Aujourd’hui est un grand jour pour ma famille. Nous célébrons en effet mes fiançailles avec Léa, la fille du meilleur ami de mon père. Je devrais être heureux, mais je ne le suis pas. Je n’ai jamais été amoureux de ma fiancée. Si je l’ai choisie c’est pour me conforter aux souhaits de mes parents et de mes grands-parents.
J’ai été éduqué avec certains principes : je devais m’instruire, certes, mais l’enseignement que j’ai reçu comportait également une part éthique afin de me transmettre certaines valeurs comme le respect, l’ouverture à autrui et la bienveillance. Mon père ne supportait pas la fainéantise, je devais être le meilleur même si je ne pouvais aller à l’école en raison de ma santé fragile. Etant l’aîné, mes parents avaient mis au point une stratégie matrimoniale soigneusement préparée avec l’accord du restant de ma famille. Il y avait donc des règles et bien entendu, des interdits. Afin de garder un certain prestige, ma future épouse devait appartenir à une certaine classe sociale et je ne pouvais fréquenter des filles moins aisées ou n’appartenant pas à notre cercle d’amis.
Très vite, je me suis senti étouffé par les attentes de mes proches. Mais cela n’était rien en comparaison avec le lourd secret que je dissimule depuis quelques années. Vers l’âge de quinze ans, je me suis rendu compte que les filles me laissaient indifférents. Pire, je n’étais pas insensible au charme du fils de nos voisins alors même que mon père qualifiait d’abomination tout homme se rendant coupable d’une relation avec un autre homme. Et comme cela ne suffisait pas, à l’époque nous étions en 1934, les discriminations à l’égard des personnes de confession juive ne cessaient de se multiplier.
Mon père avait alors opté pour une solution radicale : nous avions quitté Hambourg, avec plusieurs autres familles, pour nous installer au centre-ville de Munich sous une fausse identité. Il espérait ainsi pouvoir continuer à vivre en toute tranquillité. Mais la situation avait empiré. Peu après l’invasion de la Pologne par l’armée allemande, ma mère avait souhaité fuir le pays mais mon père avait refusé. Il voulait combattre le régime d’Hitler. Avec mon frère Yakim, nous avions choisi de suivre son exemple.
Puis, nous avions appris que de nombreux Juifs étaient emprisonnés non loin de Munich, à Dachau plus précisément. Le groupe d’opposants auquel nous appartenions décida alors de monter une grande opération afin de libérer le plus possible de prisonniers de cet endroit. Il n’était cependant pas question d’agir dans la précipitation. Tout fut soigneusement élaboré, les tâches réparties selon les aptitudes de chacun et je fus chargé de me renseigner sur divers officiers et sous-officiers en fonction sur place. En effet, il était hautement improbable que nous réussissions sans la moindre complicité intérieure. Selon mon père, certains soldats étaient prêts à tout en échange d’une importante somme d’argent.
Je passais donc mes journées à la recherche du moindre renseignement au sujet de ces hommes. J’avais établi une hiérarchie, me concentrant sur ceux que nous pourrions manipuler aisément. Au fil des semaines, il ne me restait que trois possibilités. J’étais prêt à communiquer mon choix à mon père lorsque j’avais découvert des faits intéressants au sujet d’un certain Werner Von Neurath. Plus j’avançais dans mes découvertes, plus j’étais convaincu que nous détenions là une cible idéale.
Il y a quelques jours, nous avons mis un point final à notre préparation. Le mois prochain, nous passerons à l’action, enfin ! Mais aujourd’hui, je dois oublier durant quelques heures mes activités secrètes pour me concentrer sur la fête en l’honneur de mon engagement envers Léa. Debout dans un coin de notre salon, je l’observe discuter avec ma mère. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’elles s’entendront à merveille mais comment pourrais-je assumer mes devoirs conjugaux alors que je ne ressens rien pour elle ?
Un bras posé sur mon épaule me fait tressaillir. Je me retourne pour découvrir le regard tendu et livide de mon père. Il m’entraîne dans son bureau sans que personne ne s’en aperçoive et se prend la tête entre les mains.
Inquiet, je murmure :
— Père ? Père, que se passe-t-il ?
— Ils savent Calev. Je ne sais comment mais ils savent. Nous devons fuir. Maintenant !
— Mais, et nos invités ? Et Léa ?
— Un ami va se charger de les faire quitter la ville et de les mettre à l’abri. Nous…il faut faire disparaître toute trace de nos activités. Prends ces papiers et brûle-les sans attendre !
Je m’empare des documents et m’approche de la cheminée sans discuter. Mon père s’agenouille alors devant la bibliothèque et, avec stupeur, je le vois retirer plusieurs armes d’une petite cache dissimulée derrière une rangée de livres. Il m’indique que la maison est truffée de planques similaires et qu’il doit impérativement liquider leur contenu. Il m’apporte deux nouvelles piles de feuillets à brûler avant de me laisser seul dans la pièce.
Je savais qu’à tout moment nous pouvions être découvert mais ce n’est que maintenant que je réalise ce qui m’attend si j’ai le malheur d’être arrêté. Dans le meilleur des cas, je serai envoyé en prison. Je préfère ne pas envisager les autres options. Mais pour le moment, je dois surtout aider mon père.
Fasciné, je regarde le papier se consumer sous l’attaque des flammes. Je ne regrette pas mon choix de vie, je ne regrette pas d’avoir choisi la voie de la rébellion. J’ai toujours suivi mon instinct, je connaissais les risques.
Dans la maison, j’entends des cris, des gens qui courent, des portes qui claquent. Je sors du bureau et tombe nez à nez avec mon frère.
— Yakim, que se passe-t-il ?
— Ils arrivent ! On doit déguerpir d’ici et vite !
Il m’entraîne à l’arrière de la maison, dans le jardin. J’y retrouve mon père et deux de mes oncles. Nous nous faufilons dans un trou de la haie et nous nous retrouvons sur une petite place vide. Je me rappelle des consignes que mon père nous avait donné si nous étions confrontés à pareil cas. Je pars donc vers la gauche sans m’occuper de personne et je tâche de marcher normalement. Mais j’ai à peine fait quelques pas que des hurlements retentissent dans mon dos. Je m’immobilise et me retourne avec lenteur, obéissant aux injonctions d’une dizaine de membres de la Gestapo. Je croise alors le regard de mon père : nous savons tous les deux que nous allons être soumis à de rudes interrogatoires. Je me demande alors qui nous a trahi et les informations dont disposent les membres de la police du Reich.
Effectivement, ce premier chapitre ressemble plus à un chapitre 2
Ça manque de contextualisation et peut être de caractérisation des personnages : genre à quoi ressemble Calev ?
D'ailleurs, tu verrais comment tout ce qui est présentation de la famille, de Léa, du passé de Calev tout ça ? un chapitre ça me semble court non ?