A l’aube sur la terrasse, l’acier terne et cabossé brillait froidement par l’apposition des premiers rayons du soleil ; l’armure, telle une poupée de chiffon, gisait de façon informe, sa crasse humidifiée par la rosé salissant le sol blanc, précédé des pas boueux qui l’avaient déposé ici. De l’autre côté de la baie vitrée embuée, le visage de Sophie était encore plus rouge que le soleil levant. Sa colère était telle que même les mouches ne semblaient pas vouloir faire de bruit. Bien sûr, l’apparition du tas de boue sur sa terrasse, et son appartement transformé en porcherie, étaient en parties une des raisons de sa colère. Mais cela n’était rien, rien en comparaison de la fureur que lui provoquaient les informations qui tournaient en boucle à la télévision.
Aux dernières nouvelles, l’explosion observée à l’église Saint-Etienne le vieux serait d’origine criminelle, le camion poubelle observé sur les lieux ayant été volé la veille à la municipalité.
Elle éteignit d’un geste furieux la télévision, et jeta la télécommande sur la table basse.
— Tu m’avais dit, dit-elle d’une voix forte, qu’il n’y avait rien à craindre, que tu maîtrisais tout, qu’il n’y avait aucun danger ! Et je vois quoi ? Une explosion ? C’est ça que ça veut dire « sans danger » ?!
Une veine tremblait sur sa tempe ; son visage d’habitude si joli était déformé, moite, et ses yeux vitreux. Rose, elle, ne bronchait pas, et avait le regard baissé, comme un cocker.
— Et tu as pensé à si il était arrivé quelque chose à Edmond ? Tu as pensé à ça ?
Edmond rougit à son tour, il n’avait aucune envie d’être mêlé à cette dispute, même si il avait été là au moment de l’explosion. Lucie, qui avait passé la soirée dans l’appartement avec Sophie, était devenue blanche lorsque l’information lui était parvenue, et n’avait toujours pas retrouvé sa couleur naturelle.
— Et la pauvre Lucie ! Elle a faillit avoir une crise cardiaque !
Lucie passa de blanc à rosé ; elle non plus ne voulait pas être mêlée à cette dispute, même si il est vrai qu’elle s’était sentie proche du malaise. Elle glissa à côté d’ Edmond, se cachant derrière son épaule.
— Et pourquoi, POURQUOI FALLAIT-IL QUE TU RAMENE CETTE CHOSE ICI ?
Sophie pointa du doigt la carcasse de chevalier bosselée de l’autre côté de la vitre.
— Il n’y avait pas de place dans votre hangar ??
Rose se tenta à relever les yeux, et répondit d’une voix coupable :
— Je t’ai déjà dit, chaton, avec la police qui trainait, il fallait prendre des chemins plus sûrs alors… c’était plus facile comme ça.
Le visage de Sophie se dégonfla, et son apparence douce reprit peu à peu la place de l’enragée. Les tremblements soudains de ses bras révélèrent que c’étaient la peur qui la dominait plus que la colère. Devant ses émeraudes mouillés, Rose se revigora et assuma :
— Chaton, je sais dit-elle, j’ai merdé. Mais franchement, je ne pouvais pas prévoir ça. Je les ai sous-estimés.
Sophie s’était assise et passait nerveusement sa main dans sa chevelure rousse.
— Je sais que c’était impossible à prévoir se confondit-elle, mais quand même…
Rose s’approcha et la serra dans ses bras, lui caressant gentiment la tête.
— Je te promets qu’on fera nettement plus attention dorénavant. Je vais les prendre bien plus au sérieux.
Une lueur intense passa dans le regard de Rose alors qu’elle fixait le mur du fond, en profonde réflexion.
— Mais tu comprends aussi qu’il m’est impossible de les laisser faire.
Sophie fit un oui de la tête contre l’épaule de Rose, trempant son épaule au passage.
— Il faut que l’on sache ce qu’ils sont venus chercher sous cette église continua la guerrière. J’admets que nous avons un réel retard.
Edmond fit un pas, s’approchant timidement du couple enlacé.
— Tu penses qu’il y a un réel danger ?
Rose relâcha son emprise sur sa conjointe pour se retourner et faire face à Edmond avec un visage glaçant de sérieux.
— Il y a un grand danger. Je n’ai pas bien évalué ces fanatiques. Je ne sais pas ce que cela cache, mais cela ne me plait pas du tout. Je ne sais même pas par où commencer.
Il y eut un silence froid comme l’aube. Peu à peu, chacun pesa à sa manière la gravité nouvelle de la situation. Tout le monde s’attendit à ce que Rose reprenne la parole pour les guider, mais ce fut Sophie qui fut la plus prompt.
— Tu pourrais… tu pourrais commencer par ça, dit Sophie en pointant l’armure du doigt.
— Oui je vais la ramener chaton.
— Non je voulais dire… voir quels renseignements tu peux en tirer.
Rose lui envoya un sourire sincère.
— Tu as raison. Mais il faut d’abord que l’on puisse la ramener tout de même. Il va falloir attendre que la police stoppe ses patrouilles. En attendant, Edmond et moi on va se changer.
L’eau chaude eut pour effet de délier le corps et l’esprit. Edmond, affublé de vêtements un peu grands prêtés par Rose, s’affala dans le canapé. Derrière, Sophie et Lucie s’affairent à prépare un copieux petit déjeuner, et des odeurs de bacons affamantes envahirent la pièce. Rose rejoint rapidement Edmond, séchant ses longs cheveux bruns en les frottant dans une serviette. Elle s’assit avec lourdeur à côté de lui, tout aussi rincée.
— Alors, on fait quoi maintenant ? demanda Edmond.
— Pierre m’a envoyé un message. La police risque de faire des patrouilles jusque cet après midi. Nous déplacerons l’armure que ce soir. Après le petit déj’, Lucie et toi vous rentrez chez vous. Vous vous reposez, je t’appellerais.
Le ventre bien rempli, Lucie et Edmond descendirent sans grande vigueur les escaliers pour sortir de l’immeuble. Rose, après les avoir raccompagné jusqu’à la porte, s’allongea dans le canapé pour y réfléchir. Cette histoire était préoccupante. Qu’étaient ils venus chercher sous cette église ? Quel objet pouvait être assez important pour mettre tant de moyen à le récupérer ? Crépuscule n’était peut-être pas une simple secte composée de fanatiques. Sa dangerosité se révélait au grand jour. Et pour la combattre… aucun indice. A part…
Les yeux de Rose se posèrent de l’autre côté de la vitre, sur l’armure qui scintillait mollement au soleil. Comme cela, l’artefact n’apportait pas grand-chose. Le symbole en soleil était le plus intriguant, et la première chose que Rose allait faire, c’était de fouiller dans les archives du hangar et celle de l’université, trouver des renseignements dessus. Sophie glissa dans le salon, se rapprocha du canapé pour s’assoir à côté de sa concubine, ses cheveux voletant au dessus du visage de Rose à la manière d’un drapeau sous une brise. Plaçant une longue mèche de cheveux roux derrière son oreille, elle envoya à ce regard soucieux un sourire charmeur mais quelques peu honteux.
— Je… je suis désolée de m’être emportée tout à l’heure.
Rose sourit à son tour, mais toujours avec cette expression sombre sur son arcade sourcilière. Lui prenant la main dans la sienne, elle répondit :
— Ce n’est rien, tu as eu peur, c’est compréhensible. Moi-même je me suis demandé ce qui se passait.
Les traits d’habitudes joyeux de la guerrière avaient laissé place à un visage terne, inexpressif.
— Ça ne va pas mon chat ? lui demanda Sophie.
Rose dodelina sur ses fesses, avant de répondre du fond de la gorge :
— Je ne sais pas… Une part de ce que tu as dis tout à l’heure est vrai. J’implique trop les autres.
Sophie s’assit délicatement sur ses cuisses, la fixant de ses beaux yeux verts.
— Non, je suis allez trop loin tout à l’heure. Tu es une bonne cheffe d’équipe. Tu connais les limites. Et tu l’as dis toi-même, tu ne peux pas les laisser faire, et tu es la seule qui puisse les arrêter, je le sais. Mais tu n’y arriveras pas seule.
Rose hocha la tête, un maigre sourire pendu aux lèvres. Les doigts de Sophie glissèrent sur son cuir chevelu alors qu’un air malicieux illumina son visage.
— En attendant, ça te dit une… petite sieste ?
Rose hocha plus vigoureusement la tête, et Sophie se leva, se dirigeant vers la chambre comme si elle lévitait à quelques centimètres du sol. Rose se releva sur son séant, un reflet attirant son regard dehors. Le soleil miroité plus intensément sur l’armure, et elle aurait juré que le bras droit n’était pas dans cette position tout à l’heure. Se frottant les paupières, elle se leva, s’apprêtant à rejoindre sa compagne dans la chambre. Un bruit de casserole qui tombe à mi-chemin la fit sursauter et la stoppa.
— Tu as fais tomber quelque chose ? demanda Sophie qui passa sa tête à travers la porte.
— Non ? répondit Rose, plissant les yeux en direction de la terrasse.
Une fatigue écrasante venait à bout du corps d’Edmond, et c’est avec soulagement qu’il donna les clés de sa voiture à Lucie, s’affalant sur le siège passager. Après les quelques vérifications nécessaire, elle démarra et sortit de la cours de l’immeuble, s’embranchant dans la grande rue principale qui montait jusqu’à la cité universitaire. La rue était déserte quand ils passèrent sous l’appartement de Rose.
CLONG !
Lucie écrasa la pédale de frein, la voiture s’arrêtant de travers, la tête d’Edmond s’approchant dangereusement de la vitre. Le couple se regarda, puis avança en même temps le nez vers le tableau de bord, afin d’observer ce qui venait de tomber du ciel. Une stupeur bloqua leurs colonnes. L’armure que l’équipe avait récupéré la veille se releva lentement, tourna son casque rouillé et bosselé vers eux, puis s’enfuit dans la direction opposée, comme elle le pouvait. Edmond, les yeux écarquillés, ouvrit précipitamment la porte afin de la poursuivre. A ce moment là, il fut rejoint par Rose qui venait de glisser par la gouttière :
— Elle est partie où ? demanda-t-elle dans la panique.
— Par là ! lui répondit Edmond qui se mit à courir, Rose se mettant sur ses talons.
Malgré son poids, l’homme dans l’armure se déplaçait tout de même avec une facilité déconcertante et de plus en plus vite, comme si au fur et a mesure, il retrouvait de la force. Edmond et Rose le poursuivaient tant bien que mal, et Edmond, trop fatigué, dû encore une fois abandonner, laissant la guerrière continuer seule, coûte que coûte. L’armure tourna à une rue, puis une autre, s’engouffra dans une venelle ombragée entre deux barres d’immeubles ; elle avait parcouru la moitié du chemin quand elle s’effondra sans prévenir par terre, immobile. Rose s’arrêta, souffla. La fatigue, malgré son incroyable métabolisme, commençait à peser. Edmond arriva quelques secondes après, rouge, soufflant comme un bœuf, exténué.
— Dis à Lucie de venir avec ta voiture, on doit emmener ce truc au plus vite au hangar, pour l’attacher ! souffla-t-elle entre deux respirations.
La 205 se gara tout proche et Edmond et Rose hissèrent avec difficulté la lourde armure dans le coffre. Quelque chose d’étrange leur sauta aux yeux : l’armure paraissait moins sale, moins cabossée qu’à sa découverte. Et au moindre rayon qui traversait le hayon, elle scintillait avec force. Les éclats de métal attirèrent rapidement le regard des passants qui s’arrêtaient, interpellés, se demandant ce qu’un homme en armure faisait allongé dans un coffre. Rose stoppa leur curiosité malvenue en le fermant.
— C’est juste mon oncle qui a trop bu, mentit-elle avec aplomb.
Edmond et Rose ramenèrent seuls l’armure jusqu’au hangar, laissant de nouveau Lucie aux bons soins de Sophie. Ils harnachèrent le chevalier avec des chaînes solidement serrées à un poteau de bêton au fond du hangar, dans les ombres de la partie garage. Ils restèrent un moment à observer l’armure immobile, mais rien de neuf ne se passa. Ni dans l’heure, ni dans les deux jours qui suivirent.
Trois bons jours furent nécessaires pour que la tête de Rose émerge de ses évènements invraisemblables. Pouvant enfin réfléchir calmement à la situation, elle observait, assise en tailleur sur le sol bétonné du hangar, l’armure attachée en face d’elle. Sur son petit carnet, elle avait dessiné une esquisse assez précise du chevalier, autour de laquelle gravitaient de petites observations. Bien qu’elle semblait légèrement moins abimée que lors de leur découverte, l’armure était tout de même salement amochée. Le heaume en pointe était totalement enfoncé sur la face gauche ; le panache rouge qui l’ornait était sale et en piteux état ; sur ses épaules, un manteau de plume vert sombre était partiellement déchiré et comportait d’énormes trous. Les peintures blanches étaient écaillées, et le soleil rouge et orange au centre du poitrail pratiquement plus visible. Le reste de l’armure montrait les traces d’un combat d’une brutalité inconcevable, chaque parcelle du corps étant terriblement cabossée : torse, bassin, jambe. Le bras droit était le membre le moins touché. Et malgré cet état lamentable, l’armure ne laissait rien entrevoir de ce qui se cachait en dessous. On avait beau tirer, dévisser, s’acharner sur chacun de ses membres, aucun ne se désolidarisait de son voisin ; l’armure était soudée en un ensemble, gardant secret le visage de celui qu’elle gardait. Ce dernier n’avait pas eu la politesse de bouger ne serait-ce qu’un doigt depuis la dernière escapade, et il semblait qu’il n’ait ni besoin de manger, de boire, ni de faire ses besoins. Incompréhensible, même pour une expérimentée comme Rose.
La porte du hangar grinça, et Edmond rentra en silence, en tenue de sport pour son entrainement, portant son sac à dos en bandoulière. Il s’approcha de Rose, et s’assit dans la même position à sa gauche.
— Toujours rien ? demanda-t-il.
Rose, qui continuait de dessiner et ne porta pas les yeux sur lui, répondit d’un murmure :
— Rien du tout. Pas un mouvement, pas une information.
Le crayon courrait dans un bruissement apaisant sur le papier, résonnant dans le grand bâtiment. Edmond observa à son tour l’armure, perplexe.
— C’est quand même dingue s’exclama-t-il.
— De ?
— Je touche un météore qui me procure des pouvoirs. Tu es sur le point de m’égorger quand tu m’apprends qu’on est plusieurs. Aujourd’hui, une armure vieille de plusieurs siècles se met à marcher toute seule, puis plus rien pendant trois jours. Je… je ne comprends plus rien.
Rose ferma son carnet, replaça sa mèche derrière son oreille, et poussa un profond soupir tout en baissant les épaules.
— J’en perds mon latin moi-même si tu veux tout savoir, répondit-elle, un peu dépitée. Si tu t’attends à des réponses de ma part, je ne peux guère t’en donner. Je n’ai moi-même jamais vu ça.
Ils contemplèrent encore quelques secondes ce mystère dans un silence monacal.
— Tu m’aides à la déplacer ? demanda Rose au bout d’un moment. Je voudrais bricoler sur la supercinq, et elle me gène ici.
Edmond hocha la tête et tout deux se levèrent en même temps. Ils retirèrent les cadenas des chaines, enlevèrent ces dernières, et reculèrent d’un pas, s’attendant à ce que l’armure bouge d’un coup. Mais rien ne se passa. Prenant alors l’armure sous les aisselles, ils la trainèrent jusqu’à un poteau proche du salon, endroit un peu plus éclairé par les tôles transparentes du toit. Quand ils se dirigèrent vers l’armurerie pour s’entrainer ensemble, ils ne remarquèrent pas que le soleil qui léchait les jambes de métal les faisait briller d’une manière quasi-surnaturelle.
Les passes d’armes furent énergiques, et c’est avec les muscles douloureux et des bleus sur tout le corps qu’Edmond repartit une heure plus tard en cours. Rose, encore transpirante, resserra sa queue de cheval pour effectuer ses ajustements mécaniques. Sous le châssis, elle s’affairait avec ses clés et ses tournevis, recouvrant son débardeur blanc de cambouis et de poussière de rouille. Un bruit externe, pas plus fort qu’un souffle, s’invita dans ses réparations, apportant son mystère. Le son s’estompa, avant de revenir quelques instants plus tard. Rose, tendant l’oreille, glissa de sous la voiture afin d’en trouver la source :
« Du… soleil… »
La voix, plus proche d’un murmure, lui parvenait avec difficulté depuis le salon du hangar. Rose lâcha ses clés, se releva et se dirigea vers l’armure. La cuirasse continuait son antienne dans un soupir métallique.
« Du Soleil… Il me faut… Du Soleil. »
Rose croisa les bras, et la regarda. Le chevalier ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Les rayons du soleil qui perçaient le toit léchaient une des bottes en métal. A cet endroit précis, Rose le remarqua enfin, le métal étincelait d’une étrange manière, reflétant les couleurs de l’arc en ciel, dorant dans un halo le métal à l’origine argenté. Encore plus étrange, l’armure semblait aussi moins bosselée et moins sale qu’à l’origine à cet endroit précis. La guerrière se plaça devant le rayon, et le chevalier s’aperçut enfin de sa présence, tournant son casque vers ces yeux noisette qui l’observait.
— Ma lady, glapit-il de sa voix métallique, je vous en conjure… il me faut… du soleil.
Rose ne semblait pour le moins du monde résolue à lui accorder cette faveur. D’une voix aussi dure que son regard inquisiteur, elle demanda :
— Qui es-tu ?
— Du… soleil… soupira l’armure.
— Réponds à ma question, continua Rose, indéfectible.
— Je ne… Je ne peux pas. Je ne … sais pas. Il me faut… du soleil, supplia l’armure. Chaque mot, chaque syllabe semblait lui demander un effort considérable.
— Si je t’y mets, tu t’enfuiras ?
— Non… pitié, ma lady… répondit l’armure.
— Ok, je veux bien te mettre au soleil, continua Rose, mais je t’attache quand même. Et après, je veux que tu répondes à mes questions.
— Oui… tout ce que vous voudrez… implora le chevalier.
Il s’arrêta là, replongeant dans son étrange léthargie.
Rose rappela Edmond, Laurent et Pierre, afin de leurs expliquer ce qui venait de se passer ; demandant leurs avis, ils se résolurent à accorder au chevalier de répondre à sa demande, en effectuant cependant des tours de gardes pour être là au moment où il se réveillerait. L’homme en armure détenait surement la clé de leur enquête. Détachant les liens, il fut déplacé contre le poteau le plus proche du laboratoire, profitant pleinement de plusieurs lucarnes qui se remplissaient de lumières aux premières lueurs du jour et ce jusqu’à tard le soir. Baignant complètement dans le rayonnement solaire à son zénith, la cuirasse leur offrit un bien étrange spectacle : l’entièreté de l’armure brillait dans son halo doré aux reflets arc-en-ciel ; les bosses se résorbaient à vue d’œil, le panache sur le casque reprenait de la vigueur, les trous du manteau de plumes disparaissaient, et les peintures retrouvaient leurs couleurs. C'était irréel. Même Rose, qui avait vu un tas de choses étranges dans sa vie, était obnubilée par le spectacle. Malgré la vigueur certaine que l’armure retrouvait, cette dernière ne bougea cependant pas dans l’heure qui suivit, pas plus dans la suivante, et encore moins dans tout le reste de l’après midi. Rose demanda alors à Pierre de la surveiller le temps qu’elle aille chercher des affaires pour dormir au hangar afin de garder un œil dessus pour la nuit. Revenant avec un pyjama et un duvet, elle s’installa sur le clic-clac du salon pour être au plus proche de leur mystérieux invité lorsqu’il se réveillera. Elle congédia Pierre, et emmitouflée sur sa couche, commença à éplucher des revus, livres, et internet pour trouver tout ce qu’elle pouvait ayant un rapport même lointain avec les templiers et cet étrange symbole en forme de soleil. Quand la lune décroissante fut haute dans le ciel, ses paupières devinrent lourdes, et sans s’en rendre compte, terrassée par la fatigue, elle s’endormit sur ses pages.