11. Tensions

Par Arod29

Sinfen voyagait du doigt sur une des cartes géantes qui tapissaient les murs de la salle de réunion. Une table ronde massive, usée par le temps, trônait au centre de la pièce, entourée de chaises grossières mais solides. Au centre de la table, plusieurs longues bougies, éclairaient et projetaient des ombres sur les visages tendues d'Arcis et d'Iria. Toutes les fenêtres étaient condamnées pour éviter les curieux. Grys nettoyait une vieille armure de cuir à l'écart des autres. Quelques guerriers s'affairaient dans la grande pièce jetant des regards méfiants à l'égard du manchot.

Le mage abandonna ses cartes pour venir s'asseoir à la table ronde. D'un geste il invita Grys à venir s'asseoir sous le regard sombre d'Arcis. Iria sentit la colère de son ami et posa la main sur la sienne. 

Calme toi.

Grys tira bruyamment la chaise vers lui. Il s'assit sans douceur et regarda Iria.

— Je me souviens de toi jeune femme. Tu m'a mis une bonne raclée. Lire dans les pensées ça aide!

Je ne peux lire que les pensées des créatures doués d'intelligence. Il est donc impossible que je puisse lire les tiennes!

Grys éclata de rire.

— Tu as de la répartie petite. C'est bien. Tiens, j'ai un autre souvenir qui me revient. Je n'ai pas eu l'occasion de te remercier mais...

Le visage déformée par la colère, Iria jaillit de sa chaise et plaça d'un geste rapide la lame d'un poignard sous la gorge de Grys.

Encore un mot et je te tranche la gorge!

Sinfen attrapa le bras de la jeune femme.

— Iria!

La réaction violente de son amie intrigua Arcis.

— Que se passe t-il Iria?

C'est un menteur!

Grys pouffa.

— Je n'ai encore rien dit. C'est ta douce Iria qui m'a libéré des griffes de Loup dans l'infâme forêt des Larmes.

J'avais mes raisons.

Grys eut un sourire narquois.

— Loup a du être contrarié quand il a su.

Le visage fermé d'Arcis inquiéta Iria. Le ton de sa voix était monocorde.

— C'est vrai?

La jeune femme baissa les yeux.

Oui je l'ai libéré mais ce rat nous avait dit que tu étais son prisonnier. J'ai cru bien faire. Mais bien évidemment ce n'était qu'un mensonge. Il ment aussi facilement qu'il respire.

L'ancien mercenaire inclina la tête.

— Et je réitère mes remerciements.

 Sinfen intervint.

— Arrête ça tout de suite Grys! Nous sommes dans la même équipe mais s'il faut choisir. Tu dégages les pieds devants.

Le manchot leva sa main en souriant. Le mage se tourna alors vers Iria. Son regard affable apaisa la jeune femme qui tremblait.

— Nous avons tous fait des erreurs. Moi le premier. 

Iria cherche le regard d'Arcis mais ce dernier se mura dans le silence.

— Commençons. Quelles sont les nouvelles Arcis? interrogea Sinfen.

Le jeune homme ne répondit pas. Son regard perdu dans ses pensées.

— Arcis?

Ce dernier sursauta.

— Oui pardon. Les bonnes ou les mauvaises? 

— Commençons par les mauvaises.

— La reine Ellène est morte, Alzebal a pris Timred.

Quelle tristesse! Je l'aimais beaucoup.

Une ombre passa dans le regard de Sinfen.

C'est une grande perte en effet. Mais comment a t-elle fait? Ils avaient les Karvags!

Grys intervint.

— Alzebal a du se mettre dans la poche ses sales bêtes.

Sinfen recula dans son siège.

— Continue Arcis.

— La forteresse de Wald reste invaincu.

Le mage s'enthousiasma.

— Mais c'est une bonne nouvelle ça!

Arcis leva la main pour temporiser la joie de Sinfen.

— Laisse moi finir. Le roi Gus est mort ainsi qu'un de leurs dragons.

Sinfen tapa sur la table. La colère et l'impuissance marquait son visage.

— Bon sang! Quand tout ca va finir! Le roi Gus était un valeureux combattant et un homme juste.

Le mage ferma les yeux un instant et se reprit.

— Et les bonnes nouvelles?

— La forteresse de Wald reste invaincu.

Sinfen soupira.

— Nous ne faisons que subir. 

Grys leva la main.

— Si je peux me permettre. Tyssy. Enfin Alzebal a une faiblesse.

— Et laquelle.

— Sa confiance et son orgueil.

— Que veux tu dire?

— Tyssy est née esclave. Tout ce qu'elle possède aujourd'hui, elle s'est battue pour l'avoir. C'est un tyran certes mais sa tenacité pour y arriver force le respect.

Le mage se redressa.

— Je n'ai aucun respect pour elle.

— Et elle n'en a aucun pour toi mage. Elle n'a peur de personne. La peur est dans notre camp. Sa confiance est totale. Nous ne sommes que amusements pour elle. 

— Et en quoi cela nous avance. 

— Il faudrait une confrontation directe. 

— A quoi penses tu?

— Lui proposer une bataille qui déciderait du sort de Milsden.

Sinfen pesta.

— C'est impossible. Nous ne sommes qu'une poignée. Une confrontation directe serait du suicide.

Grys s'enthousiasma.

— Trouvons des alliés!

Arcis allait parler quand deux grands coups retentirent sur la porte de l'entrée. Le jeune homme se leva et ouvrit le judas. Il sourit.

— Peut-être que lui aura une bonne nouvelle.

Arshard apparut sur le seuil. La gravité de son expression n'augurait pas d'un regain d'optimisme.

— Arshard! 

Sinfen se leva.

Les deux hommes se serrèrent chaleureusement dans les bras.

— Comment vas tu mon ami? s'enquérit le mage

Arshard secoua la tête. Les épreuves des dernières années avaient laissé des traces indélébiles sur le guerrier. Les rides et cicatrices parsemaient son visage et témoignaient d'une vie violente et éreintante. Pourtant son charisme était intact, dès qu'il apparaissait, il captait les regards par sa démarche assuré et féline. Son regard déterminé et pugnace n'empêchait pas d'y déceler une larme de mélancolie et une trace de culpabilité.

— J'ai perdu la piste de Selenn. Ce Jarvis est une véritable anguille. Je désespère. 

Son regard se tourna vers Grys.

— Qui c'est celui-là.

— Il s'appelle Grys.

— Grys? Je le croyais mort.

— Tu le connais?

— De nom. Je ne l'ai jamais rencontré mais il payait bien à l'époque où j'étais mercenaire. Pourquoi est il là?

— Alzebal est sa femme.

Grys se leva et s'inclina.

— Salutations maître Arshard. Ex-femme. La précison est importante.

Le guerrier ignora l'ancien mercenaire.

— Et?

— Il va nous aider.

Arshard regarda autour de lui, cherchant du regard une personne manquante.

— Et Loup? Avez vous réussi?

Arcis se racla la gorge.

— Oui. 

— Et où est il?

—Disons que les choses se sont compliquées et il est parti.

— Parti? Je n'ai pas le coeur à plaisanter jeune Arcis.

Grys se leva à nouveau. 

— Pour faire court, c'est ma faute. Dans mon autre vie, j'ai accidentellement participé à la mort de sa femme et de sa petite fille et...

— Accidentellement?! Salopard!

Arcis se rua vers Grys et le prit à la gorge. Sinfen s'interposa et sépara les deux combattants.

— Ca suffit! Grys tu sors d'ici!

Grys toussa et se massa la gorge.

— Je suis désolé Arcis mais j'ai encore du mal à me départir de mon cynisme de mauvais gout.

— Tu sors Grys!

L'ancien mercenaire sortit en toussant.

Arcis pesta.

— Papa avait raison. Finalement je ne crois pas que ce soit une bonne idée de l'avoir avec nous!

Je suis d'accord avec toi. Il faut s'en débarasser.

— Faites moi confiance. Grys est un atout pour nous. Va t'asseoir Arcis.

Arshard se moqua.

— Sinfen a toujours aimé ajouter des complications aux complications. 

Il se tourna vers Arcis.

— Mais s'il te dit d'avoir confiance. Crois moi tu peux.

Le visage du jeune homme resta renfrogné.

— Viens t'asseoir mon ami.

Arshard se laissa tomba sur une chaise en soufflant.

— Je me fais vieux. J'ai des douleurs par dessus mes douleurs.

Iria s'amusa.

Vieux crouton.

Tout le monde se détendit, même Arcis sourit.

— Les vieux rêvent de leur jeunesse et les jeunes rêvent de vivre vieux. Je te souhaite d'avoir toute mes douleurs de vieux crouton jeune Iria! Et je ferais tout ce que je peux pour que tes enfants se moquent de leur vieille mère!

Les rires fusèrent et l'ambiance fut un instant plus légère avant de s'alourdir de nouveau.

Sinfen prit la parole.

— Quelles sont nos solutions? Nos petites attaques n'ont aucun effet sur Alzebal.

Arshard fit un clin d'oeil au mage.

— Tuer des Orombres est toujours plaisant. Sans t'offenser Sinfen.

Arcis s'agaça de leur impuissance.

— Nous ne sommes que des abeilles qui piquons Enamon le Géant. Alzebal doit même s'en amuser.

Iria s'agita sur sa chaise.

Je n'ai pas l'expérience des vieux croutons mais je pense qu'Alzebal se lasse.

Perplexe, Sinfen se frotta le front.

— Que veux tu dire Iria?

Je pense qu'Alzebal a laissé Loup s'évader. C'était trop facile. Les fameuses Geôles de la Putrescence sans aucun garde? Même pas un Orombre?

— Pourquoi aurait-elle fait ça?!

Vous êtes long à la détente! Alzebal a victoire sur victoire. Elle règne  sur quasiment tout Milsden. Ca me fait mal de le dire mais je pense que Grys a raison. Sa confiance est totale. Son arrogance aussi sinon pourquoi libérer Loup?

Arshard grimaça.

— Je crois que la jeune Iria et ce rat de Grys marque plusieurs points.

Sinfen se renfrogna et croisa les bras.

— Cela ne change rien au problème. Nous sommes trop peu nombreux.

Arshard eut un sourire en coin.

— Qu'à cela ne tienne. Comme le disait Grys! Trouvons des alliés!

A ce moment là, une porte s'ouvrit et Grys apparut.

— Oui comme le disait Grys! Trouvons des alliés!

 

 

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