Eleonara rêva de feuilles grises et pointues, d'aiguilles de conifères, de troncs centenaires et de cimes sifflantes. Elle rêva d'une forêt-tombeau, la Forêt Maudite, sa maison. Elle rêva de questions flottant et sinuant dans l'obscurité tels des serpents volants. Qui avait écrit ces notes ? Comment avaient-elles fini dans le qanat ?
ELFES. Ce mot, gravé dans le vélin, gravé dans sa mémoire, gravé dans son cœur. Eleonara avait brisé le « code » à l'aide de ce terme crucial. En s'imaginant Hêtrefoux, elle pouvait presque deviner les pupilles de ses ancêtres étinceler derrière les buissons plongés dans l'encre des ombres. Dans son songe, ses membres se mouvaient comme dans une matière liquide, résistante et freinante. De l'eau ? Elle s'en fichait. Son histoire et celle des elfes était à portée de main. Plus qu'une poignée de lignes à traduire et elle connaîtrait le contenu des deux messages en entier.
Avec la mollesse d'une limace et avec la vague impression qu'on la secouait, Eleonara ouvrit les yeux sur un fond de nuit étoilée. Rendue immense par sa proximité, la face outrée de Razelhanout fit irruption dans son champ de vision.
— Comment oses-tu t'offrir une grasse matinée sans me prévenir ? s'écria-t-il en manquant de lui fourrer son index condamnatoire dans l’œil. Le Bimaristan, les malades, les souffrants, ma souffrance, ça te dit quelque chose ?
L'elfe battit ses paupières collantes dans le doute où cette scène ne serait qu'une suite médiocre à son rêve. Elle bâilla et le pharmacien s'écarta brusquement, réfugiant son nez recourbé dans le pli de son coude. Eleonara déduit qu'elle était bien réveillée : l'haleine matinale n'existait pas dans le monde onirique. C'était la première fois que Razelhanout devait la tirer du lit ; s'était-elle endormie si tard ?
— J'avais quelque chose d'important à finir, avoua-t-elle.
Le pharmacien riposta par un babillage offusqué qui se poursuivit comme un fredonnement dans son tympan. L'elfe le chassa du plat de la main comme une mouche. Un courant d'air froid coulissa alors sur ses jambes, l'obligeant à se rouler en boule et à frissonner. Cette espèce d'inflorescence de bananier lui avait retiré sa couette !
Prête à la réclamer, l'elfe se hissa sur ses coudes. Ses yeux, petites fentes gonflées par le manque de repos, voyaient encore trouble. Elle s'apprêtait à tendre la main aveuglément lorsqu'un éclair de réminiscence suspendit son geste.
Les billets. ELFES.
Sous une éclosion de panique, Eleonara tâta ses alentours, ses couvertures, ses vêtements, sa natte et ne se tranquillisa que lorsqu'elle sentit le papyrus rugueux sous son tapis de roseau.
Razelhanout n'avait pas disparu ; sa truculente personne se tenait sur le rebord du muret, jambes écartées et bras croisés, en position de tout-puissant et inextinguible courroux.
— Moui, je suis encore là, ton pire cauchemar, ironisa-t-il. Hop, on se bouge, tu es à deux doigts du pichet d'eau froide, petiote !
Combiner l'abus de curiosité et le manque de sommeil réussissait mal à Eleonara. Au lieu de se rendre chez les blessés légers du Bimaristan comme à l'accoutumée, ses pieds l'emmenèrent aussi loin que la Chambre des aveugles, qui dirigèrent vers elle leurs visages stupéfaits, puis leurs pupilles voilées qui peinaient à suivre.
À part interrompre leurs conversations et se tenir quiets sous leurs turbans et leurs voiles, les aveugles ne démontraient pas plus de contrariété qu'à la normale, uniquement de l'attente. Leurs regards fixes, à la brillance à la fois présente et absente désarçonnèrent Eleonara qui se dépêcha de s'enfuir.
Cette nuitée de travail lui parut interminable. Pansements, cuillerées de miel, soupes à l'ail, désinfections et « Comment vous sentez-vous ? ». Elle n'avait pas la tête à ça ; ses pensées voletaient comme des papillons nocturnes, nerveuses, incapables de rester en place.
ELFES. Elle avait trouvé une clef à ce mystérieux langage, une clef qui pourrait la mener à Hêtrefoux. Excitation, jubilation, peur bleue. Face aux mille et une explications possibles, l'estomac d'Eleonara se tordait. Il lui tardait de traduire les billets.
Une chose lui restait à faire avant de rentrer cependant. En empruntant un tunnel souterrain où patients et badauds hâtifs se mêlaient, l'elfe gagna la zone portuaire, passa sous la grande arche gardée par les Religiats, ignora les affiches à son effigie et pressa le pas sur les quais aussi bondés, parfumés et musicaux que de coutume. La chanteuse, le luthier et le flûtiste rencontrés lors de son dernier passage étaient bien évidemment de la partie, jouissant du même succès auprès des passants, sinon plus.
Un peu plus tard, Eleonara repassa sous l'arche dans l'autre sens, foulant le sable refroidi du centre d'Arènes. Le luthier avait refusé de lui décrire le « type » qui avait offert son instrument à son oncle, mais il avait laissé filer qu’il possédait un poney, ce qui ne laissait que peu de place au doute : il devait bien s'agir de Sgarlaad ; sinon, pourquoi cacher son identité ?
Une autre victoire : l'elfe connaissait les escales du Mizmar à présent et savait que le boutre en question ne mouillerait au port d'Arènes que fin mars, ce qui impliquait environ trois mois d'attente. Quand le navire reprendrait-il le large après son retour ? Mystère. Eleonara avait eu beau harceler le responsable de la ligne maritime – un vieillard à qui il ne restait que deux dents inférieures –, celui-ci n'avait fait que hausser les épaules et secouer ses longs cheveux aussi gris que gras.
— Yé sé pas ! avait-il croassé. Ça dépend ! De la marée, des bonnes affaires, de la marchandise. Reviens au printemps. Là, yé saurai.
Puis, le vieillard bidentaire lui avait dicté les ports visités par Le Mizmar dans l'ordre de passage et Eleonara les avait inscrits en dernière page de son glossaire mikilldien.
Comptoirs opyriens :
1. Iwurzé
2. Phiroz
3. Serpénaïde
4. Al-Kohol
5. Kaas
6. Ouloupe
Comptoirs einhendriens :
7. Clère
8. Les Mystes
Huit lieux : de quoi s'arracher les cheveux. De mémoire, Eleonara n'en situait qu'un sur la carte des Troyaumes : les Mystes, au nord du duché de Blodmoore, à peine quelques milles à l'ouest de Morglier, le siège de la duchesse. Les Nordiques espéraient-ils discrètement rejoindre le Nord ? Mais comment traverseraient-ils la frontière sans être aperçus ?
L'elfe se dépêcha de rentrer. « Agnan, Sgarlaad, où êtes-vous, bon sang ? »
À la pharmacie, Razelhanout servait encore des clients. D'un haussement de sourcils appuyé, il communiqua à Eleonara que le patient présent était soit extrêmement pénible, soit importuné par une gêne à discuter préférablement en privé. Dans les deux cas, l'elfe n'avait qu'une option : s'éclipser. Elle s'inclina poliment, traversa la salle de préparation et sortit sur la cour arrière, où une poule et Voulï s'adonnaient à un concours de fixation intense. Pour éviter un décès, Eleonara rattacha Voulï un peu plus loin en comptant une généreuse marge de sécurité.
Elle s'assit sur le rebord de l'abreuvoir, fit sa toilette journalière – traitement à l'ail compris – et contempla son reflet à la lueur des bocaux remplis de lucioles suspendus autour d'elle. Si les boutons au creux de ses coudes avaient désenflé et cicatrisé, la colonie de pustules et de plaques sur son visage refusaient de se rétracter.
L'elfe s'adossa contre l'abri chevalin ignorant la lutte sur-équine de Voulï qui cherchait à atteindre sa sandalette avec sa langue. Elle tira son recueil de vocabulaire mikilldien de sa tunique, feuilleta avec satisfaction ses pages remplies, le posa sur sa cuisse et lui passa son poing afin de le maintenir à plat. De peur que le dialecte se détachât de sa mémoire, elle le révisa une dernière fois par obstination.
Voulï exhala un puissant souffle par les naseaux, ce qui effraya les poules dans la basse-cour. Eleonara admira un instant l'élasticité de la morve du poney qui lui coulait du bout du nez. Ici, dans cet inconfort, elle ne pourrait jamais se concentrer sur sa tâche, sa vraie tâche.
Elle se glissa donc dans l'officine de Razelhanout et tendit l'oreille. Le client payait : la consultation était donc finie. Du temps que Razelhanout fît ses adieux, rangeât et nettoyât sa boutique, elle aurait le temps. Cérémonieusement, l'elfe s'installa à la table de préparation et posa son cahier de vocabulaire ainsi que les deux billets provenant de Hêtrefoux vis-à-vis d'elle-même. Cette fois, elle les traduirait jusqu'au bout.
Elle recourut à la même méthodologie que la veille. Sur un parchemin vierge, elle retranscrit soigneusement les deux messages en lettres einhendriennes. Avec une excitation palpable jusqu'au bout de ses doigts, elle éloigna le parchemin pour avoir une vue d'ensemble. Depuis là, le texte ne ressemblait à rien. Et c'était précisément ce qui le rendait magnifique : il ne se révélait pas à l’œil, uniquement à l'oreille. Son oreille.
À partir de là, tout s'enchaîna ; l'elfe murmura le premier billet mot par mot, saisissait le terme mikilldien et l'inscrivait un peu plus bas, en einhendrien. En cas de doute, elle consultait son recueil de vocabulaire. C'était un va-et-vient entre les langues, mais elle voulait s'assurer que, si quiconque tombait sur ces messages par mégarde, ils auraient juste la traduction, pas le « comment traduire ».
Un quart d'heure plus tard, la totalité du texte s'alignait entre ses doigts, extrait des courbes, des arabesques et des pointillés des trois langues des Troyaumes. Eleonara put alors lire d'une traite :
SALUTATIONS.
NOTRE SOMMEIL ET VOTRE SILENCE ONT ÉTÉ DE MÊME DURÉE.
PARLONS ELFES. QUELLE SERA NOTRE MONNAIE D'ÉCHANGE ?
DITES VITE. NOUS SOMMES FATIGUÉS ET IMPATIENTS ; EUX NE LE SONT PAS.
Eleonara manqua de pousser un cri ; au lieu de quoi elle agita muettement les bras, victorieuse. Puis elle se souvint qu'elle était entourée de plantes, de poisons et de substances qui, si leurs conteneurs en verre venaient à se briser et si elles entraient en contact les unes avec les autres, créeraient des explosions aussi spectaculaires que mortelles.
L'elfe avait envie de rire de soulagement. Elle avait eu raison. Parle trois et tu liras quatre. Pour décrypter les messages, il fallait comprendre à la fois l'einhendrien, l'opyrien ancien et le mikilldien ! Elle se flatta l'épaule puis reprit son sérieux. Le texte n'était pas signé et le contenu attisait plus de questions qu'il n'offrait de réponses. Si « eux » se référait aux elfes, qui était « nous » ? Le manque de précision laissait également penser qu'une partie de la correspondance s'était perdue.
L'elfe s'empressa de traduire le deuxième billet, plus court.
SALUTATIONS
NOUS RÉITÉRONS NOTRE AVERTISSEMENT. NUL NE SERA SAUF.
De trépidante, Eleonara devint paralysée. Elle ne s'attendait pas à ce qu'une suite de lettres lui administrât une telle gifle. À qui s'adressaient ces messages ? Qui était en danger ? Elle aurait espéré avoir des indices sur la situation à Hêtrefoux ou sur comment s'y rendre, mais sur ce point-là, les billets étaient avares.
Avant qu'elle ne pût s'alarmer davantage cependant, le parchemin et les billets lui furent arrachés des mains. Relevant la tête, elle voulut les rattraper, mais ils pendaient trop haut, hors de portée. Un ricanement retentit. Sebasha se matérialisa, contourna une plante en parcourant la transcription avec appétit. Avec un grognement de protestation, Eleonara se propulsa de son tabouret pour récupérer les documents. Légère sur ses pieds de danseuse, Sebasha fit un pas chassé, puis un pivotement tout en élégance. Dans une nouvelle offensive, la jeune elfe buta sur une de ses jambes athlétiques et plongea tête première vers un vase de céramique. Nausée, vertige.
La fatale trajectoire s'interrompit abruptement. De la main droite, Sebasha pinçait les textes ; de son bras gauche, elle retenait sa scribe par sa tunique claire.
L'Opyrienne l'aida à se redresser tout en l'éloignant du vase.
— Vous m'avez fait peur ! s'exclama l'elfe, accusatrice. Rendez... rendez-moi mon cahier.
En s'emparant de la traduction et des billets, Sebasha avait également pêché le glossaire de vocabulaire nordique. La Chevaucheuse de dunes referma le recueil et le lui tendit comme un trophée.
— Fille futée, susurra-t-elle avec un regard aiguisé. Tu les as déchiffrés !
À la manière d'une lutteuse nommée championne de tournoi, elle comprima ses poings et poussa un « eeeeeeeep ! » strident et folâtre. Un fracas métallique retentit presque aussitôt dans la pièce voisine ainsi qu'un cognement sourd dans l'armoire de l'officine. D'après le « hé ! » offusqués et les jurons qui s'ensuivirent, Razelhanout avait renversé sa balance d'argent et les frères Louroum s'étaient réveillés en sursaut. Sebasha baissa immédiatement la voix.
— Je savais que ça impliquait les elfes !
— C'est ça, nargua Eleonara avec une pointe de nervosité. Mais savez-vous à quoi le message se réfère ? On dirait que quelqu'un est en danger...
Sebasha ne l'écouta pas. Elle captura son visage maquillé entre ses mains et l'embrassa deux fois sur chaque joue.
— Tu es un génie ! Dorénavant, je te nommerai la Dame des Langues !
— Super, super, dit Eleonara en se défendant contre l'emprise un poil trop affectueuse à son goût. Et c'est quand que vous me verserez un vrai salaire, du coup ?
Cette remarque renversa Sebasha de son nuage d'un coup de javelot.
— Tu ne parleras de ces correspondances avec personne d'autre que moi.
— Cela va de soi. Quant à mon sal...
— Je sais. Sinon, je ne t'aurais jamais cédé ces papiers. Écoute, d'autres billets ont été trouvés.
— Quoi ? Il y a d'autres billet ? Mais...
— Je n'y ai pas encore accès ; le climat est tendu, ces temps, mais avec ta découverte... (Elle lui saisit les épaules et la fixa dans les yeux.) Mille remerciements pour ton travail, noble scribe. Ce que tu viens d'accomplir est... une révolution. Je dois impérativement informer... Oui, j'y cours maintenant !
Eleonara n'avait put qu'écouter ; à vrai dire, elle n'avait jamais vu Sebasha aussi excitée, pareille à une enfant.
— Patience, Ourébi, lui lança la Peau Sombre depuis le seuil de la pharmacie. Bientôt, nos vies prendront un nouveau tournant !
Le torrent d'interrogations, de tremblements et d'émotions ne heurta l'elfe que plus tard, bien après que l'Opyrienne se fût mêlée aux ténèbres du dehors.
Lorsque Eleonara retourna quémander chez les Mysticophiles, deux semaines s'étaient déjà écoulées depuis sa dernière visite. N'ayant toujours aucune nouvelle de Sebasha quant aux messages traduits, elle refusait de rester les bras croisés. Elle s'était creusée les méninges pour savoir comment intégrer la liste des escales du Mizmar dans ses interrogations, sans succès. Elle ne savait pas ce que les Mysticophiles savaient déjà, raison pour laquelle il était hors de question de mentionner les Nordiques ou Le Mizmar. De un, il se pouvait que les Religiats consultassent les Vendeurs ; de deux, elle avait déjà essuyé un refus en voulant s'informer davantage sur les disparus, ce qu'elle préférait ne pas réitérer. Il lui fallait inventer un nouvel angle d'attaque. Faute d'inspiration, Eleonara s'était préparée pour le second thème qui lui travaillait l'esprit : les elfes.
— Que font les Sylvains de nos jours, exactement ? demanda-t-elle à l'adolescent masqué et drapé qui se tenait devant elle.
Teinte à l'argile rouge, la main de celui-ci commença à déplacer des petits cubes sur la balance.
— Tout ce que nous pouvons te dire est ce qui suit : les Sylvains allument des brasiers sur la périphérie de Hêtrefoux. Des sources les ont parfois vus émerger de la Forêt avec du gibier, des petits champignons et...
— Des baies des bois, oui, compléta Eleonara, blasée.
Le Mysticophile demeura immobile quelques instants, ses doigts rouges suspendus au-dessus de la balance en bois, à croire qu'il pulvérisait ses principes en lui facturant un secret qui n'en était pas vraiment un.
— Nous sommes navrés, fit-il finalement en reposant son poing sur la surface nacrée de la table. Le reste est soit bloqué, soit indisponible. Les Sylvains sont tenus au silence par leurs vœux. Leurs lois sont strictissimes sur ce point. Comme tu le sais sûrement, ils n'ont ni femme ni famille et ne vivent qu'entre eux. Leur existence entière tourne autour de la Forêt Maudite et de leur ordre.
Eleonara eut du mal à cacher sa déception, d'une part envers les Mysticophiles et de l'autre envers elle-même. Elle avait cru être maligne en voulant s'informer sur les elfes par une voie indirecte, mais on ne bernait pas les Vendeurs de Secrets et l'on ne contournait pas leurs barrières. Évidemment que les Vendeurs se trouvaient dans l'impossibilité de la renseigner. Les Sylvains avaient l’interdiction de divulguer le plus minime aspect de leur métier et, fermés comme ils étaient, jamais ils n'auraient songé à trafiquer leurs secrets. Et dire que leur savoir inestimable était prisonnier de leurs gorges et de leurs mémoires... Si elle l'avait pu, Eleonara les aurait secoués comme des tirelires ou forcé leurs cadenas à la hache, à ces têtus sylvestres.
Elle songea alors à Sgarlaad. Agnan n'avait-il pas dit que son compatriote avait une fiancée au Nord ? N'était-ce pas contre les règles de la Sylvanie, un cercle de célibataires ? Et s'il avait raconté tous ses secrets à sa fiancée ?
— La veinarde, grommela l'elfe.
Égarée dans les vapeurs de ses pensées, Eleonara devait tirer une mine splendidement dépitée, car le jeune Mysticophile s'empressa de réagir avec une note de perplexité :
— Plaît-il ? Euh... Souhaiterais-tu d'autres renseignements ? Il te reste du crédit.
Eleonara soupira. Franchement, elle ne savait plus sur quoi s'informer.
Et si elle posait une question à propos des billets de Sebasha ? Mauvaise idée : interroger les Vendeurs de Secrets sur les activités de leurs collègues n'était pas malin, expérience faite.
Elle s'apprêtait à demander si l'on pouvait lui faire un bon-cadeau pour la prochaine fois, quand la voix de son interlocuteur s'éleva, son souffle sifflant à travers les fentes de sa parure frontale.
— Tu es une habituée, maintenant. Relativement ponctuelle et relativement régulière. Nous pouvons t'aider, car nous connaissons tes goûts. Tu ne t'intéresses pas aux intrigues de cour, de famille ou de voisins, mais aux intrigues les plus tapies des Troyaumes, à savoir les assassinats d'Arènes et les elfes.
Eleonara se redressa pour s'agripper quelque peu agressivement à la table.
— Je n'ai jamais...
— Les probabilités sont claires, la coupa le Mysticophile. Personne ne se soucie de ce que les Sylvains sont. On s'intéresse à eux pour ce qu'ils font et ce qu'ils voient. Nous nous permettons de te parler librement, Langue Alanguie, car plus d'une fois, tu nous as endettés. Tu sais des choses dont la plupart des gens ne se doutent pas. Tu aurais fait une bonne Vendeuse de Secrets si tu n'étais pas si lisible.
Eleonara se serait plutôt vue Gobeuse de Secrets, mais ça, elle ne le lui communiqua pas.
— Nous sommes hélas réglementés sur les réponses que nous livrons, poursuivit le Mysticophile. Nous avons cependant un contact qui pourrait t'être utile, or il nous faudra un supplément de crédit pour te le révéler.
Eleonara fixa les doigts carmins devant elle, ainsi que les bracelets en forme d'yeux, d'oreilles et de bouches aux poignets du Vendeur. Depuis qu'on avait mentionné les elfes, elle ne se sentait plus dans son assiette. Les Mysticophiles avaient épinglé ses intérêts et peut-être discernaient-ils même dans cette brume la direction de ses intentions. Un contact adjuvant, c'était tentant, mais c'était aussi s'enfoncer dans un marais risqué.
— C'est très aimable à vous, mais j'en sais assez pour aujourd'hui. Merci quand même, dit-elle en crochant la fibule de son burnous, pressée de partir.
— Soit. Alors sache ceci : ce que tu cherches te cherche aussi.
Les cils d'Eleonara papillonnèrent, incrédules. Puis les coins de la bouche se hissèrent maladroitement. Ce qu'elle cherchait la cherchait ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Que les Nordiques étaient à sa recherche ? Ce n'était qu'une phrase, qu'une idée et pourtant, elle l'illumina de l'intérieur, répandant chaleur et joie dans l'ensemble de ses membres.
— Qui est-ce ? Qui me cherche ?
Le Mysticophile parut hésiter.
— L'homme aux mille poudres.
Eleonara ouvrit la bouche et faillit dire le mot à haute voix tant elle était éberluée. L'alchimiste ? Vu l'état dans lequel Dalisa l'avait laissé lors de leur dernière rencontre, l'elfe avait du mal à l'imaginer tenir sur ses pieds.
Le Mysticophile eut l'air de comprendre qu'elle avait compris.
— La vérité. N'est-ce pas ce que tu cherches ? Cette homme en détient une bonne partie. Peut-être ferais-tu mieux de t'adresser à lui. Bonne nuit, mademoiselle Ourébi, si c'est ainsi que l'on vous appelle ici.
Un froid hivernal parcourait les membres d'Eleonara. Il n'y avait plus rien à dire. Elle n'avait qu'une destination en tête, qu'un refuge : la pharmacie.
J’ai fait un bon sur ma chaise en lisant que le bateau passait à côté de Bloodmore. Je rêve que les histoires de la Chouette et d’Elé se rejoignent depuis le début ;p
Malgré l’excitation légitime due à la traduction des messages, je suis navrée de dire qu’on n’est pas plus avancés :D Mais c’est intéressant de voir Sebasha aussi exaltée qu’Elé. Je me demande ce qu’elle peut trouver d’intéressant aux elfes, pour le coup…
Raaah! Mais cette fin de chapitre, c’est horrible, c’est trop de suspens :o
Bon à part toutes ces petites réflexions, je n’ai pas vraiment de critique à faire :D
Je vois que la scène avec la duchesse a eu son effet ^^
Haha, j'aime bien ta réaction au bateau qui passe près de Morglier ;) Pas mal de personnages vont se déplacer, alors tout est possible !
Je suis d'accord que les messages décodés, c'est bien joli, mais encore faut-il qu'il aient du sens xD mais peut-être y a-t-il d'autres messages ? ;)
Tes réflexions sont intéressantes, je ne peux rien spoiler mais j'en prends note, merci pour les avoir partagées !
Je te souhaite une bonne lecture de la suite !
Toujours un plaisir de revoir Melvine, et son retour de poisse m'a bien fait rire ! je suis par contre dégoutée que Sergius ait tué toutes les corneilles, purée c'est nul è.é
Dans ce chapitre là, j'ai adoré le décodage ! tres bien trouvé, le système "parle 3 et tu liras 4" ! le contenu des messages par contre est encore plus cryptique que le message codé ! Enfin pas pour tout le monde, Sebasha a l'air d'en savoir plus.
J'ai encore une fois adoré le passage chez les mysticophiles ! mais purée Elé s'arrrête au meilleur moment, ça aurait été super fou qu'ils lui révèlent un contact ! trop dommage qu'elle refuse !
en meme temps, si c'est l'alchimiste, mieux vaut qu'elle l'évite, il doit bien bien la détester.
"L'homme aux mille poudres", j'adore, ça sonne trop bien <3
Je me demande si c'est lui, le contact dont ont parlé les mysticos, ou si c'est une toute autre personne ?
la duchesse a quelques soucis, c'est la moindre chose qu'on puisse dire xD
ouiiii la poisse est de retour ! TAN TAN TANNN
Je ne sais pas pourquoi mais je crois que Sergius devrait être un personnage de meme. Je crois qu'il a beaucoup de potentiel de ce côté-là, je ne sais pas pourquoi. Mais oui, perdre toutes ses corneilles, c'est vraiment moisi !
Ravie que le décodage t'ait plu ! J'avais peur que ce passage paraisse confus, mais il a l'air d'être bien passé ;) Le contenu des messages est cryptique, mais il ne le sera pas toujours, je te rassure !
Eleonara est toujours tiraillée quand elle va chez les Mysticophiles; elle sait que leurs informations peuvent être super utiles, mais en même temps, elle a l'impression de s'enfoncer...
Le contact est-il l'alchimiste ? Mystère, mystère !
Merci pour ta lecture <3
Pour ce qui est des messages, tu joues avec mes nerfs ! D'abord en ménageant un looooong suspense avant qu'Elé puisse y revenir, et ensuite, parce que malgré le décodage, je ne suis pas beaucoup plus avancée !
Sur le premier point : ce n'est pas un reproche, au contraire ! Tu fais bien monter la tension et il y a plusieurs passages très drôles avant la traduction des messages (comme dans tout le chapitre, d'ailleurs). En plus, je suis presque sûre que le passage d'Elé chez les aveugles du Bimaristan n'est pas innocent...
Sur le second point : j'exagère un peu, on voit quand même bien qu'on est au coeur d'un des sujets fondamentaux pour Elé.
Et en plus de tout ça, tu me régales d'une nouvelle visite au mysticopolium (où il semble qu'Elé soit définitivement grillée !) et de l'évocation de L'ALCHIMISTE !
Je l'avais bien senti, dans le tome 1 qu'Elé l'avait quitté un peu trop vite, alors qu'elle aurait pu en apprendre beaucoup. Mais à ce moment-là, j'avais en tête les mises en garde de la Dame. Sauf que depuis, les conseils de la Dame ont pris du plomb dans l'aile et qu'on sait qu'ils ne doivent certainement pas être pris à la lettre. Donc sans aller jusqu'à penser que l'alchimiste est un personnage sympathique (il a quand même égorgé le père Taberné dans son sommeil), je pense qu'en effet, Elé a tout intérêt à le retrouver. Or, si je me souviens bien, Dalisa lui avait balancé un truc pas cool dans les yeux. Ce qui rejoint ma remarque plus haut : le quartier des aveugles du Bimaristan !
OMG, ça va encore être long jusqu'au prochain chapitre...
Détails et pinaillages habituels :
"Cette espèce d'inflorescence de bananier lui avait retiré sa couette !" : excellent !
"On avait refusé de lui décrire le « type » qui avait offert le luth au musicien, ce qui ne laissait que peu de place au doute : il devait bien s'agir de Sgarlaad ; sinon, pourquoi cacher son identité ?" : c'est peut-être fait exprès car tu ne tiens pas à t’appesantir là-dessus, mais cet élément pourrait être plus clair : on ne comprend pas si c'est le luthier qui refuse de décrire l'ancien propriétaire de l'instrument (parce que l'autre lui a fait jurer le secret ?) ou s'il ne le peut pas parce que l'homme qui a donné l'instrument été masqué ou déguisé. Ce n'est pas tout à fait la même notion et du coup, je me suis demandée si Elé n'allait pas un peu vite dans sa conclusion.
"Puis, le vieillard bidentaire" : j'adore !
"L'elfe s'adossa contre l'abri chevalin ignorant la lutte sur-équine de Voulï qui cherchait à atteindre sa sandalette avec sa langue." : déjà le concours de fixation entre Voulï et la poule, c'est très bon, mais ce "sur-équine" est parfait ♥
"Eleonara admira un instant l'élasticité de la morve du poney qui lui coulait du bout du nez." : mouahahahah ! (l'humour cracra ça marche très bien, sur moi)
"Elle recourut à la même méthodologie de la veille." : que la veille
"Si « ils » se référait aux elfes, qui était « nous » ?" : on comprend le principe, mais le message du billet ne comporte pas de "ils", mais un "eux" ;)
"NUL SERA SAUF." : comme les messages sont difficiles à comprendre (grrrr), je ne sait pas si c'est fait exprès ou pas, mais en principe on dira plutôt "Nul ne sera sauf."
"à vrai dire, elle n'avait jamais vu Sebasha aussi excitée, pareille à une enfant. Mais déjà, Sebasha avait dépassé le seuil de la pharmacie." : les deux "Sebasha" sont un peu près l'un de l'autre.
"Bientôt, tu seras en ma confidence" : un peu étrange cette expression. Peut-être "Bientôt, je te mettrai dans la confidence" ?
"Elle s'apprêtait à demander si l'on pouvait lui faire un bon-cadeau pour la prochaine fois" : excellent !
"Le Mysticophiles eut l'air de comprendre qu'elle avait compris." : un s en trop à Mysticophile
A très vite !
Haaan merci pour tes remarques, je corrige ça tout de suite ! C'est rigolo aussi de voir quelles phrases t'ont plues ou t'ont fait rire (clin d'oeil pour la morve de poney xD)!
Yes! Un chapitre approuvé par Isa * danse la Macarena *
Désoléééée pour se suspense xD et ça me rassure que tu le trouves justifié !
Oh, bien vu, le passage chez les aveugles n'est pas innocent en effet et je trouve ta théorie avec l'alchimiste très intéressant... mais je ne dirai rien ! En tout cas c'est super de voir que tu te souviens très bien du tome 1 !
Eh oui, l'alchimiste en a marre d'être oublié et il n'est pas resté les bras croisés ! Et tu as raison: Eleonara, même si elle ne le porte pas dans son coeur, voit quand même l'utilité de le retrouver... mais le fera-t-elle ? On verra ^^
Merci beaucoup pour ton commentaire !!
à tout bientôt !