Mes pensées tournoient aussi fort que la Tempeste Ventée. La rencontre avec les pilleurs. Le danger. L’arrivée de Madame Brillance. Ses révélations. Ornikar n’est pas mon âme sœur. Seulement celui de quelqu’un à qui je tiens. Peut-être Xander… Je n’ai pas eu le temps d’avoir confirmation, de savoir ce qu’en pense vraiment mon ami. Tout est arrivé si vite…
Petit Robert me suit de près, dans les airs. Et, j’en suis ravie ! Je n’ai aucune idée d’où je dois retrouver Xander… Je n’ai pas envie de perdre en plus Petit Robert. Je me suis prise d’affection pour lui.
La Tempeste, sans le vouloir, nous rapproche, lui et moi. J’arrive à l’agripper par la cheville.
J’essaie d’articuler quelque chose, malgré les rafales de vent :
— Petit Robert ! Accroche-toi à moi !
Je ne le lâcherai pas. J’ai fait cette erreur une fois, malgré moi. Je ne la referai pas une seconde fois.
L’enfant tente de me montrer quelque chose, au loin. Un arc-en-ciel. Sauf si ma vue me fait défaut.
Je ne sais plus à qui, à quoi me fier. Un arc-en-ciel, qu’est-ce que cela veut dire ?
— … syllabique, peine à m’expliquer Petit Robert.
La Tempeste Ventée se calme.
Nous nous rapprochons de la terre ferme.
Nous nous rapprochons de l’arc-en-ciel plus vraiment lointain.
***
L'Arc-en-ciel syllabique !
Je comprends mieux ce qu’a voulu m’expliquer Petit Robert, tout à l’heure. Encore une ville dont je ne sais rien. Hormis le nom qui vient de me revenir à l’instant.
Mes deux pieds se posent enfin sur la terre ferme.
Petit Robert reste près de moi, le regard vagabondant dans tous les sens. L’arc-en-ciel aperçu dans les airs surplombe le ciel.
Le voyage improvisé dans les airs s’arrête ici.
Je suis tellement soulagée d’être encore en vie. Je peine à rester debout. L’envie de m’écrouler, de hurler de toutes mes forces est très grande. C’est sans doute l’adrénaline qui redescend. J’ai lu quelque chose à ce sujet, un jour, à la bibliothèque.
J'ignore à quel point nous nous sommes éloignés de la Virgule Sucrée, de la Vaste Majuscule, de Bescherelle-sur-Mer…
— J’ai toujours voulu mettre un pied dans la capitale ! s’extasie Petit Robert.
Ses petits yeux tout joyeux font plaisir à voir. Je suis tout aussi admirative que lui. Je ne connais que peu de choses sur notre chère capitale.
— Véra, on mange quoi ici ? J’ai une de ces chaudes faims…
Il est livré à lui-même. Il me dit qu’il a faim. C’est plus fort que moi… Je m’inquiète et je lui en fais part :
— Une chaude faim ? As-tu des brûlures d’estomac ?
Un léger sourire se dessine sur le visage de l’enfant.
— Du côté de l’Apostrophe Caniculaire, c’est une expression très courante. Ça veut simplement dire qu’on a beaucoup faim, m’explique-t-il. Mon estomac va très bien, sauf qu’il est vide…
Même un orphelin de dix ans parvient à m’apprendre des expressions langagières. Je ne me vois pas comme une ignorante pour autant. Simplement une jeune femme qui s’enrichit des mots des villes voisines. Je pense me resservir souvent de cette expression.
— Quand on a pas faim du tout, on a une froide faim, conclut-il.
En effet, cela semble logique.
J’ai comme l’intuition que cet arrêt à la capitale du Livre va être riche en surprises. En bonnes surprises, cette fois.
Tout en réajustant ma robe à pois, je contemple les bâtiments qui nous entourent. Des habitations, pour la plupart, de toutes les couleurs.
En ville, tout y est si multi-coloré. C’est très apaisant. Pour preuve, après toutes mes aventures, je ne ressens plus une once de nervosité en moi. Pourtant, il y a de quoi être perturbée. Surtout après les dernières révélations de Madame Brillance.
— C’est ta madame astrale qui te préoccupe autant ? Ou Xander ?
— Ni l’un ni l’autre, je dois l’admettre. Je ne me suis jamais sentie aussi bien. Même si j’aimerais savoir si Xander va bien… S’il est encore utile que je voyage à travers le Livre...
Le petit garçon a l’air de m’autoriser à penser à voix haute. Je crois que j’en ai bien besoin.
— Un voyage est-il toujours utile ? demande rhétoriquement Petit Robert. Voyage pour toi. Pas pour quelqu’un d’autre. Pas pour une quête. Pour toi.
Il hausse les épaules face à l’évidence de ses propos :
— Tant que tu aimes voyager, qu’aucune obligation d’adulte t’en empêche, pourquoi s’en priver ? Poursuis-la, ta vadrouille, si tu veux la poursuivre. Rentre chez toi si tu veux rentrer chez toi. Pour moi, y a pas à cogiter très longtemps.
Il souligne un bon point. Il m’est impossible de trouver le bon Ornikar pour Xander ou pour qui que ce soit. Les possibilités semblent trop nombreuses. Par contre, j’aime voyager.
J’ai laissé ma mère me commander bien trop longtemps. Récemment, c’est la prédiction de Madame Brillance qui m’indiquait quoi faire. Je me dois de décider par moi-même, de m’octroyer le droit d’être libre. Enfin libre de mes mouvements.
— Tu es plein de sagesse pour un petit garçon de ton âge.
Petit Robert rougit en affichant un air un peu triste :
— Ma mère me disait souvent ça avant de… avant de… avant de plus être là pour le dire.
Instinctivement, je le prends dans mes bras :
— Je sais ce que c’est que de perdre un parent. Alors, deux… Je n’ose imaginer une telle épreuve…
Au loin, une petite foule commence à s’approcher de nous. Les habitants de l’Arc-en-ciel syllabique, sûrement.
Ils semblent émerveillés de nous voir, ce que je trouve très étonnant. Au milieu de cette foule, je parviens à entendre quelques exclamations :
— Regardez ! Les voilà !
— Incroyable ! Ils sont ici !
— C’est formidable !
On nous a cherchés. On nous a trouvés. On a l’air heureux. Je ne sais pas si c’est un nouveau danger qui se profile à l’horizon. La sérénité qui envahit la capitale déteint toujours sur moi. Je ne ressens pas une once de méfiance. Une partie de moi trouve cela surprenant. Cependant, je décide d’écouter ma petite voix intérieure si apaisante.
Désormais, la foule s’arrête. Les habitants gardent une certaine distance entre eux et nous. La joie de nous trouver semble laisser place à autre chose. Quelque chose que je ne parviens pas à identifier tout de suite.
— Vous avez peur de nous ou quoi ? lance Petit Robert, sarcastique.
À en croire les visages de certains, le petit garçon a vu juste. Je ne comprends pas ce qui les pousse à nous craindre. Je ne vois pas d’autres options. Je me dois de poser la question la plus simple qui soit :
— Pourquoi ? Pourquoi avoir peur de nous ?
L’un d’eux s’avance tout près de nous. Il doit avoir le même âge que moi, à peu de choses près. Ses yeux verts pétillent de mille feux. Ils mettent en valeur ses cheveux blonds, mi-longs. Alors que tout le monde se vêtit de vêtements multicolores, lui semble préférer les vêtements plus neutres. Il se contente de porter un t-shirt blanc et gris avec un pantalon noir. Le contraste est si fort. J’ignore comment j’ai pu faire pour ne pas le remarquer.
— Ah ! Mais, on se connaît, non ? s’interroge Petit Robert en le regardant fixement.
— C’est possible, répond l’homme vivant à la capitale du Livre.
Le petit garçon donne l’impression de chercher au plus profond de sa mémoire. Quand, soudain, une illumination éclaire ses traits :
— Le marchand de glaçons à l’Apostrophe Caniculaire !
Je me souviens que Petit Rober a parlé de ces marchands de glaçons. Ils vendent une denrée très recherchée dans la ville la plus chaude du Livre.
— Adam, c’est ça ? se souvient le petit garçon.
L’homme confirme d’un hochement de tête.
— La vente de glaçons, c’était dans une autre vie. Mais, effectivement, petit, je me souviens que tu étais l’un de mes plus fidèles clients. Tous les jours, tu venais me voir, alors que je n’étais que stagiaire sur le stand, pour récupérer des glaçons. Tu disais ne pas aimer tes jus de fruits et tes confitures sans ces petits cubes de froidure.
Petit Robert semble touché qu’Adam se soit souvenu de lui. J’ai presque cru apercevoir une larme couler au fond de l’œil.
— Que faites-vous ici ? nous questionne Adam.
Il a dû s’apercevoir que le ton de sa voix était trop sec. Il se racle la gorge et il se reprend :
— Qu’est-ce qui vous motive à nous rendre visite ? Vous avez fait peur à la plupart des syllabistes en arrivant… par la voie des airs. Comment avez-vous fait ? Je crois parler au nom de tous les habitants en vous disant que nous craignons que vous ayez.. des pouvoirs mystiques… Nous espérons que vous nous voulez aucun mal.
Je me sens bête de ne pas avoir pensé à l’atterrissage plus tôt. Bien sûr ! Nous voir arriver chez eux en volant, cela a dû être très angoissant. Je prends sur moi d’essayer de les rassurer au mieux :
— Nous ne voulons de mal à personne, chers syllabistes. Nous étions entre la Vaste Majuscule et la Virgule Sucrée quand une violente Tempeste Ventée nous a emportés et menés jusqu’ici. On a eu de la chance de s’en sortir…
J’entends un bruit sourd et régulier. Une canne qui frappe le sol. Un vieil homme s’approche à son tour, en s’arrêtant à la hauteur d’Adam :
— La Tempeste Ventée ? Cela faisait longtemps que je n’en avais pas entendu parler ! Quand j’étais gamin, quiconque se faisant emporter par la Tempeste atterrissait ici, à l’Arc-en-ciel syllabique. C’est ainsi que la ville est devenue la capitale du Livre.
— Tous les chemins amènent à la Syllabe, comprend Adam.
Petit Robert et moi fronçons les sourcils.
— C’est la devise de la ville, précise Adam. Je ne me suis jamais demandé d’où elle venait. Maintenant, tout s’explique. Merci, Hank !
Le vieil homme s’incline, par politesse.
— Monsieur Hank Quarta, dit-il pour se présenter.
— Enchanté, répondons-nous d’une même voix.
Les autres syllabistes se détendent enfin. Tout le monde ose s’approcher de nous. Adam et Hank se sont dévoilés à nous. Il est temps d’en faire de même :
— Je m’appelle Véra. Je viens de Bescherelle-sur-Mer. Je voyage pour la première fois en dehors de ma ville natale.
J’évite de rentrer dans les détails. Nous ne nous connaissons pas encore suffisamment pour que je me permette des confidences sur les prédictions de Madame Brillance, mon père, Xander…
— Et moi, c’est Petit Robert. J’ai dix ans et je viens de l’Apostrophe Caniculaire.
Les syllabistes, étonnés d’apprendre que nous avons grandi dans deux villes différentes, se présentent à leur tour. Noyée dans un flot continu d’informations, je n’ai pas tout retenu.
Je me souviens de Bouchet. Il tient une charcuterie en ville. Plutôt petit en taille, je crois l’avoir surpris se déplaçant à pas de fourmis. Il y a aussi Monsieur Juste, le shérif syllabiste et Monsieur Graphac, le maire. Je n’ai d’ailleurs pas senti le maire très réceptif à l’idée de nous avoir comme touristes, Petit Robert et moi. Sans oublier Jean-Kamel-Louis-Marcel, un très bon ami d’Adam également, si j’ai bien compris. Ce n’était pas très clair… Cet homme est impossible à oublier, avec ses quatre prénoms. De ce qu’il m’a expliqué, le quadruple prénom est une tradition familiale. Sa sœur, Anna-Belle-Charline-Dorothée et son père, Ferdinand-Gérard-Henri-Ignace, en sont la preuve.
— Le bon vieux Ferdinand-Gérard-Henri-Ignace n’est pas en ville actuellement, explique Adam à Petit Robert.
— C’est lui qui a tenu le stand de glaçons à l’Apostrophe pendant longtemps, m’explique le petit garçon, me sentant perdue.
— C’était à l’époque où les affaires allaient mal en ville, raconte Adam. Tous, en ville, on a dû travailler dans une autre ville du Livre pour relancer l’économie de la capitale.
— Et certains, comme Adam et Ferdinand-Gérard-Henri-Ignace sont restés à leur poste parce qu’ils s’étaient attachés à leurs clients. À nous. À moi, se vante presque le petit garçon.
Adam adresse un petit regard noir à Petit Robert. Ce regard s’est voulu discret mais j’ai su l’intercepter.
— S’attacher à toi, petit, c’est vite dit. Je te soupçonne d’avoir consommé plus de glaçons que ce que tu as achetés…
L’espace d’un instant, je me souviens de Xander et moi. C’était un peu la même chose avec les cookies. J’en achetais mais il faut avouer que les meilleurs étaient ceux que je piochais hasardeusement dans les bocaux.
Petit Robert fait mine de regarder ses souliers. Adam attend quelques secondes, le regard fixé sur lui, avant de nous faire une proposition :
— Au nom de tous les syllabistes ici présents, permettez-moi de vous offrir le verre de l’amitié !
Il n’a pas été utile de nous convaincre bien longtemps. J’ai la gorge un peu sèche, n’ayant rien bu depuis la fête d’adieu de la Vaste Majuscule. Je vois que Petit Robert n’est pas en reste non plus.
— Vous avez un jus de réglisse multicolore ? rêve-t-il à voix haute.
— Affirmatif, répond monsieur Hank Quarta.
Quelque chose de familier se dégage du regard du vieil homme. Je sais que je ne l’ai jamais vu. Pour autant, j’ai l’impression de le connaître d’une certaine manière. Peut-être une illustration dans un des livres de la bibliothèque ? Je le laisse terminer son discours :
— C’est une boisson locale. Il faudrait être malchanceux pour ne pas en trouver à l’Arc-en-ciel syllabique.
Je le remercie poliment de me renseigner. Avec le recul, je me dis que c’est la fatigue qui doit me donner l’impression de le connaître. Quand je passe en revue mes souvenirs littéraires, son visage ne me dit rien. Je n’ai pas l’air de provoquer un quelconque souvenir, non plus.
— Et vous, mademoiselle Véra, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? me demande Adam, en souriant.
Je me surprends à me perdre dans ses yeux verts pétillants. Je n’avais jamais vu de tels yeux auparavant. Ils sont magnifiques ! J’essaie de ne pas les fixer trop longuement, de peur de paraître étrange et ridicule.
— Euh… Je ne sais pas ce que vous avez… Mais, je sais que, lorsque j’étais bien plus jeune que Petit Robert, je raffolais du jus de guimauve. Cela fait des années que je n’en ai pas bu une goutte…
— Vous avez de la chance, commence Adam.
— Boisson locale, également, coupe le vieux sage syllabiste.
Adam et Hank nous invitent à La Syllabe Amicale, le bar de la ville. Nous nous avançons tous les quatre vers un bâtiment multicolore dont la construction rappelle beaucoup la taverne de la Vaste Majuscule. Je remarque l’inscription « La Syllabe Amicale » sur l’enseigne.
Monsieur Hank nous explique que l’établissement est tenu par la famille Épistole, mari et femme. La bâtisse existe depuis toujours. Elle a bonne réputation dans la capitale, même dans les autres villes du Livre. Tous les touristes n’en disent que du bien. Personnellement, rien qu’avec le nom, j’aime déjà. Encore plus, s’ils ont du jus de guimauve.
Monsieur Hank est très fier de sa ville, de son histoire. Je tais le fait que je ne savais rien de la ville, encore moins de l’établissement, avant d’y atterrir bien malgré moi. J’ai trop peur de le froisser.
On nous emmène notre boisson. Le jus de réglisse multicolore, avec glaçons, et mon jus de guimauve.
— Merci pour les glaçons, s’émeut Petit Robert.
— Tu as de la chance… Ici, ils sont gratuits, annonce Adam. Tu pourras en profiter comme bon te semble, sans chaparder.
Les yeux du petit garçon s’humidifient. Je ne le connais que depuis peu mais, je ne l’ai jamais vu aussi heureux.
Nous nous apprêtons à approcher nos lèvres de notre boisson. Tous les syllabistes, avec un verre de jus à la main, crient en cœur :
— Bienvenue à l’Arc-en-ciel syllabique !
Monsieur Hank sirote un jus de menthe poivrée alors qu’il narre une énième anecdote à monsieur Juste, accompagné de son verre de jus de bananes brûlées. Bouchet et Jean-Kamel-Louis-Marcel s’imaginent voyager grâce à la Tempeste, tout en enchaînant les verres de jus de concombres et d’orties. Pendant que je cherche à deviner les ingrédients des autres boissons des syllabistes, je ne vois pas de suite Adam qui revient vers nous, avec un verre de jus de pommes et betteraves :
— À mes yeux, c’est le meilleur jus de la capitale !
En grand expert en boissons juteuses, Petit Robert admet que l’affirmation d’Adam n’est pas tout à fait fausse, sans être entièrement vraie non plus.
Tous les deux semblent un peu se taquiner tout en s’appréciant vraiment. C’est assez attendrissant d’être témoin de tels moments de complicité.
Tandis que je finis de boire les dernières gouttes de mon jus à la guimauve, j’accepte de déguster un verre de jus de pommes betteraves, sur les recommandations d’Adam.
— C’est un jus qui donne de la force pour tout ce que l’on a envie de faire dans la journée.
— N’exagérons rien, nuance Petit Robert. Le verre est gratuit, inutile d’en vanter autant les mérites.
D’humeur joueuse, j’ai bien envie de m’amuser de cette petite querelle :
— Pour toi, Petit Robert, si ce n’est pas le jus de pommes et betteraves, quel est le meilleur jus de l’Arc-en-ciel syllabique ?
Adam semble suspendu aux lèvres du petit garçon, comme prêt à bondir si jamais sa réponse ne lui convient pas. Petit Robert, lui, me regarde comme si je lui avais posé la question la plus évidente qui soit :
— Le jus de réglisse multicolore, bien évidemment ! Je prends uniquement que ce qui est meilleur. Et, le jus de réglisse, y a rien de meilleur. En toute sincérité.
— C’est une boisson pour les enfants, raille Adam.
— Si tu t’interdis de boire le meilleur jus de la ville parce que t’es adulte, tu peux t’en prendre qu’à toi-même, se défend Petit Robert.
Sur ces belles paroles, nous buvons notre verre.
Je m’efforce de regarder partout. Je promène mes yeux sur tout et sur rien, à l’exception des yeux pétillants d’Adam.
— Mademoiselle Véra, si je puis me permettre… Vous aviez dit tout à l’heure, en vous présentant, que vous voyagiez dans le Livre pour la première fois… C’est bien cela ?
Adam s’intéresse à moi. Quelqu’un s’intéresse à moi. Je trouve toujours le moyen de m’en étonner. Je n’en ai pas l’habitude… Ainsi, je parviens à bafouiller :
— Euh… Oui… Oui, c’est exact.
Je peine à l’écouter. Il a de ces yeux…
— Pouvez-vous m’en dire davantage ? Si cela n’est pas indiscret, bien sûr…
En secouant ma tête dans tous les sens, mes pensées se rangent à leur bonne place. Il m’a demandé de lui raconter mon voyage. Je crois… J’ai honte. Je ne l’ai écouté qu’à moitié… Avant de commencer mon récit, je préfère le prévenir :
— Les circonstances sont… un peu particulières.
Adam me donne la permission de raconter mon histoire. Il manifeste un certain intérêt à peine dissimulé.
— Mon père était explorateur. Monsieur Tristan. Hélas, il est tombé dans un volcan. Il n’a pas survécu…
Je lutte pour maîtriser mes émotions. Sans savoir pourquoi, je sens que mon père est d’une quelconque façon présent à mes côtés. Son souvenir m’accompagne, depuis le début de ce voyage.
— Aujourd’hui, je voyage pour faire comme lui. Je veux voir ce qu’il a vu. Apprendre à le connaître à travers le récit des gens qui l’ont connu. Et…
— Et, tu gardes le meilleur pour la fin. N’oublie pas de parler de Madame Luminescence, intervient Petit Robert.
Je suis surprise que le petit garçon m’interrompt dans mon élan. Je choisis de ne pas trop en tenir compte :
— Madame Brillance, Petit Robert… Madame Brillance… Je l’ai rencontrée, un beau jour, et elle m’a fait une drôle de prédiction.
Je ne manque pas de préciser le voyage avec Xander, de le présenter. De raconter nos diverses péripéties. Comment j’ai été séparé de lui, à cause de la Tempeste.
— Ici, nous avons un bon réseau de messagers, si vous le souhaitez, m’apprend Adam.
J’en suis fort heureuse. Il y a des chances pour que j’en profite pour écrire à Selvina, à Madame Germaine…
— Est-il possible d’envoyer un messager à la Virgule Sucrée ? Avant la Tempeste, nous devions nous y rendre avec Xander. Peut-être y est-il allé sans moi… J’aimerais beaucoup posé la question aux habitants de la ville.
— Je ferai en sorte que la question soit posée aux virguliens, m’assure Adam, en continuant de me sourire du coin des lèvres.
Je manque de rougir. Son sourire accompagne à la perfection ses petits yeux pétillants.
D’un pas assuré, Jean-Kamel-Louis-Marcel s’avance vers nous :
— Adam, je suis fort étonné que tu n’aies pas proposé à ces chers touristes de leur faire un petit baptême de la ville.
— Un… quoi ? s’écrie Petit Robert dans un mouvement d’incompréhension.
— Un baptême de la ville. Généralement, on propose aux touristes de faire des activités… comme dirait Hank… des activités locales. Une course d’arcs-en-ciel sur roues, par exemple, nous informe Adam.
— Je savais que tu allais parler de la course d’arcs-en-ciel sur roues ! Tu es incorrigible ! s’amuse Jean-Kamel-Louis-Marcel.
Petit Robert semble tout excité depuis que la course a été évoquée dans la discussion. J’ai bien envie de lui faire plaisir et de l’emmener faire cette activité locale :
— Si vous êtes d’accord, je vais me reposer dans une auberge, s’il reste encore de la place. J’écris mes lettres. Et, ensuite, nous pourrons faire votre course d’arcs-en-ciel sur roues ? Est-ce que cela vous convient ?
— Cette course, on peut la faire à quatre ? s’extasie Jean-Kamel-Louis-Marcel. Cela fait longtemps que je n’en ai pas fait…
— Deux contre deux ? suggère Adam.
— Nous verrons sur place.
Petit Robert émet un bâillement. Lui aussi doit être fatigué. J’ignore comment il faisait jusqu’ici pour dormir. Dans la nature, sans doute. Je vais essayer de négocier un lit pour lui aussi, avec les quelques pièces qu’il me reste.
— Rendez-vous dans trois heures ici, devant La Syllabe Amicale ?
Tout le monde tombe d’accord. De ce que j’ai compris, Jean-Kamel-Louis-Marcel va se rendre sur le circuit pour tout préparer pendant qu’Adam va en profiter pour aider Bouchet dans sa charcuterie. Son regard continue de me distraire… Je suis loin d’être parfaitement attentive…
Cette journée commence bien. Je lâche prise. Je pense à moi, à Petit Robert que je prends sous mon aile.
Je me fais des connaissances dans cette nouvelle ville.
Je vais pouvoir envoyer des nouvelles à Selvina et à Madame Germaine qui me manquent beaucoup.
Je vais débuter les recherches pour retrouver la trace de Xander.
Ce premier jour à l’Arc-en-ciel syllabique ne pourrait pas mieux se dérouler.
Ce chapitre est assez introductif, et j'y décèle un potentiel fort, mais peut ètre pas encore assez développé. Pour préciser, j'ai aimé, mais je me dis que il y a des idées effleurées qui pourraient être prise à bras len corps (un peu comme si tu étais timide avec tes propres créations!). Je dirais que la partie sur les jus était un chouilla longuette? (Désolé :'))
Par contre, il y a des éléments intriguants qui ne demandent qu'à être découverts. Qui est vraiment Adam? Où est Xander? Et cette ville est un appel à l'aventure!
Ce dernier point, quand le petit Robert s'est trompé sur le nom de madame Brillance, je me suis dit : "oooh il va se transformer en Xander!" Oui, voilà à quel niveau de créativité tu pousses mon cerveau <3
A bientôt !
Petit Robert qui se transforme en Xander... ! Ahahahaha ! Je suis responsable d'une telle idée ? C'est effrayant... !
Merci pour ce beau retour ! :)