13:Rien qu’un sac léger

 

—Alors on fait quoi, maintenant?

—Tu te prépares à partir. Moi, rien à rajouter dans mon sac. Même s’il est presque vide.

—Alors je pars avec la même chose que toi.

Il me regarda, d’un air éberlué, comme si j’étais fou. L’air stagna, là où j’attendais une caresse. Une feuille tomba, tomba du vieux chêne. En ligne droite. Au lieu d’être malmenée. Tout paraissait immobile, comme figé de peur. Le linge étendu par la voisine. Ma girouette, là haut. Les nuages.

—Non. T’es trop fragile. Tu peux pas, j’ai l’habitude, moi.

Il m’avait envoyé trois coups de poing. “Non” dans la mâchoire, “trop fragile” dans l’estomac. “J’ai l’habitude, moi” en plein dans le cœur. Et ils les avait donnés consciemment, froidement. Les avait calculés, un par un.

—Mais j’veux quand même que tu partes avec moi. 

Il me prenait dans ses bras, me consolait, par ces simples mots. Il me voulait avec lui, sur la route, sous le froid qui grince. Il voulait une présence, un peu de chaleur, quelqu’un qui brûlait encore pour le réchauffer. Je voyais bien, dans ses yeux, que je n’étais pas prêt. Mais ça n’était pas si important. Je devais m’user, souffrir, un peu, pour garder cette étincelle de vie. Les gens heureux brûlent sans se consumer. 

—Par contre j’sais pas où on va. J’sais jamais, d’toute façon. 

J’aurais été déçu du contraire. 

— On peut aller aux Falaises. Au bout de la terre. Là où le roulis nous sculpte. Peut-être que là-bas le vent survit, un petit peu. Peut-être qu’il frémit encore. Qu’il tremble.

C’était sorti tout seul. Une idée, un instinct, une fulgurance. 

—On peut. Après j’pense qu’on est tous des falaises. Façonnés par l’vent et les éboulements qu’les autres provoquent. Mais j’ai pas d’autre éclat qui fuse. Alors allons voir nos sœurs, oui. On saura pt’être plus sur nous, en comparant.

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