13. À part un miracle

Par Rachael

Leurs bouches se joignirent avec une douceur qui chavira Bryn. Sans rompre le contact physique entre eux, il réussit à se débarrasser d’une partie de ses vêtements ainsi que de la serviette dans laquelle Yalis était empêtré. Quand leur peau se toucha, le corps sous le sien réagit à la pression et à la chaleur. Les tremblements qui parcouraient Yalis s’estompèrent, tandis que le baiser qu’ils échangeaient s’approfondissait. Lorsque des mains gelées se posèrent sur son dos, Bryn roula sur le côté pour les esquiver.

— Comment peux-tu être si glacé ? Je refuse de profiter de quelqu’un en état de choc.

— Garde tes scrupules, Sonbryn, je ne suis pas un jeune garçon effarouché. C’est maintenant que j’ai besoin de réconfort.

Une sorte d’urgence traversait sa voix mentale. Bryn se laissa emporter. Il caressa la peau pâle qui se réchauffa à son contact. Elle était douce et ferme à la fois, frissonnante encore. Il explora d’autres zones avec sa bouche et constata que le froid battait en retraite.

— Mieux ?

— Mieux.

— J’arrête si tu le souhaites.

— N’arrête pas !

Il s’interrompit pourtant, se releva sur un coude et contempla Yalis sans rien dire, effaré de se trouver là, à quelques centimètres de son visage. Que masquait cette mine d’adolescent candide qui aurait envoûté n’importe qui ? Un séducteur ? Un assassin ? Bryn revit les cadavres dans l’autre appartement, mais son instinct s’insurgea contre sa peur : Yalis n’était pas un tueur, au moins au sens où l’entendait Bryn, et il en connaissait un rayon sur le sujet. Tuer n’avait jamais provoqué chez lui ce genre de réaction.

— Décide-toi, Sonbryn ! Arrête de tergiverser !

Bryn reconnut le bien-fondé de la remarque. Depuis qu’il avait débarqué ici, il n’arrêtait pas d’atermoyer ; bien sûr qu’il voulait Yalis, pour l’Alliance, mais aussi pour lui-même.

Avec une netteté incongrue, l’image d’Évola Feslow réapparut devant Bryn : on avait besoin de lui pour séduire un télépathe, expliquait-elle. Qui séduisait qui ce soir ? Accepte, se dit-il. Accepte d’être séduit ! Avec Yalis, il était normal que rien ne soit normal, justement.

Il se leva, encore incertain, et recula de deux pas. Position d’observateur. Yalis n’avait presque pas bougé, un bras au-dessus de la tête dans une posture de relâchement, d’abandon même. Nu. Désirable. Excité. Ses yeux bleus harponnèrent Bryn et ils ne se lâchèrent plus ; ils se mangeaient du regard l’un l’autre, de part et d’autre d’un gouffre infini. Petit à petit, dans cette tension immobile, Bryn prit conscience d’une foule de choses minuscules : le battement de son cœur qui pulsait jusque dans la pulpe de ses doigts, le poids de son corps sur ses deux pieds ancrés dans le sol, son souffle rapide bloqué dans sa poitrine. Puis de nouvelles sensations s’insinuèrent : un courant d’air venu de la fenêtre sur son ventre dénudé, la pesanteur qui plaquait son dos au lit, son cœur qui caracolait dans sa gorge sèche. Elles ne lui appartenaient pas. Yalis !

— Arrête ! gronda Bryn

— Tu n’aimes pas ?

Bryn secoua la tête avec effarement et fit un pas en arrière, puis un second, mais le charme ne se rompit pas. L’autre n’avait pas obéi, bien sûr : Bryn continuait d’être dédoublé, dans sa peau et celle de Yalis à la fois. La main de celui-ci descendit le long de son ventre et Bryn frissonna comme si c’était lui qui avait été touché. La chaleur du tissu sur son propre corps lui parut soudain insupportable.

Oubliant ses réticences, il dégrafa ses vêtements et commença à s’en débarrasser, sans hâte, sans cesser d’observer les sensations de Yalis. De plus en plus fasciné. Celui-ci esquissa un sourire d’invite et son regard glissa de haut en bas sur le corps de Bryn. S’arrêta à un endroit précis.

— Viens.

— Non, pas tout de suite.

Ne rien précipiter. Jouir de l’instant. Rester présent dans les sensations de l’autre. Bryn n’aurait jamais imaginé vivre un jour une telle expérience. Le plaisir pouvait attendre.

Malgré l’impatience de Yalis, il recula encore d’un pas, ses habits éparpillés au sol comme autant de témoins de la scène. Il se détourna avec une lenteur calculée et alla extraire de la salle de bain lubrifiant et serviettes. Et un verre d’eau.

Le jeune espion possédait un certain sens de l’organisation. Dans sa profession, mieux valait ne rien laisser au hasard.

Même quand tout partait en vrille.

 

¤¤¤

 

Bryn naviguait dans un demi-sommeil. Il éprouvait la chaleur du corps de Yalis contre le sien, le gonflement de ses poumons contre son bras qui l’entourait. Cela s’effaçait, remplacé par des images sans logique qui défilaient sous ses paupières.

Pas bon.

Il devait rester conscient.

Il signala à ses implants d’augmenter sa vigilance, il lui incombait de veiller sur Yalis cette nuit. Cela ne fonctionna pas : il demeura incapable de bouger, coincé dans cet état où le rêve et la réalité s’entrechoquent et se mélangent.

Il entendit :

— Il faut qu’on parle.

Yalis ? Il s’était déjà habitué à son mode de communication. Peut-être pouvait-il lui répondre sur le même mode ?

— Pourquoi maintenant ? Tu comptes t’évaporer avant le matin ?

— Qui sait ?

Dans une non-réalité, Bryn se vit arpenter la pièce d’un pas nerveux. Il tenta aussi d’attacher les poignets de Yalis pour le retenir, l’empêcher de partir. Mais rien ne marchait, il s’en dépêtrait inexplicablement. Cela agaça Bryn :

— Tu sais depuis le début qui je suis et pourquoi je suis là, hein !

Le Yalis du songe lui sourit avec une gaieté espiègle, avec un visage bien différent de celui de cette nuit, illuminé par le plaisir. Combien de facettes lui restait-il à découvrir ?

— À peu près, oui.

— Ça t’amuse, hein ? Je suis donc si transparent ?

— Grâce à toi, je sais que j’ai eu tort de me croire tranquille. Tort de penser que l’Alliance avait d’autres priorités.

L’image de Bryn se para d’une grimace outragée. Putrespace de télépathe ! Pourtant, il n’arrivait pas à le blâmer. Dans la partie qu’ils jouaient, chacun se défendait avec ses armes. La question, c’était où se situait Yalis ? Il aurait dû faire bloc avec leurs ennemis ; enfin, d’après la vision du monde de Bryn, mais c’était visiblement bien plus compliqué que cela.

Yalis le cueillit au milieu de ses réflexions :

— Tu n’as pas à t’en vouloir d’avoir foiré… parce qu’ils l’ont fait exprès.

— Exprès ? L’état-major ?

— Bien sûr, ne les prends pas pour des naïfs. Ils savaient que je te percerais à jour au premier coup d’œil. Ou au second.

Yalis se tut pour laisser Bryn s’imprégner de ses paroles. Les yeux fermés, allongé sur un canapé de velours gris que Bryn ne reconnaissait pas, il paraissait dormir, mais son petit rictus malicieux ne s’effaçait pas.

Bryn accepta l’affirmation de Yalis avec soulagement ou presque. Au fond, il avait bien conscience que ce plan n’avait aucun sens, il se le disait depuis le début.

— Ils m’ont volontairement jeté dans tes pattes, c’est ça ?

— C’est une manière de l’exprimer, en effet.

— Pourquoi ?

— Ils m’adressent une proposition et toi, tu es l’offrande qui accompagne le message.

Il ouvrit ses yeux étonnants, tourmentés comme un ciel d’orage. Son sourire s’élargit, tandis que Bryn tentait de rejeter en bloc ce qu’il percevait pourtant comme d’une grande logique.

— Pourquoi tu crois qu’ils t’ont choisi, toi entre tous ? ajouta Yalis.

— Ce n’est quand même pas pour mon amour des spions ?

Tant pis s’il mettait les pieds dans le plat ; Bryn était décidé à profiter du rêve pour mieux comprendre.

— Je me le suis demandé, au début. Ça me paraissait très retors. Pervers même. Mais en fait, c’est exactement pour ça.

Un frisson glacial traversa Bryn. Une angoisse l’étreignit, celle du type perdu dans les ténèbres sans une lueur. Il refusa toutefois de s’éjecter du rêve. Il lui fallait la réponse. Il se posait là comme idiot de service, embringué dans un plan tortueux auquel il ne captait rien.

— Je ne pige toujours pas, râla-t-il.

— En un sens, cela te fait honneur. Cela signifie que tu n’es pas capable de raisonner de façon aussi tordue qu’eux.

Bryn resta silencieux. Que dire ? Que faire, sinon se résigner à n’être que le porteur du message ? Si Yalis avait compris celui-ci, l’objectif était atteint. D’ailleurs, Yalis secouait la tête avec hilarité, tandis qu’un double à côté de lui arborait une moue de commisération. Un Yalis, c’était déjà trop, alors deux… Ils se décidèrent à éclairer Bryn en chœur :

— Ils me veulent, ça, c’est la première partie du message, celle que tu connais. La seconde partie, c’est une sorte d’engagement d’honnêteté : ils n’essayent pas de me faire avaler que l’Alliance s’est subitement mise à aimer les télépathes. C’est une des raisons de ta présence.

— Une des raisons ?

— J’incline à croire que l’autre tient à ton physique et à une certaine curiosité quant à ma réaction. Vais-je chercher auprès de toi une revanche pour tous les télépathes que tu as tués ? À moins qu’il ne me prenne l’envie de faire de toi mon jouet, si je te trouve à mon goût ?

L’estomac de Bryn se noua en une boule d’angoisse et de colère. Il avait été trahi par ses chefs, par l’amirale qui l’avait manipulé aussi aisément qu’un gamin.

— Dur de découvrir qu’on n’est qu’un pion bon à sacrifier, compatit Yalis. Tu n’as rien à craindre de moi. Je n’ai pas l’âme d’un justicier. Je préfère te renvoyer avec ma réponse à ce message. Je garderai juste un souvenir de toi.

— Lequel ?

— Ta boucle d’oreille, là, pour me rappeler la couleur de tes yeux.

Bryn acquiesça sans parler, la gorge serrée par des émotions contradictoires.

— Tu veux que je te dise quoi leur transmettre ? proposa Yalis.

Il n’attendit pas l’assentiment de Bryn, lequel cherchait vainement les arguments qu’il était censé avancer pour le convaincre de les aider. Ils s’étaient envolés.

— Demain matin, tu les prieras de ma part d’aller se faire foutre. Je n’ai pas confiance.

C’était couru d’avance. Lorsque Bryn se réveilla le lendemain matin, sans souvenir de s’être endormi, Yalis avait disparu et sa boucle d’oreille avec lui.

 

¤¤¤

 

Saporis, capitale de Zimsgrin, deux mois plus tard.

 

L’amirale Teigern arpentait son bureau en contemplant la ville éclairée à travers les parois transparentes. Saporis, la capitale planétaire de Zimsgrin s’illuminait d’une activité rendue encore plus frénétique par les dernières conquêtes de l’Expérion.

Pourtant, chaque annexion mettait à rude épreuve les structures économiques d’une Alliance qui rétrécissait comme un ballon percé. Des secteurs industriels entiers tombaient aux mains de l’ennemi et les rouages intriqués d’économies transplanétaires se détraquaient. Un mal pour un bien, car les planètes restantes voyaient leur influence s’accroître et leur économie s’emballer. Le paradoxe était avéré : malgré des flux de réfugiés difficiles à gérer, la guerre enrichissait les planètes qui n’étaient pas – encore – prises pour cibles par l’Expérion. Leurs habitants y menaient une vie confortable, seulement entachée par l’incertitude de l’avenir.

L’amirale s’immobilisa et scruta d’un œil dur sa subordonnée Évola Feslow, chef du renseignement de l’Alliance. Celle-ci sentait ce regard la jauger, remettre en cause l’intuition qu’elle poursuivait depuis six mois. Elle s’éclaircit la voix d’un raclement de gorge et déclara :

— Nous pensons avoir retrouvé notre cible, amirale. Sur Ione.

L’amirale grimaça en entendant le nom. Ione était neutre et contrôlait l’accès à l’hyperespace. L’Alliance n’y avait pas les coudées franches. Fâcheux.

— Rien ne garantit que vous arriviez à vous emparer de lui cette fois-ci, commandant.

— Si je puis me permettre, amirale, il n’a jamais été véritablement question de nous emparer de lui, plutôt de nous assurer de sa collaboration.

Le visage de l’amirale se plissa en un treillis de rides qui marquait sa désapprobation. Malgré son âge, souligné par ses cheveux blancs ou son dos qui tendait à se voûter, elle faisait montre d’une énergie indéfectible et tenait à suivre tous les dossiers, même les plus improbables comme celui-ci. Ou peut-être y avait-elle accordé davantage d’attention que le reste de la hiérarchie de la flotte ? Assez pour convoquer sa subordonnée au pire moment.

Quand les renseignements avaient sorti cette histoire abracadabrante de rescapé d’un ancien temps, qui aurait réparé en un tour de passe-passe les systèmes hyperespace de la flotte, elle avait été la seule à ne pas les traiter d’illuminés et à leur prêter une oreille intriguée. Elle avait autorisé leurs stratagèmes tortueux et leur avait personnellement donné sa confiance ; cependant, au vu des récents événements, elle perdait patience.

— Je sais ce que vous visiez, commandante Feslow ; toutefois, je ne vois pas en quoi vous avez progressé vers cet objectif.

Elle balaya du bras les objections que sa subordonnée s’apprêtait à avancer.

— J’ai reconnu la justesse de votre appréciation quant à l’importance de cet homme, il y a six mois. Mais il vous a faussé compagnie une première fois, commandante ; que comptez-vous faire dorénavant ? J’ai examiné le profil de l’agent que vous aviez envoyé comme contact. Votre logique m’échappe. En quoi un tueur de spions, serait-il la personne la plus indiquée pour persuader l’un d’entre eux de coopérer avec nous ? Amnésique ou pas.

Les yeux d’Évola se mirent à briller. Son raisonnement était peut-être alambiqué, toutefois elle le jugeait solide. Elle suivait l’unique voie qui ne menait pas droit dans un mur, elle en était convaincue.

— Aucun mensonge ou embellissement de la réalité ne l’abusera. Notre société exclut les spions. Impossible d’occulter cela ! D’où le choix de Bryn : c’est un espion et assassin du renseignement, mais c’est également quelqu’un d’intelligent et d’honnête. Je ne l’ai pas envoyé seulement pour qu’il amène notre homme à nous aider, mais aussi afin qu’ils déterminent ensemble la place qu’il peut occuper parmi nous.

L’amirale s’assit derrière son bureau, ses traits toujours froncés de scepticisme.

— Je ne vous suis pas ; d’ailleurs, je ne comprends pas le problème. Le renseignement utilise des spions. Vous et moi le savons, même si le public l’ignore. Pourquoi intégrer votre rescapé du passé poserait-il des difficultés particulières ?

Le cœur d’Évola chahuta dans sa poitrine : elle n’allait pas couper à l’aveu de la vérité, avec laquelle, il est vrai, ses services avaient pris quelques libertés. Blêmissante, la chef du renseignement détourna les yeux pour la première fois. Elle se raidit avant de répondre, tête baissée ; ses cheveux bruns cachaient à demi son expression soigneusement contrôlée :

— Vous allez peut-être trouver que j’ai été trop loin, que tout ceci franchit les limites de la logique. Je ne vous ai pas tout dit.

L’amirale s’était arrêtée pour la scruter, la mine sombre. Elle parla sèchement, d’un ton neutre pourtant glaçant :

— Déballez tout, commandante Feslow. Je jugerai ensuite. Dissimuler la vérité dans une telle affaire, cela confine à la trahison.

Évola prit une inspiration et entreprit de convaincre l’amirale, d’une voix un peu précipitée :

— Notre homme est un génie, ses capacités intellectuelles sont intactes malgré son séjour prolongé en caisson. Son exploit avec la flotte le montre. Il pourrait donner la maîtrise réelle de l’hyperespace à l’Alliance. Cela changera le cours de la…

— Je sais tout cela, la coupa l’amirale. C’est précisément pour cela que je vous ai laissé une entière liberté d’action.

Évola cilla. La patience de la chef des armées s’épuisait : l’amirale n’aimait pas qu’on gaspille un temps trop rare. Sa gorge se serra, cependant elle réussit à projeter les mots au-delà de ses mâchoires tétanisées.

— C’est… c’est un ultra, amirale.

La femme en face d’elle se voûta et parut soudain plus vieille, ses traits plus affaissés encore par l’âge. Les deux officières se regardèrent un long moment sans mot dire. L’amirale finit par secouer la tête avec colère :

— Vous avez perdu l’esprit ? On ne peut se fier à aucun d’entre eux.

— Ne voyez-vous pas qu’il est différent, amirale ? Il a épargné Bryn, notre agent sur Minzue. Il a refusé de partir du côté de l’Expérion.

— Il n’est pas davantage du nôtre, commandant, simplement parce que c’est impossible.

Évola leva le menton et poursuivit d’une voix ferme :

— C’est impossible seulement si vous le décrétez.

— Jamais nous n’aurons confiance, insista l’amirale. Il pourrait si facilement nous contrôler, vous, moi ou n’importe quel rouage clé de l’Alliance.

Elle poussa un soupir d’agacement avant d’ajouter :

— On ne peut pas traiter avec les ultras, commandante. Nous l’avons démontré il y a bien longtemps. Nous ne sommes pas sur un pied d’égalité : leurs pouvoirs d’influence sont trop puissants. Combien de planètes sont tombées ainsi, sans combats, avant qu’on apprenne à détecter et à détruire ces aberrations ? Tout cela est documenté dans les livres d’histoire… Dois-je vous envoyer les relire ?

— J’ai conscience de tout cela ; c’est pour cette raison que c’est à lui de trouver une façon de travailler avec nous. Bryn n’agit plus à l’aveuglette à présent, il est averti de l’identité de sa cible, de son amnésie probable ainsi que des enjeux.

L’amirale reprit sa déambulation devant la vue de la ville illuminée. Elle réfléchissait et Évola la connaissait trop bien pour insister davantage.

Tout se jouait là, en cet instant.

Elle aurait aimé lui faire partager sa conviction que rien ne pouvait plus sauver l’Alliance, à part un miracle. Et celui-ci s’était déjà produit, six mois plus tôt. Si elles gâchaient cette chance, l’Alliance s’enfoncerait inexorablement, grignotée par les troupes de l’Expérion jusqu’à l’effondrement final, dans quelques mois. Ou quelques années… au mieux.

La vieille femme s’arrêta de nouveau. L’air était si électrique autour d’Évola qu’elle dût se forcer à ne pas se dandiner sur place dans l’attente du verdict.

— Je ne crois pas à cette possibilité, commandante. Néanmoins, je vais vous laisser poursuivre, parce que s’il ne prend pas fait et cause pour nous, il faudra l’éliminer : contre nous, il serait trop dangereux. Dans un cas comme dans l’autre, il convient de ne pas le perdre de vue.

La commandante Feslow tâcha d’effacer la joie qui illuminait ses yeux. Elle se raidit, salua son aînée et sortit en mode automatique, sans prêter attention aux navettes qui s’entrecroisaient derrière les vitres, témoins de la vitalité de la civilisation qu’elle cherchait à sauver. Elle repassait déjà dans sa tête les plans qui, elle l’espérait, conduiraient à la sauvegarde de l’Alliance.

Elle jouait son va-tout : ne venait-elle pas une fois encore de dissimuler des informations à l’amirale ? Qu’aurait dit celle-ci si elle avait su que la survie de Bryn tenait vraisemblablement plus à ses cheveux blonds et à ses yeux verts qu’à une retenue morale de leur cible ? N’y avait-il pas eu quatre morts ce soir-là ?

Qu’importe ! Ils abattaient tous leur dernière carte : Évola, Bryn et l’Alliance tout entière.

Tous leurs beaux échafaudages reposaient sur une seule intuition et sur une seule personne : la fille. Les interrogatoires avaient mené à la conclusion qu’elle était plus proche de lui que les autres du Vieux Marp. Elle l’avait soigné à son réveil, il l’avait sauvée de la destruction d’Estovan. Il existait une probabilité qu’elle les conduise jusqu’à lui. Infime, mais pas nulle. Ils n’avaient même pas eu grand-chose à faire, juste lui donner les moyens de partir à sa rencontre… et quelques autres menus arrangements.

La fille allait arriver sur Ione. Alors il devait y être, lui aussi. Maintenant qu’il se savait poursuivi, Ione s’imposait comme la destination évidente, qu’il connaisse ou non son passé.

Un peu trop évidente ? Il fallait bien que la chance tourne, de temps en temps.

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aranck
Posté le 29/10/2019
Hello !

Alors dans ce chapitre j'apprécie à la fois Yalis et Bryn ; tous deux me semblent honnêtes, autant l'un vis à vis de l'autre que vis à vis des raisons pour lesquelles ils sont là. On pouvait se douter que Yalis a un temps d'avance sur Bryn, mais Bryn est loin d' être stupide lui aussi et ne doute aucunement de ce que lui révèle Yalis.
Et puis, depuis le début, on sent que si Yalis à peut-être perdu la mémoire sur ses origines, il connaît intimement les rouages du pouvoir, on sait qu'il cerne très vite ceux qui l'entourent et qu'il est donc capable d'analyser une situation avec un temps d'avance. Je ne suis donc pas étonnée, d'autant que le temps à passé depuis qu'il a quitté Mu, qu'il sache comment fonctionnent les pouvoirs en place. Et ce que j'apprécie c'est sa neutralité ; il ne veut être récupéré par personne, ne servir personne, et vivre, tout simplement, sans être contraint de fuir. Probablement qu'il sera un jour contraint de faire un choix, mais ce n'est pas si certain.

Maintenant vu la scène du début, je t'avoue que je me demande à quelle tranche d'âge tu t'adresses. Au début, avec Mu en personnage principal j'étais partie sur du roman jeunesse, là j'arrive sur du jeune adulte. Il me parait difficile de mélanger les deux publics, certaines scènes, bien qu'éducatives sexuellement, me semblent un peu trop descriptives pour des ados. C'est mon point de vue, bien entendu et peut-être que mon grand âge ne me permet plus d'être à la page, donc tu feras ce que tu voudras ce cette remarque.
Pour le reste, l'écriture reste toujours bien maîtrisée, et nous partons dans des intrigues politiques parfaitement bien menées. Les sensations éprouvées par Bryn sont très bien rendues et la personnalité des deux personnages très bien marquée.

Je crains aussi pour Mu qui risque de se retrouver au coeur d'un conflit qu'elle ne maîtrise pas du tout...

Donc, mis à part ma remarque sur le public, je trouve que c'est un très bon chapitre, et si le public visé est du young adulte, le passage aux lubrifiants ne me dérange pas. (D'ailleurs lubrifiant, pour moi, ne signifie pas forcément préservatif) Et puis, faire l'amour oui, mais avec des précautions c'est mieux. À moins que toute maladie sexuellement transmissible ait disparue ?

Bref, je ne m'étendais pas plus là-dessus.

Quelques petites remarques :

« il dégrafa ses vêtements et commença à s’en débarrasser, sans hâte, Je raccourcirai la phrase, le "dégrafage" ne me semble pas utile et hache la lecture (il commença à se débarrasser de ses vêtements, sans hâte, etc.)

« celle du type perdu dans les ténèbres sans une lueur. » pourquoi ne pas alléger un peu : « perdu dans des ténèbres sans lueur » ?

« Si Yalis avait compris celui-ci, l’objectif était atteint. D’ailleurs, Yalis secouait la tête avec hilarité, tandis qu’un double à côté de lui arborait une moue de commisération. Un Yalis, c’était déjà trop, alors deux… Ils se décidèrent à éclairer Bryn en chœur : » Je n'ai pas vraiment compris si Yalis se dédoublait vraiment ou si c'était une image ?

« qui rétrécissait comme un ballon percé. » très jolie image !

Voili !

Si tu as besoin d'éclaircissements n'hésite pas.
Rachael
Posté le 29/10/2019
Merci pour toutes ces remarques. Concernant l'âge du public, c'est en effet du young adult, il me semble qu' au delà des scènes un peu "osées", il y a aussi des enjeux politiques (certes pas très présents au début) qui sont un peu au delà d'un public jeunesse. En tout cas, c'est en young adult que j'ai fait des envois aux éditeurs.
Pour le dédoublement de Yalis, c'est parce que la scène se situe dans un état de rêve ou de semi-rêve et que je voulais le rappeler.
Concernant les préservatifs, il en était question dans une précédente version, et puis on m'a fait remarquer qu'en effet, dans un futur si lointain on aurait bien pu faire disparaître toute maladie sexuellement transmissible ou alors trouver des moyens moins "archaiques" de s'en préserver... J'ai donc fait disparaître les préservatifs, qui ne me plaisaient à vrai dire qu'à moitié...
aranck
Posté le 29/10/2019
Alors oui, je comprends, mais du coup, je me demande si Mu ne devrait pas être plus âgée, (ce qui ne demanderait pas d'énormes changements) puisque c'est par elle que l'histoire démarre. Je ne me souviens plus quel est son âge exact, mais moi je lui donne environ 14 ans et sa relation amoureuse avec Keizo est celle d'une toute jeune fille.
Ok pour le reste.
Rachael
Posté le 29/10/2019
Mu a 17 ans, mais elle a vécu une existence assez recluse et finalement assez protégée (entre son père et marsou) malgré la guerre tout autour. , Elle ignore tout des relations avec des jeunes de son âge et elle a une certaine "candeur". Elle va évoluer au fil de l'histoire.
Je me suis demandée si ce n'était pas un peu "trop", mais comme tous les lecteurs l'aiment beaucoup telle qu'elle est et se sont attachés à elle, je ne me vois pas la changer...
aranck
Posté le 29/10/2019
Alors je pense que tu devrais le montrer par petites touches (des réflexions des uns et des autres concernant son "retard" ou sa naïveté, ou encore des petites phrases échangées entre son père et Marsou). Ceci ne changerait pas l'attachement qu'on éprouve pour elle, sa naïveté pourrait même en ajouté, mais il n'y aurait pas de confusion, car même si tu as donné clairement l'âge de Mu, cela ne suffit pas, ses réactions sont tout de même assez "enfantines" et à mon très humble avis il suffirait de pas grand chose pour changer ça. Même Mu pourrait se rendre compte de ce décalage de temps en temps, car ce qui me fait insister, c'est que d'autres que moi peuvent arriver aux mêmes réflexions. Peut-être te faudrait-il poser clairement la question à ceux qui te BL ? Cela dit, je peux tout à fait être à côté de la plaque vu la bouillie qui me sert de neurones et si je suis la seule à penser ça, alors ignore ce que je te dis.
aranck
Posté le 29/10/2019
"ajoutER"... :-(((
Rachael
Posté le 29/10/2019
Tu as raison, je vais poser la question clairement à ceux/celles qui ont lu l'éveillé ou qui sont en cours de lecture. Comme ça, j'aurais plusieurs avis. ;-)
Fannie
Posté le 17/06/2019
Coucou Rachael,
C’est curieux que Yalis utilise ce mode de partage des sensations et des émotions pour une aventure d’une nuit. C’est intéressant de voir les hésitations de Bryn, ses réflexions jusqu’au moment où il est pris dans cet échange. Les préservatifs arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe, mais c’est très bien : d’une part, ça montre que Bryn ne perd pas le nord et d’autre part c’est cohérent avec sa tendance à vouloir freiner un peu (outre le fait que c’est bien qu’ils en utilisent).
La manière dont la commandante a décidé de se servir de Bryn fait froid dans le dos. Maintenant, comment Yalis a-t-il compris ? Il me semble qu’il n’a pas eu accès aux pensées de la commandante. Alors il connaît simplement ce genre de raisonnements ? Ça voudrait dire que s’il a oublié les événements et les personnes, voire sa propre identité, il n’a pas oublié les raisonnements et le fonctionnement des gens ?
On dirait que Mu va servir d’appât à son insu ; ce n’est pas bon, ça. ;-)
Quelques remarques :
Il réussit sans rompre le contact physique entre eux à se débarrasser d'une partie de ses vêtements ainsi que de la serviette dans laquelle Yalis était empêtré. [Comme cette phrase est un peu longue, je mettrais « sans rompre le contact physique entre eux » entre deux virgules.]
Tu n'as pas à t'en vouloir d'avoir foiré, le surprit Yalis. [Ce verbe d’incise (qui n’est pas un verbe de parole et qui n’exprime pas l’idée de parole) est d’autant plus contestable qu’il n’est pas clair : on peut comprendre que Yalis étonne Bryn ou qu’il a intercepté ses pensées]
elle n'allait pas couper à l'admission de la vérité [Cet emploi du mot admission me laisse dubitative. Il est plutôt employé dans le domaine intellectuel et philosophique, dans le sens d’admettre une idée, une théorie, un dogme. Reconnaissance, peut-être ou aveu ?]
Rachael
Posté le 17/06/2019
Yalis n'est pas dans son état normal, on ne peut donc pas forcément juger de ses actions en fonction de ce qu'il ferait en d'autres circonstances. 
Pour le raisonnement de l'Alliance que reconstruit Yalis, c'est bien ce que j'ai voulu montrer : Yalis a été à une autre époque habitué à ce genre de raisonnements ou stratégies tortueuses...
Merci pour les détails, j'ai revu ça. En effet, admission n'est pas approprié, tu as raison, j'ai mis "aveu" qui est bien le sens ici. 
Merci pour ton passage ! 
Aliceetlescrayons
Posté le 25/06/2019
A première vue, comme Fannie, j'ai tiqué sur le fait que Bryn aille chercher des capotes. Ca cassait un peu l'ambiance, je dois dire :D<br />Mais, à la réflexion, je me suis dit que ça permettait de montrer qu'il avait encore son libre arbitre, ce qui est quand même important face à un personnage qui peut influencer la volonté.
Pour la suite, je n'ai pas été étonnée que Yalis perce à jour les plans de l'Alliance, parce qu'on a l'impression dès le départ qu'il en sait plus long que la plupart des personnages, même juste après son réveil.
Rha... Mü s'est faite avoir >< J'espère qu'elle ne va pas aller droit dans un piège...
Rachael
Posté le 25/06/2019
Ah, cette histoire de capotes, j'avoue que je ne sais plus... Peut-être que je vais m'en passer et rester sur quelque chose de plus neutre qui montre quand même que Bryn ne perd pas totalement les pédales...
Intéressant, ce que tu dis sur Yalis/keizo, parce qu'on ne peut pas être sûr de ce qu'il sait exactement. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'a pas perdu son intelligence, et qu'il est doué pour entrer dans la tête des gens, alors ça aide... 
Keina
Posté le 07/06/2019
Ah ben Yalis avait vraiment un plan depuis le début ! Enfin, un genre de plan, quoi... et il n'a pas changé d'idée depuis son réveil : il veut toujours qu'on le laisse tranquille, que ce soit l'Alliance ou l'Expérion.
Par contre, j'espère bien que Bryn ne va pas abandonner comme ça, et qu'ils vont se revoir un jour. Même si j'espère aussi un peu que Mu le retrouve... sauf si l'Alliance les manipule tous. Ça, c'est moins cool. Pauvre Yalis/Keizo, qui est pris dans cette drôle de guerre dont il ne peut rien !
Je me demande vraiment ce qu'il va se passer par la suite. Reverra-t-on Bryn ? (je suppose que oui) Est-ce que Mu va conduire l'Alliance à Keizo ? (j'espère que non) Est-ce qu'ils vont tous finir ensemble et faire une grande farandole de la paix ? (ahah, on peut rêver)
Bon, bah, puisqu'il n'y a plus d'autres chapitres pour le moment, je vais me contenter d'attendre pour avoir les réponses !
Rachael
Posté le 07/06/2019
Un genre de plan, hein... je n'irai pas jusqu'à appeler ça un vrai plan... en effet, il veut qu'on le laisse en paix, mais ça parait mal barré ! 
Bon, c'est chouette que tu veuilles revoir Bryn avec Keizo/Yalis, et aussi Mu... C'est le problème quand on introduit des persos et qu'ils font leur place dans le coeur des lecteurs, on ne peut pasles abandonner sur le bord du chemin. 
(une grande farandole de paix... il me semble que tu n'y crois pas vraiment, cynique que tu es... ^^)
Je vais vite relire la suite pour mettre de nouveaux chapitres en ligne.  
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