Cher journal,
Papa a insisté pour que j’ouvre son paquet en premier. C’est un livre. Je ne comprends pas, je n’aime pas lire. Mais papa a dit que c’était important.
J’ai regardé pendant quelques instants la couverture rouge vif sur laquelle je peux lire les mots suivants : Mein Kampf, Eine Abrechnung von Adolf Hitler.
Je connais ce monsieur, c’est un membre du parti de papa, il en avait déjà parlé, mais je ne savais pas qu’il écrivait des livres. Aujourd’hui, nous ne fêtons pas que mes douze ans, nous fêtons aussi les douze sièges que le parti a remportés aux élections législatives. Je n’y connais pas grand-chose en politique et même si papa est content, je pense qu’il est quand même un peu déçu. Je l’ai vu sur son visage.
Nous parlons rarement de politique à la maison. Maman n’aime pas ça. Aujourd’hui, elle nous a préparé un excellent repas et il régnait dans la maison une belle atmosphère de fête. Klara et Anna-Maria l’ont aidée pour mon gâteau d’anniversaire mais je crois qu’elles ont surtout ennuyé maman. Elles n’ont que quatre et six ans après tout.
Papa m’a demandé de le suivre dans son bureau après m’avoir offert le livre. Il a dit que nous devions avoir une conversation d’homme à homme.
Je l’ai écouté en ayant du mal à cacher ma fierté : papa dit que j’ai toutes les qualités pour devenir un bon soldat. À partir d’aujourd’hui, il va m’apprendre tout ce que je dois savoir pour pouvoir servir mon pays correctement.
Je suis allé retrouver Friedrich dans sa chambre. Il n’était pas content. Papa le considère encore comme un bébé mais c’est normal, il pleurniche toujours pour des bêtises et c’est un vrai poltron.
Je dois te laisser cher journal, maman me demande d’aller me coucher.
Werner.