouvrir la fenêtre depuis l’intérieur et s’engouffrer dans la forge. Le jeune homme secoua la tête pour sortir de la torpeur dans laquelle la fatigue et l’inquiétude le plongeaient puis suivit Bann dans le bâtiment.
Ses yeux habitués à l’obscurité de la rue ne peinèrent pas à s’adapter à la pénombre qui régnait dans la pièce. Dans un immense foyer couvert de suie, des braises rougeoyantes émettaient encore un peu de lumière et de chaleur. Ils avaient visiblement pénétré dans l’atelier, comme en témoignaient les nombreux plans de travail qui meublaient la grande salle. La quantité de tabliers accrochés sur les murs révélait l’importance de l’établissement, tenu par le chef de l’influente corporation des forgerons. Le propriétaire des lieux, Souftir, employait une quinzaine d’artisans et son commerce prospérait depuis des années.
Les claquements des pas de son frère contre le sol carrelé guidèrent Mevanor vers la pièce adjacente. Celle-ci était encombrée par des outils et blocs de métal, de toutes tailles et de toutes formes, qui reflétaient le peu de lumière perçant des fenêtres. Un simple entrepôt sans intérêt. Les mains et les jambes tremblantes, le jeune homme continua son chemin à la suite de son aîné. Son pouls battait fort contre ses tympans et l’assourdissait tant qu’il ne parvenait même plus à s’entendre respirer. Les yeux accrochés sur le dos de Bann, il traversa une cuisine et un réfectoire avant de pénétrer dans la boutique, leur objectif initial. Contre le mur qui leur faisait face, un large présentoir aussi haut qu’un homme mettait en valeur toutes sortes de lames. Ils n’eurent aucun mal à trouver l'objet de leur convoitise : deux magnifiques épées d’apparat, rangées dans des fourreaux de cuir flanqués de l’emblème du quartier Volbar. Elles avaient été spécialement commandées par les deux administrateurs qui comptaient les porter dans quelques jours, à l’occasion des cérémonies de la fête du Vent. Mevanor et Bann en saisirent chacun une, les cachèrent sous leur veste et firent demi-tour après avoir laissé derrière eux une bourse remplie d’écailles.
Une fois dehors, ils s’éloignèrent rapidement de la place de la forge. La bise nocturne fouettait le visage de Mevanor, lui piquant les joues et le nez. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front et dans sa nuque malgré l'air frais. Son cœur battait à tout rompre et son esprit peinait encore à réaliser l’acte qu’ils venaient de commettre. Il distinguait mal dans la nuit noire la silhouette de son frère qui marchait devant lui d’un pas décidé. Arrivé à un croisement éclairé par une torche, Bann s’arrêta enfin, ouvrit sa veste et tira sans un mot l’épée de son fourreau pour l’examiner à la lumière. La lame parfaitement polie reflétait la flamme dorée de l’éclairage public. Sur le pommeau, de minuscules rubis scintillaient sous le blason des commanditaires de l’ouvrage.
L’aîné leva le visage vers Mevanor, un sourire satisfait sur les lèvres.
— Je donnerai n’importe quoi pour voir la tête des Volbar quand ils apprendront qu’ils devront se contenter des épées qu’ils portaient l’année dernière, ricana-t-il. Ça leur fera les pieds, pour une fois qu’ils ne pourront pas étaler leurs écailles sous le nez de tout le monde. Comme si les autres administrateurs de quartier avaient les moyens de rivaliser avec leur fortune !
Mais le cadet n’arrivait pas à se laisser gagner par l’enthousiasme de son frère. Au beau milieu de la rue, sous la lueur des torches, il se sentait vulnérable. Et son inquiétude formait un nœud dans son ventre, l’empêchant de savourer leur victoire. Il ne parvenait à se concentrer que sur les erreurs qu’ils avaient commises.
— Bann, je ne regrette pas nos actions de ce soir, mais nous n’aurions pas dû pénétrer de cette manière dans la forge. Jouer un tour aux Volbar, c’est une chose. Mais maintenant, en plus de devoir fabriquer de nouvelles épées, Souftir devra réparer sa fenêtre cassée.
Son interlocuteur lui retourna un regard étonné.
— Nous étions bien obligés d’entrer, Mev ! Et puis nous ne sommes pas de vulgaires voleurs, nous avons payé la marchandise.
— On aurait dû aussi rembourser la vitre, murmura le cadet.
Bann leva les yeux au ciel et secoua la tête en signe d’impuissance.
— Je n’avais pas prévu de devoir la casser. Et puis Souftir croule déjà sous les écailles. Grâce à nous, il ajoutera des barreaux de fer devant toutes ses fenêtres pour dissuader les cambrioleurs.
Un soupir résigné s’échappa des lèvres de Mevanor devant le ton catégorique de son frère, contre lequel il n’avait pas souvent son mot à dire.
— On devrait se séparer pour rentrer, ce sera plus discret, continua Bann. Tu prends le chemin côté Fleuve et moi celui près de la muraille. On se retrouve à l’endroit habituel.
Le cadet acquiesça sans broncher, même si l’idée de déambuler seul dans les artères sombres de la ville, une arme volée battant contre la hanche, le mettait un peu mal à l’aise. Les deux garçons se séparèrent sur un signe de tête. Mevanor regarda Bann s’engager dans la rue de gauche, avant de partir lui-même vers la droite. Il rabattit sa capuche sur son visage et riva les yeux au sol afin de ne pas être reconnu par d’éventuels passants. Son frère avait sciemment choisi d’emprunter la route la plus fréquentée, à côté des remparts qui délimitaient la Cité et la protégeaient des bêtes de l’ombre, pour lui permettre de suivre un chemin plus discret. Cette manie de prendre pour lui les plus gros risques agaçait Mevanor presque autant qu’elle le soulageait.
Tout en avançant le long du Fleuve qui serpentait à travers la ville et abreuvait toute la vallée, il essayait d’imaginer la progression de Bann, de l’autre côté du quartier. Dans le silence de la nuit, avec comme unique accompagnement le clapotement de l’eau qui coulait près de lui, il sentait son cœur se serrer. Bien sûr, il ne s’agissait pas de leur première escapade nocturne ; et en plein jour aussi, ils avaient déjà chapardé quelques babioles dans des marchés. Pourtant, aucune de leurs gamineries passées ne se hissait au niveau du défi qu’ils s’étaient lancé ce soir. Entrer dans une forge par effraction et s’emparer de deux épées pouvait leur coûter plusieurs sizaines de cachots, même s’ils avaient laissé sur place une belle quantité d’écailles. Et pourquoi ? Parce qu’ils voulaient tuer le temps et se prouver leur propre témérité. Parce que Bann s’ennuyait et qu’il trouvait amusant de causer du tort à la famille Volbar. Parce que, enfermés dans la Cité, elle-même enfermée dans la vallée, les distractions ne couraient pas les rues et qu’il fallait bien s’occuper.
Il parvint enfin à l’intersection qui marquait la frontière entre le quartier Nott, dans lequel se situait la forge, et celui des Kegal, administré par Subor et Ateb Kegal, les parents de Mevanor et Bann. Après un rapide tour d’horizon pour vérifier qu’il était toujours seul, il s’engagea dans la voie qui s’ouvrait face à lui et devait le conduire jusqu’à la place principale.
Alors qu’il était presque arrivé au point de rendez-vous, un hangar déserté juste à côté de la maison de son père et sa mère, il s’interrompit pour tendre l’oreille. Un tumulte grave et caverneux montait au loin, comme un grondement gigantesque et menaçant. Un frisson parcourut son échine de haut en bas. Le fracas semblait provenir de l’extérieur de la Cité, probablement de la montagne. Plus sourd qu’un orage ; moins vibrant qu’un tremblement de terre ; le bruit emplit l'espace encore un instant. Le silence finit par reprendre sa place, pour être aussitôt brisé à nouveau par des cris terrifiants. Loin derrière les remparts de la ville, depuis les profondeurs de la forêt pétrifiée qui encerclait la vallée et y piégeait les hommes, les bêtes de l’ombre hurlaient leur colère d’avoir été réveillées. Mevanor se rendit alors compte qu’il tremblait. Il resserra machinalement le poing sur le pommeau de l’épée qu’il venait d’acquérir et se mit à marcher plus vite. Dans la rue, il vit quelques insomniaques jeter un œil par leurs fenêtres pour tenter de comprendre ce qu’ils avaient entendu. Aucun ne parut le remarquer. Quelle que fût l’origine de ce bruit étrange, Mevanor pressentait que leur petite escapade nocturne allait passer inaperçue grâce à lui.
Merci pour ton commentaire ! Je suis contente que ça te plaise :)
Je ne sais pas si j'ai trop de conseils à donner en matière de descriptions, car ce n'est vraiment pas ma partie favorite haha ce que je peux te dire c'est que j'essaie de visualiser dans ma tête à quoi ressemble l'endroit et ensuite de décrire exactement ce que je vois. Je ne sais pas si c'est très utile...
Bon courage !
Je trouve que ça fonctionne en général très bien un premier chapitre dans la peau d'un voleur, en tout cas le tien m'a bien happé. On se pose plein de questions sur les motivations de Mevanor et Bann, est-ce qu'ils préparent un tournoi ou quelque chose d'autre ? J'ai l'impression qu'ils ont pas mal de ressentiment envers le propriétaire des épées sans que ça aille jusqu'à la haine. Je suis très curieux d'en apprendre plus sur leur passé commun.
J'aime beaucoup l'idée qu'ils laissent de l'argent sur le lieu du vol, l'air de rien ça sous-entend plusieurs choses : ils n'ont pas besoin de ce qu'ils volent (donc ils le font par ressentiment / plaisir) et veulent se donner une conscience (certaine estime d'eux-même / niveau social ?).
Bref, une entrée en matière intéressante, curieux de découvrir la suite (=
A bientôt (=
Je suis contente car tu as bien saisi le message qu'on voulait faire passer et bien cerné les personnages :) En revanche, ils n'ont aucune autre motivation que celle de se divertir en faisant des trucs illégaux ^^ ils ont volé des épées, mais ça aurait très bien pu être des bijoux ou des casseroles haha
J'espère que la suite te plaira !
A bientôt
Par exemple : "Je donnerai n’importe quoi pour voir la tête des Volbar quand ils apprendront qu’ils devront se contenter des épées qu’ils portaient l’année dernière" => C'est une longue phrase sans pause, ce qui est plutôt typique de la narration que du dialogue.
La suite de la réplique ("Ça leur fera les pieds, pour une fois qu’ils ne pourront pas étaler leurs écailles sous le nez de tout le monde. Comme si les autres administrateurs de quartier avaient les moyens de rivaliser avec leur fortune !") me paraît symptomatique des de l'ensemble des dialogues : elle n'est pas en soi gênante, c'est juste qu'elle me donne un peu trop l'impression que l'auteur utilise ce personnage pour transmettre des informations qui serviront par la suite. Surtout à cause de la 2e phrase, qui a tout l'air d'une évidence (dans ce monde) que personne ne s'embête à expliciter. Il y a sûrement moyen de faire passer ces infos de manière un tout petit peu plus subtile :)
Mais c'est minime et j'insiste : je pinaille parce que le reste me semble solide :)
Merci beaucoup pour ton commentaires et tes remarques :) Je suis d'accord avec toi sur les dialogues, et je pense que tu rencontreras d'autres passages pas très naturels comme ceux-là au fil des chapitres ^^ C'est un gros point sur lequel on doit travailler dans notre réécriture ! N'hésite surtout pas à nous faire part de tout ce qui paraît formulé bizarrement :)
Je dois avouer que tu as une belle plume et l'histoire suscite beaucoup d'intérêt. Je n'ai pas compris certaines choses, mais heureusement que tous ces commentaires sont là pour apporter plus de clareté haha ! Hâte de voir la suite et j'espère que ça sera toujours aussi captivante.
Merci pour ton commentaire :) Je suis contente que tu sois intriguée par notre histoire ! Si il y a toujours des choses que tu ne trouves pas claires, n'hésite pas à nous en faire part :)
J'espère que la suite continuera de te plaire !
Je me lance sur ton histoire.
A première vue je vais bien aimer, ton style se lit bien, on sent déjà poindre enjeux et aventure.
Et grâce à toi, aujourd'hui j'ai découvert la différence entre suie et suif \o/
A bientôt sur les prochains chapitres
Bienvenue dans la forêt pétrifiée, et bonne lecture ;) Merci pour ton commentaire, j'espère que la suite te plaira !
On aura au moins servi à quelque chose ^^
A bientôt !
Tu as un beau style d'écriture. C'est fluide et tu arrives à nous bercer avec tes mots. Les prémices de l'histoire sont intéressantes. Continue le gros travail et et n'abandonne pas! Hâte de découvrir la suite!
Ensuite on sent que les deux frangins sont plus délinquants bourgeois qu'autre chose en premier abord : on sait que leurs parents dirigent un quartier, qu'ils ont assez d'argent pour rembourser le vol des épées serties de rubis, mais en même temps ils volent plus pour le frisson de l'aventure. L'impression que cela donne c'est que ce sont des petits fouteurs de merde qui ont le sens de la camaraderie et de la fratrie certes, mais qu'ils volent sans en avoir le besoin.
J'aime bien les noms aussi : courts et exotiques, Ateb Kegal, c'est génial =)
Je suis d'autant plus contente que tu as pour le moment très bien cerné l'univers et les personnages, donc les messages que nous voulions faire passer fonctionnent ;) Ce genre de commentaire est très utile pour savoir si on arrive à diriger le lecteur dans le bon sens, encore merci !
J'espère que la suite te plaira ! N'hésite pas à continuer à donner ton avis de cette façon, ça nous aide beaucoup :)
Je ne suis pas une grande lectrice comme semble l’être Gaïa, et je n’ai pas relevé autant de chose, néanmoins j’ai aussi noté les « sizaines » que je n’ai pas compris. J’ai eu l’explication en lisant les commentaires, mais peut-être faudrait-il en effet l’introduire autrement? En revanche j’ai directement compris que les écailles étaient leur monnaie, c’est peut être donc juste une question de tournure de phrase?
A part ça j’ai beaucoup aimé, j’ai l’impression que je vais bien m’attacher à Menavor, a priori moins intrépide mais peut-être plus perspicace que son frère, ça tombe bien il semble être le héros principal…
A suivre, direction la suite donc!
C'est exactement ce genre de choses que je voulais savoir ! Je note que sizaine c'est pas clair mais que écailles oui.
Mevanor n'est pas le seul personnage principal de l'histoire comme tu vas vite le découvrir :D en réalité il y en a plein mais principalement 4 : lui, Bann, Ada et une autre qui arrivera un peu plus tard ;) (dans la scène 9 il me semble). Mais c'est bien majoritairement autour de Bann et Mevanor que tourne l'intrigue, et Mevanor est légèrement plus représenté que son frère en terme de point de vue ;) je te laisse découvrir tout ça !!
Gaïa vous a fait l'honneur d'un mega commentaire bourré de remarques intelligentes, je n'ai donc rien à ajouter sur les détails. Je vais lire la suite.
Au passage le titre me fait irrésistiblement penser à JH Ballard et à sa " Forêt de cristal", d'autant plus que dans un autre roman "Le jour la création " il fait remonter un fleuve étrange à ses protagonistes ;)
Merci beaucoup pour ton commentaire, je suis contente que ce premier chapitre te donne envie de lire la suite :)
Je ne connaissais pas du tout Ballard, c'est drôle comme parfois on crée des similitudes sans le savoir ^^ en tout cas le titre n'est certainement pas définitif, on a beaucoup galéré à en trouver un et on n'est toujours pas hyper satisfaits de celui-là... Mais il fallait bien mettre quelque chose, donc voilà ! Pour tout dire, on participe en parallèle à un concours pour lequel le roman s'intitule "La Cité du Fleuve" (ce qui est largement pire, c'est pour ça qu'on a changé avant de poster ici !!)...
A bientôt j'espère :)
Je ne sais pas quels types de remarques vous attendez spécifiquement. J'avoue avoir plus de facilités à relever ce qui sonne faux à mon oreille, donc je me concentrerai dessus pour ce commentaire. Si vous préférez que je porte mon attention sur d'autres choses pour la suite de ma lecture (caractérisation des personnages, intérêt de certaines scènes, cohérence du propos, etc.) n'hésitez pas à me le dire !
(Je m’excuse en avance pour les changements de guillemets au milieu du commentaire, j’ai fini par l’écrire sur Word)
— "La place déserte était plongée dans le noir de la nuit. "
J'ai du mal à m'expliquer exactement pourquoi, la formulation me dérange. Je pense que c'est parce qu'on a l'habitude de l'expression "plongée dans le noir", sans rien à la fin, donc on met de nous-mêmes une pause à la lecture.... sauf que la phrase continue. Perturbant rythmiquement parlant. Peut-être retirer "de la nuit" ? D'office, on imagine bien que si une place est noire, c'est parce qu'il ne fait pas jour.
Ou passer à la voix active pour donner plus de force. "La nuit avait plongé la place déserte dans le noir" (et on peut même enlever "déserte", parce que la première image qu'on a d'une place la nuit l'est déjà)
— "Seul le clapotis de l’eau de la fontaine brisait le silence."
Un jour, on m'a conseillée d'enlever les "trucs du machin" (on ne me l'avait pas dit exaaactement comme ça, c'est vrai, mais c'est parlant je trouve). Ça alourdit le texte inutilement, car ce n'est pas nécessaire à la compréhension. Ici : "Seul le clapotis de la fontaine brisait le silence." marche tout aussi bien. On se doute que ce n'est pas littéralement la fontaine en tant que structure qui clapote mais l'eau à l'intérieur. Les métonymies, c'est chouette.
— "passer le bras droit par l’orifice qu’il venait de créer"
Un autre conseil que j'ai reçu un jour : à moins que ce soit important, il est inutile de préciser le côté du corps qu'on utilise. Ça peut être important si le personnage se prend une balle dans la poitrine (jamais ouf, mais à gauche encore plus qu'à droite), si sa main droite ou gauche a une particularité, etc. Mais si c'est un humain comme les autres, ça enlourdit juste la narration, en plus de sortir le lecteur du texte ("La gauche ? Attends, faut que j'inverse la scène dans ma tête alors, je les voyais dans l'autre sens. La main où je tiens mon crayon, une seconde..." Bref !)
— Je remarque une utilisation excessive de "et" ("Le bruit du verre cassé résonna dans ses oreilles et ses yeux clignèrent par réflexe.", "Mevanor reporta son attention sur son aîné pour le voir passer le bras droit par l’orifice qu’il venait de créer, ouvrir la fenêtre depuis l’intérieur et s’engouffrer dans la forge.", "Arrivé à un croisement éclairé par une torche, Bann s’arrêta enfin, ouvrit sa veste et tira sans un mot l’épée de son fourreau pour l’examiner à la lumière.", etc.)
Typiquement, un "et" s'utilise pour décrire deux actions qui se déroulent en simultané. Lorsqu'on a bien affaire à une succession d'actions, il vaut mieux utiliser un point, un autre mot de liaison ("puis", "ensuite", tout ça) ou juste reformuler.
J'ai beaucoup fait cette « erreur » pendant très longtemps, ça me provoque une réaction allergique maintenant. :’)
— Je vous conseille également d'éviter un maximum les périphrases pour désigner les personnages. J'ai vu un "Le jeune homme" à un moment qui m'a sortie de ma lecture : je ne savais pas duquel des frères on parlait, étant donné que je n'avais aucune information pour savoir lequel était un jeune homme (je pensais qu'ils l'étaient tous les deux).
Je sais que cela semble être le meilleur compromis pour éviter les répétitions constantes de noms de persos, mais c'est un leurre. >:(
La solution la plus efficace pour désigner un personnage reste son nom (ou son titre si c'est sa caractéristique principale, genre un roi). Pour améliorer votre écriture, préférez toujours reformuler l'une ou les phrases qui contiennent la ou les répétitions : vous vous rendrez compte que cela vous permettra d'apporter une richesse en termes de structure à votre écriture, en plus de vous éviter les répétitions, et d'aller toujours à l'essentiel niveau noms de persos. D'une pierre trois coups.
(C'est une chose que je m'évertue à faire et à apprendre en ce moment, donc je suis très passionnée ahah)
— "Ses yeux habitués à l’obscurité de la rue ne peinèrent pas à s’adapter à la pénombre qui régnait dans la pièce."
Il est tard et je suis fatiguée, donc j'ai un peu plus de mal à tout suivre que la normale... mais justement ! Une bonne phrase devrait être comprise par n'importe qui (en tout cas, c'est mon école de pensée).
En gros, ma façon de lire la phrase a été suivante : « On parle de ses yeux. Ah, ce sont des yeux habitués à l’obscurité, d’accord. Ah ! L’obscurité qui vient de la rue. « Ne peinèrent pas »… ils ont une facilité, donc… à s’adapter à un truc. Ce truc c’est de la pénombre. Une pénombre plus forte alors ? Une pénombre qui se trouve dans la nouvelle pièce. D’accooooooord. »
C’est haché comme un bourrin. Bien sûr, ce sont des réflexions qui vont assez vite dans notre tête, mais ça en fait quand même beaucoup pour comprendre une information simple (« Le perso s’accoutume facilement à cette nouvelle obscurité »)
"Grâce à ses yeux habitués à l’obscurité de la rue, il s'adapta sans peine à la pénombre qui régnait dans la pièce."
Quand il y a plusieurs infos à faire passer, la ponctuation et les mots de liaison sont nos meilleurs amis. J’ai utilisé à peu près les mêmes mots que vous et je trouve cette proposition déjà un peu plus facile à comprendre. Parfois, il faut se poser la question un peu bête de « Comment je reformulerais ça pour que mon petit frère de huit ans comprenne l’idée ? »
— "Dans un immense foyer couvert de suie, des braises rougeoyantes émettaient encore un peu de lumière et de chaleur."
Il n'y a rien de mauvais dans cette phrase, mais le fait d'avoir le verbe aussi loin demande plus d'attention de la part du lecteur. À utiliser avec parcimonie et consciemment, du coup ! (juste une petite remarque comme ça ahah)
— "Ils avaient visiblement pénétré dans l’atelier, comme en témoignaient"
Pas besoin du visiblement de base, encore plus vu que "comme en témoignaient"
— "La quantité de tabliers accrochés sur les murs révélait l’importance de l’établissement, tenu par le chef de l’influente corporation des forgerons."
Je sens comme une envie de faire du show don’t tell en montrant les tabliers pour faire comprendre qu’il y a plein d’employés… sauf que vous le dites quand même, que cela révèle l’importance de l’établissement. Donc bien du tell.
« Une quinzaine de tabliers pendaient aux murs. Les forgerons ne tarderaient pas à découvrir leur méfait. Là, ils auraient la corporation à dos. » est un exemple plus show : puisqu’il y a une quinzaine de tabliers, on se dit qu’il y a au moins autant de forgerons, et si c’est mal d’avoir la corporation à dos, on se doute qu’elle a du pouvoir. Pour l’info du chef qui tient l’établissement, vous pouvez peut-être essayer de le caler plus tard ou ici, mais ça risque de faire du tell aussi.
— « Ils n’eurent aucun mal à trouver l'objet de leur convoitise : »
Très très très tell aussi. Je pense que vous êtes familiers avec le concept du show don’t tell, mais faire du tell crée une distance énorme entre l’histoire et le lecteur. Ça peut être parfois utile (pas besoin de raconter chaque détail de chaque pas qu’un personnage prend pour aller d’une boutique à une autre, autant dire qu’il venait de point A et est arrivé à point B), mais ici vous dévoilez les objets qu’ils venaient chercher : la chose pour laquelle ils sont là et pour laquelle vous avez construit toute cette tension. On a envie de sentir le « Wow » des personnage, le petit rush d’adrénaline, le sentiment d’accomplissement, mais aussi la réalisation que ce n’est pas fini, il faut aussi les sortir sans se faire prendre.
Du coup, si j’étais vous, je supprimerais la partie que j’ai copiée. Pas besoin de dire qu’ils voient. Parlez du rush d’adrénaline. Décrivez les épées avec un champ lexical qui fait comprendre que « Wow ». Quand les personnages les prennent, leurs mains tremblent peut-être. Les épées peuvent leur sembler fragiles comme du verre entre leurs mains, précieuses.
Le dialogue est très chouette ! On comprend rapidement la dynamique entre les deux frères.
— « Tout en avançant le long du Fleuve qui serpentait à travers la ville et abreuvait toute la vallée »
Je comprends l’envie de partager un maximum d’informations sur le worldbuilding, mais là c’est de l’info dump gratuit. Savoir que le fleuve serpente à travers la ville et abreuve toute la vallée ne supporte pas la narration. Au contraire, il nous sort du moment qui devrait être angoissant pour nous donner un genre de fun fact. Si j’étais vous, je m’arrêterai à « Fleuve » et je profiterais d’un autre moment plus tard, plus propice, pour parler des fonctions qu’il a.
— « dizaine » de cachots ?
— « Loin derrière les remparts de la ville, depuis les profondeurs de la forêt pétrifiée qui encerclait la vallée et y piégeait les hommes, les bêtes de l’ombre hurlaient leur colère d’avoir été réveillées. »
On vient de passer à un point de vue omniscient ? Ou Mevanor le sait ? La formulation prête à confusion. Le point de vue était interne jusque-là, vous ne pouvez pas en changer en milieu de paragraphe sans transition.
Et voilà pour les petites choses qui m’ont dérangée ! Le reste est très chouette. Même s’il y avait matière à redire (mais les textes parfaits n’existent pas), ce premier chapitre est très bon dans l’ensemble. L’écriture reste fluide et on est rapidement intéressés par ce que font les personnages. On se demande un moment ce qu’ils font dans la forge, puis on est surpris qu’ils laissent des écailles. Enfin, on s’inquiète qu’ils se fassent attraper avant que les bruits de bêtes nous inquiètent d’autant plus. Qu’est-ce qui attend les personnages ?
J’ai hâte de voir où le reste de l’intrigue va nous mener !
J’espère que ce commentaire pourra vous donner des pistes d’amélioration. Je suis meilleure pour dire ce qui ne va pas plutôt que ce que j’aime, j’espère (encore) ne pas vous décourager. Votre histoire a beaucoup de potentiel !
Merci beaucoup pour ton commentaire et pour tes conseils ! C'est la première fois qu'on fait lire notre texte, donc tout tu ce que tu as envie de dire dessus est bon à prendre ^^ Surtout, n'hésite pas si il y a des passages que tu ne comprends pas ou qui ne sont pas intéressants.
Tes remarques sont très pertinentes ; il y en a que tu pourrais faire sur tous nos chapitres haha (en particulier, l'utilisation du "et" ainsi que les périphrases pour désigner les personnages, ce sont des défauts que nous devons corriger mais qui attendront la réécriture ^^). Pour le reste, je suis d'accord que les formulations ne sont pas très heureuses ou pas très claires, et je prends bonne note de tes remarques !
Petite précision concernant les "sizaines" : c'est leur unité de temps (des semaines de six jours = on a appelé ça des sizaines). Si ce n'est pas assez clair, je verrai comment on peut l'introduire mieux !
Concernant le point de vue omniscient, ce n'est pas du tout intentionnel. Mevanor sait que les bêtes ont été réveillées car il les entend hurler, et il suppose qu'elles sont en colère. Ca ne m'a pas choqué un l'écrivant mais j'imagine qu'une petite précision s'impose !
A bientôt j'espère :)
D'accord ! Je pense que ça vaut le coup d'expliquer ces sizaines dès la première fois qu'on les rencontre alors. :D Sans l'explication, il y a moyen que le lecteur se demande s'il a affaire à une coquille.
Ce qui fait penser à un PDV omniscient, c'est qu'on a l'impression d'avoir le ressenti des bêtes (on sait à peu près exactement où elles sont, qu'elles sont réveillées et que ça les met en boule). Ça ne parait pas crédible que Mevanor puisse avoir accès à toutes ces informations parce qu'on ne connait pas assez l'univers pour savoir qu'il s'agit (sûrement) de connaissances plutôt communes et d'une déduction logique (qu'elles soient réveillées et en colère).
Du coup, renforcer le PDV de Mevanor à ce moment là peut être une idée ("Les bêtes !", comme s'il le pensait avant l'explication, par exemple). Affirmer le reste de façon moins sûre ? En tout cas moins comme une narration et plus comme une déduction du personnage.
Je me demandais aussi : est-ce que ça vous dirait de vous présenter un peu ? Je sais que vous écrivez à huit mains. Qui fait quoi ? Je suis curieuse !
Ah ah je lirai la suite avec plaisir, donc on aura l'occasion de se revoir. :D Juste, lentement. Commenter me prend beaucoup de temps, donc ma vitesse de lecture en prend un coup !
Plus précisément, on écrit à six mains ! Chacun de nous à des qualités et des préférences, donc comme l'écriture est un hobby, le but était qu'on s'y retrouve et que ça nous fasse plaisir. Donc le premier co-auteur écrit un premier jet, en se concentrant sur la trame de fond : actions, dialogues, informations importantes pour le récit qui doivent être passées. La forme n'est pas très importante. Ensuite, mon deuxième compère ajoute des phrases/paragraphes par-dessus pour faire en sorte que le point de vue soit interne (d'où quelques coquilles "omniscientes" qui restent du premier jet), ajouter de la profondeur aux personnages et des détails sur l'univers. Enfin, celle qui n'a pas beaucoup d'imagination (moi) prend le texte et réécrit quasiment toutes les phrases, à la fois parce qu'ils ne se coordonnent pas dans ce qu'ils écrivent donc il faut remettre toutes les infos au bon endroit, et à la fois pour uniformiser sur le style. Sincèrement, je pense qu'aucun de nous ne serait capable d'écrire un roman à lui tout seul ^^ on se complète plutôt, et même si cette technique est très longue (puisque chaque chapitre est écrite trois fois), elle nous convient bien !
C'est un plaisir de lire un chapitre aussi agréablement écrit et bien construit ! Et c'est une leçon pour moi de scène qui permet tout de suite d'entrer dans l'action et les enjeux des personnages ! Chapeau !
Quelques petits passages qui m'ont fait tiquer :
"Ses yeux habitués à l’obscurité de la rue ne peinèrent pas à s’adapter à la pénombre qui régnait dans la pièce." -> la négation me semble bancale avec le verbe peiner, je m'attendais à une formulation plus classique, genre "n'éprouvèrent aucune peine à"
— Je donnerai n’importe quoi -> au conditionnel, c'est "donnerais"
— Bann, je ne regrette pas nos actions de ce soir, mais nous n’aurions pas dû pénétrer de cette manière dans la forge. Jouer un tour aux Volbar, c’est une chose. Mais maintenant, en plus de devoir fabriquer de nouvelles épées, Souftir devra réparer sa fenêtre cassée. -> Je trouve ce passage trop bavard et trop construit pour un garçon fatigué et inquiet, puis ça met trop le doigt sur ce qu'il faut penser. Perso, j'opterais pour un minimaliste : "Bann, nous n'aurions pas dû casser la fenêtre..." ;-)
les parents de Mevanor et Bann. -> pour alléger la liste de prénoms, j'aurais résumé en "leurs propres parents" ?
Les moments où j'ai été agréablement titillé :
après avoir laissé derrière eux une bourse remplie d’écailles. -> ce simple geste donne une tout autre couleur à la scène, excellent !
Mais le cadet n’arrivait pas à se laisser gagner par l’enthousiasme de son frère. Au beau milieu de la rue, sous la lueur des torches, il se sentait vulnérable. Et son inquiétude formait un nœud dans son ventre, l’empêchant de savourer leur victoire. Il ne parvenait à se concentrer que sur les erreurs qu’ils avaient commises. -> le contraste entre les frères est très bien construit et ce passage mais bien la tension pour la suite !
Parce que, enfermés dans la Cité, elle-même enfermée dans la vallée, les distractions ne couraient pas les rues et qu’il fallait bien s’occuper. -> j'aime bien les informations mystérieuses que cela donne sur l'univers !
Loin derrière les remparts de la ville, depuis les profondeurs de la forêt pétrifiée qui encerclait la vallée et y piégeait les hommes, les bêtes de l’ombre hurlaient leur colère d’avoir été réveillées. -> Cette phrase est pleine de puissance !
Désolé déjà, je suis un lecteur lent, mais je me réjouis de découvrir la suite bientôt !
Pour ce qui est de tes remarques, je suis tout à fait d'accord avec chacune d'entre elle, merci d'avoir pointé le doigt dessus :) ce sera corrigé pour la prochaine version de l'histoire ;)
A très vite pour la suite alors !