— Alors j’suis pas tout seul, à avoir cette impression…
Il avait lu attentivement, haussant parfois un sourcil, hochant la tête, presque surpris.
— Quelle impression ?
— Que l’vent s’meurt. Lentement.
Ses mots résonnèrent, dans le silence de la rue. Il était adossé au vieux chêne.
— Je l’ai senti, oui. Et il me l’a dit, aussi. Qu’il s’éteint. Qu’il ne restera de lui qu’une écharpe claquant au gré de ses caprices.
— Je n’veux pas qu’il disparaisse. Il m’aide à oublier, m’oublier, parfois. Il souffle ma douleur au loin, par ses caresses rugueuses.
J’ai fait silence quelques secondes, par respect. Puis j’ai enchaîné :
— Moi non plus je ne veux pas qu’il parte. Il me souffle à l’oreille, tendrement. Et j’ai, parfois, l’impression que c’est lui qui fait courir ma plume sur le papier ; je n’ai plus qu’à me laisser aller, m’abandonner à mes mots. Et je me découvre, me redécouvre, au détour d’une phrase…
L’air était lourd depuis son départ. Comme pâteux. Je câlinai l’écharpe, comme pour me rassurer.
— On peut pas rester comme ça, comme des cons.
Une évidence.
— On doit souffler. Pour nous. Pour les autres. S’user, peut-être. Pour faire croire au monde qu’il vit encore. Être vivant. Vibrer.
— Je ne suis pas sûr qu’on puisse remplacer le Vent. Il était si immense…
J’avais dit ça en fixant la terre rougie.
— Moi je suis sûr qu’on peut pas. Mais je dois oublier, et toi te souvenir.
Les raccourcis grammaticaux (je sais plus quel est le nom officiel pour parler de ça, mais par exemple "Que l'vent", "Je n'veux pas") apportent un semblant de réalité à l'histoire, comme du patois. Quand je l'utilise dans mes histoires je fais en sorte de le donner à un personnage vraiment pas important, car je trouve (mais là c'est purement subjectif) que ça "casse" un peu le rythme de l'histoire. Mais pour le coup tu l'utilises à peine donc ça reste très fluide dans la lecture.
Voilà voilà, je suis à jour ! J'attends les prochains chapitres avec impatience ! ^^