10 · Les Trois

  Charlotte marchait depuis déjà plusieurs heures. Ses pieds s'enfonçant dans le sable à chacun de ses pas l'épuisait, et elle avait l'impression de ne jamais avancer. Enfin, elle finit par voir les Trois, statues si célèbres, et pas forcément dans le bon sens. En effet, elles étaient connues pour avoir causer la mort de toutes les personnes s'en étant approchées, sauf une qui avait miraculeusement survécu, on ne sait comment. Charlotte, aventurière et surtout pas superstitieuse, avait voulu voir de ses propres yeux ces Trois, très sceptique quant à leur réputation.

  La jeune femme fut d'abord ébahie devant la hauteur et la magnificence de ces statues. En avançant encore un peu, elle put distinguer les détails qui ornaient les pierres, partout. Elle félicita en murmurant, inutilement bien sûr, le ou les architectes. Un silence de mort - sans mauvais jeu de mot - régnait sur le paysage. Il n'y avait pas âme qui vive.

  Ces deux constatations furent vite détrompées lorsque Charlotte s'approcha encore des Trois. Comme si elle avait appuyé sur un bouton, ou passé devant un détecteur de mouvement, les statues parurent s'animer. De celle de gauche s'échappèrent nombre d'oiseaux multicolores. Un serpent, se faufila hors de la "bouche" de la statue centrale, tandis qu'un poignard aiguisé glissa hors de celle du dernier monument. Charlotte sembla entendre un crissement très désagréable à cet instant mais ne put en être certaine, à cause du pépiement de tous les oiseaux volant autour d'elle et des Trois. Elle détourna ses yeux de la lame, éblouie par la lumière du soleil qui se reflétait dedans.

  Charlotte supposa donc, au vu de la légende, que si elle voulait s'approcher des statues sans en mourir, il fallait qu'elle choisisse celle qui était la moins susceptible de la tuer. Elle les observa attentivement, en pleine réflexion. 

  Elle n'aurait su dire quelle était l'espèce du serpent, mais il lui paraissait vraisemblablement venimeux. Elle ne s'attarda pas longtemps sur le poignard, et décida donc que les oiseaux devaient sans doute être l'option qui a réussi à sauver l'unique survivant de la légende ; c'était du moins ce qui lui semblait le plus logique et inoffensif.

  Sitôt son choix fait, elle se sentit irrémédiablement attirée par la statue aux oiseaux. Elle essaya de lutter, mais sa volonté ne fit pas le poids, et une force inconnue la poussa à s'approcher encore de la pierre, jusqu'à sa base. Là, Charlotte ne sut que faire. Cette attraction qui l'avait menée jusqu'au bas de la statue se manifesta à nouveau, et la fit s'asseoir sans qu'elle n'eût rien décidé. Etrangement, une fois au sol, la jeune femme sentit qu'elle avait fait le bon choix - bien qu'elle n'eût rien choisi et dirigé.

  Recouvrant ses esprits, Charlotte leva les yeux vers le ballet incessant et majestueux des oiseaux, bouche entrouverte de stupeur. Certains se déplaçaient si vite qu'elle ne distinguait rien d'autre que des trainées multicolores sur le fond bleu du ciel ; d'autres volaient près d'elle, allant jusqu'à la frôler.

  Et au moment où elle pensa qu'elle avait survécu, une fiente d'oiseau lui atterit dans la bouche, et Charlotte s'étouffa. Sans personne pour la sauver, la jeune femme finit par mourir...

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  Peu de temps après ce tragique - et incongru - décès, une silhouette bougea non loin. Un jeune homme, immobile au pied d'une statue, secoua la tête, et reprit le contrôle de son corps. Il s'éloigna précipitamment du monument de pierre, se déclarant ainsi le second survivant des Trois.

  En effet, cette statue qu'il avait observée n'avait libéré ni oiseaux, ni poignard, ni serpent. Le jeune homme avait eu tout simplement, comme son prédécesseur, l'idée de ne pas s'arrêter à ce qu'ils voyaient tous de la route, et de contourner les Trois...