« Souhaitez-vous que je vous aide à vous apaiser ? » me demanda-t-il doucement. Je réussi à hocher la tête malgré mes tremblements. Je n’osais pas toutefois lever les yeux vers lui ou me détacher de sa peau.
« D’accord » « Je vais mettre la main sur votre buste, faites de même avec moi… » dit-il en tentant de mettre un peu de distance entre nos deux corps. Il passa la main sous mon menton et le releva vers lui.
« C’est ok pour vous ? » J’hochais de nouveau la tête, les paupières serrées pour ne pas risquer de voir qu’il me voyait, moi, mes larmes et ma fragilité. Il posa la main au-dessus de ma poitrine et prenant la mienne, il la déposa sur son torse. Sa peau était chaude.
« Suivez-moi Iliana…avec moi, inspirez…comme ça…doucement. Bien… » Je me laissais glisser petit à petit dans le cocon protecteur de sa voix et de nos souffles qui s’harmonisaient. Mon rythme cardiaque s’apaisait, tout comme mes sanglots. Mes émotions étaient toujours là, mais elles étaient à distance, j’en étais spectatrice, extérieure à leur tumulte.
« Iliana? J’ai besoin que vous me répondiez sincèrement… » commença-t-il après quelques instants de silence. J’ouvrais mes yeux gonflés pour assumer son regard, il n’avait pas besoin de formuler la question, je savais.
« Je ne sais pas Saad, je ne comprends pas. » répondis-je.
« Était-ce déjà arrivé précédemment ? »
Je secouais la tête en me mordant instinctivement la lèvre inférieure. Ses yeux verts furent attirés par ce mouvement involontaire. Ils s’abaissèrent sur ma bouche et je crus y lire un éclair brûlant, mais déjà ils se détournaient. Il se racla la gorge, gêné, avant de froncer les sourcils et de prendre une profonde inspiration. « Je m’en fout que tu aies envie de m’embrasser Saad…» pensais-je silencieusement. J’étais lasse…et même au-delà, ce petit jeu ne m'amusais plus...du tout. Je pris à mon tour une profonde inspiration en le repoussant doucement, lui faisant comprendre que je n’avais plus besoin de l’ancrage de son corps.
Mon regard se porta sur l’animal, qui désormais, assis sur la natte de Saad, me regardait fixement de ses yeux jaunes. Il me semblait grand pour un loup.
« Croyez-vous réellement que m’offrir un loup effacera… »
« Je ne vous l’offre pas, il s’est imposé. » retorqua Saad avec une pointe d'agacement dans la voix. Le loup ouvrit la gueule comme s’il s’était mis à sourire en accord avec les propos de Saad.
« Je vous l’ai dit, il est là pour vous protéger. » ajouta Saad, toujours assis sur le lit alors que je me relevais.
« De qui ? De quoi ? A priori, ce sont les honnêtes gens qui doivent être protégés de moi et non l’inverse au vu des derniers événements… » lui rétorquais-je.
« Iliana… » murmura-t-il dans un soupir. Je fis non de la tête en m’avançant vers l’animal, je n'avais que faire de ses justifications et surtout je n'ignorais pas pourquoi il avait agit ainsi. Ma main tendue rencontra le museau rèche du loup qui vint se frotter à moi, j’en éprouvai une certaine satisfaction. Une sourde vibration se mit alors à retentir, montant de l’extérieur pour former un chant étrange, glaçant et…familier ! Je me figeais. La main de Saad sur mon épaule me fit sursauter.
« Les loups… ce sont des loups, n’ayez crainte… »
Je fis volte face pour le regarder, interdite. « L’appel… » murmurais-je alors qu'une envie impérieuse de sortir montait en moi. Il se figea à son tour, surpris. Je pus lire sur son visage la construction d’une pensée qui me demeura obscure. Puis fronçant les sourcils, il pivota vers le loup qu’il regarda avec intensité.
Profitant de son inattention, je m’élançais discrètement vers la porte de la chambre pour rejoindre le chant dont l’attraction m’était irrésistible. J’ouvris discrètement la porte afin de me glisser à l’extérieur mais Saad la referma d’un sort avant que je n’eus pu sortir. Je me retournais furieuse.
« Suis-je encore prisonnière ? » lui lançais-je.
Il gardait le regard fixé sur le loup quand il me répondit :« Non…mais vous n’êtes pas dans la tenue adéquate pour traverser une auberge pleine d’ivrognes libidineux ».
Je baissais le regard sur mon corps et je rougis quand je m’aperçus que je ne portais effectivement qu’une chemise légère qui couvrait à peine le haut de mes cuisses. Je me précipitai alors vers un linge posé sur une chaise afin de m’en envelopper. Un sentiment de frustration intense montait en moi alors que je me dirigeai de nouveau vers la porte. Le chant cessa brusquement et je sentis immédiatement s’envoler le poids du désir impérieux de le rejoindre.
Reprenant mes esprits, mon regard se porta enfin sur Saad et le loup qui continuaient de se dévisager, aussi tendus l’un que l’autre. Le spectacle était étrange, ils semblaient entretenir une discussion tout aussi rageuse que silencieuse. Le loup se releva sur ses quatre pattes en attitude d’attaque, les oreilles abaissées, l’échine hérissée, il se mit à grogner. Saad répondit d’un pas en avant et d’un regard menaçant, la mâchoire serrée. Allaient-ils en venir aux crocs ?
« Que se passe-t-il Saad ? » murmurais-je.
« … » Pas de réponse.
« Saad ? »
« …Saad ! » m’exclamais-je un peu plus fort.
A peine perdue, il ne semblait pas m’entendre. En désespoir de cause, je m’avançai vers lui et attrapai son menton pour tourner son visage vers le mien. Son regard était si noir, si dur et si effrayant que j’eu un mouvement de recul, ma main repentante se cachant immédiatement dans mon dos. Il me dévisagea quelques secondes avant de me scanner de haut en bas et de récupérer brusquement ma main tremblante dans mon dos. Il la serra devant nos visages avec un air de défi, puis se tourna vers le loup et de cracher : « La discussion est close…pour l’instant ! »
Puis son regard s’alluma avant d’ajouter avec un sourire narquois aux lèvres : « Par ailleurs, il ne me semble pas que les animaux soient autorisés dans l’enceinte de l’établissement ! » Il claqua des doigts et l’animal disparu. Je le regardais abasourdie ! Un long hurlement retentit de l’extérieur suivi de plusieurs échos. Saad leva la main et le silence se fit.
« Ces auberges de passe sont toujours bien trop bruyantes… » murmura-t-il un sourire satisfait aux lèvres, avant de lâcher ma main et de m’indiquer le lit du regard.
« Il est temps de se reposer princesse...» Il claqua de nouveau les doigts...et plus rien.