C’est vrai qu’il faisait chaud en cette nuit de juin. Un petit vent rendait les promenades agréables, et la pleine Lune éclairait vivement les alentours, permettant d’y voir parfaitement. Edmond en profitait donc, cela lui permettait de casser un peu la solitude. Rien de tel qu’un peu de musique dans les écouteurs pour se détendre et ne penser à rien. Là, il écoutait Behind blues eyes, des Who. Le goudron chaud émanait des odeurs de pétrole, la végétation sèche ne masquant pas cette odeur persistante. Au bord de la route, les ronces avaient repoussé, et les premiers germes des mûres se faisaient voir. Tout était sec.
Ce début d’été avait un goût amer pour Edmond. Voir celle que l’on a aimé dans les bras d’un autre, ce n’était pas quelque chose de facile.
Le ciel était d’une clarté absolue. La pleine Lune était éclatante, et permettait de voir parfaitement l’horizon. Le hululement des chouettes se mêlait aux aboiements des chiens, dans un étrange concert nocturne. Concert que l’on entendait même avec les écouteurs plantés dans les oreilles. Pourtant cela ne suffisait pas à lui enlever cette image de la tête. Il s’appuya sur la barrière d’un champ, et observa le ciel. Les étoiles étaient rutilantes de beauté, et auraient attendri n’importe quel cœur dur. Mais inlassablement, cela lui fit penser à elle. Le cœur serré dans la poitrine, il retint quelques larmes. Il fut interrompu dans sa contemplation par une présence familière.
— Je savais que je te trouverais ici, dit une petite voix fluette derrière lui.
— Charlotte ?
Elle s’appuya elle aussi sur la barrière, à côté de lui, mais de par sa petite taille, sa tête dépassait à peine.
— Tu penses encore à elle ? lui demanda-t-elle.
— Oui, dit-il, confus, la voix un peu rocailleuse.
Elle se rapprocha de lui.
— Elle était là hier à la soirée c’est ça ?
— Oui, elle était là.
— Et lui aussi était là ?
— Oui, il se pavanait, dit Edmond rageur. Ils sont venus ensemble. C’est comme si le monde me narguait.
Il serra les poings.
Charlotte l’observa avec attention. Malgré le fait qu’elle soit encore au lycée, elle était très mûre pour son âge, et extrêmement diplomate ; elle essaya donc de lui faire voir les choses d’une autre façon :
— Tu sais, vous vous êtes séparés, alors concrètement, c’est son droit de se retrouver quelqu’un.
— C’est elle qui m’a quitté répondit-il. Et il lui tournait déjà autour quand on était ensemble. Et là, à peine deux mois après, elle se met avec lui. Ça me…
Il serrait les dents. Une larme de tristesse mêlée de rancœur roula le long de la joue. Elle le remarqua.
— Alors quoi ? demanda Charlotte. Tu veux que je l’insulte ? dit-elle d’un ton glacial, empli de reproche.
Elle avait fait mouche. Il réfléchit et compris qu’elle était dans ses droits. Il n’avait rien à lui reprocher.
— Non… Non bien sûr que non, répondit Edmond. C’est juste que…
— Tu l’aimes encore, je le comprends. Moi aussi je la trouvais cool tu sais. Et elle était canon, ça, c’est certain.
Il soupira. S’appuyant de tout son poids sur la barrière, il mêla sa parole avec des gestes de dépit.
— C’est juste qu’après mes dernières relations, dit Edmond, je me disais que cette fois-ci, ça marcherait plus longtemps.
— Tu es resté quand même plus de huit mois avec, ce n’est pas rien ! protesta Charlotte. Et puis, une fille comme elle, je ne voudrais pas te vexer Dédou, mais elle est dans une catégorie bien plus haute que toi !
Il rigola. C’est ce qu’il aimait chez sa petite sœur. Elle avait le don de faire passer les sujets graves pour des choses plus légères, avec un parler cru bien à elle.
— C’est vrai qu’elle était sacrément belle, observa-t-il.
— Et elle l’est toujours, continua Charlotte. Mais si tu en as eu une comme ça, tu en auras des dizaines d’autres encore mieux. Tu es formidable grand frère.
Et elle le serra fort dans ses bras, ce qui le surprit légèrement. Il la serra dans ses bras à son tour, sentant le parfum fleuré de ses cheveux blonds. Il avait beau ne pas être grand avec son mètre soixante-treize, sa sœur lui arrivait seulement au niveau de son buste.
— Je t’aime grand frère, lui dit-elle. Et je n’aime pas quand t’es triste.
— Je t’aime aussi petite sœur, répondit-il. Ne t’inquiète pas, ça va aller.
Ils restèrent un moment comme ça, puis elle se dégagea doucement, et lui demanda quand il comptait rentrer.
— Maman ne veut pas que tu rentres trop tard, et en plus, ce soir, ils repassent Blackfire and the Mirmillion à la télévision.
Blackfire and the Mirmillion était un film de superhéros, sortit dans les années soixante-dix, et c’était un grand classique que Charlotte et Edmond adoraient regarder avec leur grand-mère. Alors la tentation était grande.
— Je reste encore à regarder un peu les étoiles, et j’arrive après, je te le promets.
Charlotte lui envoya un sourire rassuré, et repartit vers la maison familiale.
Dans le ciel ce soir là, on pouvait apercevoir déjà quelques rares étoiles filantes, bien que ce ne soit pas encore la saison. La pleine Lune, si éblouissante ce soir, aurait empêché normalement de bien voir ces étoiles ; elles étaient pourtant au contraire, incroyablement lumineuses et colorées. Edmond en fût étonné.
Il y en eut certaines, au loin, qui s’évaporèrent dans un halo orangé ; parfois, ce halo était jaune, ou bleu, et il y en eut même une qu’Edmond cru voir se désagréger en provoquant un mini arc-en-ciel. En cet instant le ciel s’était transformé en véritable kaléidoscope.
Il resta ébahi plusieurs minutes devant ce spectacle, observant au loin les explosions des objets qui pénétraient à une vitesse prodigieuse dans l’atmosphère. Puis soudain, il y en eut une qui se désintégra bien plus proche du sol que les autres, ce qui éclaira les alentours pendant quelques secondes dans un flash indigo ; puis une autre, qui rentra dans l’atmosphère, et se vaporisa proche de sa position, colorant la nuit tombée dans une lumière écarlate.
Edmond cligna des yeux ; le phénomène, bien que superbe, semblait d’un coup dangereux. Cela lui rappela des films de guerres, où les obus tombaient et s’écrasaient sur le sol dans les éclats étincelants de leurs explosions mortelles. Enfin, le ciel se calma peu à peu, et la brève pluie d’étoiles filantes lumineuses s’estompa, replongeant l’atmosphère dans la lumière blême de la Lune. Ce fût alors étrangement calme.
Edmond retira ses mains de la barrière, observa une dernière fois ce ciel redevenu paisible, et tourna les talons, s’apprêtant à retourner chez lui et regarder le film avec sa petite sœur. Dans les rares flaques d’eau sur la route, dues aux arrosages domestiques, il pouvait voir la Lune se refléter. Soudain, le blanc de la Lune devint jaune, et les environs furent éclairés d’une puissante lumière dorée. Edmond se retourna brusquement, enjamba de nouveau la grille de métal pour mieux voir. Une étoile filante, bien plus grosse, bien plus proche, illumina la nuit dans sa couronne dorée, pénétra l’atmosphère dans un flash majestueux, qui fut suivit d’un craquement sourd, et l’étoile filante déchira le ciel et vint s’écraser dans le champ à côté, envoyant des gerbes de terre autour d’elle. Edmond avait fermé les yeux par reflexe, et les rouvrit avec prudence.
Wahou ! Pas passé loin celle-là !
Il se précipita vers l’impact de la pierre, en sautant par-dessus la barrière et en courant à travers l'herbe. Arrivé au point d’impact, il remarqua que le météore était de taille conséquente. De la taille d’un ballon de handball, la pierre brillait d’une lumière jaune, encore bouillante de sa chute, entourée de flammes bleues. Elle avait creusé un cratère de deux mètres autour. Le bouillonnement entourant la pierre s’estompa progressivement, comme la flamme d’une gazinière que l’on ferme, et celle-ci prit alors l’aspect d’une boule parfaitement lisse, noircie, mais avec quelques éclats chromés.
L’œil d’Edmond était inexplicablement absorbé par la pierre lisse. Ses mains étaient attirées vers elle comme des aimants. Il se pencha pour la ramasser, mais entendit un crépitement quand il approcha de plus près ses mains, qu’il retira immédiatement par reflexe. Il pensa alors que cela provenait des écouteurs. Hésitant encore un peu, il fut de nouveau absorbé, et inconsciemment, il rapprocha ses mains de la pierre. Il la tint enfin dans ses mains. Son halo doré réapparu, encore plus puissant qu’avant. Puis il y eu un trou noir.
Promis je vais être plus concise que la dernière fois !
Premièrement, toutes mes remarques de style faites lors de mon dernier commentaire sont à oublier pour ce chapitre ! Bien qu'on soit dans un style légèrement moins alambiqué que dans le prologue, ce qui est normal vu que l'on est dans une époque actuelle, le style est super fluide. Tes descriptions sont géniales, très variées et font appel à plein de sens différents ce qui nous plonge vraiment dans l'univers. J'aime d'ailleurs énormément le parallèle que l'on peut faire entre cet été très sec et on va dire la "sécheresse" du coeur d'Edmond à la suite de sa déception amoureuse.
Le chapitre est assez court mais bien organisé et rempli d'informations utiles, donc on ne s'ennuie pas. J'aurais peut-être aimé que la ballade mélancolique d'Edmond soit un peu plus longue afin de rentrer un peu plus dans sa tête, mais je comprends que tu veuilles garder un peu de mystère sur le personnage.
N'étant pas très fleur bleue et plutôt coeur de pierre et célibataire :'), j'ai un peu du mal à m'identifier à Edmond et donc à m'exprimer en tant que lecteur au niveau de l'empathie que je ressens face à sa situation. Je n'ai donc rien à te conseiller, déconseiller ou féliciter sur ce point-là.
J'aime bien la relation entre Charlotte et Edmond, elle me semble assez naturelle. Tu arrives d'ailleurs bien à encrer le personnage de Charlotte et à lui donner une personnalité donc , c'est un très bon point qui donne pas mal de relief au personnage.
Sinon en chipotage j'ai vraiment presque rien à dire.
Comme dit dans mon ancien commentaire, la mise en page actuelle est très agréable, surtout pour format numérique. Cependant, je pense que, si tu es dans l'envie de publier, il n'est pas dérangeant de nous présenter ton histoire en format papier traditionnel ( c'est à dire avec des paragraphes plus compacts et consistants) pour déjà voir comment rendrait ta mise en page papier. De plus, je pense que tu pourrais juste légèrement allonger ce chapitre afin que tu aies à peu près une longueur équivalente entre tes différents chapitres, mais encore une fois je chipote et c'est comme tu le sens.
Enfin, simple petite remarque, j'ai juste un petit peu de mal avec la formulation de la phrase " Là, il écoutait Behind blues eyes, des Who." qui fait un peu, à mon goût, juste là pour nous donner une référence/ une musique. Essaye de peut-être un peu plus la lier et l'incorporer au récit, en évoquant peut-être ce qu'elle représente pour Edmond comme tu le fais dans ta note d'auteur, ou en citant des paroles et en l'associant au personnage.
Je ne sais pas d'ailleurs si tu connais le contexte d'écriture de cette chanson ( si non, je te conseille de faire un petit tour sur Wikipédia car je trouve qu'elle a un excellent potentiel d'association à un personnage de par ses paroles et son idée générale ), mais il pourrait laisser transparaitre légèrement l'évolution d'Edmond, sa personnalité et sa façon d'être au-delà de la simple tristesse qu'il ressent actuellement. J'ai tendance à trouver que le fait d'associer une chanson à un personnage, surtout dès son introduction, est un très bon moyen de le comprendre bien plus profondément et de voir une analogie entre l'histoire de la chanson et ses paroles. Donc, j'ai hâte de voir comment tourne Edmond dans le futur ^^.
Voilà, voilà, pour résumé c'est un très bon chapitre, j'aurais peut-être juste aimé qu'il soit légèrement plus long pour faire durer le plaisir ;) .
En tout cas, je guette l'arrivée de la suite avec impatience.
Je t'autorise à mettre des commentaires très consistants, parce qu'ils sont toujours très instructifs :).
Tout d'abord merci, et oui, mes chapitres sont bien inégaux, et celui là il est vrai qu'il est assez joli. D'ailleurs, un de mes préféré du livre lui ressemble beaucoup et ce n'est ni plus ni moins qu'une balade (mais je te laisserai le découvrir...)
Pour la longueur du chapitre, sache qu'au tout début il ne formait qu'un avec le suivant, mais je voulais couper au moment de la découverte du météore et le trou noir qui suit, pour marquer. Après, je pourrais effectivement rallonger la balade.
Ensuite l'incorporation de la chanson, je suis plutôt d'accord, avec toi, la tournure n'est pas super belle, je dois travailler dessus. Pour son sens, il y en a deux, bien sur, il y véritablement juste l'image des yeux bleus, mais il y a la personnalité présente, comme future... (mais ça, ça prendra du temps avant d'être découvert (et quand je dis du temps, je veux dire BEAUCOUP de temps)).
Je n'ai pas eu beaucoup de temps de te lire, mais je m'y mets dès ce soir, et je ne publierai pas le prochain chapitre tant que je n'ai pas analysé un des tiens x) (j'ai pris mon bloc note, ça sera plus simple! :P )
Je te remercie beaucoup en tout cas, et bonne écriture/lecture :) (PS, je continue de retoucher le chapitre 1 ;) )
Après pour la longueur des chapitres c'est vraiment du chipotage chipotage, donc si tu trouves qu'il est très bien comme ça ou si tu ne te sens pas de rallonger la ballade ne t'embête pas avec ça.
Et j'ai hâte de voir comment évolue la liaison entre cette chanson et le personnage d'Edmond dans le futur, d'après ce que tu me dis tout cela à l'air très intéressant.
Niveau lecture de Cléanes ne t'inquiète pas du tout, mes chapitres sont bien longs ( étrangement à la vue de la longueur de mes commentaires on ne s'en doutait pas du tout :') ) donc ne t'embête pas et ne te stresse pas avec ça ce n'est rien. De plus, ne te sens surtout pas obligée de lire mon histoire parce que je lis la tienne. J'ai tendance à écrire de gros chapitres avec un style assez lourd, ce qui ne plaît pas à tout le monde , donc si jamais tu n'accroches pas, ne te force surtout pas ^^.
(Sinon ce fameux bloc note, un amour pour noter toutes les petites remarques que l'on a au fil de la lecture, je suis contente de ne pas être la seule à faire ça ^^).
En tout cas, merci beaucoup à toi pour tes superbes chapitres et pour accepter mes gros pavés de commentaires !
Je zyeute activement l'arrivée de la suite ( et j'essaierai de voir si lorsque tu mettras le chapitre 1 à jour sur Plume d'Argent pour le relire :3 ).