1 - Whitehaven, là où tout commence

Notes de l’auteur : Coucou et bienvenue dans cette nouvelle histoire !
Je précise au cas où : cette histoire a pour inspiration l'ambiance des "Bridgerton" avec une grosse influence de manhwa/webtoon (ceux avec un scénario centré sur l'adoption d'un enfant que l'héroïne adore et de son tuteur/père taciturne). Le monde abordé est donc 100% fictif et les règles un peu floues (je sais pas encore si c'est voulu où si je règlerai ça plus tard, dans le doute n'hésitez pas à soulever vos interrogations).
Il y a de la magie, de l'humour, une touche de drame familiale, de la romance et une ambiance que j'espère cosy.

Voilà, c'est tout pour moi, je vous laisse avec ce premier chapitre !

Bonne lecture et à bientôt ! ^^

Treize ans.

Voilà treize ans qu’Eliabelle Canning n’avait plus mis les pieds à la capitale.

Voir ses hauts bâtiments de tuffeau et leur toits pointus se profiler lui fit tout drôle, car malgré les années, elle en reconnaissait encore certains comme le palais d’Automne qui abritait l’école de magie, la Tour Tempête et ses laboratoires de sorciers ou le grand dôme de l’Opéra des Lys et sa verrière enchantée où se tenaient les plus prestigieuses représentations.

La Radieuse fut la première chose qu’elle avait aperçu. La rivière était aussi belle que dans son souvenir. Elle s’étendait à travers la capitale comme un immense serpent surmonté de ponts de pierre où l’on se croisait au chant de quelques ondines facétieuses.

Ce fut avec une certaine émotion qu’Eliabelle se rendit compte que la ville avait changé. Elle s’était quelque peu agrandie depuis sa dernière visite, s’étendant comme une tache d’encre sur du papier buvard. De nouveaux bâtiments avaient vu le jour, comme cette tour qu’elle voyait s’élever non loin de la gare. Ses aiguilles étaient entourés d’enchantements donnant l’illusion d’aurores boréales et d’arc-en-ciel mouvant au gré des vents.

Il y avait aussi cette curiosité à flanc de colline au nord de la ville et qui prenait la forme d’un galion qui se serait échoué sur terre. Une coupole de verre surmontait la dunette alors que les voiles avaient été remplacé par des tentures de dentelles. Des drapeaux aux couleurs du ciel arborait ce qui ressemblait fort à une sirène entourée de perle. Ellie songea qu’il devait s’agir d’un nouveau restaurant ou peut-être un hôtel. La vitesse du train ne lui permit pas de bien y regarder, mais il lui semblait avoir vu des terrasses où bavardait quelques foules élégamment habillées.

Ce doit être un nouvel établissement à la mode, se dit-elle. Les gens de la capitale lui avaient toujours donné l’impression d’avoir de drôles de goûts.

En s’en détournant, Eliabelle se demanda à quoi ressemblait son ancien quartier, si les saules-chanteurs qui en bordaient la grande allée étaient toujours là et si les fées y dansaient encore les soirs d’été.

Mais, à mesure que le train progressait, la jeune femme sentit croitre en elle une sourde appréhension. Pas exactement de l’angoisse, ni vraiment de l’impatience, plutôt un vague à l’âme étourdissant qui faisait s’accélérer son cœur et rendre moite les paumes de ses mains. Elle triturait sans y penser le satin de sa jupe, la froissant un peu plus à chaque torsion.

Des images lui revenaient, lointains souvenirs aussi merveilleux que brouillés par le temps. Un subtil mélange du vert des parcs qui bordaient sa maison, de l’or des lanternes aux jours de fêtes et du bleu des yeux de sa mère alors qu’elle lui lisait ces contes fabuleux où tout se terminait toujours bien. Elle se souvenait de sa voix lorsqu’elle chantait avec les fées. Elle se souvenait de son rire, si clair et plein de joie, le genre qui faisait pétiller les yeux et vibrer les cœurs.

Elle se souvenait aussi du silence d’une maison vide. Des cris qui l’avaient peuplé. De l’orage qui avait grondé.

Et au milieu de ces visions, son reflet sur la vitre de la cabine qui lui renvoyait ce sourire énigmatique qu’elle arborait parfois lorsqu’elle s’égarait dans ses pensées et ce regard débordant de nostalgie. Oui, songea-t-elle alors que le train cahotait sur l’un des ponts qui enjambait la Radieuse, cela fait bien longtemps.

— Ellie, regarde ! s’enthousiasma sa cousine en se penchant sur elle. On voit les tours du château !

Eliabelle sourit. Le Palais de Littlerock se dressait au cœur de la capitale comme un maitre sur son domaine. D’ici on voyait les éclats d’or qui marbraient la pierre et décoraient les rebords de fenêtre. Ellie devina même quelques-uns des vitraux qui surplombait la salle du trône. Elle ne les avait jamais approchés d’assez près pour en discerner les dessins, mais elle se souvenait avoir longtemps admiré leurs couleurs chatoyantes étinceler dans le coucher.

— Anabeth, veux-tu bien te tenir, je te prie ? la réprimanda sa mère sur la banquette d’en face. Nous allons bientôt arriver.

Mais son ton était si doux et son regard si étincelant d’impatience que personne n’y crut vraiment. Anabeth obtempéra, cependant, reprenant la contenance d’une demoiselle bien éduquée. Mais elle ne tint guère longtemps avant de se pencher de nouveau sur sa cousine pour mieux admirer la capitale se rapprocher.

L’émerveillement dans son regard amusa Ellie alors que le train retrouvait la terre ferme. Les enfants Deering avaient passé toute leur vie à l’abri de l’agitation de la grande ville dans leur petit domaine de campagne où préférait se réfugier leur père. Le vicomte Deering n’avait jamais été homme de la ville. Il s’était même rêvé botaniste avant que la disparition d’un cousin ne le propulse à la tête de Wisteria Hall et ses hectares de terres.

Il aurait certainement pu y rester éternellement si sa fille aînée, Anabeth, ne venait pas de fêter ses dix-sept ans. Elle qui rêvait de découvrir la bonne société de Whitehaven en aurait bientôt pour ses frais car elle s’apprêtait à faire officiellement son entrée dans le monde. Et donc de découvrir que l’on n’était pas tous aussi abordable et bienveillant que sa famille.

Ellie avait une vague idée du cirque que représentait la course au mariage pour les bonnes gens, raison pour laquelle elle avait insisté pour accompagner Anabeth et ses parents. Cela les avait malheureusement forcés à prendre avec eux leurs petits derniers qui n’avaient pas manqué de se joindre à la protestation. La vicomtesse, tante Laura, en était en vérité ravie. Elle qui avait passé sa jeunesse à Whitehaven avant de rencontrer son époux, avait longtemps nourrie le désir d’y emporter sa couvée pour leur faire découvrir autre chose que la campagne désertique dans laquelle ils avaient grandi.

Le problème était que ces garnements n’avaient cessé de chahuter depuis le départ. Seule la petite Sofia, tout juste âgée de quatre ans, avait trouvé le temps de faire une longue sieste alors que ses aînés, Hyacinthe et Nicolas, s’étaient fait un devoir de courir partout dans leur cabine privée jusqu’à même renverser un joli vase de porcelaine tout juste une heure après que le train se soit mis en branle.

Oncle Phineas en avait été mortifié. Mais lui et tante Laura eurent beau s’esquinter à leur demander de se calmer, aucun n’écouta.

Ellie avait déjà dû les séparer par trois fois et avait fini par les menacer tous les deux de les priver de dessert pendant la totalité de leur séjour. Cela avait marché. Pendant trois heures. Avant que Nicolas ne trouve de bon ton de tirer une nouvelle fois sur les jolis rubans de sa sœur, forçant Eliabelle à la recoiffer pour la cinquième fois.

— Est-ce également ta première fois ? demanda Annabeth en se tournant vers elle, des étoiles dans les yeux.

La jeune femme sentit son cœur se serrer. Une sombre soirée pluvieuse éclata dans sa mémoire. Un sourire triste puis des pas qui s’éloignent. Elle les refoula d’un battement de cils.

— La seconde, répondit-elle très sereinement en attrapant le jeune Nicolas par le col alors qu’il s’apprêtait à se jeter sur sa cadette qui lui tirait la langue. Il me semble avoir vécu un moment à Willow Lane.

— Comment était-ce ? voulut-elle savoir et le garnement qu’elle retenait cessa de se débattre pour l’écouter.

Il était amusant de constater qu’en dehors des menaces, l’une des rares choses capables de calmer ces deux diablotins étaient les histoires d’Eliabelle. Que ce soient des contes de fée ou de vieux souvenirs. Lorsqu’elle parlait, on l’écoutait.

— Vert, s’amusa-t-elle au therme d’interminables secondes de réflexion. Très vert. Les rues sont bordées de saules si haut qu’ils rivalisent avec certaines demeures. C’est le quartier qui borde la Radieuse, regarde, ajouta-t-elle en pointant un coin de verdure eu peu à l’écart du centre-ville.

Anabeth, comme les jumeaux, se penchèrent pour mieux voir. Le train passa si proche qu’on aperçut des gens arpenter la promenade. Les élégantes avaient sorti leurs plus belles ombrelles alors que les messieurs arboraient de fiers hauts-de-forme. La plupart étaient bariolés de tant de fioritures qu’il devenait presque difficile de reconnaitre le couvre-chef.

La mode est si changeante ici, se rappela-t-elle soudain avec amusement alors qu’ils dépassaient le quartier. Dans sa jeunesse, elle se souvenait que les plumes avaient été très populaire. Aujourd’hui il semblait que le corail et les perles les aient remplacés.

À côté d’elle, Anabeth s’assombrit quelque peu.

— Cela te manque-t-il ? demanda-t-elle doucement.

— Pas vraiment, avoua-t-elle en faisant s’assoir les jumeaux de part et d’autre d’elles. C’est un beau quartier, mais les souvenirs que j’y garde sont… mitigés.

Il y avait des ombres dans son regard alors qu’il se posait sur les avant-bras de sa cousine. Eliabelle les couvrit par réflexe bien que ses manches camouflent à merveille les marques qui y reposaient.

— Je t’emmènerai si tu veux, dit-elle pour faire diversion. Holly Grove House n’est plus mon foyer, mais le petit parc qui borde la rivière vaut la peine d’être visiter. Sans parler de l’allée principale. Il me semble que beaucoup de voyageurs passent par la capitale seulement pour en admirer les saules-chanteurs.

— Est-ce vrai que des fées y vivent ? demanda la petite Hyacinthe.

— Et des lutins ? enchaina Nicolas avec intérêt.

— Pour les lutins, je l’ignore, avoua Eliabelle en faisant mine de réfléchir. Mais je me souviens avoir vu des fées batifoler près des arbres. Les soirs d’été elles baignent l’allée d’or et de musique.

— Pourra-t-on allez voir ? demanda Anabeth avec un enthousiasme renouvelé.

— Il faudra le demander à vos parents, sourit Ellie en se tournant vers les concernés qui avaient gardé le silence jusque-là.

Les enfants suivirent son regard et l’oncle Phineas se renfrogna davantage. Il n’avait fait que s’enfoncer un peu plus dans son fauteuil depuis leur départ et refusait obstinément de piper mot. Si bien qu’à force de serrer les lèvres, sa jolie moustache dorée avait l’air d’une grosse ligne touffue lui barrant la face. Les bras obstinément croisés sur un embonpoint qu’il nourrissait avec amour, il essaya de les fusiller du regard, mais le résultat fut plus proche de la supplique que de la négation féroce.

Ellie eut un peu de peine pour lui. L’oncle Phineas rechignait déjà tellement de devoir rester une petite semaine pour les festivités des Lumières et les grandes réunions de Lords, devoir passer plus d’un mois dans une ville qu’il n’aimait guère devait lui sembler la pire des punitions.

À côté de lui, tante Laura s’illumina tout à fait. Ses prunelles brunes étincelèrent comme une nuit étoilée alors qu’un fin sourire étirait ses lèvres. Un sourire mesuré qui n’avait, Ellie en était certaine, rien à voir avec la joie qu’elle devait ressentir intérieurement.

— C’est une délicieuse idée, Anabeth, approuva-t-elle d’un vif hochement de tête. Nous pourrions y aller pour le festival des Lumières ? Il me semble que les festivités commencent généralement à Willow Lane.

Anabeth et les jumeaux exultèrent. Même la petite Sofia, qui n’avait pas vraiment suivi la conversation obnubilée qu’elle était par le pendentif de sa mère, parut impatiente d’y être.

Seul leur père parut se rembrunir un peu plus. En fait, à y regarder de plus près, Ellie fut certaine de lui découvrir une grimace. Une vraie grimace. Le genre que Nicolas faisait lorsqu’il rechignait à manger ses carottes. Ou lorsque Sofia ne voulait pas faire de sieste.

— Ne pourrait-on pas simplement profiter du bal de Sa Majesté et rentrer ?

Puis, se tournant vers son épouse qui essayait d’empêcher Sofia de grignoter son pendentif de nacre, il ajouta d’une voix suppliante un peu pitoyable :

— Ma mie, tu sais que je n’aime pas les foules.

Eliabelle se mordit les joues pour s’empêcher de sourire.

— Il te suffira de rester bien tranquillement à la maison, lui répondit malicieusement tante Laura. Il y a trop longtemps que je n’ai pas participé aux fêtes des Lumières, il est hors de question que je manque cette occasion !

Il en eut l’air si outragé que les jumeaux ne purent retenir un rire.

On l’entendit grommeler quelques mots inintelligibles avant qu’il ne cède. Ellie et Anabeth se jetèrent un regard entendu – face à tante Laura, il ne pouvait rien – avant que leur attention ne soit de nouveau happée par le paysage.

Au fond, Ellie était reconnaissante à son oncle d’être si casanier. La vie à la campagne lui était plus douce que les quelques années passées à la capitale. Les cauchemars de cette époque lui revenaient encore aujourd’hui, si bien qu’en voyant la gare se profiler, l’appréhension lui noua les entrailles. Et si…

Non, se dit-elle pour se rassurer. Non, il ne peut pas me trouver. Et même s’il le pouvait, il ne saurait me reconnaitre.

Le train commença à ralentir. Un sourire amer lui monta. Oui, songea-t-elle sombrement en regardant les quais approcher, même s’il le voulait, il ne me reconnaitrait pas. Pour cela, il aurait fallu qu’il s’intéresse au moins un peu à moi.

— Nous arrivons, sourit tante Laura, arrachant Eliabelle à ses sombres pensées.

Elle était déjà debout, la petite Sofia dans les bras lorsqu’Ellie releva les yeux sur la fenêtre. De l’autre côté d’étendaient les vastes quais d’une gare bondée de voyageurs. Leur brouha lui parvenait assourdi mais vibrant d’une telle énergie qu’elle s’en sentit vivifiée.

— Allons-y, dépêchons ! commanda la vicomtesse en guidant ses enfants.

L’oncle Phineas s’entretenait déjà avec leurs valets qui récupéraient leurs bagages.

— Tu viens ? l’invita gentiment Anabeth.

Ellie lui sourit avant de prendre la main qu’elle lui tendait.

— Oui, allons-y.

Et en parcourant les corridors du train, Eliabelle ne cessa de se répéter qu’elle était en sécurité, que personne ne pourrait plus jamais l’atteindre et que dans peu de temps, elle retrouverait la quiétude de Wisteria Hall.

Tout irait bien.

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Malophélie
Posté le 04/09/2025
Bonjour,

Je me suis lancée dans ton premier chapitre et j'ai mordu à l'hameçon ! J'aime beaucoup l'univers que tu mets en place avec des descriptions ni trop courtes ni trop longues, le vocabulaire utilisé rend la lecture agréable également. J'ai envie de savoir pourquoi elle vit avec son oncle et sa tante et qui est le mystérieux personnage qu'elle craint tant !
Dentipes
Posté le 30/08/2025
Franchement, j’ai bien aimé ce début. Tu arrives à poser une ambiance très rapidement, avec des descriptions riches qui font bien vivre la capitale. On sent tes inspirations (ce n'est pas un défaut en soi !), ça se lit avec fluidité et on imagine facilement les décors et les personnages.

J’ai trouvé sympa aussi la dynamique entre les enfants et Eliabelle, ça donne un côté vivant, presque familial, qui contraste bien avec les souvenirs plus sombres qu’elle traîne. Ça donne envie de découvrir ce qu’elle a vécu, et surtout de voir comment son passé va se mêler à ce retour à la capitale.

Je sais que certaines personnes n'aime pas les descriptions longues mais ce n'est pas mon cas ! Je trouve ça agréable à lire, on sent que tu veux créer un univers détaillé et cosy, et ça fonctionne bien.

En tout cas, c’est un super départ qui met en place les personnages et l’ambiance. J’ai envie de voir où ça va mener. Bravo pour ce premier chapitre !
Lunatique16
Posté le 01/09/2025
Coucou et merci pour ton commentaire ! ^^
Je suis contente de voir que ce premier chapitre t'ait plu, j'espère que la suite sera à la hauteur

À bientôt ! :)
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