La douleur était morte. Elle n'avait pas duré longtemps. Juste le temps d'une pensée.
Neyol se sentait si bien.
Finalement même violente, la mort était douce.
Ses souvenirs se limitaient aux sorcières qui le dévoraient puis cette lumière vive, douloureuse, et ces cris de souffrance qui avaient explosé dans l'air et s'étaient dispersés peu à peu comme des feuilles mortes emportés par le vent.
Mais à cet instant, tout cela n'avait plus d'importance.
Il était si détendu.
Cette mort tant redoutée, il se surprit à l'apprécier.
— Neyol!
Il connaissait cette voix.
— Alina?
Une main, délicate, se posa sur son front.
— Tu es morte toi aussi?
— Tu n'es pas mort Neyol. Tu es sur ton bateau.
Neyol ouvrit les yeux, une lampe tempête se balançait au dessus de lui. Le vent sifflait à l'extérieur et la pluie tambourinait son navire.
Il se releva brusquement.
— Mais les sorcières?
— Quelles sorcières?
— Celles qui étaient au berceau.
— Au berceau?
— Ne te moques pas de moi. Tu m'as emmené dans l'endroit où tu es née.
— Tu n'as pas bougé d'ici Neyol. Tu t'es évanoui soudainement et tu es resté endormi pendant plusieurs heures.
— Tu mens sorcière!
Alina leva les mains.
— Tu as du faire une poussée de fièvre.
—Tu m'as dis que ma mère était une sorcière.
— Ta mère? je ne l'ai jamais connu.
— C'était si réel! Je sens encore le froid sur ma peau et les...Attend une seconde.
Neyol souleva ses bas de pantalon. Sur ses tibias, des traces de dents toutes fraîches. Le sang coulaient encore de la blessure..
— Et ça je l'ai imaginé?
Alina baissa les yeux et sourit.
— Si une sorcière ne peut plus plaisanter.
Le capitaine se mordit la langue.
— Je vais te découper en plusieurs morceaux sorcière.
— Mais non tu ne le feras pas.
— Donne moi une bonne raison après le cauchemar que tu viens de me faire vivre.
— Tu m'aimes bien.
Neyol se mit à rire brièvement puis s'énerva.
— Tu m'as annoncé que j'étais le fils d'une sorcière et j'ai failli me faire dévorer par des mortes-vivantes. Pourquoi m'avoir laissé là-bas?!
— J'ai eu un problème pressant à gérer.
— Plus pressant que se faire dévorer par une meute de sorcières qui sentaient la mort?
— Désolé Neyol j'avais perdu la tête.
— Moi aussi et bien plus. Je me croyais mort!
— Avant de me jeter par dessus bord, écoute ce que j'ai à dire.
Les dents serrées, le pirate contenait sa colère.
— Je t'ai assez écouté.
— Et si je te dis trésor?
Les yeux de Neyol s'illuminèrent.
— Il y a un mot dans ce monde qui amène la même lumière dans les yeux de tout pirate. Tu viens de le prononcer.
Alina sourit.
— Je sais.
Crilone se détendit et regarda Alina dans les yeux.
— Dis moi.
— Il existe un endroit aussi secret que le plus secret des secrets. On me l'a murmuré et je ne l'ai plus jamais oublié.
— Parmi toute la vermine pirate qui pollue ces mers, pourquoi moi?
— Je t'aime bien.
— A d'autres!
— C'est vrai je t'aime bien et, elle hésita, ta mère est celle qui m'a donné ce secret.
— Avec tes pouvoirs de sorcière pourquoi ne pas l'avoir cherché toute seule?
Alina leva les yeux.
— Seule, même pour une sorcière c'est impossible. J'ai besoin du meilleur pour le trésor le plus fabuleux sur cette terre.
Neyol ricana.
— Je suis sûr que tu sais que j'aime que l'on me flatte. Et le pire c'est que ça marche. Ce trésor c'est quoi? C'est pas un truc à la mords-moi le nœud de chaise.
Il prit une voix solennel.
—Genre le plus beau trésor est celui que tu as dans ton cœur. Parce que si c'est ça, ton cœur je l'arrache de mes mains.
Il joignit le geste à la parole en serrant les doigts dans le vide.
— Ta mère était une amie. Je t'ai connu quand tu étais enfant. Tu as toujours ce même regard, frondeur mais tellement bon. Jamais je ne te mentirai.
— Tu viens pourtant de le faire il y a quelques minutes.
— Je blaguais Neyol.
— M'as tu vu rire?
— Je ne t'aurais jamais laissé entre leurs mains.
— D'ailleurs je croyais que les sorcières n'étaient pas mauvaises? Encore un mensonge?!
— Qui t'a dit que c'était des sorcières?
— Cheveux longs, crasseuses, moches, doigts aux ongles taillés pour trancher.
— Mon portrait craché!
Neyol attendit un instant avant de répondre.
— En effet sauf les ongles.
Alina eut un sourire contrit.
Un silence gênant s'installa le temps d'une bourrasque.
— Bon maintenant que l'on a réglé tous ces petits problèmes. On fait comment? Tu as une carte?
La sorcière pointa du doigt son crâne.
— Tout est là.
— Et bien on n'est pas dans la merde.