12- Même les Petites Merdes font parfois la vaisselle

Bien.

Je n’avais plus qu’à aller casser la gueule du mage.

Outre la réalisation qui promettait d’être assez ardue, pour ne pas dire impossible, ce fait posait une millier de questions supplémentaires, à commencer ce que je pourrais bien faire si mon Esprit Familier ait pitié, je défiais toute probabilité et y parvenait. Le tout était d’être rapide, de frapper, de-

Un bruit d’eau résonnait doucement dans mes oreilles, associé de tintements de metal, de porcelaine, et une odeur de savon à l’olive envahit mes narines. Je marquais un temps d’arrêt derrière la porte de la cuisine, me préparant au pire piège au monde, à un déchainement de violence rare. Je découvris, pour ma plus grande consternation, l’homme tout occupé à… faire la vaisselle?

Pardon?

« Qu’est-ce que vous fabriquez? » Je m’écriais de stupeur, refusant d’en croire mes propres yeux. C’était impossible, ce mage, il y a deux minutes, il était tout occupé à planifier ma pulvérisation. Comment passait-on d’envies meurtrières à en faire la vaisselle?

Ma surprise lui apparut visiblement assez drôle car un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Un beau sourire- non, concentration.

Concentration.

C’était forcément une illusion.

« Il me semblait fort peu charitable de laisser un tel désordre. » Il dit simplement avant de m’inviter à ses côtés ou une bonne partie de la vaisselle attendait d’être essuyée.

Bon, je savais à quel point c’était stupide, et j’aurais du saisir l’occasion pour le frapper, mais -et oui je savais pertinemment que c’était idiot- planter quelqu’un alors que ce dernier nettoyait l’évier, cela me sembla plus que grossier. Je me mis même à craindre que si j’osais le moindre geste, Madame Catherine trouverait un moyen de briser les lois dru cosmos et apparaîtrait derrière moi pour me tirer les oreilles.

De toute manière, je me dis en prenant le torchon et en essorant une à une les assiettes, la situation était assez absurde de base, alors pourquoi ne pas continuer la bizarrerie jusqu’au bout? Les dix minutes ne changeraient rien au cosmos ni à ma destinée. J’allais lui casser la gueule, je n’avais pas le choix, je l’avais indirectement promis.

Ce fut ainsi que l’évier se vida de cette pile de vaisselle immonde et que cette dernière reprit place dans les nombreux placards. Et ce ne fut pas sans effort d’ailleurs, ni même quelques petites moues écoutées, autant de lui que de moi.

« Je crains que cela ne dépasse mes capacités. » Il dit en jetant à la marmite une moue positivement dégoutée, et non sans raison. Dire que cette marmite était répugnante, c’était comme dire que la merde cela ne sentait pas très bon, ce n’était pas faux en soi, mais cela passait sous silence une bonne tranche de réalité.

« Ouais, alors, je n’aime pas jeter, mais… à ce stade, on jetterait davantage de matière organique que de métal. » J’hochais la tête. Il laissa échapper un petit rire et la marmite fut reconvertie en bassine à merde. Toutes les pièces de vaisselles irrécupérables y échouèrent, avec plus ou moins de culpabilité. À notre décharge certaines assiettes avaient visiblement passé un certain temps dans l’évier, marinées à souhait et relevaient désormais davantage de la culture biologique que du contenant.

Je préférais me concentrer sur ces plaques de moisissure plutôt que sur mon voisin, car j’étais en partie convaincue que si je le faisais cette parenthèse d’absurdité se révèlerait être une illusion magique. J’allais me réveiller au sol, en crachant du sang, la dernière chose que je verrais ce serait ses mains illuminées et je refusais de m’en aller ainsi.

Cela ne pouvait durer éternellement cependant, et l’évier finit par être vides, la vaisselle triée et propre et vint enfin le moment ou je rangeais la dernière assiette. Un petit blanc prit place, mais à nouveau, nous nous apprêtions à nous casser la figure, pas à discuter autour d’une tasse de-

« Bien, voilà qui était tout bonnement répugnant. » Il brisa ma concentration mentale avec un ton presque badin. Il avait une voix claire, agréable même- non, non. Il fallait être concentré, pas demain, pas dans deux heures, maintenant. Je sortis de ma poche le petit opinel.

Cela me valut un soupire.

« Ne trouves-tu pas que nous avons vu bien assez de fluides organiques pour aujourd’hui? » Il renchérit calmement, beaucoup trop calmement. Je devais bien être un insecte à ses yeux pour qu’il me craigne si peu, même armée, même quand ses champs n’étaient pas invoqués.

« Je dirais plutôt que cela a donné le ton. » Je répliquai sur un ton similaire, presque amical avant de dégager la lame d’un petit geste du poignet. On pouvait être deux après tout, à déstabiliser l’autre de la sorte.

Il se contenta de sourire, de manière assez indulgente pour que cela fut insultant.

« Penses-tu sincèrement parvenir à quoique ce soit avec un si petit bout de métal, un genoux faible, et pas la moindre protection magique? » Il demanda, comme s’il discutait du temps.

« Si vous êtes si fort, qu’est-ce que vous attendez? » Je lui répondis alors, les joues rouges de colère. Bon, ça suffit les discussions, il était temps d’y aller là! Allez, qu’on en finisse.

« Qu’est-ce que tu attends? » Il dit alors, toujours ce sourire insupportable aux lèvres.

Il avait raison, alors je lui bondis dessus, avec autant de grâce et de distinction qu’un bébé phoque. Ses runes apparurent à une vitesse si effrayante et aveuglante que mes tripes se tordirent, mais tant pis. Ce n’était plus le temps de paniquer ou de réfléchir, mais de tendre le bras et de l’atteindre. Je détestais la violence, et l’idée de faire un dommage permanent, mais je mentirais si je disais que je ne voulais pas lui faire un minimum mal. En particulier après cette semaine pourrie.

La lame s’approcha de sa cuisse et se heurta à un mur d’air brillant, alors mon couteau changea de main et je me fendis à nouveau.

Il avait une expérience, sans quoi il n’aurait pas à nouveau bloqué. Non pas qu’il n’en était pas capable, mais il avait exécuté avec une telle rapidité qu’il devait avoir fait parti d’une légion.

S’il bloqua le coup, et les autres, il perdit en revanche son sourire. Cela me gratifia d’une petite satisfaction,  mais je déchantais très vite quand il convoqua un poing d’air pour m’envoyer valser un peu plus loin, et me souffler les poumons. Je heurtais alors la petite table.

Le vase vacilla dangereusement, et si je ne l’avais pas rattrapé au vol, il se serait fracassé contre le sol.

Nous restâmes pétrifiés tous les deux pendant une bonne minute, une minute de silence assez insupportable, au bout de laquelle il parut évident que le petit garçon dormait toujours, ou tout du moins, prétendait dormir.

« Vous pourriez faire attention! » Je sifflai tout bas et me payait en retour un ricanement divin.

« C’est le sanatorium qui se moque des bonnes oeuvres. »

Je ne trouvais rien à répliquer à ça, hormis un énième coup de couteau qu’il bloqua à nouveau avec une facilité déconcertante.

Il dut se dire la même chose et en avait visiblement assez car un éclair d’exaspération zébra son visage et il m’agrippa alors le poignet.

« Si tu t’obstines à tenter de me tuer, tu pourrais au moins y mettre un peu plus de coeur à l’ouvrage. »

« Je n’essaie pas de vous tuer, simplement de casser votre sale gueule. »

« C’est un succès retentissant. » Il dit, non sans ironie.

À nouveau, il avait raison, et ce fut pour cela que je lui envoyais mon poing dans la figure et le pied dans la jambe. Le premier choc fut sec et net, très vite suivi par un cri de douleur, un poignet libéré, un autre cri de douleur, et une chute.

Oui, le problème, c’était que le coup de pied avait été vraiment une mauvaise idée. Je l’avais frappé de ma jambe droite, par réflexe, et dire que mon genoux n’avait pas apprécié le choc était un euphémisme. S’en suivi alors la scène la plus pitoyable au monde, ou ce crétin se tenait le visage en gémissant, du sang suintant de ses doigts, alors que je me retrouvais au sol à m’agripper le genoux de douleur. Je refusais cependant de compter cela comme une défaite totale, pas quand j’étais enfin parvenue à lui faire mal.

La seule différence entre nos deux situations, c’était que Monsieur se dépêcha de tricher. Il finit par prendre une inspiration, saisit son nez ensanglanté entre deux doigts et un flash lumineux vint martyriser mes rétines.

« Par tous les Saints, on m’avait prévenu que tu avais une prédilection pour les nez cassés, mais on n’avait omis de me souligner à quel point ton crochet était redoutable. » Il plaisanta, et ce n’était pas possible, la douleur devait me faire halluciner.  Je lui jetais un bref regard rageur.

C’était d’autant plus insupportable qu’hormis un mince filet de sang, désormais essuyé, rien ne laissé paraitre qu’il avait été blessé alors que moi je devais me retenir de me rouler part terre.

« Tu devrais sincèrement faire davantage attention à ton genoux, c’est une articulation délicate. » Il renchérit, non sans une certaine satisfaction, et je lâchais sans complexe quelques noms d’oiseaux, et peut-être un doigt d’honneur dans la pile, pour bonne mesure.

« Tu es décidément, dépourvu du moindre sentiment de préservation. Il n’est généralement pas recommandé de me manquer de respect. » Il poursuivit, avant d’agiter ses mains illuminées, dans ma direction, et c’était fini, il allait me tuer. On m’avait servi une chance de m’en sortir, et je ne l’avais pas saisi, comme une idiote.

Quelque chose de froid s’insinua dans mon genoux, et la douleur s’évanouit, signe évident que j’étais en train de mourir. Mon ouïe s’atténuerait, puis la sensation de chaleur, et ce fut non sans rage que je réalisais que ma dernière vision serait Petite Merde.

Cela mit du temps à venir cependant, et la glace finit par s’échapper de mon genoux. Je le fixais instinctivement, arrachant le bandage de maintient que j’avais fait, et pour ma plus grande stupéfaction, il ressemblait à nouveau à un genoux. La peau demeurait bleuté, mes les petites zébrures rouges s’étaient évanouie.

Je fixais le mage, sans comprendre.

« C’est un sort assez sommaire et les dégâts sont de taille, je ne peux que te recommander la mesure. » Il dit, l’air de rien.

« Je ne vais pas m’arrêter pour autant, vous le réalisez, n’est-ce pas? » Je soulignais, sans trop savoir pourquoi. Par soucis de jeu équitable peut-être?

« Cela non plus, je ne te le recommande pas. Je pourrais t’écraser d’une simple pensée. »

« Si vous pensez sincèrement que je vais retourner dans cette cave pourrie de merde et gentiment vous laisser foutre le bordel dans ma tête, vous vous enfoncez le doigt dans l’oeil jusqu’à l’omoplate. »

Les lèvres de l’homme tressaillirent, comme s’il se retenait de rire, et il m’observa un petit moment, une minute, deux, une éternité même. Je me préparais au pire quand l’horloge de la cuisine se mit à sonner. Elle fut peu longtemps la seule, et bientôt ce fut toute la maisonnée qui retentit. De toute évidence, la pendule de la cave n’était pas la seule à se trouver dans un état déplorable. Neuf heures. Lizzie était à l’école et prennait sa pause gouter.

Il y eu un sursaut sourd en provenance du salon, un bruit de verre brisé, une voix féminine et pâteuse  jura comme une poissonnière. Il y eut des pas lourds, toujours suivi d’un grommellement incompréhensible, de plus en plus proche et enfin une silhouette passa l’embrasure de la porte.

Madame Regiris était en piteux était, il n’y avait aucun autre qualificatif possible. Des yeux rougies, un teint gris, ses cheveux sombres sans dessus dessous et un air embrumé…

Qui se dissipa en un clin d’oeil quand elle nous aperçu. Son visage passa part divers stades de grimaces, stupéfié, embarrassé, gris, vert, pour enfin se stabilisé sur une couleur rouge vive et un effrois plein les yeux.

« Monsieur Lazarus! Je ne vous attendais pas- et, enfin, je-» Elle se mit à bredouiller, alors que des plaques rouges apparaissaient le long de son cou- attendez une minute, qui?

« Lazarus, comme dans Beria Lazarus? » Je dis, non sans manquer de m’étrangler.

C’était de toute évidence le cas, car l’intéressé poussa un soupire exaspéré, pour ne pas dire rageur, avant de m’attraper l’épaule et de me hisser sur mes jambes.

« Chère Madame Regiris. » L’homme dit, la voix drapée d’une froide politesse « Notre, invitée, et moi-même prendrons du thé dans le salon bleu, si vous le voulez bien. »

 

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Cléooo
Posté le 01/09/2024
"Un beau sourire- non, concentration." -> mouhahaha ! Ça y est, un petit syndrome de Stockholm?
"Tu es décidément, dépourvu du moindre sentiment de préservation." -> là je vais devoir être forcée de me ranger à son avis !
"dans l’oeil jusqu’à l’omoplate" -> on ne dit pas jusqu'au coude, habituellement ?

Aaaah ! Je sens que les explications arrivent enfin !
Et j'avais au moins partiellement raison, je n'ai pas l'impression qu'il veuille sa mort, du coup !
Encore un bon chapitre, maintenant que tout c'est éclairci, j'arrive mieux à rentrer dans l'histoire :)

À très vite !
A Dramallama
Posté le 02/09/2024
Coucou !

🎶 le Syndrome de Stockholm 🎶 est supposément 🎶 un réflexe 🎶 de survie 🎶

Bon, on n’y est pas a ce moment ahahah, pour un Syndrome de Stockholm/Lima en règle, il faut qu’un lien d’empathie se crée entre les deux parties. Et il faudrait probablement qu’elle s développe un minimum d’instinct de survie. Ce qui n’est pas vraiment le cas en effet !

S’il la voulait morte, elle le serait probablement déjà, non? 😇

Encore merci pour tes retours !
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