Faire de grandes aérations en plein hiver ? Le conseil du fameux « Eugène » n’enchanta pas Xyliha, le mois de février était particulièrement rigoureux cette année. Même ses plantes qui d’habitude survivaient sans problème à la saison froide étaient en train de geler. Et malheureusement sans le Flux elle ne pouvait leur jeter un sort de chaleur. Depuis trois jours, elle avait perdu sa capacité à formuler des incantations. Qu’adviendrait-il du village de Fadem si elle perdait aussi ses plantes, indispensables à la préparation des potions ? Mais de là à ouvrir toutes les fenêtres pendant plusieurs jours… A ce rythme, c’est elle qui y passerait avant les villageois !
Son père lui rappelait souvent ceci quand elle était enfant : « il est sage de ne pas toujours écouter un conseil, aussi sage semble-t-il être, aussi sage soit la personne qui le donne ». Janus, qui se faisait appeler Eugène, était certainement quelqu’un de très sage, sinon le Père Vanian ne le lui aurait pas recommandé. Mais quelque chose dans sa façon de s’exprimer la gênait, sans parvenir à mettre le doigt dessus. Elle devait au moins lui accorder ceci : il avait répondu rapidement. Elle avait envoyé un pigeon la veille au soir, assez tard, et recevait déjà une réponse, le soleil était à peine levé.
Xyliha déroula le parchemin posé sur son édredon et le relut pour la énième fois. Je peux au moins faire le ménage, ça c’est sans risque, songea-t-elle. Par contre, épousseter toutes les pièces de la tour sans l’aide du Flux, elle en avait pour des jours ! Avant de s’atteler à cette tâche, la jeune femme se rendit au pigeonnier et rédigea un message de remerciement à son conseiller.
Très respecté Janus,
Merci infiniment pour vos sages recommandations. J’espère sincèrement que cela m’aidera à reprendre contrôle sur le Flux. Je vous enverrai un message dans quelques jours pour vous indiquer si tout est revenu à la normal, une fois le ménage terminé.
Avec toute ma reconnaissance. Portez-vous bien.
Xyliha
Elle confia le morceau de parchemin à un oiseau et eut à peine le temps de lui souffler « à Janus » qu’il ne disparaissait déjà dans un ciel aussi gris que son plumage.
Ereintée. Deux jours plus tard, Xyliha était affalée à même le sol, contre les étagères du garde-manger, ses longs cheveux en désordre. C’est donc ça le quotidien d’une personne « normale », prendre un plumeau pour astiquer le mobilier, un chiffon humide pour laver les centaines de flacons d’apothicaire, et chasser les toiles d’araignées avec un balai ?
La jeune femme devait bien admettre que récupérer le Flux serait essentiel aux corvées que générait l’entretien de la tour. Cependant, c’était loin d’être sa première inquiétude. Des harpies avaient refait surface lors de la dernière Lune ; si elles ne s’attaquaient pas encore aux habitants, ce n’était qu’une question de jours. La dernière fois que ces bestioles avaient envahi Fadem, la moitié du village avait été dévasté. Les chevaux et le bétail avaient également été la cible des assaillants. A l’époque, Xyliha était jeune, mais les souvenirs, amers, demeuraient limpides dans son esprit. C’était grâce à son père, chef du village et ensorceleur à ses heures, que Fadem tenait toujours débout aujourd’hui. Il avait repoussé les rapaces au prix de sa vie. Au cours d’un rituel, avant de rendre son dernier souffle, le grand Voldri avait transmis ses pouvoirs à la fillette en larmes qui se cramponnait à sa tunique. Mais à présent que le Flux s’était mystérieusement dissipé, Xyliha ne pouvait pas envisager de lutter contre la horde de harpies qu’elle avait aperçue pendant sa cueillette, virevoltant de l’autre côté du fleuve.
Finalement, après plusieurs heures à peser le pour et le contre, la magicienne ouvrit toutes les fenêtres, du rez-de-chaussée jusqu’au dernier étage puis se réfugia à la taverne, espérant qu’une poignée d’heure suffirait, et non une ventilation permanente comme le Grand Janus le suggérait.
- Très chère, la salua le tenancier, c’est toujours un plaisir de te voir ici. Malheureusement tu ne nous as pas fait l’honneur de ta présence récemment. Quelles nouvelles ?
Xyliha n’avait raconté à personne -pas même au Père Vanian- que le Flux l’avait quittée. Elle n’osait imaginer la réaction et l’anxiété des habitants, consciente de son importance au sein de cette communauté.
- J’étais occupée ces derniers jours, désolée. (Ce n’était pas entièrement un mensonge.) Rien de spécial, la routine, tu sais. La cueillette, les potions, les charmes, les soins, les grimoires, les prières… Et puis ce froid, ça ne donne pas très envie de mettre le nez dehors.
- En effet. Bon, je te sers quoi ?
Xyliha resta à la taverne jusqu’à la tombée de la nuit. Elle discuta avec des amis, des marchands de passage, et but un peu trop de Giloun, l'alcool local. Cet intermède lui remonta le moral, mais de retour dans la glaciale tour de pierre, lorsqu’elle ne constata aucune présence de Flux alentours, il se brisa aussi vite. Elle ajouta un édredon supplémentaire sur le lit, en vain. Le froid qui régnait dans la chambre et s’infiltrait sous les draps eut raison d’elle au milieu de la nuit. Claquant des dents, elle ferma la fenêtre et maudit Janus. Les chauves-souris, quant à elles, semblaient apprécier l’hospitalité.
Le lendemain, c’est avec une grimace sur le visage et des poches sombres sous les yeux que Xyliha se résolut à rouvrir toutes les fenêtres, laissant pénétrer une brise gelée. Elle s'accorda encore une journée d’essai, avant d’envoyer un nouveau message à son conseiller en Flux. Elle commençait à craindre que le Père Vanian ne l’ait orientée vers la mauvaise personne.
Le contraste entre les personnages et leur mondes est d’excellente augure. J’adore l’idée de mélanger une sorcière et un informaticien, tout les deux fort bien campés déjà.
Quand au mystère du flux.... miam!
Je viens donc faire un petit commentaire après ces deux premiers chapitres. L'idée est vraiment sympa, avec ces deux personnages qui communiquent de manière totalement décalée. On sent un potentiel dans cette idée, à voir comment tu vas la développer. Une petite critique, j'ai trouvé que la fin du chapitre 1 restait un peu suspendue, au sens où elle ne clôt rien.
Quelques remarques :
- "qu’il ne disparaissait déjà dans un ciel aussi gris que son plumage" = > le NE me semble de trop
- dévastéE
- dEbout
Voilà pour ce chapitre, hâte d'en apprendre davantage sur cette autre réalité.
J'adore ce principe, je sens que ça va être un régal, j'ai hâte d'avoir la suite. Tes deux personnages sont bien posés je trouve, j'aime autant Xyliha qu'Eugène, on sent déjà que leurs échanges ont beaucoup de potentiel ; et cet autre univers est bien mis en place aussi. Il n'y a pas assez de fantasy légère et humoristique comme ça, c'est une super idée !
Je trouve que tu as bien posé le cadre et les personnages dans ceux deux premiers chapitres ! J'ai hâte de voir comment les choses vont évoluer et ce qui s'est passé avec le Flux...
Bisous et bon courage !