- T’arrives ? hurle Abeln en compétition avec le vent glacé.
Non, il y arrivera pas.
C’est évident qu’il y arrivera jamais !
May’ké a le vertige alors qu’il passe ses journées dans des immeubles branlants de trente mètres. Trop drôle.
Peut-être parce qu’il y a que les molécules d’Abeln entre lui et le vide. Abeln a intérêt à gérer, parce que sinon, ce sera la chute la plus spectaculaire du siècle -la tête la première dans une boutique de couture-.
L'ex-Ange -qui a temporairement retrouvé ses pouvoirs- a entouré le Perce-Magie d’une bulle qui s’élève doucement au milieu de la ville morte.
May'ké ça lui fait très bizarre. Il a beau être barricadé derrière des molécules, il sent le vent comme s'il y avait rien du tout.
C'est bizarre d'être un Ange...
La magie le brûle, elle est tellement proche...
Elle l’entoure complètement et il en devient carrément claustrophobe.
Il se sent enfermé, comme les figurines des boîtes à musique.
Une boîte à musique qui s’ouvrira que le temps d’envoyer un intrus.
Chante, intrus, chante !
A travers son voile de myopie, May'ké aperçoit tous les étages en montant, mais il peut pas toucher les murs, alors c’est comme s’il voyait rien.
Le toucher, c'est sa vraie vue. Celle qui lui permet de percevoir tous les détails.
Le Perce-Magie arrive à la hauteur de la garde des dragons.
Voilà. Maintenant, il pourra les atteindre.
May’ké sent le vent qui lui lèche le visage de sa langue glacée.
Mais surtout, il sent une créature au loin.
Le reptile de magie est posté. Il regarde en dessous de lui. Il regarde en direction de l’armée d’enfants, installée en dehors de la ville.
May’ké lève son arme.
Il sait pas où regarder, alors il fixe le sol -le vide, plutôt, vu sa myopie-.
Et il fait confiance à son don.
Il se concentre.
Une petite ouverture apparaît dans la paroi de molécules. L’intrus aura aucun mal à passer à travers.
L’intrus part.
Le dragon vomit, pleure la magie.
Et il tombe.
Il tombe.
Tout en bas.
Tout en bas.
Tout en bas, jusqu’à disparaître.
Au suivant.
Je fais redescendre May’ké, mais c’est difficile d’aller doucement avec ce vent. C’est comme essayer de tenir droite une perche dans un fleuve ultra rapide. Je suis content de voir qu’il a réussi, mais en le faisant atterrir juste devant moi, je remarque tout de suite qu’il a pas l’air bien.
- Eh, ça va ? je demande.
- Je vais très bien.
- T’as pas l’air...
- C’est pas tes affaires.
- May’ké, t’es pas obligé de continuer, si ça te fait si mal… Terels a qu’à le faire lui-même...
- Tu peux pas comprendre, Abeln.
- May’ké...
Le Perce-Magie me fusille du regard. Là, maintenant, il fait vraiment peur. S’il dévisage les gens comme ça quand il est fâché, je comprends que les Résistanges le craignent. Mais pourquoi il veut absolument le faire, alors qu'hier encore, c’était hors de question !? Il est vraiment insaisissable...
- May'ké, vraiment...
- Au suivant.
Il pleut, il pleut des dragons, ha ha ha !
Admirez May’ké, le seul, l’unique, à pouvoir descendre ces bêtes majestueuses !
Pendant des heures, la boîte à musique s’amuse à tuer.
Pendant des heures, les intrus foisonnent de cette bulle démoniaque.
Tout sort et rien ne rentre.
May’ké est tellement invincible, dans sa petite bulle !
Qui l’eût cru, que le duo May’ké-Abeln causerait autant de morts ?
Sauf qu’au bout d’un moment, May’ké est plus du tout invincible, il arrive à peine à tenir debout.
En fait, c’est parce que son corps commence à vraiment plus supporter la magie d’Abeln.
Elle est si proche, si proche !
Il brûle, il brûle !
Mais malgré sa douleur, May’ké continue.
Il continue.
Il continue.
Le soleil commence à se coucher.
Il continue.
Il continue.
Une demi-journée plus tard.
May’ké joue encore à la boîte à musique.
Il s’élève, il s’élève.
Le dernier dragon apparaît devant lui.
Il en a déjà descendu vingt-sept.
Et il en peut plus.
La magie le détruit. Il la sent s’agiter dans son corps, elle emballe son cœur qui se lance lui aussi dans une valse effrénée. Les vibrations montent dans sa nuque. Elles grimpent, elles grimpent et atteignent sa tête.
Sa tête explose, elle explose !
May’ké s’effondre, mais il se rattrape à la paroi de la bulle.
Il a mal, il a tellement mal !
Mais May’ké, c’est May’ké.
Il est l’être le plus méprisable du monde, c’est vrai, mais il abandonne jamais.
Jamais, jamais, jamais.
Le Perce-Magie n'abandonne jamais.
Il a toutes les peines du monde à relever son bras. Il est trop lent, vraiment trop lent.
Le dragon tourne la tête. Il a vu l’ennemi.
Le reptile de magie fonce sur May’ké.
Et le Perce-Magie fait rien pour l’esquiver.
Et Abeln non plus, vu qu’il voit à peine May’ké dans la brume.
En gros, personne fait rien.
Le dragon détruit la bulle à présent affaiblie et croque le Perce-Magie.
Miam miam.
La moitié du petit torse est dans sa gueule.
Miam miam miam.
Ça serre, ça serre, la mâchoire se referme, les dents tranchent la chair, ça fait mal !
Alors May’ké sort une flèche de son arme.
Et la plante dans la gencive du dragon.
N’y voyez rien d’héroïque, c’est juste un instinct de survie.
En tout cas, c’est suffisant. Le dragon chute.
Et May’ké aussi.
Ils tombent.
Plus bas.
Plus bas.
Toujours plus bas.
Tout en bas, tout en bas.
En dehors des murs de Domélyl, Alyz était désespérée. Elle réfléchissait toute la journée à un plan pour entrer, malgré la surveillance des dragon. Elle n’en avait pas. Ce n’était pas pour rien que l’on disait qu’ils étaient invincibles. Mais pourquoi les Résistanges les avaient-ils invités, s'ils n'avaient aucune solution ? Elle leva la tête et fut sidérée. Les dragons tombaient tout seuls. Comment était-ce possible ? Et puis elle vit une sphère. Une sphère flottante dans les airs. Un dragon se jeta dessus. Et il tomba lui aussi. Le dernier dragon. Avait-elle bien vu ? Avait-il un homme entre ses dents ?
Il était une fois la chute des dragons -et du Perce-Magie-.
Il était une fois l’entrée d’une armée.
Il était une fois des Scribes dans le quartier d’Arkeide.
Ça fait un moment, mais me revoilà ! Et j'aime toujours autant !
Ton style est très beau, toujours en accord avec le ton de l'histoire, et l'histoire elle-même reste intrigante et pleine de surprises ! J'ai hâte de pouvoir lire la suite !^^
AU FIL DE LA LECTURE
Il se sent enfermé, comme les figurines des boîtes à musique.
Une boîte à musique qui ne s’ouvrira que le temps d’envoyer un intrus.
Chante, intrus, chante !
>> Ce genre de passages, je trouve ça vraiment beau, c'est poignant, ton narrateur s'exprime dans une liberté qui nous ouvre les yeux. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est si spontané qu'on le ressent dix fois plus !
A travers son voile de myopie
>> Héhé, très bien formulé, étant myope moi-même l'image me parle beaucoup...
Une petite ouverture apparaît dans la paroi de molécules. L’intrus n’aura aucun mal à passer à travers.
L’intrus part.
Le dragon vomit, pleure la magie.
Et il tombe.
Il tombe.
Tout en bas.
Tout en bas.
Tout en bas, jusqu’à disparaître.
Au suivant.
>> J'aime trop ! Et le “Au suivant.” en bas est très bien placé^^
Il pleut, il pleut des dragons, ha ha ha !
>> Haha, j'adore :))
Pendant des heures, la boîte à musique s'amuse à tuer
>> J'aime beaucoup la reprise de l'image du début^^ C'est en même temps amusant, et en même temps très lourd de sens...
Sauf qu’au bout d’un moment, May’ké n’est plus du tout invincible, il arrive à peine à tenir debout.
>> Aaah c'est horrible ! May'ké souffre... Sniff...
>> C'est vraiment horrible à lire, ce passage. Dans le bon sens du terme, hein. C'est super. Mais c'est horrible.
Mais May’ké, c’est May’ké.
Il est l’être le plus méprisable du monde, c’est vrai, mais il n’abandonne jamais.
Jamais, jamais, jamais.
Le Perce-Magie n'abandonne jamais.
>> J'adore ce passage, et toute la suite ! Mais comme avant, je ne peux pas m'empêcher d'avoir de la peine pour May'ké... (pauvre petit May'kinou, dirait la fillette)
Le dragon détruit la bulle à présent affaiblie et croque le Perce-Magie
>> O_o
>> Haha plus sérieusement, j'adore l'usage du verbe croquer. Mais c'est horrible. Comme toute la scène. Je sais, je me répète.
N’y voyez rien d’héroïque, c’est juste un instinct de survie.
>> Hahaha
Il était une fois la chute des dragons -et du Perce-Magie-.
Il était une fois l’entrée d’une armée.
Il était une fois des Scribes dans le quartier d’Arkeide.
>> J'adore ce motif que tu reprends à chaque chapitre, c'est très beau, très poétique, et en même temps ça s'inscrit parfaitement dans ton style !^^
Merci pour ce petit chapitre tout en émotions ! :)
À tout vite !
Oh merci, ton commentaire me fait trop trop trop plaisir !^^
Je suis content que May'ké soit quand même attachant malgré sa ribambelle de défauts ! :)
A bientôt, j'espère que la suite te plaira !^^
Je lirai la suite avec plaisir^^