Clément et Lucas s'installèrent sous "l'arbre aux histoires", comme ils le nommaient. Lucas ouvrit le gros livre qu'il tenait dans ses mains et le posa sur leurs jambes à tous les deux, répartissant son poids. Cette fois-ci, c'était à son tour de lire.
En effet, depuis que les deux garçons savaient déchiffrer ces mots, chaque premier week-end du mois, ils se retrouvaient sous cet arbre, avec un livre tout juste acheté à la librairie du village, qu'ils lisaient chacun leur tour. C'était toujours la même collection, collection qui possédait, à la fin de l'ouvrage, une page, avec une illustration. Et la tradition, ou plutôt la dernière étape de la tradition, c'était d'arracher ce dessin. Si l'histoire leur avait plu, Clément et Lucas l'accrochaient dans l'arbre - d'où son surnom. Sinon, l'un des deux sortait son briquet, et ils brûlaient la page. Puis le roman était entreposé dans le grenier de Clément.
Ce rituel leur avait été inspiré par le premier livre qu'ils avaient lu, le premier week-end, à l'époque où ce n'était pas encore une habitude. Premier livre qui avait d'ailleurs sa page illustrée accrochée au centre de l'arbre, bien visible. Et désormais, aucun ne manquerait ce moment, leur moment privilégié, comme coupés du monde et du temps pendant un instant.
La voix de Lucas retentit alors, mot après mot, phrase après phrase, grave, mais déraillant parfois, dû à sa mue.
°°°°°°°°°°
Lucas se tut soudain, et le silence apparu fut encore plus bruyant. Un oiseau chanta, tandis que les deux amis regardaient droit devant eux. Ils tournèrent la tête au même instant, et se regardèrent. Ouvrirent la bouche, toujours synchronisés, et parlèrent. Et l'impensable se produisit. Les deux garçons, qui avaient toujours été d'accord sur l'histoire, qui pensaient ne jamais avoir de mal à décider ce qu'il convenait de faire de l'illustration... Dirent deux choses opposés. Clément voulait accrocher le dessin ; Lucas voulait le brûler.
Ils se fixèrent à nouveau, muets. Puis chacun tenta d'argumenter, de ramener l'autre à son opinion. Mais rien n'y fit, aucun terrain d'entente ne fut trouvé. Alors, Clément tourna le regard vers l'horizon, et proposa le seul compromis qu'ils pouvaient trouver dans cette situation. Lucas hocha la tête, conscient qu'il n'y aurait rien de mieux possible. Le premier détacha délicatement l'illustration du livre, puis la déchira à nouveau en deux, au centre. Il monta dans l'arbre accrocher sa moitié de feuille, tandis que le conteur brûla la sienne.
Rapidement on ressent ce lien entre les deux garçons, alors que le texte est court. On est suspendu à l'enjeu : vont-ils arrêter de se parler pour toujours? Quelle va être leur réaction? A la fin, j'ai poussé un gros ouf de soulagement - j'aime bien les histoires qui se terminent bien ;)
J'ajoute pour conclure que cette petite tradition a un côté très poétique, et que l'histoire m'a évoqué la forme d'un conte ou d'une fable
Oh là là 🙈 Merci infiniment !
Oui, c'est vrai que ça me donne un peu ce sentiment aussi ^^ Merci encore <3
Elle est trop mignonne cette relation, et ce lien fait qu'on s'attache direct aux deux personnages, alors qu'on ne sait quasiment rien sur eux.
Tu devrais vraiment te lancer dans les concours de Nouvelle, tu as clairement le niveau pour y réussir avec brio !
Merci infiniment Zig, je suis super touchée que ça continue à te plaire ❤