19. Un retour sous tension.

Par JFC

Mélusine, Ephrem et Selfyn, étaient une fois de plus assis au milieu du salon, qui allait, une fois encore, être le témoin d’une discussion au sujet d’êtres qui n’appartenaient pas au peuple des Elfes.

— Alors ? interrogea Selfyn. Comment te sens-tu ?

            — Je n’ai pas pu les voir, dit simplement Ephrem, le visage défait.

            Selfyn attendit la suite, mais comprenant qu’elle ne viendrait pas, il jeta un œil à Mélusine pour l’inciter à compléter l’histoire de son frère. Cette dernière, dans son élément, raconta toute l’histoire. Son père lui faisait signe de temps à autre pour qu’elle fasse une pause, pour laisser à Ephrem l’occasion d’ajouter quelque chose, de commenter, mais il ne semblait même par écouter sa grande sœur ! Son regard, vague, était pointé quelque part entre le sternum et le ventre de son père, qui était face à lui.

Ephrem ne remarqua pas le silence qui s’était installé. Soupirant, Selfyn invita Mélusine à continuer. Elle raconta donc leur arrivée dans le village de Cemen, ainsi que le combat d’Ephrem contre des Humains... Selfyn leva un sourcil.

— Ephrem sait manier une épée ! s’exclama-t-il en remarquant pour la première fois l’étoffe posée sur les genoux de son fils.

La forme, longue et fine, laissait deviner que l’arme y était dissimulée.

 

Mélusine, qui ne cachait rien à son père, raconta également son intrusion dans le passé d’un Humain nommé Marve, qui les croyait responsables du malheur arrivé au village de Luctès. Elle continua par leur arrivée dans le village des parents Humains d’Ephrem, dont le majeur parti était en feu, et où une odeur nauséabonde de chair carbonisée l’avait rendu malade. Elle n’oublia pas leur rencontre avec le général Odran et ses hommes, qui faisaient partie de l’armée du royaume d’Isbergue. Elle expliqua comment Ephrem leur avait fait face. Surpris une fois de plus, Selfyn arqua un sourcil.

Mélusine exprima son soulagement d’avoir pu quitter ce lieu sans encombre. Elle conclut enfin en évoquant son autre voyage forcé dans le passé, où elle avait découvert les véritables responsables du massacre des habitants de Luctès : les Traneks. Cependant, elle omit de mentionner la personne cachée sous la capuche noire. Ce personnage terrifiant, elle en était sûre, contrôlait ces créatures ressemblantes à des fauves.

Arrivée au bout de son histoire, Mélusine partagea son point de vue sur l’ensemble de cette tragédie :

— Tous les éléments tendent vers une seule et unique conclusion, aussi cruelle soit-elle : les parents d’Ephrem ne sont plus. En ce qui concerne les Traneks, il me semble que c’est l’affaire des Humains, pas la nôtre, alors nous ne devons plus y penser et surtout pas nous en mêler.

— Et que comptes-tu faire au sujet de la demande de ton frère ? chercha à savoir le vieil Elfe.

— Tenter volontairement de pénétrer son passé ? Je n’en vois pas l’utilité, admit la jeune Elfe en levant les mains pour qu’on voie ses gants. Je les ai enfilés précisément pour ne plus être projetée de force dans des souvenirs qui ne sont pas les miens.

— Je vois, répondit simplement le père en se tournant ensuite vers Ephrem.

Pour le faire sortir de sa léthargie, Selfyn frappa dans ses mains.

— Papa, demanda-t-il comme si de longues minutes ne s’étaient pas écoulées, aide-moi à retrouver mes parents Humains !

Exaspérée, Mélusine poussa un bruyant soupir. Selfyn pour sa part, ne répondit pas tout de suite. Il se caressait le bouc du bout des doigts, tout en tirant sur sa tigerette qu’il avait ramassée avant de suivre ses enfants dans leur petit salon.

— C’est une bien triste histoire que vous avez vécue là mes enfants, marmonna le vieil homme. Bien triste. C’est une histoire des plus troublantes également.

Selfyn réfléchissait, gardant ses yeux sur Ephrem. Il retira sa tigerette d’entre ses dents, l’éteignit, la rangea dans une poche intérieure, puis soupira aussi bruyamment que Mélusine auparavant.

— Alors tu penses que tes parents sont toujours en vie, résuma Selfyn, et tu souhaites que ta sœur t’aide à les retrouver.

            — Oui. Je me disais que si c’était toi qui le lui demandais, elle finirait par accepter.

            — Ta sœur a fait son choix, et nous devons le respecter, trancha le vieux sage en fixant son regard dans les yeux de son fils adoptif.

            — Alors qu’est-ce que je dois faire ? gémit-il.

            — Pour l’instant rien. Je dois m’entretenir avec les autres membres du Conseil. Ça faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de heu… contact entre différents peuples, lâcha Selfyn. Nous verrons ce qu’ils en pensent. Mais ne t’attends surtout pas à ce qu’ils décident de t’aider. Les Elfes ne se mêlent plus des affaires des autres depuis longtemps déjà. Je ne te cacherais pas que la question qui sera abordée en priorité te concernera.

            — Moi ! s’exclama Ephrem surpris.

— Tu n’es pas un Elfe. Quant à tes parents, ils sont… disons, indisponibles, précisa Selfyn avec prudence. Alors, doit-on te considérer comme appartenant au peuple Elfe ou au peuple Humain ? Répondre à cette question permettra également de statuer sur ton droit à quitter Yggdol à l’avenir. Le Conseil se penchera sur ce dilemme. D’ici là, tu ne fais rien !

Comme à son habitude, Ephrem baissa la tête.

Mélusine, quant à elle, se sentait un peu coupable, mais elle se disait que de toute façon, c’était pour son bien à lui.

— Il finirait par comprendre, se convainquit-elle.

 

Selfyn s’était levé et se dirigeait vers la sortie. À mi-chemin, il se retourna et s’adressa à son très jeune fils.

— Est-ce vraiment important pour toi de retrouver tes parents ? insista Selfyn. Je suis assez d’accord avec Mélusine, je dois l’admettre. La probabilité de les retrouver vivants, dit-il en appuyant bien sûr le dernier mot, est plus que faible.

            — L’un de mes pères, lança-t-il avec force en relevant la tête, m’a appris la valeur d’une famille. Et j’ai une sœur qui m’a appris qu’il était important d’aller jusqu’au bout de tout ce qu’on entreprenait... Je les retrouverai !

Mélusine sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Un sentiment de fierté s’empara d’elle. Tandis que les larmes lui monter aux yeux, elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose qui ne sortit jamais.

Selfyn, dos à ses enfants, eut le sourire le plus large de sa vie. Un sentiment de fierté grandissait également en lui.

— Il a grandi en fin de compte ! pensa-t-il.

Selfyn se retourna vers son fils pour une dernière phrase :

— Je ferai mon possible pour que tu reçoives toute l’aide nécessaire, ajouta Selfyn avant de continuer son chemin.

 

            Mélusine et Ephrem se retrouvaient seuls. La jeune Elfe, qui décidément ne savait plus quoi penser de son frère, avec ses changements bien trop rapides et radicaux, rompit le silence pour l’informer de son intention d’aller se coucher. Son lit chaud et confortable lui avait beaucoup manqué, et elle avait hâte de s’y jeter. Cependant, elle alla d’abord en direction de son frère, s’accroupit pour qu’ils soient tous les deux à la même hauteur, puis Mélusine la prit dans ses bras.

            — Je t’aime tellement, chuchota-t-elle dans son oreille. J’ai peur de te perdre.

            — Je sais ! J’éprouve la même chose pour toi et pour papa. Vous êtes ma famille.

Ephrem mit ses mains autour de la taille de Mélusine et la serra très fort. Ce n’était pas un geste qu’Ephrem faisait souvent. Il se demanda d’ailleurs pourquoi, car sentir la chaleur et l’amour de Mélusine était agréable et l’apaisait. Il sentait le stress le quitter, ses muscles se relâcher, et il finit par se rendre compte à quel point il était lui-même fatigué. Ses yeux se fermèrent et il s’endormit, à la grande surprise de Mélusine qui était toujours accroupie, dans une position pas vraiment confortable.

— Ephrem ! murmura-t-elle doucement.

Profondément endormi, le jeune homme ne l’entendit pas.

Bien trop lourd pour que Mélusine puisse le porter, elle le bascula pour pouvoir se dégager. Elle partit ensuite dans sa chambre et revint quelque seconde plus tard avec une couverture. Elle l’étala sur Ephrem, et déposa un baiser sur son front, puis repartit dans sa chambre, où elle trouva le sommeil tout aussi rapidement.

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