17- Mamie sérieuse

— Bon, Mamie Griselda, puisqu’on marche depuis d’plombes, y a quelques trucs qu’j’ai grave envie d’t’demander…

— Y a-t-il quelque chose qui te trottine le cervelet ?

— Pas tant qu’ça.

— De quoi veux-tu me parler, Scott ? Je t’écoute.

— T’crois qu’j’suis en train d’foirer ma vie ?

— Rater ta vie ? Mais absolument pas ! Je crois surtout que la vie d’adulte te fait très peur. Et c’est normal d’avoir peur. Je n’en menais pas large non plus, à ton âge, pour être honnête avec toi.

— Ah ouais ?

— Oui. J’ai rencontré Papy Esteban très tôt. Le coup de foudre comme dans les films. La question du mariage ne se posait pas, c’était évident. Dans ma vie, soit c’était l’évidence, soit on choisissait pour moi.

— On choisissait pour toi, sérieux ?

— C’est Grand-Papy qui a décidé que je ne ferai pas d’études.

— C’est ouf !

— D’un côté, je comprends. Mes parents n’avaient pas les moyens de payer. Mais, j’aurais aimé que ce soit mon choix. J’étais prête à me débrouiller seule pour y arriver.

— Maintenant, c’un peu plus fastoche d’faire des études.

— C’est pour cette raison que ce serait dommage de passer à côté.

— Bien ouèj, Mamie Griselda… J’sais c’que t’veux dire. Sauf que j’ai grave l’impression d’savoir faire que dalle.

— Tu te trompes. Et, au pire des cas, tu es là pour apprendre. On apprend toujours, peu importe l’âge. Tu dois trouver ce qui te passionne.

— Pour moi, l’évidence, c’est l’jeux vidéos. J’pourrais concevoir mes propres jeux, par exemple. T’en penses quoi, Mamie Griselda ?