Jamais je ne l’avais vue aussi mélancolique. Elle regardait au loin, sans se soucier de ce qui l’entourait. Le passé semblait hanter ses yeux vides. Devant eux dansaient les souvenirs d’une reine : amour fou, champ de bataille, cri d’agonie. Encore et encore. Je savais que ses visions lui étaient destinées. Même après tous ces jours, je ne restais que son humble servant. Je ne pouvais le remplacer, en dépit de mon amour pour elle.
Accoudée à la balustrade de son balcon, ma reine semblait totalement échapper aux contraintes de la réalité. Soudain, elle cria à pierre fendre. Comme elle avait hurlé ce jour-là, en voyant son amour disparaître parmi les soldats. Son cœur brûla de longues minutes, expulsant tout l’air de ses poumons. Je n’ai pas pu la retenir lorsqu’elle s’est écroulée, raide.
Je la portai dans son lit, loin de la plaine et de son passé. J’espérais qu’elle n’était pas morte de chagrin. Son âme aurait enfin été apaisée… Mais je l’aimais trop pour la laisser partir.