Jason gravit les escaliers et se retrouve dans la zone administrative. La porte du bureau de Wilson, son chef, étant fermée, Linda, l’assistante de direction lui fait signe de s’asseoir. Il s’exécute, s’affalant plus qu’il ne s’assoit dans un des fauteuils moelleux de la salle d’attente.
Une vingtaine se sont écoulées lorsque la porte du bureau s’ouvre brutalement sur un homme. En fait, cet homme, Wilson, tient plus du taureau que de l’espèce humaine. Il est petit, trapu et donne l’impression de ne pas posséder de cou. Il marche toujours la tête baissée, comme un taureau fonçant sur le toréador lors d’une corrida.
— Milgram, entrez donc !
Wilson ne parle pas, il braille, comme à son habitude. Même lorsqu’il parle calmement, son interlocuteur croit qu’il l’engueule copieusement.
Jason entre dans le bureau de son supérieur et attend.
— Bah, asseyez-vous donc, vous n’allez pas rester planté là !
Milgram prend place et Wilson en fait autant.
— Donc, dit Wilson, je suis au regret de vous annoncer que je suis forcé de me séparer de vous. Je pense que ce n’est pas une surprise pour vous. Les actionnaires me forcent à en licencier beaucoup. Vous n’êtes pas en cause, vous savez, vous êtes un excellent élément. Ça me fend le cœur d’avoir à faire ça, mais c’est ainsi !
Jason accuse le coup, les larmes aux yeux. Il a donné vingt ans de sa vie à cet endroit, c’est intolérable de se faire jeter comme ça. D’autant plus que Wilson n’y a pas été avec des pincettes. Les émotions et l’empathie ne sont pas les points forts du bonhomme.
— C’est dégueulasse ce que vous faites, se révolte Jason. Je vous ai tout donné, vous ne pouvez pas me faire ça !
— Et pourtant, si, je peux et je le fais ! Je ne me fais pas de soucis pour vous, Milgram, vous êtes hautement qualifié, vous n’aurez aucun mal à retrouver du travail.
— Les syndicats...
— Ils ne peuvent rien faire, le coupa sèchement Wilson. Je n’ai pas le choix, vous devez partir ce soir.
— Non,non, je ne partirais pas ce soir ! Je me casse maintenant !
Un grondement sourd se fait entendre, le bâtiment se met à vibrer. Stupéfait, Wilson ne bouge pas. Milgram se lève d’un bond. Il sait ce que cette vibration et ce bruit signifient.
Lorsque le signal d’alarme commence à retentir, ses craintes se confirment.