L’instructeur fixait les nouvelles recrues de ses yeux de faucon. Il incarnait tous les stéréotypes de sa profession : grande taille, muscles bien visibles, mâchoire carrée, visage couturé de cicatrices, crâne rasé et caractère irascible…
Parmi les personnes qui subissaient son regard, il y avait Katy. C’était la plus jeune et la plus petite de son groupe. Malgré ce qu’avait dit Rupert, il était rare qu’une jeune fille de douze ans intègre l’armée. Beaucoup de ses nouveaux camarades l’observaient du coin de l’oeil d’un air moqueur ou sceptique. Mais c’était la dernière chose dont elle se souciait. Pour l’heure, toute son attention était concentrée sur le lieutenant Briggs qui allait assurer leur formation. D’après ce qu’elle avait pu en juger, c’était un homme rigide, attaché aux traditions, dont il était difficile de gagner le respect. Il semblait considérer les bleus avec le mépris du vétéran qui regrette de ne pas encore être au front.
— Repos ! ordonna-t-il en alycien.
Les nouveaux adoptèrent la positions adéquate avec un soupir de soulagement, ils commençaient à avoir des crampes au bras.
L’aube lançait ses rayons mauves et roses dans la cour d’entraînement, située au pied des hautes tours du QG.
— Numéro 17 ! aboya soudain le lieutenant Briggs.
— Ou… oui, mon lieutenant ! répondit un jeune homme maigre aux cheveux noirs.
— Qu’est-ce qui t’a motivé à intégrer l’armée ?! demanda l’instructeur d’un ton qui ressemblait plus à un aboiement qu’à une question.
— Ppp… pour protéger les valeurs de la liberté ! bégaya le malheureux.
— Mauvais réponse ! Cent tours de château !
— Que… quoi ?
— J’ai horreur de répéter ! Ça fera cent dix tours ! Tout de suite !
Le numéro 17 regarda ses camarades d’un air ahuri, puis lentement, sortit de la cour.
Les autres n’en menaient pas large.
— Numéro 11 !
— Oui mon lieutenant ! clama un grand blond, l’air sûr de lui.
— Quelle est ta motivation ?!
— Défendre ma patrie contre ces affreux Amaryens !
— Faux ! Cinquante abdos et cinquante pompes !
— Qu…
Le blond avait pâli sous le regard perçant de son instructeur, il s’exécuta.
— Numéro 21 ! Motivations !
— Je…heu…
— C’est « oui, mon lieutenant » !
— Oui, mon lieutenant, c’est que… enfin… je….
— Bégaiements ! Ça fait vingt squats !
— C’est parce ce que je ne voulais pas être assignés aux récoltes ! cria le numéro 21.
Briggs se tut un bref instant.
— Deux cent tours de château !
Le jeune garçon déglutit, puis hocha tristement la tête avant de partir en trainant les pieds.
L’attention du lieutenant se porta sur un garçon de taille moyenne, à peine plus âgé que Katy, dont les cheveux auburn tombaient en mèches folles sur son visage.
— Numéro 2 !
— Oui, mon lieutenant ! fit la nouvelle victime en suant à grosses gouttes.
Son accent était étrange, à mi-chemin entre celui des Amaryens et des Cocardiens.
— Pourquoi as-tu rejoint l’armée ?!
— P… pour protéger ma famille !
— C’est-à-dire ?!
— Si les Amaryens gagnent, tôt ou tard, ma famille va finir par se retrouver sous leur joug. J’ai entendu des horreurs sur la façon dont ils traitaient les populations, je ne veux pas que ça arrive à mes proches.
Le regard de Briggs exerçaient une telle pression sur la recrue que Katy crut qu’il allait se désagréger sur place. L’instructeur se pencha lentement jusqu’à ce que ses yeux soient à la hauteur de ceux de son interlocuteur.
— Bonne réponse ! lâcha-t-il.
Le numéro 2 eut un grand soupir.
Maintenant, le lieutenant furetait parmi ses élèves à la recherche de sa nouvelle victime. Lorsqu’il vit Katy, il eut un sourire qui n’augurait rien de bon.
— Numéro 18 ! Je veux tes motivations !
— Donner un sens à ma vie.
La jeune fille n’avait pas sourcillé. Garold était bien plus terrifiant que Briggs, les punitions corporelles ne l’effrayaient pas, et les entraînements physiques lui feraient gagner en muscles, elle n’avait aucune raison de craindre l’imposant instructeur.
— Explique-toi !
— Je suis assez douée pour me battre, je me rendrai plus utile ainsi.
— Insuffisant ! Il y a autre chose ! Dis-moi qu’elle est ta véritable raison.
C’était la première fois que Katy l’entendait parler normalement au lieu d’hurler, elle sut qu’elle avait piqué sa curiosité. Elle hésita, elle ne voulait pas que tout le monde le sache.
— Dis-le moi ! C’est un ordre !
— La vengeance.
Les autres nouveaux écoutaient, bouche-bée, à la fois médusés que cette petite fille tienne tête à l’entraineur qui faisait deux fois sa taille, et effarés de voir qu’il ne la punissait pas.
— Qui veux-tu venger ?
— Beaucoup de gens.
Briggs plissa les yeux.
— Quel est ton nom ?
— Katy Pumbleton.
Cette fois, le lieutenant eut l’air surpris.
— Comment s’appelait ton père ?
— George Pumbleton.
— Mmmmh, j’ai connu ton père. Espérons que tu sois aussi brillante que lui.
Il recula de quelques pas puis il balaya du regard les nouvelles recrues.
— Écoutez-moi bien ! Ici, c’est l’armée. Vous pouvez mettre toutes vos convictions fumeuses à la poubelle. L’honneur, la patrie, la liberté, c’est fini tout ça ! Quand vous serez sur le champ de bataille, il n’y aura que vous, l’ennemi et la Mort ! Ce n’est pas la liberté qui vous aidera dans ces moments-là ! Quand on lutte pour sa vie, il faut des raisons solides ! Si on n'en a pas, on n'a plus qu’à s’en remettre à son instinct ! Tuer ou être tué ! Pendant l’année qui va suivre, vous allez apprendre à oublier toutes les niaiseries qu’on vous a apprises ! Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?!
— Oui, mon lieutenant ! crièrent les voix terrifiées des recrues.
Katy, elle, était satisfaite. Malgré tous ses travers, Briggs semblait capable de la transformer en véritable soldate, c’est tout ce qu’elle souhaitait. Les visages de ses proches lui revinrent à l’esprit, ainsi que celui de Roy. Elle serait bientôt sur le champ de bataille, elle pourrait bientôt les venger.
___
Katy se dirigeait vers le dortoir féminin, encore trempée de sueur. Mais malgré ses muscles au supplice, son corps semblait léger. Elle passa devant une case où étaient stockées des armes et sursauta quand des cris émergèrent d’un recoin de la façade.
— T’es un traître, tout le monde le sait !
— Comment t’as fait pour te faire accepter par les officiers, tu les as sucés ?
Des bruits sourds et des gémissements retentirent.
— Saloperie d’Amaryen !
Katy contourna l’angle du mur pour observer la scène. Trois membres de sa promotion avait jeté le rouquin, le numéro 2, à terre pour le rouer de coups.
— Qu’est-ce que vous faites ? lança-t-elle aussitôt.
Le trio fit volte-face vers elle.
— Te mêle pas de ça, la privilégiée.
— Privilégiée ?
— On sait bien que ton père t’as pistonnée, casse-toi.
La colère gronda en elle, serrant ses poings.
— Écartez-vous de lui, proféra-t-elle, sombre.
Ils éclatèrent de rire.
— T’es pas au courant, hein ?
— C’est pas toi qui disait que tu détestais les Amaryens ?
— Bah en voilà un.
Elle accusa le coup, pivotant vers le visage tuméfié du numéro 2, toujours recroquevillé par terre.
— Il s’appelle Johann Reiner, ses deux parents sont nés dans l’Empire.
Elle se raidit. Elle entama un mouvement pour s’éloigner et laisser ses camarades continuer leur lynchage, mais le regard larmoyant de l’Amaryen accrocha le sien. Il avait dit vouloir protéger sa famille.
— Déguerpissez, insista-t-elle.
Ils s’assombrirent devant son air assuré.
— Tu cherches les emmerdes, gamine ?
Elle ne répondit pas, leur faisant face. Finalement, l’un d’eux posa une main l’épaule de ses amis.
— Venez, vaut mieux pas abîmer la princesse sinon la hiérarchie va nous tomber dessus.
L’amour de Briggs pour les tours de château et les abdos parut leur revenir en mémoire puisqu’ils acquiescèrent.
— À une prochaine fois, sale rat, cracha celui qui semblait être le meneur en s’éloignant.
Katy se retrouva seule avec Johann qui se relevait difficilement.
— Merci… bégaya-t-il.
Elle ne lâcha pas un mot et se détourna pour partir. Il lui attrapa la manche.
— Est-ce que… tu veux bien m’aider à marcher jusqu’à mon dortoir ?
Elle opina silencieusement et passa son bras au-dessus de ses épaules, ignorant la répugnance étrange que lui provoqua le contact d’un Amaryen.
— Alors comme ça tu t’appelles Katy ? tenta-t-il d’une vois presque enjouée.
Elle resta muette.
— Moi je m’appelle Johann, enchanté.
— …
— Tu… tu me détestes, c’est ça ? À cause de mes origines ?
Encore un silence évocateur.
— J’ai… jamais vécu en Amarye, tu sais. Mes parents ont fui le régime de peur d’être arrêtés pour leur prise de position… contre la guerre. Tous les Amaryens ne sont pas… des soldats assoiffés de sang, je te jure.
Sa voix brisée alluma une étincelle dans la poitrine de Katy. Ses mots ne changeaient rien au fait qu’elle haïssait les Amaryens. Mais lui était différent.
— Je ne te déteste pas.
Une lueur d’espoir brilla dans l’unique œil encore ouvert du jeune homme.
— C’est vrai ?
— Oui.
— Tiens, ta voix est bizarre…
— …
— Tu veux bien être mon amie ?
La demande incongrue la plongea d’abord dans un silence médusé.
— Non.
La réponse avait été si directe et cassante qu’il s’arrêta, freinant la jeune fille.
— Pourquoi ? souffla-t-il.
Elle se mura dans le silence. Pour ne pas s’attacher. Pour ne pas perdre, encore. Elle serait un soldat, une machine de guerre, et c’était tout. Mais ces mots trop intimes ne franchirent pas ses lèvres.
— On est arrivés.
— Merci… je vais me débrouiller à partir de maintenant.
Il se détacha d’elle pour claudiquer piteusement, s’appuyant contre le mur.
— Pourquoi tu ne les dénonces pas ? lâcha-t-elle.
Il haussa les épaules.
— Je l’ai déjà fait.
Il poussa la porte, manquant de s’effondrer dessus.
— Au revoir, lança-t-il quand même avec un sourire barbouillé de sang.
Katy serra les poings. Une machine de guerre.
C’était tout.
- Les nouveaux adoptèrent la positions adéquate (position)
- Le regard de Briggs exerçaient une telle pression (exerçait)
- Mais malgré ses muscles (mis ?) au supplice, son corps semblait léger.
- l’un d’eux posa une main (sur) l’épaule de ses amis. (Mais c’est bizarre de poser la main sur plusieurs épaules fin c’est pas possible)
- ignorant la répugnance (il y a une espace en trop) étrange
- tenta-t-il d’une vois (voix) presque enjouée. (Et j’aurais dit “qui se voulait enjouée” mais bon)
- Encore un silence évocateur. (Le “encore” est bizarre, je trouve qu’il casse le rythme (je sais pas vraiment comment dire)