Cher journal,
J’ai de moins en moins de temps libre, cher journal. Cela fait bientôt deux ans que j’ai intégré la SS et mes nouvelles responsabilités en tant que Rottenführer ne me permettent plus d’écrire aussi souvent que je le souhaiterais.
Bien que je sois encore jeune, j’ai pu démontrer lors des différentes épreuves qui m’ont été imposées que j’avais les capacités mentales et physiques pour cette fonction. Je dirige depuis trois mois une petite équipe de sept hommes ici à Koblenz et nous avons pour mission de monter la garde le long des berges du Rhin.
Lors de notre arrivée dans la ville, nous avons défilé fièrement sous les applaudissements de la population et je suis ravi de voir que les Allemands comprennent qu’il est grand temps pour notre pays de retrouver notre fierté perdue avec le traité de Versailles.
Il se dit que les Français et les Anglais ne sont pas contents. Mais eux, ils ne vivent pas avec la honte qui est celle de notre pays depuis la défaite de 1918.
Je dois te confier, cher journal, que je n’étais pas très confiant en arrivant ici. Je redoutais une intervention militaire de la France toute proche. Si cela avait été le cas, nous aurions été obligés de quitter la ville car nous ne sommes pas prêts pour nous engager dans un conflit armé. Je ne cesse d’ailleurs de le signaler à nos officiers et cela a fini par porter ses fruits. Dès le mois prochain, les entraînements seront plus nombreux et plus intensifs.
J’écris régulièrement des lettres à Christa. Comme prévu, nous nous sommes fiancés l’année dernière pour la plus grande joie de nos pères. Un peu avant mon départ, Christa a débuté ses premiers stages dans un hôpital de Berlin. Je me suis assuré auprès de sa responsable qu’elle reste bien là-bas car je refuse qu’elle travaille pour la Croix-Rouge allemande qui dépend de la Wehrmacht. Un ami m’a dit qu’en temps de guerre, leurs infirmières peuvent être mobilisées comme n’importe quel soldat et il n’en est pas question. Si j’approuve sa vocation, je lui ai rappelé qu’elle sera appelée à tenir notre maison et à élever nos futurs enfants. Grâce aux relations de mon père, j’ai pu obtenir la garantie que jamais Christa ne sera envoyée sur le front si une guerre devait se produire un jour.
Otto, l’un de mes plus proches amis, qui envisage comme moi une carrière d’officier m’a dit que nous allons sans doute devoir nous rendre à Dachau si nous voulons atteindre le grade d’Unterscharführer, le premier grade de sous-officier. Je dois encore y réfléchir car garder des prisonniers à longueur de journée, cela ne m’intéresse pas et cela doit sans doute être terriblement ennuyeux. Non, moi je veux rester sur le terrain.
Je pense qu’il y a assez de travail pour nous ici à Koblenz et je compte bien faire mes preuves en m’investissant corps et âme pour notre pays.
Je n’ai plus de nouvelles de papa depuis trois semaines. Je sais qu’il y a eu des ennuis avec la distribution du courrier, j’espère qu’il ne lui est rien arrivé de grave.
Werner