11 : L'erreur de l'ivresse

Par Eurys
Notes de l’auteur : Bon. Vous savez quand dans une histoire il y'à le point qu'on attend, le nœud, plein de tension, ou on s'ecrit : ENFIN ! Certains d'entre vous vont crier "enfin". Pour ceux qui n'aiment pas la tournure que ça prend, je ne peux que vous conseiller d'attendre les deux prochains chapitres et vous décider a ce moment. En attendant, bonne lecture !

Comme à l'accoutumé, l'Abreuvoir puait l'alcool, la fumée et autres senteurs plus ou moins indescriptibles. Mais le lieu avait l'avantage de dégager une chaleur qui était bienvenue en ce temps maussade. Ils se frayèrent un chemin, rejoignant une table ronde assez grande pour eux cinq. Jean, le tavernier qui les connaissait, leur fit rapidement porter une première bouteille.

« Cette fois, vous allez finir ivre, Lacroix », dit Athos en remplissant les chopes.

« Je préférerais éviter », répliqua le principal concerné.

« Allons ce n'est pas une véritable beuverie sans une gueule de bois le lendemain », le sermonna Porthos. Vous n'y échapperez pas.

« À la santé de notre nouveau compagnon ! » s'écria Aramis.

Les quatre autres levèrent leurs verres ; Armand bu, le sourire aux lèvres. Il était heureux de cette attention, bien qu'il n'en montrât rien.

« Parlez-nous donc un peu de vous ; nous ne savons fichtrement rien », demanda soudainement D'Artagnan.

Cela devait faire une heure qu'ils buvaient et mangeaient. Ils avaient décidé de célébrer l'événement comme il se doit. Le tavernier leur apportait ses meilleures bouteilles ainsi que du fromage et un pâté du déjeuner. Armand avait bu, beaucoup plus qu'à l'accoutumé. Il commençait à ressentir les effets de l'alcool dans son sang, remonter dans sa tête qu'il rendait cotonneuse, brûler ses joues, délier sa langue. Il n'avait jamais autant bu de sa vie et l'effet bien qu'étrange lui plaisait. La question de d'Artagnan était le genre qu'il évitait, il y répondait sommairement, puis enchaînait sur autre chose. Ses amis n'ont pas dû s'y tromper et bien comprendre son esquive, et ils ne cherchaient pas à y revenir ensuite, laissant du temps. Mais étrangement cette fois ci il avait envie de se confier un tant soit peu. Il en savait plus sur ses compagnons qu'eux ne savaient de lui ! Il connaissait la dure enfance de Porthos, le secret inavouable d'Aramis à savoir son écart avec la reine, et une partie du passé brumeux d'Athos. De lui ils ne savaient rien, si ce n'était qu'il était originaire du nord, et encore.

Il pouvait bien tenter d'apporter des réponses, il suffirait, pour le reste d'omettre ou modifier certains éléments.

« Et bien, que voulez-vous savoir ? »

Ses quatre amis le regardèrent les yeux plus ou moins écarquillés ; même Athos releva le nez de son vin pour lui lancer un regard étonné.

Il était vrai qu'il répondait généralement par des « Il n'y a rien à savoir » qu'en les poussant à l'interroger. Il vit Porthos sourire, alors que d'Artagnan était plus prit au dépourvu qu'autre chose.

« Quoi ? Je vous en prie posez-moi vos questions », dit-il d'humeur espiègle.

« D'où venez-vous exactement ? commença d'Artagnan.

— Du nord ; d'Artois, plus exactement.

— Et vous êtes de haute noble », dit Aramis. C'était plus une affirmation qu'autre choses, mais il y répondit.

« En effet, mais je pense que ma noblesse importe peu, si ?

— Pourquoi venir chez les mousquetaires ? » intervint abruptement Athos.

« — J'ai un but, pour être franc. Et les mousquetaires étaient ma meilleure chance d'y arriver. Je vous avoue qu'intégrer la garnison n'était qu'un moyen en soit, mais désormais je suis heureux de faire partie de vos compagnons. »

Les questions défièrent et il se dévoila autant qu'il put ; il évitait beaucoup de questions, comme sa famille et ses relations avec Treville. Ses amis parlèrent d'eux également ; il découvrit comment d'Artagnan avait rencontré Constance, en louant une chambre au domicile de son mari, comment peu après sa mort ils avaient fini par s'unir. À mesure qu'ils parlaient, ils buvaient et plus Armand buvait, plus sa conscience commençait à se dissiper sous un épais nuage. Il en arrivait à faire un concours de descente avec Athos, et ses bougres de compagnons le laissaient faire en riant.

« Encore... gagné... » Athos tenait la bouteille d'une main, son verre de l'autre. Armand avait perdu, cinq fois d'affilée et le contenu du cinquième verre menaçait de ressortir d'un moment à l'autre. Face contre la table il n'arriva à emmètre qu'un léger grognement pour répondre à l'homme. Il leva son bras, capitulant, nauséeux. Leurs trois amis encore valides rirent de bon cœur, se moquant d'eux allégrement.

« Je crois que là, il est temps de rentrer, annonça Aramis.

— Au moins Athos a tenu sa parole, Armand est aussi ivre que lui, félicita Porthos.

— Je... ne suis pas ivre, réussi à articuler le jeune homme.

— Oui, oui, vous avez juste un peu trop bu ; ce n'est pas du tout pareil. Allez, on s'en va ! »

Chaque homme paya et  Armand se leva après les autres, une main le supportant sur la table. Il pivota et sentie le sol valdinguer sous ses pieds avant de lâcher prise et tomber. Pourtant il ne heurta rien, ni le sol, ni les meubles. Il n'évita sa chute que grâce aux bras salvateurs du métis qui, voyant son ami tituber se retourna juste à temps pour le rattraper.

« Athos est complètement inconscient de vous faire ainsi boire, maugréât-il. »

Armand, rougissant, tenta de se redresser autant qu'il put, une main accrochée au bras de Porthos. Le contact avec le torse du géant l'avait électrisé, lui rappelant cette mission, au palais du gouverneur. Cet homme lui faisait revivre des sensations qu'il croyait enfuis et disparus depuis longtemps, et surtout qu'il ne pouvait se permettre de ressentir. Il fit un pas pour se dégager mais l'homme le retint, alors qu'il allait basculer une nouvelle fois.

« Je vais vous aider. »

Il passa le bras du plus jeune par-dessus son cou, attrapa sa hanche et tenta de le guider du mieux qu'il put. Dehors, Athos était presque dans le même état, mais lui avait l'habitude de la saoulerie. Ils en étaient à la moitié du chemin quand Armand s'arrêta brusquement. Il le senti se dégager et s'éloigner de quelque pas puis le vit se plier en deux, déversant le contenu de son estomac sur les dalles crasseuses.

Parfait, maintenant ils avaient deux Athos.

Porthos s'approcha, le jeune homme s'était agenouillé en se tenant le ventre, il lui passa une main dans le dos comme soutient et lui replaça ses cheveux qui tombaient devant ses yeux. Après quelques toux Armand se détendit ; les crampes étaient parties, et il se rendait petit à petit compte de la situation. Il se releva prestement.

« Désolé... j'ai vraiment trop bu.

— Ce n'est pas bien grave, répondit le métis d'une voix douce avant de placer à nouveau son bras autour de ses hanches. —Vous pouvez avancer ? »

Il hocha la tête et les deux hommes reprirent leur route. Les trois autres étaient déjà loin ; il leur avait fait signe de reprendre la route avant d'aider leur compagnon.

La nuit avait étendu son voile sombre sur toute la ville, le ciel éteint ; brumeux laissait présager du temps qui sévira ces prochains jours. Un vent froid soufflait déjà alors qu'ils pénétraient dans leur demeure, doucement chauffé par un feu qui venait d'être allumé.

« Tu veux que je t'aide à le monter ? » demanda Aramis.

Il était resté en bas ; Athos était directement parti cuver son vin dans son lit, il ronflait sûrement à l'heure qu'il était.

« Ça ira », murmura Porthos. «Je me charge de lui ; passe une bonne nuit, mon ami.»

Aramis le salua d'un signe de tête et Porthos s'engagea dans l'escalier, supportant le jeune homme aussi bien qu'il le pouvait. Il raffermit sa prise sur son bras passés en travers de son cou et le décollait presque du sol en le tenant par la hanche. Le garçon, à peine lucide, avait le réflexe de marcher mais nul doute qu'il n'aurait jamais tenu seul sur ses deux jambes.

Il ouvrit la porte de sa chambre d'un coup de botte et, avec autant de douceur possible en comptant sa propre fatigue, le déposa sur son lit.

Armand soupira, heureux de ne plus avoir à bouger. Il commença à somnoler sur son oreiller quand il fut réveillé par un mouvement. Porthos avait commencé à délacer ses bottes pour le débarrasser de ses chausses ; il le laissa faire, ne pouvant et n'ayant pas envie de se relever. Il aurait bien dormi avec ses bottes ; il s'en foutait, il voulait juste fermer les yeux et sombrer dans un sommeil réparateur.

« Essayez de vous redresser un peu », murmura Porthos. Il s'était assis à côté de lui et entreprit de le débarrasser de son pourpoint ; le jeune homme cru faire un exploit en arrivant à relever le buste et laissa son ami le délacer et le retirer. Les mains qui frôlèrent ses hanches que quelques secondes le firent frissonner et une rougeur s'installa sur ses joues alors que son pourpoint était déposé sur la chaise.

Porthos lui souhaita une bonne nuit et se retourna quand une main agrippa sa manche.

Armand s'était relevé et n'avait pas réfléchi plus que ça quand il vit le grand noir se diriger vers la porte. Non il ne voulait pas qu'il parte, il voulait le retenir... il voulait autre chose. D'une impulsion, il saisit son habit et le tira à lui, forçant le métis à se rapprocher à nouveau. Il le fit se courber et, avant que le géant ne s'en rende compte, écrasa ses lèvres sur les siennes, l'embrassant langoureusement.

Porthos écarquilla les yeux et eu le réflexe de se dégager, réflexe avorté car le jeune homme avait passé un bras autour de sa nuque, le maintenant contre lui. Il ne réagit pas durant deux secondes qui lui parurent une éternité alors que de douces lèvres charnues se mouvaient délicatement contre les siennes et céda. Il répondit à son baiser, d'abord doucement, et de plus en plus passionnément quand Armand glissa sa main de sa nuque a ses cheveux, les caressant, tirant, le faisant s'enflammer. Il recouvra entièrement le jeune homme de son corps et posa un bras sur le lit pour se soutenir. Armand, lui, était presque allongé, parsemant toujours sa bouche de petits baisers. Il grogna, et s'attaqua à son cou qu'il embrassa, avant de revenir à ses lèvres, rouges et légèrement gonflés.

Le garçon, lui, soupirait, planant complètement grâce à ce mélange d'alcool et de gestes qu'il avait tant refoulé depuis quelques jours. Il gémit quand Porthos glissa une main le long de sa hanche, par-dessus sa chemise. Cela faisait si longtemps qu'il désirait sentir le contacte de ses grandes mains autre que sur son épaule.

Porthos avait commencé à caresser sa hanche timidement. Il ne savait que faire avec le corps d'un homme, ce qu'il devait toucher, caresser. Il voulut la glisser sous son vêtement quand les effluves d'alcool du jeune homme le firent s'arrêter. Il cessa tout baiser, tout attouchement, et s'immobilisa.

Il fallait qu'il se reprenne et vite !

Armand était saoul, complètement saoul. Cette constatation le frappa. Le garçon ne savait pas ce qu'il faisait, il s'était allé à cause de l'alcool. Il devait tout arrêter, maintenant, avant de le regretter au petit matin. Lentement il se releva, détachant les bras du jeune homme de son cou. Celui-ci gémit quand il rompit le contact, arrêtant de le toucher.

« Porthos... » chuchota-t-il faiblement, le regardant sans réellement le voir.

Le métis dut se faire violence pour se relever, s'éloignant du lit. Armand observait la situation d'un œil hagard. Quelque chose n'allait pas mais il n'y comprenait rien.

« Vous feriez mieux de dormir », lâcha doucement Porthos. « Bonne nuit... à demain. »

Sans laisser à l'autre le temps de répondre et sans jeter un regard de plus, il se retourna et sorti.

La porte claqua. Armand la regarda avec un sentiment étrange. Quelque chose dans sa tête s'était allumée, lui disant qu'il y avait un problème, qu'il avait fait une grosse mais grosse erreur. Mais ce signal était étouffé par la brume qui avait envahi son crâne. Il soupira et reposa sa tête sur son oreiller, maugréant contre le mal de crane qui commençait à poindre. Il eut à peine le temps de lâcher un juron qu'un sommeil agité l'emporta.

 

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deb3083
Posté le 10/08/2020
ooooooooooooh j'étais pas prête !!!! Alors non j'ai pas crié "enfin " lol. Quand j'ai vu le titre, j'étais persuadé qu'Armand révélerait vraiment des trucs importants et qu'ils découvriraient qu'en réalité c'est une femme.
la question est : est-ce que Porthos a remarqué quelque chose de "louche" ??? Haaa je vais vite lire la suite !
du point de vue du contenu, il est très bien ce chapitre. Je m'attendais à un moment où ça déraperait entre Porthos et Armand mais je pensais que ce serait le moment où la supercherie serait découverte. Donc j'ai tout faux ! Mais c'est pas plus mal, comme ça je suis surprise ;-)
Eurys
Posté le 18/08/2020
Haha , un des meilleurs chapitres pour savourer la réaction des gens XD
Pauvre Porthos, il n'en mène pas large lui même haha
Oh je suis contente que le déroulement te plaises ! J'avoue que je suis du genre a aimer laisser les romances prendre leur temps, faire depaer, mais pas trop XD Donc ton commentaire me va droit au coeur merci !
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