2 de denier : Chapitre 1

Par Kieren
Notes de l’auteur : Vous savez ce que cela fait l'indifférence et la solitude, lorsqu'elles sont infligées à quelqu'un ?

En numérologie, le 2 représente : l'accumulation, la réception, la dualité, le cycle.

En alchimie, le Denier représente la Terre : la nature, le corps, l'alimentation, le travail, l'argent, la valeur, les habits et la routine.

Pour un jeu de carte classique, le Carreau représente le Denier.

 

Comment savoir bien réceptionner, accepter ce que l'on nous donne, ce que l'univers veut nous partager ?

Le 2 représente une unité à qui on rajoute une autre unité.

Parfois, il faut se demander qui est le sujet et qui est l'ajout. Lorsque nous avons un tête bien remplie, ou une vie bien pleine, on peut avoir tendance à esquiver les nouveaux éléments, les nouvelles informations. On se dit qu'il s'agit de distractions, alors on les relègue à l'ignorance, on se dit qu'on s'en occupera plus tard. Parfois on les rejette avec violence.

Mais il arrive parfois que ces nouveaux éléments soient primordiaux, qu'ils prennent la place de sujets dans notre vie ou dans nos projets.

Tout doit être alors réévalué, notre plan d'action doit être revu, des dangers doivent être évités et des aides doivent être acceptées.

D'autres aides doivent être esquivées, coûteuses en temps et en énergie, parfois piégeuses. On pourra y revenir plus tard lorsque la sauce sera passée.

L'important est de voir le nouvel élément d'importance, et de le gérer en conséquence, avec calcul, mesure et contre-mesure.

Il est important aussi d'accepter les émotions furtives, car elles sont aussi importantes, aussi intéressantes et chargées d'informations, que les émotions envahissantes.

À l'école, par exemple, un nouvel élève est un ajout dans une classe remplie d'autres élèves, qui se connaissent, et qui ont déjà certains rôles, établis depuis longtemps. Ce nouvel élève est un inconnu dans cette équation. Comment les autres élèves vont ils le recevoir, et l'intégrer dans le groupe ? Quelle étiquette lui sera t-il attribuée ? Allié, ennemi, chef, modèle, leader, marginal, indépendant ? Que va t-il apporter à la dynamique du groupe ? Va t-il créer son propre groupe, son propre microcosme ? Va t-il renforcer ou affaiblir le groupe qu'il va rejoindre ? Connait-il sa place ? En sera t-il digne ? Sera t-il un parasite ? Sera t-il un blessé qu'il faudra soigner, afin d'en tirer le meilleur ? Sera t-il un indépendantiste, anti-social, mais malgré tout bienveillant ? 

Que va t-il apporter au groupe ? Que peut il apporter au groupe ? Veut il apporter au groupe ?

A t-il conscience qu'il existe quelque chose d'autre que lui même dans le monde ? Vit il pour lui-même, sous une apparence altruiste, mais pas moins égoïste ? A t-il conscience qu'il peut faire parti de la société, du groupe ?

Est ce qu'un jour, on lui a fermé les portes qui le reliaient aux autres ? Et depuis, il a vécu seul. Même si, aujourd'hui, on lui propose de rejoindre un groupe, même si on lui propose de l'amour, se laissera t-il cette possibilité ? Comprendra t-il qu'il en a le droit ? 

Fera t-il suffisamment confiance au monde pour s'y investir ? Et si oui, qu'est qu'il utilisera comme compétences ? 

Les personnes qui évoluent seules pendant des années, ne se limitent pas aux conventions sociales, donc pas aux limitations des individus du groupe, de la société. Ces personnes là risquent d'être nombreuses, de part l'élargissement de la vision humaine (mondialisation, informatique, chaînes de télévision, abrutissement général par une vomique d'informations vraies ou fausses, mais jamais palpables), de part la perte du contact humain simple mais vrai, de part la perte de sens d'elles-même, si ce n'est de tout. 

Elles sont perdues dans un monde qu'elles ne comprennent, comme tout le monde d'ailleurs, mais elles ne s'y projettent pas non plus. Si elles décident d’interagir avec la société, après des années voire des décennies d'aliénation et d'apprentissages autodidactes utiles ou non, alors il faudra les soutenir très délicatement. Le lien qu'elles forment avec les autres n'est pas à prendre à la légère, car ces personnes là n'ont pas les mêmes limites qu'un individu social. Elles peuvent être des atouts fabuleux, des poids morts d'une lourdeur affligeante, ou des prédateurs de l'humain.

Accepter quelqu'un de nouveau dans notre groupe présente des risques, certes, mais des bénéfices aussi. Et, ce n'est pas parce qu'un groupe apporte des bénéfices au nouveau membre du groupe, que celui-ci va lui apporter en retour le même type de bénéfice, voire de bénéfice tout court. Ainsi, il est irresponsable que notre vision des rapports humains soit stéréotypée, sans mise à jour régulière, sans prise en considération des avis individuels de chaque membre du groupe. 

Certes, il est plus facile d'exclure chaque individus dès qu'ils ne rentrent plus dans le moule, car c'est facilement décelable. 

Mais c'est ce comportement qui est le terreau fertile où poussent les véritables sociopathes. Ils sont difficiles à comprendre, car ils savent jouer sur différents plans de nous-même : le plan personnel, le plan émotionnel, le plan professionnel, le plan familial et amical. Le plan des valeurs. Le plan de notre identité. Et comme chaque singularité, elles créent leur propre terreau, indépendamment du bien et du mal, car ces notions appartiennent au groupe qui les a rejeté à une époque.


 

Aussi, et je suis désolé de vous dire cela, mais c'est en ouvrant les yeux sur le monde, et en sortant de notre propre bulle, que l'on peut voir vraiment les individus, les intègres comme les monstres. 

Aucuns des deux ne sont rares.

Vous en connaissez forcément. 

Saurez-vous les trouver ?

 

Le Mouton : "Au commencement, était l'Été"

Secoué par un spasme, le Mouton inspira brutalement, sa gorge se craquela, du sang s'en échappa, le faisant tousser, puis respirer avec difficulté. Se réveiller après la mort n'était jamais facile, mais ça allait, il avait réussi. Il était vivant, grâce à cette gentille lumière dans le Ciel, elle l'avait réveillé après que la méchante ombre ne le prive de chaleur durant la nuit. Son pelage était toujours fait de glace, mais ça allait aller : il allait marcher, et il allait se réchauffer. Car il fallait avancer, il était l'heure, il était l'aube.

 

Le Mouton se racla la gorge, il cracha du sang, et celui-ci se fit absorber par le sable. Le sable était rouge dans ce désert, il sentait le fer. En avait-il toujours été ainsi ? Le Mouton n'était pas assez intelligent pour le savoir, il le savait. Mais dans ses souvenirs, le sable avait toujours été rouge, et ça faisait longtemps qu'il était dans ce désert...

 

« Il y a quelque chose en dehors du désert, n'est ce pas ? »

 

Sa laine était gelée, très solide, pas fragile du tout, il aurait pu tomber de très haut que cela n'aurait rien cassé du tout. Il n'aurait pas pu tomber de bien haut de toutes façons ; il aurait pu glisser des dunes, c'est vrai, mais il aurait juste rouler, et rouler, et rouler, et rouler, et rouler, et il aimait bien rouler ! Le Mouton aimait bien rouler, c'était rigolo, mais après avoir rouler tout le long de la dune, il fallait bien remonter tout le long de l'autre dune.

Et il devait faire bien attention, car il n'y avait pas grand chose pour se repérer dans ce désert. Le Mouton pouvait s'y perdre. Une fois, le Mouton avait grimpé et roulé, et grimpé et roulé, la même dune toute la journée, et il ne l'avait même pas remarqué. Il avait dû mourir, et remarcher derrière, sans se souvenir s'il avait progressé.

 

Ça l'avait rendu triste, alors il avait oublié.

 

Parfois, pour ne pas s'ennuyer, il chantait en marchant, mais il n'avait pas une très belle voix pour le moment, après tout il crachait encore du sang ; il n'avait pas encore cicatriser des gerçures du froid de la nuit noire. Alors ça ressemblait un peu aux crissements aiguës d'une vieille carcasse de ferraille. C'était pas très beau, mais qui allait le lui reprocher dans le désert.

Ça sert à ça un désert.

C'est pour ça qu'aujourd'hui, le désert est un gentil désert, comme le Mouton est un gentil Mouton. Comme ça, le Mouton avait de la force pour marcher, et il fallait marcher dans un désert ; parce qu'un désert c'est fait pour ça.

 

Et puis, plus le jour se lèvait, moins le Mouton avait froid, et plus il voyait clair, et plus il chantait joli. Il avait une jolie voix le Mouton, il fallait juste chauffer sa voix avant de chanter. Sa laine commençait à fondre aussi, elle avait accumulé de la glace pendant la nuit, et maintenant des gouttes d'eau tombaient sur le sol. Mais l'eau n'aimait pas le sable, alors elle faisait des gouttes qui roulaient au loin, formant des ruisseaux, et puis des rivières, et puis des torrents, qui partaient dans toutes les directions.

C'est rigolo : le sang nourrit le sable, mais l'eau a peur du sable. Ou est elle en colère avec le sable ?

En tout cas, elle partait très loin, dans toutes les directions, mais elle restait jamais avec le Mouton. Mais le sang ne restait pas non plus de toutes façons...

 

Au loin, le Mouton pouvait voir de grandes dunes. Il y avait des grandes dunes et des petites dunes. Le Mouton aimait bien les petites dunes : elles étaient plus faciles à monter que les grandes dunes ; mais ça ne prenait pas très longtemps à descendre. Mais c'était pas grave, car le Mouton aimait bien aussi les grandes dunes, car même si elles étaient difficiles à monter, la roulade durait plus longtemps, et derrière il allait y avoir de plus petites dunes, qui allaient être plus faciles à monter.

Et puis parfois, il y avait des dunes encore plus grandes. Alors le Mouton voulait pleurer un peu, alors il chantait à la place, car qui allait chanter à sa place ?

 

La lumière commençait à être chaude, et elle aveuglait un peu. Un peu beaucoup même.

Le Mouton n'avait plus de glace sur sa laine, elle ondulait avec le vent, toute bouclée. On le voyait déjà avant, mais là, on le voyait mieux : sa laine était noire et blanche. Le noir masquant la lumière, et le blanc éloignant les ténèbres. Du coup, le blanc et le noir se chamaillaient tout le temps, ils faisaient comme une spirale sur la laine du Mouton ; elle changeait tout le temps de couleur, et lui le Mouton, il était tout le temps noir et blanc, mais jamais pareil. Il ne savait pas comment l'expliquer, il n'était pas très intelligent.

 

D'ailleurs, il commençait à avoir mal : la lumière commençait à le brûler, c'était une méchante lumière.

D'ailleurs, sa laine commençait à fumer.

Il allait prendre feu, il le savait. Il allait mourir, il le savait.

 

Mais c'était pas grave, il avait l'habitude. Il allait juste attendre que cela passe. Entre temps, il allait chanter. Entre temps, il allait faire de mauvais rêves, des cauchemars où il allait mourir en pleurant et en hurlant et en souffrant, et où sa voix allait faire beaucoup de bruits dans le désert.

 

Une si vilaine voix dans un si gentil désert !

 

Pour un si gentil enfer.

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