2 - Le recyclage

Le recyclage

— Ah, Ed, je vous cherchais justement.

— Sergent ?

— Vous n’êtes pas sans savoir qu’on a eu un gros incident au 38e sous-sol ?

— Je suis au courant, sergent.

— Quelles mesures ont été prises ?

— Nous avons condamné le 38e sous-sol, sergent. C’est maintenant une zone de quarantaine.

— Et les âmes ?

— Les âmes, sergent ?

— Oui, les âmes qui y arrivent pour se faire décontaminer ?

— Pour l’instant, elles sont bloquées là. Les analystes cherchent des solutions pour rediriger leur flux.

— Donc nous avons des âmes errantes ?

— Errantes, non, sergent. Stagnantes, oui.

— C’est mauvais, Ed. Vous savez ce qui arrive à une âme si elle n’est pas recyclée rapidement ?

— Je… Non, sergent.

— Tant mieux, vous ne voulez pas le savoir.

— Oh, c’est si grave que ça ?

— C’est très grave. Je compte sur vous pour me résoudre ça rapidement. Sinon, imaginez la catastrophe dans les mondes que nous gérons. Ça sera l’anarchie. J’ai déjà vu ce genre d’incidents se terminer par une extinction de toute vie.

— De toute vie, sergent ?

— Absolument toute. Même les cafards n’avaient pas réussi à survivre.

— Je vais relancer les analystes, sergent. Ils semblaient avoir des pistes.

— Bien. Et l’incident, on sait ce qui l’a causé ?

— Selon le rapport, une âme s’est retrouvée coincée dans la porte de sortie (c’est la rouge) et a enrayé tout le système. Après ça, les âmes qui venaient tout juste d’être passées au jet se sont agglutinées et tout le système est tombé.

— On sait pourquoi l’âme s’est retrouvée bloquée ?

— Eh bien… Les nettoyeurs n’étaient pas très cohérents. Il y en a un qui a dit que quand les âmes sont arrivées, une était plus brillante que les autres. Mais il ne sait pas du tout si c’est elle qui a bloqué la machine.

— Plus brillante, vraiment ?

— Ca veut dire quelque chose, sergent ?

— Euh, non. Les âmes sont toutes différentes. Avant de passer sous le jet, s’entend. Non, Ed, je pense que ça, c’était juste une grosse coïncidence.

— Très bien, sergent, on continue de chercher.

— Pendant que les analystes cherchent, vous devriez passer aux archives.

— Aux archives, sergent ? Mais c’est tout poussiéreux. Et je ne vois pas très bien le rapport avec la situation actuelle.

— Il ne fait jamais de mal de s’éduquer un peu, Ed. Vous savez, on dit que c’est en connaissant le passé qu’on peut comprendre le présent.

— On dit ça, sergent ?

— On dit ça. Je vous aurais bien accompagné, Ed. Mais j’ai vraiment beaucoup à faire. Demandez à l’archiviste. Je suis sûr qu’il sera ravi de vous renseigner.

— Mais me renseigner sur quoi, sergent ?

— Eh bien, parlez-lui de notre souci actuel. Ça me rappelle vaguement ce qui s’est passé il y a… il y a longtemps. Mais ma mémoire n’est pas mon point fort.

— Ca ne serait pas plutôt aux analystes d’aller chercher dans les archives ?

— Certes. Mais ça ne vous empêche pas de prendre quelques initiatives, pas vrai ? Parce que si vous n’en prenez pas, vous aurez du mal à grimper dans la hiérarchie.

— Mais je ne veux pas devenir analyste !

— Vous… enfin, mais qui vous parle de devenir analyste ? Allez juste aux archives.