2 .La Panacée

Un raclement de pierre s'éleva dans la pénombre de la nuit et un homme au chapeau melon surgit.

Raoul Burfield.

D’un geste vif, il se retourna pour vérifier que le passage secret s’était refermé derrière lui. Satisfait, il reprit sa marche, son écharpe battant l’air froid du soir, emportée par les rafales du vent vespéral.

Comme chaque jeudi, Burfield venait d’assister au colloque des Senators — les dix plus hauts dignitaires de la Rose Noire. Ce soir, une révélation d’importance y avait été faite. Le Croupier, leur maître à tous, avait annoncé une nouvelle capitale : l’emplacement de la Panacée avait enfin été retrouvé.

Les Senators avaient accueilli l’information avec le flegme qui convenait à leur rang, mais Burfield savait que, sous leurs visages impassibles, chacun frémissait d’une excitation contenue. Cette découverte représentait un tournant pour leur organisation. Car si le Croupier mettait la main sur la Panacée, il pourrait enfin mener à terme le projet ténébreux qu’il fomentait depuis des années — un projet capable de propulser la Rose Noire à un pouvoir vertigineux.

Burfield, lui, goûtait pleinement l’importance de l’instant. Et pourtant, une contrariété l’empoisonnait. Le Croupier avait attribué la découverte à Beethoven. Cette idée l’ulcérait. Il haïssait cet homme, viscéralement. Et le voir couronné pour une telle prouesse lui était proprement insupportable.

Mais l’heure n’était pas à la rumination ou à la jalousie. Une mission lui avait été confiée : retrouver la Panacée et la ramener au Croupier. Et Raoul Burfield avait bien l’intention de s’y consacrer corps et âme.