14. Le temps des explications

Par Eurys

Et avec son ami, il ne prenait généralement pas gant.

— Vas-tu me dire ce qu'il arrive entre toi et le petit ? Lâcha-t-il.

Celui-ci haussa un sourcil perplexe en voyant le métis détourner le regard, soudainement attiré par la contemplation des restes de leur repas. Porthos n'avait jamais réagis ainsi, même quand il s'agissait de parler de son enfance ; il n'esquivait pas. Cette constatation fit monter en plus une appréhension qu'il n'aurait pas soupçonnée.

— Porthos !

— Rien du tout alors cesse de te mêler de mes affaires !

—Depuis quand me caches-tu des choses ainsi ? questionna le coquet avec une pointe de peine dans la voix. Le différend entre vous est plus que clair, même le capitaine s'interroge !

Porthos éluda les questions en vidant le fond de la cruche de vin dans son verre. Il ne lui manquait plus qu'Aramis s'en mêle. S'il avait espéré que les choses reprendraient leur ordre après cette nuit, il s'était vite aperçu qu'au lieu de se dissiper cet indicent creusait un fossé qu'il n'arrivait pas et n'avait pas la force de combler. En réalité il ne savait même pas s'il devait le faire. Il n'arrivait même plus à regarder le nouveau dans les yeux. La même question revenait sans cesse le tourmenter, le poussant à réfléchir à ce qu'il préférait enterrer... Pourquoi avait-il répondu à son baiser ?

Seulement cette réponse il la connaissait sans se l'admettre. Les yeux de son acolyte le scrutaient toujours, attendant une réponse. Et s'il se laissé aller a se confier à Aramis ? Après tout l'expert en ce genre de ... relation c'était bien lui ? Mais la crainte de sa réaction était toujours la vivace, enchaînant le peu de courage qu'il avait encore.

Oh et puis diantre s'il ne pouvait se fier à Aramis à qui le pourrait-il ?

—J'ai embrassé Lacroix.

Il avait dit cela rapidement en évitant le regard d'Aramis, mais le soulagement de s'etre enfin confié sur cette histoire dépassait de loin la honte qu'il pouvait en ressentir.

—Quoi !?

Rectification, rien que voir la tête d'Aramis en valait la chandelle. Si sa situation n'était pas si gênante il aurait ri à gorge déployée de cette soudaine perte de contrôle de la part de celui qui entretenait tant son rôle. Mais le voir le visage rougis, les yeux exorbités et l'air choqué peint sur son visage était pour le moins pittoresque.

—En réalité, c'est lui qui m'a embrassé. Précisa-t-il

—Lui !

Et il en perdait de son verbe, pauvre homme. Cette fois-ci le rire retenu se répercuta sur les poutres de bois de la pièce alors que Porthos se moquait ouvertement de la gueule de son ami.

—« Porthos ! Explique moi tout cela, implora Aramis

Le métis reprit son sérieux et baissa les yeux, trouvant intéressant le cruchon entre ses mains.

—Apres cette soirée, Armand était complètement ivre et je l'ai monté à sa chambre tu te souviens ? Sauf qu'après l'avoir posé sur son lit... il s'est agrippé à ma manche et m'a embrassé. Je n'ai pas réagis mais ensuite ... j'ai répondu à ses ardeurs. » Ses joues s'empourpreront en repensant à ce qu'il avait fait.

—Répondu à ses ardeurs ; jusqu'à quel point ? Interrogea Aramis un étrange sourire aux lèvres.

—Ne te fait pas d'idée ! Bon Dieu Aramis, je l'ai juste embrassé à mon tour ! Et puis j'ai senti son haleine qui puait l'alcool et j'ai... autant dire que j'ai fuis.

—Son haleine sentait tant que cela ? Plaisanta-il.

—Mais non bougre d'idiot !

—Tu lui as juste évité un gros incident causé par l'alcool. Tu as bien fait, reprit Aramis plus sérieusement.

—Ce n'est pas le problème ...

Un sourcil se leva, le poussant à poursuivre.

—J'ai... Aramis j'ai aimé cela. J'ai aimé sentir ses lèvres sur les miennes, le toucher, et à chaque fois que je le revois j'ai cette envie qui me reprend !

Il aurait pensé que son ami serait frappé de stupeur, le voir bouche bée a l'observer tel un ahuri mais à la place il le dévisageait tranquillement. Il n'était ni choqué ni perplexe, il semblait uniquement réfléchir.

–Si tu veux mon avis mon ami, déclara-t-il après son long silence, tu devrais essayer de creuser cette relation.

–Ne dit pas de sottise ! Tu es bien drôle pour un visage si sérieux. C'est un homme précisa-t-il en chuchotant. Je ne sais ce qui m'a pris, à moi comme à lui, peut etre... qu'il est de ce vice la mais pas moi !

—Tu viens pourtant de dire que tu souhaitais le toucher.

Porthos se prit la tête entre les mains. sS'il espérait qu'Aramis le sorte de là il s'était bien fourvoyé, il le poussait à jouer avec le feu.

—Je n'ai pas besoin que tu me pousse dans cette voix ! grogna-t-il.

—T'ai-je déjà mal conseillé ? Et si cela se trouve il fera peut-être une bonne épouse ? Dit Aramis sur le ton de la plaisanterie.

—Aramis !

–C'est à toi de voir, mais si tu continues à te mentir cela n'aidera à rien. Tes sentiments... ne disparaitront pas et tu ne feras qu'aggraver ta situation. Mais si tu essayes par contre, tu n'auras pas de regrets.

X

La nuit était tombée quand les deux hommes revinrent de la taverne. Ils avaient parlementés encore un bon moment, de ce qui s'était passé, de ce qu'ils devaient faire. Cet évènement n'était pas le fruit d'un accident : ils l'avaient aussi bien cherché sans se l'avouer, tous les deux. Et après y avoir été confrontés ils ne savaient plus ni l'un ni l'autre comment réagir. Avouer, fuir, ignorer, inculper, ils était passé par beaucoup de sentiments mais Aramis l'avait fait plier. Il ne pouvait plus voir le jeune homme sans repenser à ce moment et... a ce qui aurait pu se passer. Il préférait omettre le fait que justement il lui manquait des seins et des courbes... .Une seule chose le rassurait, le fait d'être toujours attiré par le décoté outrageusement ouvert de la serveuse blonde.

Même s'il devait s'y bruler les ailes, il avait toujours affronté chaque épreuve. Il ne s'arrêterait pas à celle-ci.

Le feu allumé par Athos crépitait. L'homme leur jeta à peine un regard, occupé à aiguiser sa lame, assit sur le banc de bois.

—Vous voilà enfin.

—Lacroix n'est pas là ? Esquiva Aramis.

—Dans sa chambre. On a parlé un moment, il était fatigué et a préféré se reposer. Pourquoi ?

—Rien ... je voulais lui parler. Menti Aramis

—Toi ou Porthos ? Demanda Athos un sourcil relevé.

Les deux hommes se figèrent. Athos était toujours fidèle a lui-même, bon sang comment pouvait-il tout savoir ?

—Vous devriez parler, continua-t-il. Cette situation a assez durée et vous affecte tous les deux. Franchissez la barrière ou éclaircissez tout cela mais choisissez.

—Il te l'a dit !? S'indigna Porthos

—Nul besoin. Vous vous attirez et fuyez comme je le fait avec Milady.

Le ton se voulait sec mais le deux voyaient comme ce simple rappel faisaient souffrir l'homme.

Porthos détourna les yeux. C'était la vérité.

—C'est ce que je comptais faire, souffla le mulâtre. Si juste tu ...

—Je ne suis pas un idiot, évidement que je ne dirais rien.

Porthos se détendit. Cela le soulageait qu'Athos le sache, le garder seul dans l'ignorance serait cruel. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à affronter le jeune homme.

X

Armand n'était pas ressorti. Après avoir entendu les deux autres rentrer il préféra rester se barricader dans sa chambre, allongé dans son lit.

Si le fait que le métis n'a pas découvert son véritable sexe l'avait soulagé un moment, cela fut pire que lors qu'Armand comprit que Porthos était attiré par l'homme qu'Il jouait. Pourtant celui-ci semblait autant attiré par les jupons qu'Aramis ; soit il cachât son jeu soit il jouait sur les deux plans. Une troisième option, plus utopique fleurit mais il l écarta aussi vite. Il n'y avait aucune chance qu'il ait succombé à la femme sous ces attraits d'homme.

Il eut envie de se cogner la tête contre le mur mais se fracasser le crâne n était sans nulle doute pas la meilleure idée qu'il pouvait avoir.

Charmée.

Elle était tombée sous le charme de ce géant à la peau mate, aux yeux rieurs qui semblaient pourfendre son âme a chaque fois qu'il les posait sur elle.

Indéniablement, de jour en jour elle avait senti une attraction pour l'homme. Il lui plaisait, véritablement.

Le destin avait vraiment décidé de maudire sa vie sentimentale.

Rien ne s'était passé comme elle l'avait prévue, et ce pour le meilleur comme le pire. Elle pensait que sa vie à Paris serait solitaire et morose, tel son état ses premiers jours ici. Elle pensait mener son affaire et rentrer seule vers ses terres. Et la voilà qui faisait partie d'une équipe d'hommes qu'elle considérait comme des frères ; enfin tous sauf un. Elle s'était remise à sourire alors qu'elle pensait que la peine la suivrait des années durant. Ce changement était bien drôle, et son cœur qu'elle croyait s'être durci s est à nouveau attendri.

Elle replia ses jambes, défaitiste.

Treville avait été clair. Si sa couverture s'envolait ce n'était pas seulement elle qui était en danger, mais le capitaine. Elle devait continuer à mentir, même à Porthos. Et il fallait qu'elle efface toute ambiguïté ou la situation risquerait de dériver.

Elle n'avait pas le choix.

Plus d'une heure après leur retour et bien plus de réflexions, Armand s'attacha les cheveux sur la nuque, la mine fermée. Décidément, il devait vraiment les couper.

Ses bottes résonnèrent sur le palier puis l'escalier et les deux hommes assis en bas levèrent la tête de concert a son arrivé sans piper mot. Et il décida d'être direct.

« —Porthos n'est pas là ? »

Les mines étonnées ne lui échappèrent pas. Apres tout ils venaient de s'éviter une semaine durant, prétextant les pires excuses qui n'avaient dupées leurs amis que les premières fois. Qu'il le cherche soudainement devait être bien cocasse à leur yeux.

-Dans sa chambre, répondit finalement Aramis .

Armand remonta sans attendre : autant profiter de son peu de témérité.

Son poing résonna contre Le bois. La voix grave de Porthos se fit entendre à travers la porte.

«— Qu'y a-t-il Athos ? »

Evidemment, pensa Armand. Aramis entrerait directement et lui le fuyait, ça ne pouvait être qu'Athos.

La porte s'ouvrit doucement sans autre réponde.

« —Ce n'est pas Athos, répondit Armand dans l'ouverture. »

Le métis assis sur son lit se retourna en sursaut, étonné.

Armand prit une inspiration, reconstituant le texte qu'il s'était mainte fois répété. C'était le moment.

« —Pardon de l'intrusion mais... nous devons parler, je dois vous parler. »

Porthos se leva, hésitant. Pour lui aussi la situation devait etre gênante, se dit Armand.

« —Je pensais la même chose. Cela ne peut durer indéfiniment. Arm... »

« —Je suis désolé. »

Il l'avais coupé d'un coup, et le regard écarquillé de Porthos était rivé sur lui, étonné de sa soudaine déclaration.

« — Je suis désolé, reprit-il plus doucement, le regard rivé au sol. Tout cela... c'est de ma faute. J'ai commis un acte insensé, j'étais saoul et je ne sais pas pourquoi. Je sais que ceci n'est pas une explication. Et cela fait des jours que les conséquences trainent. Je vous dois des excuses, pour... ce que j'ai fait, et pour ce qui en a découlé. Je vous en prie oublions ce qui s'est passé, j'aimerais réellement retrouver... l'entente qu'on avait autrefois. »

Armand continuait à observer le parquet n'osant pas affronter le regard ébène, ce que Porthos ne se gênait pas de faire, scrutant la tête baissée, semblant assimiler les mots prononcés. S'il avait été perdu durant cette semaine, il avait retrouvé une once de cohérence il y a quelques heures, une cohérence qui venait d'éclater. Le seul mot qui lui venait à l'esprit était Merde. MERDE. Pourquoi fallait-il qu'il vienne lui dire cela maintenant ? Apres qu'Aramis l'ai convaincu qu'il y avait peut-être un fond de vérité dans ce qui il'ressentait, après se l'être avoué, enfin. Et voilà qu'il venait lui dire que c'était un accident qu'il préférait occulter.

Ses sourcils se froncèrent en même temps qu'une rage le gagnait. Magnifique ! Fichu Aramis, fichu discussion et fichu soir ! L'envie de taper du poing le démangea jusqu' à ce que le visage contrit du jeune homme apparaisse entre ses mèches ébène. L'abattement et le fait de voir son peu d'espérance partir en fumée prit rapidement place. Il ne pouvait pas en vouloir à Lacroix, alors qu'il osait enfin venir en parler. Alors qu'il en avait quand même profité, de ce moment volé.

« — Nous aurions dû ... en parler directement après. Je suis autant en faute que vous, nous tous, nous n'aurions pas du vous poussez autant à boire. C'était ...juste plus gênant au fil du temps. Je suis d'accord. Oublions cet accident ; et cela rassurera Aramis, il est à court d'idée pour régler notre froid. »

Armand ri malgré lui, amusé des tentatives plus désespérées les unes des autres de la part du coquet pour les rabibocher.

« — Encore heureux, à force il ne faisait pas dans la finesse. »

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
deb3083
Posté le 11/08/2020
intéressant la conversation avec Aramis, je ne le pensais pas si " ouvert d'esprit" !
Porthos cherche des excuses et c'est assez interpellant de voir comment il essaye de se défendre de son attirance pour les hommes. Il se ment à lui même jusqu'au bout et surtout à la fin du chapitre. Bon tant mieux pour Armand mais il me fait un peu de la peine...
Eurys
Posté le 18/08/2020
Oui, il n'aime pas du tout cette idee, mais je compte quand même le faire craquer a ce têtu ! Quant a Aramis.. hum hum ... j'avoue que moi même dans toute l'histoire, il m'a surpris XD
Vous lisez