Armand se réveilla le lendemain, la tête cotonneuse avec l'impression d'avoir à peine dormi. Il s'était réfugié dans sa chambre après avoir parlé à Porthos, que ce soit pour repenser à ce qu'il venait de faire ou laisser libre cours à ses larmes qui avaient décidé de se manifester malgré lui . Pourquoi s'était-il mis à pleurer ? Il n'était pas triste, il avait fait ce qu'il devait faire. Il savait depuis le début que rien n'en sortirait. Il mentait, depuis des mois, alors pourquoi maintenant se sentait-il effondré ?
Recroquevillé dans son lit, il avait passé quelques heures à se lamenter, que ce soit sur son peu de chance dans la vie, des mauvaises décisions et ce qui en avait découlé. C'est pris en étau entre la fatigue et son mal de crâne que le sommeil l'emporta. La nuit n'avait pas aidé, sa tête le lançait toujours, il se sentait plus vide que la veille et c'est avec le moral plus bas que ses bottes qu'il s'apprêtait à accueillir la nouvelle journée.
Encore une journée de comédie.
Il s'était fait à la caserne qui fourmillait de soldats, aux cris et aux gueulantes. Tout autant qu'au crottin de cheval que les nouveaux avaient omis de ramasser. Mine de rien, il avait tout de même été favorisé par le capitaine.
C'est de loin qu'il aperçut Constance, une main sur son ventre déjà bien arrondi, en train de donner ses dernières recommandations aux recrues qui allaient faire les réserves.
Ses quatre autres compagnons étaient près de l'escalier. Il s'arrêta, une seule seconde, de quoi souffler et laisser le masque d'Armand Lacroix reprendre sa place. Mais contrairement à ce qu'il laissait paraitre à l'habitude cette fois aucun sourire, même de façade, n'ornait son visage. Ses muscles avaient décidé de ne pas bouger, et, franchement, il n'en avait pas plus envie. Il les rejoignit en murmurant un bonjour à peine audible. Ce n'était pas son état morose qui étonna, mais la main que Porthos leva en sa direction en guise de salut. Les yeux ronds d'Aramis parlaient plus que des mots, mais force était de reconnaitre que leur froid avait eu des conséquences pour les autres mousquetaires aussi.
Il vit Aramis lancer un regard appuyé au métis, un sourire grognard sur les lèvres mais ne sut jamais ce qu'il signifiait car le capitaine ouvrit sa porte à ce moment précis, demandant leur attention.
Le travail était de retour.
X
C'est plutôt septique que les cinq mousquetaires se dirigèrent vers les écuries. Le roi avait décidé de passer dans les rues de Paris ; les protestations du capitaine n'avaient rien fait et c'était accompagné de plus de la moitié des mousquetaires qu'il serait escorté.
—Alors comme ça, vous êtes réconciliés ? Aramis riait, empoignant son ami comme à son habitude, toute joie dehors.
—Si tu le dis, grommela Porthos.
Aramis fronça les sourcils
—Qu'y a-t-il, cela ne s'est pas bien passé ?
—Il s'est excusé, et c'est tout.
—Comment cela excusé ? Tu veux dire que ça s'est arrêté là, tu ne lui as rien dit ?
Porthos grommela, c'était une des rares fois où Aramis l'exaspérait vraiment. A l'entendre, le faire aurait été aisé.
—Bien évidemment, je vais dire à cet homme qui regrette de m'avoir embrassé que j'y ai pris du plaisir, comme c'est facile.
Son compagnon ne releva pas le sarcasme, préférant un geste de réconfort à la parole.
—Il ne le regrette pas. Vous vous êtes rapprochés Porthos, plus vite et différemment qu'avec quiconque.
—Eh bien s'en est fini, conclut Porthos dans un soupir.
Si Aramis se garda bien de répondre, il n'en pensait pas moins ce qu'il disait. Mais il connaissait également Porthos, insister lui ferait plus de mal qu'autre chose.
La bonne nouvelle au moins était que cela faisait des semaines qu'une mission avec ses amis n'avait pas été aussi agréable. Les deux réconciliés n'étaient plus comme par le passé, mais cela valait mieux que la gêne pesante qui les suivait.
Oui, mille fois mieux.
—Capitaine, il vaut mieux passer par le pont-neuf.
Athos était au-devant, aux côtés de son capitaine, les traits de son visage aussi tirés qu'après une nuit à la taverne. Pour Armand cela ne faisait pas de doute, le mousquetaire s'était fait plaisir avec les bouteilles de leur réserve après leur conversation.
—Il s'agit de la décision du roi, Athos.
—Que Dieu nous vienne en aide ... .
—Je ne vous savais pas croyant, Athos, ricana Lacroix.
—En effet, ceci est le fardeau d'Aramis.
Le concerné feignit l'ignorance alors que les mousquetaires qui avaient entendu la réplique riaient discrètement, vite rappelés à l'ordre par leur chef.
—Le chemin se resserre, marmonna Athos.
—Ecartez la foule ! tonna le capitaine. Ne laissez personne approcher.
La tension grimpa vite entre les rangs. Si les sorties n'étaient pas de tout repos, les longues ruelles exiguës devenaient de vrais coupe-gorges.
Un coup de feu fit sursauter et dégainer les hommes. Les regards balayèrent la rue tandis que d'autres s'étaient rapprochés du carrosse royal. Les premiers sons de métal qui s'entrechoquaient résonnèrent alors que Tréville faisait repartir le véhicule.
Le cœur d'Armand se mit à battre frénétiquement. Il tenait son épée à bout de bras, se sentant soudainement gauche. Il n'avait jamais été embarqué dans une telle confrontation. Debout à côté de son cheval, il regardait sans les voir ses compagnons se battre.
Une main s'abattit violement sur son épaule et le tira en arrière. L'angoisse qui le noua se délassa quand il croisa le regard ébène de Porthos.
—Reste près de moi, et contente-toi de te défendre.
Il aurait dû avoir honte que le métis se sente obligé de le protéger malgré son statut de mousquetaire mais il était reconnaissant de son intervention, sans laquelle il serait peut-être resté là, attendant de se faire trancher.
Si son compagnon maniait sa lame avec aisance, lui n'arrivait pas à s'en servir, ou plutôt, se résoudre à le faire. Tout cela, les tirs, les cris, le sang qui commençait à couler le statufiait. Porthos ne dit rien, se contentant de les défendre tous les deux. Armand avait réellement l'impression d'être un poids mort, pire, une écharde dans son pied.
Sa main se crispa sur la poignée de l'épée, comme s'il se préparait à attaquer sans pour autant oser s'avancer, toujours protégé par Porthos.
Il fallait qu'il bouge ou il ne donnait pas cher de son poste après cela. Il allait se faire congédier.
Il leva les bras, lançant sa lame contre le premier venu. Les premiers coups s'enchainèrent jusqu'à ce qu'il arrive à repousser le bras de son adversaire et toucher le ventre. S'élançant sur l'un des deux hommes qui acculaient Porthos, il lui porta un coup à la cuisse, suffisamment profonde pour le faire basculer. Le métis reprit le dessus, se débarrassant du premier puis assommant le deuxième à terre. Plus loin, après avoir fini de leur côté, Tréville faisait déjà investir les maisons pour débusquer les tireurs.
—Bougeons, ce lieu est encore dangereux.
La main chaude de Porthos lui pressa l'épaule, le poussant à rejoindre le groupe qui s'était reformé. Après ces évènements, une douce chaleur s'était répandue en lui. Le métis avait compris son besoin d'être guidé, et, sans rien dire, il assumait ce rôle.
Ses lèvres s'étiraient en un fin sourire alors qu'il se laissait gentiment entrainer.
Des détonations retentirent à nouveau.
Porthos vit les hommes en face de lui sortir leurs pistolets, il vit un tonneau touché par erreur répendre son eau sale et sentit plus qu'il ne vit la forme à côté de lui s'effondrer.
Son cœur s'arrêta avant de se relancer à un rythme effréné. Il s'immobilisa, le temps d'un battement et se rua sur son compagnon d'arme.
Armand poussa un cri de surprise au premier coup de feu. Sa main se dirigea vers l'arme à sa ceinture qu'il n'eut pas le temps d'attraper.
Son souffle se bloqua une seconde avant qu'un autre cri, bien plus douloureux ne résonne. Il se retrouva au sol les mains agrippant sa cuisse gauche frénétiquement. Un instant plus tard il sentit des paumes plus grandes saisir ses hanches et ses jambes et le décoller du sol, l'entrainant hors d'atteinte.
—Ma... jambe, siffla Armand
—Ça va aller, répondit Porthos, la voix moins rassurante que ses mots.
Les tirs s'étaient arrêtés. Aramis, qui les avait vus, accouru vers eux et aida Porthos à hisser le blessé sur son cheval à sa suite. Calé contre le torse du plus grand Armand serra les dents, luttant contre les plaintes qui voulaient s'échapper de ses lèvres. Le cheval s'ébranla. Sa tête commença à tourner, la seule chose qu'il ressentait pleinement était la brûlure cuisante de sa jambe.
Une secousse plus forte que les autres lui arracha un gémissement. Armand cligna des yeux quand sa vue commença à se flouter. La panique le gagnait à mesure que la conscience le quittait.
Il avait peur.
Peur de mourir. Peur que tout cela s'arrête ainsi. Peur que ses amis, et surtout le métis ne découvrent sa vérité par erreur ou par la bouche du capitaine. Peur qu'ils ne le sachent jamais. Peur que sa vengeance et son nom ne tombent dans l'oubli ... peur de sa propre stupidité qui l'avait conduit ici.
Il senti quelque chose le happer et sans résistance sa tete s'affaissa doucement sur la poitrine derrière lui.
Il ne voulait pas mourir, pas comme ça.
Reste avec moi
Il ne savait pas si les mots sortaient de son esprit embrumé ou s'ils avaient bien été dit mais n'eut pas le temps de se questionner, quelques secondes plus tard ses paupières se ferrement.
X
Galopant à bride abattues, il ne fallut qu'une poignée de minutes à Porthos pour rallier la caserne avec Aramis ; des minutes déjà en trop à son propre avis.
D'Artagnan les avait devancés et Athos était resté informer le capitaine. Porthos passa le blessé à Aramis qui s'engouffra aussitôt dans l'habitation.
—Aramis, Porthos !
Constance courrait vers eux, paniquée, et suivit Aramis dans la maisonnée.
—D'Artagnan est parti chercher le médecin, il m'a prévenu.
Aramis posa le jeune homme inconscient sur le lit aidé de la femme alors que Porthos restait en retrait contre la porte, retenant son souffle.
—Aramis, comment il va ?
—Cela ne m'a pas l'air grave, rassura-t-il. Il ne saigne pas plus qu'il ne devrait, la douleur a dû l'assommer.
Porthos relâcha ses épaules, légèrement rassuré.
—Tu peux commencer à le soigner ? Implora Porthos
—Je vais me charger de lui, objecta Constance d'un ton ferme. De toute manière le docteur va arriver et vous deux en avez assez fait, descendez.
Si Porthos commença à protester, Aramis resta muet, le regard sautant de Constance au blessé.
–Porthos, coupa-t-il. Elle a raison. Manipuler sa plaie n'aiderait en rien comme nous ne sommes pas dans l'urgence. Laissons juste Constance à son chevet, nous serions inutiles.
La femme adressa un sourire de remerciement à Aramis et celui-ci emmena son compagnon à sa suite, le forçant à quitter la chambre.
ha j'attends avec impatience le jour où il découvrira la vérité ! elle est peut être proche d'ailleurs ?
à moins qu'Armand ne réussisse à garder son secret mais j'en doute !
par rapport à l'autre mission, je trouve que tu t'attaches plus à décrire le ressenti d'Armand, c'est mieux !
Oui, elle est assez proche tout de meme ! Malheureusement elle sera révélée dans des circonstances pas tres tres joyeuses pur le grand damne d'Armand >.<
Oh ca fait plaisir, merci !