La lune dominait à présent le ciel, sa lumière faisait briller le masque blanc sur sa poutre pendant que Noé et Iris rentraient chez eux en canoë. Il semblait les ignorer, souvenir d'une idée grotesque, mais ayant existé à une époque.
Le silence de la nuit était parfois troublé par les poissons qui sautait hors de l'eau. La petite fille les salua et observa la surface de la mer. Des planctons fluorescents laissaient une traînée lumineuse derrière l'embarcation, puis ils s'éteignaient.
Une fois arrivé, le vieil homme prit dans ses bras les masques qu'ils allaient accrocher le lendemain, tandis que la fillette enleva le sien et l'accrocha à la porte d'entrée. Ils se couchèrent dans leur lit respectif, se souhaitèrent la bonne nuit et éteignirent leur bougie. Seule la lueur de la lune existait à présent.
« Grand Père, es-tu heureux ? »
« Je suis heureux Iris. Pourquoi cette question ? »
« Parce que tu vis dans une prison dont tu es le propre gardien. As-tu vraiment envie de rester dans cette ville fantôme ? »
« Dans la vie, le choix ne nous appartient pas. C'est mon devoir de faire vivre cette cité et la mémoire de ses habitants. »
« La mémoire se partage avant de mourir. Le souvenir vit s'il existe encore chez les vivants. Toi, tu vis avec des morts ou des chimères, alors qu'il y a un futur qui t'attend, autre part. »
« … Et toi Iris ? Que vas-tu devenir si je pars ? »
« Je ne cesserai pas d'exister. Je m'endormirai et je vivrai avec des poissons dans mes rêves. Ne t'inquiète pas Grand Père, je ne disparaîtrai pas tant qu'on parlera de moi. »
« … Tu continueras à faire des masques ? »
« Ma foi, peut être ! Vous avez des activités étranges, vous les humains. Mais bon, qui suis-je pour juger ? C'est vrai... Qui suis-je après tout ? … Qui suis-je ?... »