💍16. Menaces 💍

Revenant dans la salle de réception, Joséphine ne fut guère surprise de découvrir que rien n’avait changé : Les mêmes groupes de personnes discutaient toujours ensemble, la Princesse concentrait l’attention dès plus avares d’avoir sa reconnaissance et ses cadets semblaient profiter pleinement de leur soirée contrairement à elle. Bartolomé tenait encore compagnie au Ministre, Ambre était au centre d’un petit groupe de jeunes gens et Thomas, fidèle aux traditions familiales, était affalé sur une chaise, empilant les assiettes du buffet devant lui. Quelque part, elle leur enviait cette capacité à profiter ainsi des festivités.

Prenant un verre sur un plateau d’argent lui passant à côté, Joséphine retourne s’asseoir dans un coin tandis que sur elle, un regard malsain persiste. En effet, le Comte Detina, qui jusqu’à maintenant s’était tenu éloigné de la jeune femme, semble soudain trouver un intérêt en sa solitude.

- Mademoiselle Conquérant.

A la simple mention de son nom dans la bouche de cet homme, un frisson échappe à Joséphine tandis que ses yeux ne quittent pas son verre alors posé devant elle.

- Monsieur le Comte, siffle-t-elle en guise de réponse

- Passez-vous une belle soirée très chère ? s’inquiète ce dernier en la voyant seule assise dans son coin

- Je pensais justement que cette dernière ne pouvait pas être pire, mais vous voilà, répond Joséphine en levant les yeux au ciel

- Venant de vous, je devrais prendre cela pour un compliment.

- Ça n’en était pas un. Vous ennuyez vous tant Monsieur que vous avez dû quitter vos amis pour venir à ma table ?

- C’est une question que je devrais vous poser. Vous semblez bien morose. Vous êtes pourtant bien plus belle en souriant.

- Mon sourire n’est adressé qu’à ceux me rendant heureuse.

- Il est alors grand temps qu’un homme compétent sache vous comblez.

- Pensez-vous à quelqu’un en particulier en me disant cela peut-être ?

- Allons-nous encore tourner autour du pot pendant longtemps, Joséphine ? Vous savez aussi bien que moi que si vous voulez sauver votre famille, vous n’avez pas le choix et puis dites-vous bien que vous pourriez être bien plus mal lotie.

Un sourire plein de sarcasme naît sur le bord des lèvres de Joséphine tandis que ses oreilles sifflent devant les paroles du Comte. Pourquoi cet homme persistait à se marier avec elle ? Pourquoi était-il venu le matin même de la mort de son père ? Cela n’est pas un hasard. Peut-être que si elle se montrait plus ouverte, plus «coopérative» alors elle obtiendrait les réponses qu’elle désirait tant.

Alors vidant d’une traite le contenu de son verre, Joséphine se retourne vivement vers l’homme se tenant assis à sa droite, tout sourire.

- Je doute qu’il y ait quoique ce soit chez vous, Monsieur le Comte, qui puisse me combler. Ne vous jetez pas ainsi des fleurs, vous pourriez vous faire du mal. En attendant, si vous voulez bien m’excuser, je compte aller prendre l’air, votre parfum et vos paroles me donnent un léger fond de migraine.

Se levant et s’apprêtant à partir, Joséphine est immédiatement arrêtée par la main du Comte venue saisir brutalement son bras. Son regard, bien noir, posé sur la jeune femme en dit long sur son égo qu’elle venait de froisser.

- A votre place, Mademoiselle, je ferais attention à mes paroles. Il serait dommage que vous condamniez votre famille à cause d’une sotte erreur.

- Ne vous en faites pas pour ma famille, Monsieur. Nous, les Conquérant, savons nous en sortir. Nous nous abstiendrons donc bien volontiers de votre aide.

- Vous ne devriez pas être aussi fière car les nouvelles se propagent vite de nos jours. Vous, plus quiconque, devriez être au courant de cela.

- Me menacez-vous ? Car sachez que je ne vous crains pas. Dites-le à qui voudra bien l’entendre.

- Je doute que vous puissiez vous en sortir seule et je dis cela avec une pensée tout à fait amicale à votre égard.

- Et je doute que cela vous regarde. Sur ce, bonne soirée.

S’écartant violemment, Joséphine se rapproche de Thomas et Ambre qu’elle récupère avant de faire un signe à Bartolomé, entraînant toute sa famille jusqu’au devant de la voiture les attendant à hauteur du hall d’entrée. Voyant le visage contrarié de leur aînée, aucun des trois n’ose poser la question qui pourrait déclencher sa fureur. Au lieu de cela, chacun s’installe dans la voiture tandis que Joséphine se perds sur le paysage extérieur qui commence à défiler sous ses yeux.

Une fois arrivée à la maison et tandis que chacun repartit dans sa chambre, Joséphine reste un moment seule, dans le bureau de son père. Bien des choses lui traversent l’esprit alors que ses yeux se perdent sur les papiers empilés devant elle. Il fallait le reconnaître, à l’heure actuelle, une part d’elle se sentait indéniablement perdue. Pourtant sa vie entière n’a tournée qu’autour de ce moment. Le moment où elle prendrait la relève de son père, assumant aussi bien son titre de Baronne que celle de chef d’entreprise quelque part, mais maintenant qu’elle y est, tout ceci lui paraît encore bien irréel. Peut-être que le Comte Detina avait raison à son propos et qu’elle n’était tout bonnement pas faite pour cela. Peut-être n’en a-t-elle ni les capacités, ni les moyens.

- Vas-tu me dire ce qui te chagrine autant pour que tu puisses faire une tête pareille ? lance Bartolomé en se tenant sur le seuil de la porte, la chemise à peine déboutonnée et les manches retroussées jusqu’aux coudes.

- Que crois-tu qu’il dirait, s’il savait que sa fille aînée, celle sur qui repose tous ses espoirs, a présentement peur de l’avenir ? soupire-t-elle en se laissant glisser dans le fauteuil

- Je ne sais pas ce qu’il te dirait, du moins pas avec exactitude, mais je sais que ce n’est pas pour rien qu’il t’as nommé à la tête de la famille. En outre, je n’y connais pas grand chose, étant entré relativement jeune à l’Académie, mais il me semble qu’il n’y a rien de plus humain que d’avoir peur.

- Honnêtement, je ne sais pas par où quel bout commencer. Il y a tant à faire, tant à régler.

- Alors commence par ce qui te semble le plus évident. Depuis toute petite, tu cours absolument partout. Tu étais constamment aux petits soins avec nous, tu aidais père avec brio, tu organisais la vie domestique de la maison car quelque part, bien que cela ait été le rôle de la maîtresse de maison, tu l’es devenue par la force des choses... Pas une seule fois tu ne t’es plainte de ce rythme infernal. Pas une seule fois tu n’as estimé que c’était trop et qu’il fallait dorénavant te laisser vivre ta vie.

S’approchant de sa sœur, Bartolomé pose ses mains sur ses épaules et commence un léger massage tandis que cette dernière fond sous la pression des doigts habiles de son cadet.

- De toi à moi, je pense que tu sais quoi faire, c’est juste un doute que tu ressens, mais cela ne saurait tarder avant que tu ne le chasse.

- Tu as probablement raison. Peut-être est-ce juste la fatigue qui parle pour moi.

- Bien sûr que j’ai raison et tu devrais aller te coucher. Profitons du fait que je sois disponible pour régler un maximum de choses toi et moi. Donc demain matin, nous irons réclamer ton titre et faire valoir tes droits puis nous nous occuperons de tout le reste après.

- Et pour Ambre et Thomas ?

- Nous demanderons à Ninon de s’en occuper en notre absence.

- Parfois, je me demande sincèrement comment tu fais pour avoir réponses à tout. C’est presque comme si tu pouvais deviner ce que je pense ou ce que je désire, ricane Joséphine en posant une main sur celle de Bartolomé

- Penses-tu que seul mon charme ait suffit pour obtenir ma promotion ? De temps à autre, il m’arrive de faire usage des quelques neurones que tu m’as laissé dans notre enfance et qui ont résisté tant bien que mal à nos nombreuses bagarres.

Tous deux rient en revoyant ces scènes où hurlements, cris et douleurs étaient de la partie. Il n’y avait pas un jour où, enfants, Joséphine et Bartolomé ne se battaient pas. Pas un jour sans que l’un ne revienne avec une trace de morsure, un coquard, une bosse, des genoux écorchés ou des cheveux en moins.

Pas un jour où les rires ne venaient pas chasser les pleurs soudain de l’un comme de l’autre.

- Demain promets d’être une longue journée, souffle Joséphine en se relevant, partant main dans la main en direction la cage d’escalier avec son cadet tout sourire.

Mais le plus étrange en ce qui concerne «demain», c’est que l’on ne sait jamais vraiment ce que ce dernier peut bien nous réserver.

Une rencontre improvisée. Une discussion autour d’un thé. Un arrangement tout trouvé. Qui sait ?

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Alison CXC
Posté le 30/03/2021
Coucou, me revoilà après un petit moment d'absence :)
Retrouver ce duo m'a fait beaucoup de bien: la complicité et l'entraide entre Bart et Jo a été une petite bulle d'oxygène <3
Sinon: "Une rencontre improvisée. Une discussion autour d’un thé. Un arrangement tout trouvé." OMG mais que nous prépares-tu ? ^^
ManonSeguin
Posté le 31/03/2021
:3 Je ne peux rien dire, tu finiras bien par le découvrir !
Alison CXC
Posté le 31/03/2021
Je ne pense qu'au nom de code "plouf plouf" tu sais ? xDD
ManonSeguin
Posté le 01/04/2021
Ce nom de code me va très bien ! :D Pas toi ?
Alison CXC
Posté le 01/04/2021
Je l'adore ;)
Vous lisez