Parlons infini
— Bonjour ! Je viens pour… pour… Qu’est-ce que vous faites ?
— Je chasse l’archive.
— Vous… Quoi ?
— Une archive timide m’a fait une petite crise. Et elle s’est cachée sous cette étagère. Du coup, j’essaie de la déloger. Mais ce n’est pas évident.
— Vous avez essayé de lui parler gentiment ? Elle répondrait peut-être mieux.
— Parler gentiment… à une archive ? Vous me prenez pour un fou, c’est ça ?
— Mais enfin, c’est vous qui parliez de chasser l’archive !
— La chasser, oui. Pas l’inviter à prendre le thé.
— Le thé ?
— Aucune importance. Bon, qu’est-ce que vous vouliez ?
— J’étais passé hier. Et vous m’aviez dit de repasser aujourd’hui.
— Hier ? Vous êtes sûr ? J’ai l’impression que c’était il y a une demi-heure.
— Ca, ça dépend sûrement sur quel système vous vous basez.
— Oh, ne jouez pas à ça avec moi, jeune homme ! Je sais très bien ce que je vous ai dit. Tout comme je sais que je pensais très certainement au système commun.
— Quel système commun ?
— Celui qui dit qu’une journée va du début à la fin, que les événements s’enchainent les uns après les autres et qu’il y a des heures qu’on peut décomposer en minutes. Vous essayez de m’embrouiller, jeune homme !
— Mais enfin ! Vous m’aviez dit de repasser !
— Et vous voilà. Bon, tentons de trouver ce que vous cherchiez.
— Vous n’avez encore rien trouvé ?
— Oh, pas de ce ton avec moi ! J’ai commencé à chercher, figurez-vous. Jusqu’à ce que je tombe sur cette archive qui a décidé de jouer les timides. Elle m’a fait perdre un temps fou.
— Donc vous n’avez rien trouvé.
— Si fait.
— Ah ?
— Il se trouve qu’il y a eu un cas assez semblable d’âmes bloquées. C’était… il y a un bon moment sur un petit monde tout perdu. J’ai oublié son nom. Quoi qu’il en soit, les âmes des autochtones se sont retrouvées inutilisables. Et il a fallu nettoyer tout leur petit monde.
— Inutilisables ?
— Oui. Un défaut dans l’âme, si vous voulez. Un jour, tout va bien. Et le lendemain, elle ne passe plus aucun contrôle et elle essaie d’endommager toutes celles qui l’entourent.
— C’est inquiétant, non ? On sait ce qui provoque ce, euh, défaut ?
— Non. Enfin, je n’ai rien trouvé, en tout cas. C’est comme si un beau jour, les âmes décidaient de dégénérer. Comme si elles arrivaient en fin de vie.
— En fin de vie ? Mais je croyais qu’une âme, c’était immortel.
— Oh, vous savez, l’immortalité, c’est juste un concept. On ne sait pas vraiment ce qu’on veut dire quand on en parle. Parce qu’on est d’accord que tout nait et tout meurt. Alors, comment on place l’immortalité dans tout ça ? Vous voyez, ça ne passe pas. Non, si vous voulez mon avis, l’immortalité, ça sert juste à définir un moment très long. Tellement long que tous ceux qui l’observent n’en voient ni le début ni la fin. Et ils se disent qu’il dure depuis toujours, qu’il continuera ainsi à tout jamais.
— Quel rapport avec les âmes ?
— Eh bien, c’est pareil. On les dit immortelles. Mais c’est sûrement qu’elles ont une très grande espérance de vie. A vrai dire, on n’a jamais vraiment pu définir ce qu’était une âme. On s’en occupe, c’est vrai, on les nettoie. Et on a l’impression que ça a toujours été comme ça, pour la bonne raison qu’on ne se souvient pas du commencement. Mais il a bien dû avoir un commencent à un moment donné. Vous comprenez ?
— Je…
— Non, vous ne comprenez pas. Non mais c’est normal. C’est un concept compliqué. Même moi, j’ai encore du mal avec. Et pourtant, je suis là depuis… depuis… longtemps. Peut-être que moi aussi, je suis immortel. Et puis, comprendre ça et l’accepter, ça prend beaucoup de courage. Regarder l’infini et tenter d’en percer les mystères, ça demande de la force psychologique. Vous ne croyez pas ?
— Euh… Mais du coup, pour en revenir aux âmes ?
— Les âmes ? Eh bien, c’est simple. Elles sont périmées.
J'aime bien le ton de l'archiviste, on dirait un petit papi avec des lunettes qui a beaucoup de caractère ! Mais toujours pas humain ;p
C'est truculent, ça se lit sans faim, et ça fait un peu penser à du David Calvo (donc j'adore =D). Le chapitre 12 sera mon goûter de cette nuit ^o^/
Hop, histoire en favori !