16 - Conseils d'ami

Conseils d’ami

— Tu montes ?

— Euh, oui. Oui, je vais tout en haut.

— Vraiment ? Tout là-haut ? Personne y va.

— Ah non ! Pas là-haut, là-haut ! Je vais aussi haut que va cet ascenseur.

— A la bonne heure. Je suis Jen, au fait.

— Arsène.

— Et tu nous viens d’où, Arsène ? Si tu montes, c’est que tu viens d’en bas. Et en général, on va pas aussi bas.

— Oh, c’est une histoire fascinante, vraiment. Mais je ne peux pas vous la dire. C’est classé top secret.

— Allons bon.

— Je vous assure. Quand on m’a convoqué et qu’on m’a dit « Arsène, il faut que tu descendes au 156e sous-sol », on m’a dit de ne raconter ça à personne.

— Le 156e sous-sol, hein ?

— Oh ! Oh, j’en ai trop dit ! Oubliez ça ! Je… je voulais dire le 56e sous-sol. Celui où on garde le matériel de nettoyage.

— Nah mais c’est pas si grave, tu sais. Je vais aller répéter ça à personne de toute façon. Et qu’est-ce que t’as fait de beau au 156e sous-sol ?

— J’ai… Vous êtes sûre que vous ne répéterez pas ?

— Promis-juré.

— On m’a envoyé relancer la machine à âmes.

— La machine à âmes ? C’est quoi, ça, encore ?

— C’est une machine qui fabrique les âmes.

— Raconte pas n’importe quoi. On fabrique pas les âmes. Les âmes, elles… elles… Merde, on fabrique vraiment les âmes ?

— J’en ai bien l’impression. Il y a cette grosse machine qui fait plein de lumière.

— Et quoi, tu l’allumes et elle te sort une âme ?

— C’est un peu plus compliqué que ça ?

— Compliqué comment ?

— Eh bien, on l’allume, elle passe quelques années à tourner et c’est là qu’elle sort une âme.

— Mais tu l’as vue marcher ?

— J’ai vu les lumières. Mais je n’ai pas attendu quelques années pour voir sortir une âme. Ça, c’est au machiniste de surveiller.

— Il y a un machiniste ? La vache, on en apprend vraiment tous les jours.

— Oh oui ! Il est en bas tout seul dans le noir depuis tellement de temps. Personnellement, je trouve ça très mauvais. Je pense qu’il ne se sent pas très bien. Il serait bien de lui trouver quelqu’un avec qui parler. Même de choses toutes bêtes comme la météo.

— Ha, bah écoute. Si le cœur t’en dit, tu peux toujours aller te plaindre. Mais t’attends pas à ce qu’ils t’accueillent à bras ouverts. Pas trop la bonne période en ce moment. Fais plutôt comme moi. Évite-les.

— Mais enfin ! Je ne peux pas les éviter ! Ils m’ont confié une mission très importante !

— Oui, descendre dans les entrailles pour demander à un pauvre type de rebrancher une machine. Tu parles de prestige.

— Ça pourrait débloquer la situation !

— Oui, oui, j’en doute pas. Écoute, t’as l’air de quelqu’un de bien, donc je vais te donner un conseil. Les naïfs dans ton genre, ils les collent toujours aux sales corvées. Comme celle-là. Sois plus futé qu’eux. Soit tu décides que tu veux tout défoncer et obtenir des missions plus prestige. Tu pourrais briller et tout. Soit tu te montres plus futé qu’eux. T’en fais pas plus que demandé et tu le fais bien trainer. Comme ça, la fois suivante, ils vont demander à quelqu’un d’autre. Et toi, tu seras peinard.

— Mais… C’est contre les règles !

— Les règles, hein.

— Je devrais vous signaler.

— Mais tu le feras pas. Parce que t’es gentil. Bon, eh bien, je crois que nous sommes arrivés. À la revoyure, Arsène.