14. Les galets

Astrée redressa la tête et fouilla l'espace du regard à la recherche de l'individu auquel il s'adressait. Elle s'était imaginée que les lieux avaient été totalement désertés. Finalement, peut être que seul le tatoué était parti, ou bien Charlotte ? Mais il n'y avait personne d'autre que lui sur ce rivage. Personne d'autre que cet homme de dos, menton planté dans la courbe d'une épaule tandis qu'il regardait par-dessus. Tandis qu'il regardait... dans sa direction. Plutôt dans celle de son buisson, celui derrière lequel elle se dissimulait, tassée sur elle-même, le cœur menaçant de jaillir de sa poitrine. Il ne pouvait pas la voir, n'est-ce pas ?

— Astrée ?

S'enfuir en rampant et nier tout en bloc par la suite n’était probablement pas une option. Mais la perspective de se lever, de se découvrir et de devoir l'affronter n'était guère plus réjouissante. Affronter ses récentes activités d'espionne internationale, pas vraiment douée d'ailleurs, et l'affronter lui, plus simplement, son regard et la trouille qu'il faisait naître en elle. Entre autres sentiments inexpliqués. Mais puisque les Beynac ne reculaient jamais devant l'ennemi, elle se redressa lentement, et dévoila une présence qui ne lui avait, de toute manière, pas échappé. Penaude, mine basse, et mains rangées dans les poches trop larges de son short, elle se contenta de rester là, debout, immobile, dans l’attente de la sanction. Mais rien ne vint. Absolument rien. Si ce n'est l'ébauche d'un sourire au coin des lèvres masculines. Furtif, mais définitivement là.

— Votre légèreté n'a d'égal que votre immense discrétion, la moqua-t-il tranquillement.

Un comportement aux antipodes de ce qu'elle avait imaginé qui permit à Astrée de perdre de sa gêne et de gagner en aplomb.

— Si vous saviez, alors... Pourquoi le... ? demanda-t-elle sans pour autant parvenir à achever sa question autrement que par un mouvement d'index désignant la petite tenue dans laquelle il se trouvait toujours. 

L’homme se contenta d’un haussement d’épaule des plus agaçants, avant de lui présenter, à nouveau, l'arrière de son crâne, tandis qu'il s'avançait vers l’eau. Une nuque qu’elle trouva sublime également. Bon sang, pourquoi ne pouvait-il pas être un peu moins... attractif ? Depuis quand une nuque pouvait-elle être fascinante à ce point ? Aberrant. Parfaitement ridicule. Et son arrogante assurance ne faisait que renforcer cet effet, comme s'il était pleinement conscient de tout ce qu'il lui inspirait. 

Toutefois, à présent qu'il lui tournait le dos, et s'avançait dans l'eau, elle ne semblait plus avoir d'intérêt à ses yeux. Aussi en profita-t-elle pour quitter son buisson, et progresser jusqu'aux galets sans trop savoir pourquoi, sans trop savoir que faire. N'était-elle pas supposée s'éloigner rapidement, et se morfondre d'embarras pendant quelques petites années ? Cela dit, il l'avait invité à le rejoindre. À moins que ce ne soit qu'une simple formule de politesse. Si sa raison lui hurlait de fuir à toutes jambes, quelque chose d'autre l'obligeait à rester, quelque chose de puissant qui ne souffrait aucune contradiction. Ce n'était ni son cœur, ni son instinct. C'était juste autre chose. Mais sûrement préférait-il qu'elle s'en aille, qu'elle le laisse à son intimité nautique. Allait-il lui hurler dessus si elle ne parvenait à se déraciner de là ?

— Vous ne venez pas ?

Ou l'inviter à prendre ses aises ? D'accord, donc c'était Docteur Jekyll, aujourd'hui.

— Je n'ai pas de maillot, déclina-t-elle, poliment, en secouant la tête.

— Moi non plus.

Un nouvel haussement d'épaules plus tard, de l'eau jusqu'à la taille, il plongeait, et dévoilait postérieur puis jambes à mesure que tête, épaules et buste disparaissaient sous la surface. Certes, il n'avait pas de maillot, mais un simple caleçon faisait très bien l'affaire, alors qu'elle... Non, hors de question qu'elle lui dévoile une parcelle de peau supplémentaire, il en avait déjà bien trop vu la dernière fois. D'autant que ses maigres courbes n'avaient pas besoin du soutien nécessaire aux autres femmes, alors mis à part sa culotte, elle n'avait rien d'autre sur le dos, si ce n'était le short en jean et le débardeur qu'il l'invitait à abandonner derrière elle. Qu'importe, elle n'avait pas vraiment envie de se baigner, de toute manière. 

Alors, à défaut de savoir d'instinct ce qu'il serait de bon ton de faire, elle se laissa choir sur les galets, retira les mains de ses poches pour venir ôter quelques poussière imaginaires de ses cuisses et genoux. Elle avait élu domicile aux côtés du sac qu'il avait déposé là, avec son jean et son tee-shirt, comme si elle faisait partie du package, comme s'ils étaient venus ici ensemble, et non pas l'un filant l'autre. Lui-même donnait cette impression en agissant de la sorte. Il exécutait ses longueurs sans plus se soucier d'elle, de sa présence. Il l'incorporait au décor comme si elle y était parfaitement naturelle. 

Astrée ne le quittait pas des yeux. Elle observait ses va-et viens avec attention, savourait l'éclat du soleil qui s’en venait illuminer ponctuellement l'épiderme d'un bras, puis de l'autre, et d'un dos aussi. Les doigts dans les galets, elle s'empêchait de se saisir de son appareil pour mitrailler tout alentour, l'ambiance, le paysage, mais essentiellement lui. Surtout lui. Le sujet de ses rêves, au propre comme au figuré, et la bienséance lui interdisait de le capturer. Finalement, c'était peut-être aussi bien ainsi, elle n'était pas sûre que l'oeuvre sur papier glacé soit à la hauteur de la réalité. 

Elle avait cru que tout pouvait être reproduit, disséqué, analysé, transfiguré, et puis elle l'avait croisé lui et sa myriade d'expressions, d'émotions, de vibrations. A moins que... N'y tenant plus, elle profita d'un instant où il lui tournait le dos, de l'eau jusqu'aux hanches, ses grandes mains rabattant ses mèches à foison en arrière, pour se saisir de l'instant. Comme ça, juste pour vérifier, histoire de savoir si oui ou non il pouvait être captif. Et puis, en raison de la centaine de clichés qu'elle s'était retenue de faire, une seule photo n’était pas grand chose.

Satisfaite de son excuse et de son vol, elle reposa l'appareil au sol, avant de se laisser aller en arrière. Par simple précaution, elle rompit le contact visuel et s'intéressa, alors, au ciel dégagé de tout nuage, à la falaise perceptible au-dessus des arbres, au château qu'on devinait légèrement sur la droite, et... à l'isolement. A part le bruit de l'eau et celui du chant des oiseaux, aucun son ne parvenait jusque là. Trop éloignés de la route pour entendre la circulation, trop éloignés de la civilisation pour se trouver dérangés par les touristes. Elle aurait pu hurler autant qu'elle voulait, personne ne l'aurait entendu. Et son sourire, brusquement, s'effaça. 

Et si c'était pour ça ? Et s'il avait imaginé tout ça, s’il l’avait entraîné jusque là dans le but de... ? Non, c'était stupide, il n’avait pas pu prévoir qu'elle se faufilerait à sa suite. Cela dit, elle n’avait pas fait démonstration d’une très grande discrétion puisqu’il ne semblait pas avoir ignoré grand-chose de la filature. Et s'il avait décidé à ce moment-là seulement de la conduire ici, loin de tout, loin de tous, sans témoin ? Après tout, quel type normal partait se baigner sans maillot ? Soudain, le bruit des galets s'entrechoquant la fit se redresser dans l'ombre et les gouttelettes fraîches qu'il projetait sur elle. Ruisselant d'eau, il se pencha en avant pour fouiller son sac et en extraire une large serviette. Pas de maillot, mais de quoi se sécher ?

— Une serviette ? l'interrogea-t-elle, suspicieuse, tandis qu'il l'étalait à ses côtés pour s'y poser.

Le regard qu'il lui offrit en réponse débordait de perplexité et d'interrogations. Il n'allait pas lui répondre, pas plus qu'il n'allait la questionner à son tour, il se contentait, comme toujours, de la trouver étrange et probablement agaçante.

— J'ai la voix qui porte, poursuivit-elle face au silence, comme une mise en garde.

— Je sais, rétorqua-t-il, finalement, tandis qu’il s'inclinait en arrière en appui sur une main, et que l'autre s'en allait fourrager dans ses cheveux, dégageant son front pour l'offrir au soleil. Je l'ai constaté. 

Référence directe à sa petite séance de karaoké, quelques heures plus tôt. Etait-il possible de se sentir plus gênée encore ? Il lui fallut redoubler d'efforts pour ne pas virer cramoisie tout en s'évertuant de ne pas se laisser happer dans la contemplation de ce corps impudique et si proche du sien. Trop proche. Tellement proche qu'elle jugea bon de se décaler, le plus discrètement possible, évidemment, pour qu'il ne surprenne pas le geste. Mais lorsqu'elle eut fini de se déplacer façon crabe sur les mains, et qu'elle releva le nez vers lui, ses yeux plissés et son sourcil relevé prouvèrent qu'elle avait encore une fois échoué. Cela dit, il eut la décence de ne pas relever, lui offrant même le temps de reprendre contenance en lui tournant le dos pour fouiller, à nouveau, son large sac de toile.

— Je vous fais peur ? demanda-t-il, finalement, une cigarette aux lèvres et le briquet s'acharnant à l'allumer.

— Non...

Si.

— Vous avez l'air d'aller mieux, poursuivit-il, comme si sa réponse n'avait aucune importance, comme si sa propre question n'avait jamais été.

— On est de retour au vous, donc ? fit-elle remarquer son regard ancré sur le galet qu'elle polissait entre ses doigts.

— A-t-on déjà été autre chose ? demanda-t-il en insistant sur le on.

— Cette nuit-là, s’entendit-elle répondre, surprise et indignée qu'il puisse remettre en question cet épisode ou sa mémoire. 

— Cette nuit-là, répéta-t-il dans un hochement de tête, comme déçu. Donc vous vous souvenez de cette nuit...

— Pas de tout, mais... commença-t-elle avant de réaliser la portée de ce qu'il venait de dire, et de paniquer. Est-ce qu'on a... ? Est-ce que j'ai... ?

Incapable d'achever sa question, elle s’en remit à l’homme pour comprendre. Mais au froncement de sourcils qu’il affichait, ce n’était pas le cas. Puis, dans une expiration de fumée, il sembla brusquement réaliser, et la rassurer :

— Seigneur, non ! scanda-t-il, indigné à son tour, presque écœuré à cette simple idée.

Si seulement Jeanne avait été présente pour voir ça, peut-être aurait-elle revu son concept de prince charmant fou d'elle. Dangereux psychopathe serait plus adapté. 

— Je vous ai juste raccompagnée.

— Et bordée !

— Oui.

— Dans la bonne chambre.

— Ça aussi, oui.

— Et préparé de quoi me remettre sur pied.

— En effet.

— Ce qui était attentionné.

— Je suppose.

— Vous êtes resté longtemps ? demanda-t-elle enfin.

Soudainement soucieuse, elle réalisait plusieurs petits détails auxquels elle n'avait pas prêté attention jusque là, trop occupée à décuver et à le fuir. Comment avait-il su où se trouvait sa chambre dans la demi-douzaine qui occupait sa partie du premier étage ? Avait-il pris le temps d'ouvrir chaque porte tandis qu'elle pesait tel un poids mort dans ses bras ? Et l'aspirine ? Et le verre d'eau ? Est-ce qu'il avait fouillé chaque salle de bain avant de mettre la main sur le tube dissimulé dans un tiroir grippé de la cuisine ?

— Je ne suis pas resté, rectifia-t-il.

Mais Astrée ne l'écoutait déjà plus. Perdue dans l'évanescence de ses souvenirs, elle s'accrochait à un maigre fil sur lequel elle tirait pour recouvrer une mémoire complète. Le regard dans le vide, elle sentait à peine celui de l’homme peser sur elle. Sourcils froncés, nez retroussé, elle luttait, avant de finalement réaliser.

— Si ! Vous étiez là ! Au milieu de la nuit, lorsque j'ai... J'ai...

Lorsqu'elle avait, comme d'habitude, été arrachée à son cauchemar, hurlante et en sueur. S'il ne nia pas, il ne confirma rien non plus. Il préféra se restreindre au silence tandis qu’il écrasait sa cigarette contre un galet.

— Qui est Aelís ? questionna-t-il en éludant la conversation antérieure.

Confronté à l’air ahuri qu’elle devait afficher, il précisa :

— Aelís. Le prénom que vous ne cessiez de répéter.

— Quand ? 

— Cette nuit ! Je croyais que vous vous souveniez, s’impatienta-t-il, perdant un peu de Docteur Jekyll au profit de Hyde. 

— Ne me hurlez pas dessus ! riposta-t-elle, regard noir et air de petit chiot menaçant. C'est la toute première fois que je me souviens d'un de mes cauchemars, alors excusez-moi de ne pas en avoir conservé tous les détails ! Bordel, pourquoi faut-il que vous soyez aussi changeant ? Serviable la nuit, menaçant le jour, c'est quoi votre problème avec moi à la fin ?

Elle avait crié à son tour, ou du moins haussé la voix. Elle s'énervait, s'agaçait comme elle aussi pouvait le faire. Et face à cela, alors qu'elle l'imaginait surenchérir, il sembla, au contraire, s'adoucir sous l'effet de la surprise, passant du mâle alpha prêt à charger à l'enfant vulnérable qu'elle avait entrevu parfois.

— Pardon... murmura-t-il de manière à peine audible.

Il détourna le regard un instant, se focalisa sur absolument tout sauf elle. Et étira le silence, le laissa peser de tout son poids, faisant flotter sa rédemption et l'impuissante inertie dans laquelle il l'avait plongé elle. Il venait de demander pardon, et rien que ce petit mot, en soi, s'apparentait à un corps étranger au sortir de ses lèvres. Inattendu et perturbant. Il venait, encore une fois, de subir un changement. Encore une facette. Une énième facette. Combien d'autres en cachait-il encore ?

— Aelís, rompit-il le silence dans un souffle sans pour autant la regarder. J'espérais que vous vous souviendriez.

Pourquoi cela semblait-il avoir tant d'importance à ses yeux ? Ça n'aurait du être qu'un cauchemar, rien d'autre. Était-ce à cause de ce qu'elle lui avait dit par la suite ? Se sentait-il responsable de la tournure de ses songes, du rôle qu'il y prenait ? Elle n'avait jamais eu l'intention d'en parler avec lui, ni même d'en parler tout court, mais puisqu'elle se sentait brusquement redevable, soudainement protectrice, elle fit entendre sa résignation dans un soupir.

— Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il s'agit d'un prénom ? Ça pourrait être n'importe quoi...

— C'est un prénom. C'était comme un appel, ou un rappel. Reprit-il. Et... J'ai vérifié.

Quoi ? Qu'est-ce qu'il avait vérifié ?

— J'ai vérifié qu'il s'agissait bien d'un prénom. Un vieux prénom occitan, mais un prénom.

Pourquoi avait-il fait cela ? C'était étrange. N'était-ce pas à elle de se préoccuper du premier souvenir concret d'un de ses cauchemars, plutôt qu'à un malheureux témoin absolument pas concerné ?

— Ce n'est qu'un rêve ! Des tas de gens rêvent chaque nuit sans pour autant lancer des recherches sur chacune des bizarreries contenues dedans. Mon frère, par exemple, rêve constamment qu'il est poursuivit par des sacs poubelles qui cherchent à l'étrangler avec leurs poignées jaunes... Bon, bah, j'ai pas été contacter Albal pour leur demander des explications. 

— C'est le sentiment que vous en gardez ? la coupa-t-il dans son monologue. Qu'il s'agit d'un simple cauchemar comme beaucoup d'autres ?

Non. Evidemment que non. Parce que ça faisait des années qu'elle se réveillait hurlante et paniquée, parce que ça faisait des années que la frustration gonflait dans sa gorge, parce que ça faisait des années qu'elle se savait folle, ou du moins sur le point de le devenir complètement. Mais ça, pouvait-elle le lui confier ? Non, absolument pas. Pourtant, son silence répondit à sa place. Le silence et son regard tombant sur ses genoux. Un regard qui accompagna le mouvement de son menton allant s'y reposer, et de ses bras qui encerclèrent le tout. Une position inconsciente qu'elle adoptait chaque fois qu'elle se sentait exposée, dans le but de protéger ses entrailles de l'adversité. Une position qu'elle adoptait souvent en sa présence.

— De quoi vous souvenez-vous ? la relança-t-il doucement, prudemment, presque caressant. Presque.

— D'une cité ancienne, d'une époque lointaine. De moi, je suppose, ou celle que j'habitais pour l'occasion. Une femme en fuite qui avait peur pour sa vie. Elle avait rendez-vous, je crois, sur les remparts, et...

Un mouvement la tira de ses pensées. Aussi releva-t-elle la tête pour le découvrir penché sur un petit carnet à la reliure en cuir qu'il venait de tirer de son sac.

— Je vous ennuie ? s'agaça-t-elle en dardant son regard noir sur les pages qu'il faisait tourner entre ses doigts.

— Rarement, se contenta-t-il de répondre, sans pour autant interrompre sa lecture ou quoiqu'il soit en train de faire.

— Vous êtes vraiment très étrange. 

— Probablement, conclut-il le plus sérieusement du monde, avant de l'inviter à poursuivre d'un regard et d'un mouvement de main autoritaire. Vous aviez rendez-vous sur les remparts, et... ?

— Elle avait rendez-vous, rectifia-t-elle, avant de se soumettre. 

Elle lui conta l’angoisse de la fuite, la crainte de la mort, et cette menace qui rôdait absolument partout. Elle lui confia tout de cet alter ego dont la vie semblait menacée, et qui ne voulait pas mourir. Astrée explicita ce sentiment de devoir fuir pour vivre. Et ce pressentiment qu'il s'était passé quelque chose qui précipitait la fuite. Elle avoua ne pas avoir bien discerné la personne qui l’attendait sur les remparts. Elle n’avait vu que la flèche, cette flèche que le soldat à l’autre bout armait, et que, dans son rêve, elle avait tenté de prendre de vitesse. Elle avait juste eu la conviction que l’un des deux allait mourir, et qu’il fallait que ce soit elle.  

— Et ensuite ?

— Ensuite rien, elle est morte et je me suis réveillée. Fin de l’histoire, acheva-t-elle dans un haussement d’épaules comme pour prouver sa distance émotionnelle.

Il n’en était rien. Loin de là. La douleur, elle la ressentait encore. Et ses mains tremblantes qu’elle tentait de dissimuler en étaient la preuve évidente. 

— Vous aviez dit qu’il s’agissait de moi. Vous avez affirmé que je vous avais tué, s’impatienta-t-il alors qu’il reposait son carnet pour mieux sortir une nouvelle cigarette de son paquet.

Elle n'avait pas envie de parler de ça, de lui, de son esprit tordu qui prêtait ses traits à un meurtrier. Pas plus qu'elle ne souhaitait réveiller cette terreur que tout ceci avait fait naître en elle. Pourtant, face à son regard insistant, elle se résigna. A nouveau. 

— Lorsqu'elle fut au sol, le soldat s'est précipité à sa rencontre, s'agenouillant à ses côtés. J'ai surtout vu sa tunique et son blason, des lions, trois lions, et puis, pendant une fraction de seconde, il m'a semblé que c'était vous, enfin votre visage, alors qu'il arrachait la flèche juste...

Ses doigts, innocents, inconscients, remontèrent jusqu'à une épaule, écartèrent légèrement une bretelle de débardeur, et se posèrent à l'endroit exact où, cette nuit-là, cette fameuse nuit, lors d’une danse, il avait posé les siens.

— ... là ? s’étonna-t-elle.

Elle releva lentement, très lentement, son regard vers le sien. Naïvement, elle espérait y trouver autre chose que de la surprise ou de l'inquiétude, quelque chose de plus rassurant, comme… Comme son habituelle neutralité, celle qu'il affichait une fois encore. Imperturbable. Impénétrable. Si ce n'était sa mâchoire contractée et ses lèvres serrées. Au moins ne semblait-il pas surpris. Si lui aussi faisait le rapprochement, il avait la décence de ne pas le montrer, ou presque pas. Il s'autorisa quelques secondes d'immobilisme avant de reprendre vie. Alors, il s'allongea complètement sur la serviette, un bras sous la nuque, l'autre accompagnant le mouvement de sa cigarette jusqu'à ses lèvres.

— Il s'en passe des choses dans votre tête, expira-t-il en même temps que la fumée, un peu moqueur, totalement détaché.

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Morgane64
Posté le 09/04/2021
Coucou !
C'est miss coquilles qui revient ! Voilà ma récolte du jour : va-et viens/il l'avait invité à le rejoindre/qu'il est poursuivit /Et je changerai la formulation de la toute premier phrase.
Sinon, en fait, je n'ai trop rien envie de dire sur ce passage sauf que je me laisse porter par l'histoire pour l'instant. Ceci est un commentaire sans commentaire. Je crois que parfois il faut juste lire et laisser faire l'histoire sans chercher à tout prix à rajouter son grain de sel..
Donc je continue, toujours avec plaisir !
OphelieDlc
Posté le 10/04/2021
Toujours un plaisir, Miss coquilles ! Bien qu'en réalité, ce titre me revient de droit puisque je suis l'auteur de ces coquilles, hahaha !
Je modifie ça tout de suite !

Merci pour ce commentaire sans commentaire, qui me réchauffe le coeur ! Je ne vais pas dire qu'ils sont les meilleurs, mais de temps en temps, il est vraiment plaisant de constater que le lecteur se laisse porter.

Merci ! :)
Belette
Posté le 29/12/2020
Hey !

Ahahah, j'ai gloussé comme une baleine pendant tout ce chapitre. Astrée me fait trop rire avec sa maldresse, son indiscrétion et la façon dont elle est en extase totale devant Syssoï tout en clamant le contraire. C'est tellement rafraîchissant comme lecture, haha. Attendrissant aussi.

Ce chapitre est bien mené, intéressant et drôle. J'ai adoré le contraste entre le très guerrier "les Beynac meurent au combat" et Astrée toute penaude d'avoir été découverte. J'aime tellement ce protagoniste, elle est géniale ! <3
J'étais sûre qu'elle craquerait pour la photo ! Et comme Notsil, j'ai hâte de voir s'il y aura quelque chose de particulier dessus ou non. En tout cas, je suis sûre que ce cliché qu'elle a pris va repointer le bout de son nez à un moment ou à un autre...

Quand à ses échanges avec Syssoï, ils sont aussi déroutants que savoureux. Tantôt il nie être resté, avoir eu une intimité avec elle, cette nuit-là, tantôt il lui demande frontalement qui est Aelis et le contenu de son cauchemar comme s'il le connaissait mieux qu'elle. C'est ambivalent.
De même, lorsqu'il lui demande "pardon", j'ai l'impression que ce n'est pas vraiment d'avoir élevé la voix, qu'il s'excuse mais de tout autre chose...
J'ai l'impression qu'une part de Syssoï espère qu'elle se souvienne de tout autant qu'il le redoute. A cause de quelque chose qu'il sera forcé de faire quand elle se souviendra ? D'une forme de fatalité qui mène à la mort d'Astrée à chaque fois qu'elle se souvient de leur passé en commun ? J'ai hâte que tu nous en dises plus, mais je trouve le personnage de Syssoï fascinant.
(Il m'a tellement fait rire quand il s'est mis à prendre des notes)

Merci pour cette lecture <3
OphelieDlc
Posté le 01/01/2021
Si tu savais comme je suis contente qu'Astrée soit appréciée et que tu t'y attaches autant. Et Syssoï... C'est parfaitement normal que tes sentiments soient ambivalents à son propos. Il est lui-même très ambivalent.
Tu en sauras bientôt plus à son propos, mais toujours avec un peu de frustration, sinon c'est pas drôle.

Je suis contente aussi que les touches d'humour fonctionnent. C'est rassurant, je ne suis pas totalement à côté de la plaque. Et, en effet, les dialogues ont leur importance. Surtout avec un personnage comme Syssoï qui parle peu. Alors oui, quand c'est le cas, les mots ont parfois un double sens.

Mais je ne t'en dis pas plus, je te laisse découvrir la suite sans spoiler, hahaha !

Merci de ce commentaire si agréable à lire !
Et bonne année, Belette ! <3
Notsil
Posté le 20/12/2020
Coucou !

Ah ah, il s'en passe des choses intéressantes entre eux. J'ai l'impression qu'ils sont liés par un truc et pourtant rien n'est encore clairement dit.

Bon, j'aime pas les fumeurs donc j'ai un biais plutôt négatif là-dessus (à la place d'Astrée j'aurais relevé l'odeur nauséabonde et le coup de vent qui te renvoie ça pile dans tes cheveux que tu devras laver le soir pour ne pas avoir l'odeur sur l'oreiller ^^).

Mais leurs interactions sont toujours sympa. J'ai hâte de voir le cliché, voir s'il y a autre chose ou autre dessus :)

A bientôt ^^
OphelieDlc
Posté le 20/12/2020
Coucou !

Rassure-toi, ce récit ne va pas se transformer en pro-nicotine. C'est juste que Syssoï, comme 95% des danseurs classiques est fumeur (oui, je sais, ça peut surprendre de la part de sportifs de haut niveau, mais c'est bien le cas). Est-ce que ça va évolué par la suite ? Sûrement.

Merci de ta lecture, Notsil. :))
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