21. Ma vérité

Par Eurys
Notes de l’auteur : Bonsoir tout le monde, j'espère que vous allez bien ♥ Vous n'êtes pas prêts pour ce chapitre krkrkr. A partir de la tout va changer, en bien, en mal, en beaucoup de choses !

En espérant que ce chapitre vous fasse frissonner, bonne lecture !

Chaque homme qui passait les portes d'un baraquement de soldats savait que sa vie pourrait se finir rapidement et de façon tragique, d'une mort généralement lente et douloureuse à moins que l'ennemi n'ai l'habileté ou la miséricorde de viser juste et tuer vite.

À savoir que ce n'était pas souvent le cas.

À défaut d'une vie mise en jeu chaque jour, il y avait aussi la solde, qui ne palliait en rien au désagrément de mourir dans la fleur de l'âge. Elle était maigre, à moins de prendre du galon, et forçait souvent les mousquetaires à se serrer la ceinture. L'on pouvait se demander pourquoi des hommes s'engageaient encore et toujours dans ces corps d'armée dont certains, comme les mousquetaires du Roy, n'acceptaient que gentilshommes et faits d'arme. Un manant qui ne savait tenir un bâtarde aurait vite fait de se voir éconduit. Mais ceux qui le pouvaient se pressaient, malgré tous les désagréments que cela apportait, de porter la casaque des mousquetaires, en connaissant éperdument les risques.

Quatre mousquetaires, assez loin de Paris étaient pour l'heure en ce qu'on appellerait une très mauvaise situation, sans aucun espoir d'aide extérieure. C'était dans ces moments-là qu'ils aimeraient bien avoir un ennemi habile ou miséricordieux pour s'éviter des désagréments inutiles au cas où la mort aurait l'envie de les emporter. 

Les bras d'Armand commençaient à s'engourdir, lentement pris de fourmillement. Il ne s'en étonnait pas vu comme ils étaient attachés dans son dos, mais c'était fichtrement gênant.

Ses trois amis n'en menaient pas large, ils étaient tous les quatre dans le même état, ligotés, assis face à la cloison de la cale de l'Ecume. Leurs vies étaient aussi précaires que le doux roulement de la mer.

—Tu es blessé ? murmura doucement Porthos à côté du jeune homme. Armand se contenta de secouer la tête avec un sourire crispé pour rassurer le mulâtre.

—Moi aussi j'ai été tenu en joug je te rappelle, Bougonna Aramis.

Armand sourit, il devait reconnaitre cela à Aramis, il avait le don de dédramatiser toutes les situations.

—J'ai un poignard dans mon dos, reprit Aramis alors que leurs gardes s'éloignaient. —On pourrait se libérer, il nous faut juste espérer le moment opportun.

Athos hocha la tête et chacun pria pour que les trois hommes qui les surveillaient, dont le grand homme qui avait menacé la vie d'Armand, se détournent un moment. Malheureusement aucun d'eux de semblait disposé à leur offrir une échappatoire et ils restèrent à attendre ce qui leur paru être une bonne heure.

Des pas résonnèrent sur les marches qui menaient au fond du navire. Un homme de taille moyenne d'environ trente ans, mieux habillé que le restes des hommes, aux cheveux noirs raides, déboucha dans la pièce et lança un regard dédaigneux aux prisonniers, pour ensuite les ignorer se dirigea vers l'homme de haute stature.

A l' instant où l'homme entra dans la cale, Armand se raidit. Il l'observa plus attentivement, une seconde, peut-être deux, et sentit son estomac se vriller .

Son cœur battit frénétiquement, désordonné et il chercha sans la trouver une nouvelle bouffée d'air. Ses amis ne manquèrent pas de remarquer son affolement mais aucun d'eux n'en comprit la cause.

Porthos le tapa du pied, plusieurs fois, attirant son attention. Le regard d'Armand se tourna vers lui et Porthos fronça les sourcils.  Il n'avait encore jamais vu le garçon dans cet état. Si la faucheuse en personne venait les emporter il était certain de ne pas voir une telle frayeur et colère mélangées sur son visage.

—Il ne doit pas me voir... supplia Armand du bout des lèvres.

Porthos, Aramis et Athos échangèrent des regards interrogatifs. Au moins désormais ils connaissaient la source du trouble de leur compagnon, le nouvel arrivant.

—Dis-moi pourquoi ? fini par murmurer le métis.

Armand le regarda, perdu, sans savoir quoi répondre. Il se sentait au bord du gouffre, et savait qu'il suffisait de peu pour qu'il y tombe. Sa fin lui semblait beaucoup trop proche.

—Porthos... je suis désolé ... .

Sa voix se brisa sans qu'il ne puisse rien ajouter. Il savait qu'au prochain mot sortit de sa bouche il se mettrait à sangloter et la dernière chose qu'il souhaitait était d'attirer l'attention de son geôlier.

—Baisse légèrement la tête, conseilla le métis sans autre idée. Tout va bien se passer.

Armand suivi le conseil, essayant sans succès de calmer son cœur affolé.  Il resta ainsi un bon moment, implorant le ciel de ne pas être reconnu.

Il ne lui manquait que cela, et maintenant.

Il avait passé des mois à Paris sans qu'on ne retrouve sa trace et maintenant, alors qu'il espérait arriver à la finalité de sa quête, il risquait plus que jamais de se faire attraper. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas échouer, il ne voulait pas retourner chez lui, prisonnier, et pire que tout il ne voulait pas que sa vie actuelle s'arrête.

Oh bon dieu il voulait rester avec les mousquetaires ! Il voulait vivre à leur côté, rire et se bagarrer, être présent pour voir l'enfant de Constance et d'Artagnan.

Il voulait être avec Pothos.

L'aimer au grand jour, pas d'un amour noyé de mensonges. Il voulait lui révéler sa vérité, passer ses nuits et ses journées à ses côtés.

Et maintenant toute son histoire pourrait s'arrêter en une seconde, en un regard.

Le nouveau venu se tourna vers les quatre prisonniers et en compagnie du grand marin, les passa en revue, de long en large. Le cœur d'Armand cogna plus fort mais il s'obligea à rester de marbre.

—Nos affaires commencent à se faire remarquer, commença-t-il.

Il fit une pause et continua d'aller et venir, un sourire narquois plaqué sur le visage. Il s'arrêta finalement, les bras ouverts.

—Messieurs les mousquetaires, je suis Charles Ratignac, gérant de la compagnie. Vos sources étaient véridiques, nous faisons bien de la contrebande.

Les matelots tout comme les prisonniers lui lancèrent un regard de travers, étonnés de ce soudain aveu.

—J'espère que vous êtes à votre aise car bien évidement, aucun de vous de sortira d'ici vivant.

Il termina sa conclusion en joignant les mains, comme on termine un cours.

Un frisson remonta le long de l'échine d'Armand.  Ses amis, eux, ne réagirent pas, sans doute habitués à ce qu'on leur tienne ce genre de discours.

L'homme s'éloigna pour s'entretenir une nouvelle fois à l'abri de leurs oreilles et Aramis bondit sur l'occasion, tentant de se saisir de la lame. Armand le vit la brandir et commencer à sectionner ses liens. Il ne lui fallut même pas une minute pour qu'il ait les mains libres et se tourne pour délivrer Athos. Il amorça un mouvement pour pivoter vers Armand mais s'immobilisa ; l'un des hommes avait bougé.

L'homme aux cheveux raides s'était retourné vers eux, haussant un sourcil suspicieux. D'une démarche lente, il s'approcha en toisant Armand pour ensuite froncer les sourcils. Il rejoignit le jeune homme de deux grandes enjambées et lui passa la main sous le menton, le forçant à relever la tête.

Armand ne le vit pas fondre sur lui et lever son visage. Les battements de son cœur s'arrêtèrent, il cessa de respirer.

L'homme lui tenait toujours le menton d'une main ferme. Il l'observait sans un mot. Puis ses sourcils ses détendirent et un sourire torve naquis sur ses lèvres. À sa vision le cœur d'Armand reprit sa course de plus belle, propageant la panique à travers tous ses membres. 

C'était fini.

La main large empoigna son col et tira d'un coup ferme, de quoi faire sauter les premiers boutons de sa chemise. Armand poussa un cri effaré alors que leur geôlier lorgnait sur les bandages désormais visibles qui enserraient son torse.

Il se redressa, fier, et fixa Armand comme l'on fixe un coffre au trésor.

—Ravi de vous revoir, madame la comtesse, susurrât-il mauvais.

Le ventre d'Armand se tordit violement alors qu'il entendait l'homme révéler sa véritable nature au grand jour. Il ferma les yeux, comme pour échapper à la réalité. Un léger vertige lui fit tourner la tête.

—Vous nous avez donné du fil à retordre vous savez. Nos recherches ont même fini par passer au second plan mais je comprends désormais pourquoi l'on ne vous trouvait pas : on ne cherchait pas un homme.

Il rouvrit les yeux, les clouant dans ceux de l'homme. Ses prunelles brillaient d'une lueur sauvage, d'un feu destructeur. La haine qu'il ressentait consumait tout son être, entretenue par le sourire large qui lui répondait, hautin. Sa mâchoire frémit, il se mordit la lèvre. Son corps entier vibrait d'une envie de tuer celui qui venait de détruire sa vie encore une fois.

—Monsieur sera ravi d'apprendre votre retour. Je vous ramène chez vous, comtesse.

Il se détourna et lança au ses hommes :

—Elle, personne ne la touche. Les autres, débarrassez-vous en avant de lever l'ancre.

Armand baissa la tête, fuyant le regard de ses compagnons. Il ne voulait pas savoir comment ils avaient pris la nouvelle. Le silence qui pesait était déjà bien assez bavard comme cela. Et Porthos ; oh Pothos.

Ses membres tremblaient comme prisonniers d'un grand froid. Pourtant il irradiait. Le pire de tous les scenarii possibles se déroulait sous ses yeux, telle une pièce de théâtre dont il était spectateur. Et il ne pouvait plus arrêter cette pièce.

Il avait envie de crier, de pleurer, de faire n'importe quoi... N'importe quoi d'autre que rester sagement assis, les poignets entravés, à la merci de son destin.

Et dire qu'il pensait avoir une chance de se faire justice.

Ce qu'il espérait être un nouveau départ, une nouvelle vie, s'embrasa sous ses yeux. Tous les espoirs nourris durant plusieurs mois venaient de terminer en cendres amères, à ses pieds.

En quelques mots ; en quelques secondes.

Un mouvement dans son dos le tira de l'abime si tentateur. Il tourna la tête. Aramis commençait à sectionner ses liens.

Il éloigna ses tristes pensées. Si tout était perdu, il lui restait une chose qu'il pouvait encore obtenir : la mort de Ratignac . Cela serait peut-être sa seule consolation. S'ils s'en sortaient, leur retour à Paris sonnerait la fin de sa vie de mousquetaire. L'épaulière allait certainement lui être retirée, ses amis s'éloigneraient. Il devrait certainement déménager, partir de cette chambre, de cette maison. Tréville ne le laisserait peut-être pas livré à la rue et Constance resterait son amie, mais il aurait perdu tout le reste.

Alors autant emporter la vie de cet assassin.

Il s'imaginait bondir, dégainer sa rapière et lire la terreur dans ses yeux au moment où il enfoncerait son épée dans le poitrail de son ennemi. Il aurait voulu lui rendre le sourire qu'il avait si fier, plaqué sur le visage, avec toute l'animosité qui l'habitait. Et avoir sa vengeance.

Car il était la main qui lui avait tout pris.

—Tenez-vous juste prêts, murmura Aramis.

Armand hocha la tête, le cœur battant. Il vit Porthos être délivré peu après lui et Athos bondit sur ses bottes, saisissant sa rapière entreposée non loin d'eux. Il leur lança leurs armes au même moment où ils furent remarqués par les geôliers.

Les épées se dénudèrent de leurs fourreaux. Il vit Porthos saisir la sienne et se dresser, déroulant son cœur massif. Ses yeux remontèrent son visage jusqu' à s'ancrer dans les yeux noisette. Un tambour se mit à jouer dans sa poitrine ; Porthos le fixait.

Il tenta de comprendre, lire, déchiffrer les pensées du métis. Il cherchait son pardon.

Son cœur gonflé d'espoir se fana bien vite. Face au visage impénétrable, Armand se heurta à un mur. Aucun sentiment ne suintait à sa surface et le peu d'espérance qui l'habitait se mua en désespoir. Les yeux de Porthos le perçaient de part en part mais celui-ci ne disait rien.

En une fraction de seconde il se détourna et Armand ferma les yeux, décidé à mener son seul dessein à bien.

La lame pesait lourd dans sa main. L'acier s'entrechoquait dans une symphonie funeste qui déciderait de leur sort. Les cours d'Athos lui revinrent en mémoire.

Il balaya son environnement du regard, et vit enfin Ratignac ferraillant contre Athos.

Sa main enserra la garde, il s'élança dans sa direction.

Deux pas plus tard sa route fut barrée par un des contrebandiers. Il esquiva habilement le tranchant qui s'abattit avec force à quelques millimètre de son torse.

Son bras se leva. Il para un premier coup; son cœur s'emballa. Sa vie était en jeu et il ne pouvait compter sur aucune aide. Il para un second coup et tenta une riposte. Un. Deux. Trois. Quatre. S'élançant pour se rétracter aussitôt, il maintenait sa danse au même niveau que son adversaire. D'un pied à l'autre il se balançait, jouant sur son agilité qu'Athos avait exacerbée ; et pour cause. Elle était fine, légère, plus vive et souple qu'un homme. Face à un gros gabarit plus emmailloté de graisse que de muscles, son avantage était certain.

Un coup d'estoc lui entailla la hanche. Armand grogna, portant rapidement la main là où la pointe l'avait touché et se remit en garde.

C'était sa faiblesse, à trop vite prendre confiance quand il pensait la victoire sienne. C'était dans ces moments-là qu'Athos retournait ses cartes, le mettant hors-jeu définitivement. 

Le temps d'une seconde, il entrevit une faille et s'y glissa. Sa lame frappa le torse, s'y enfonçant avec une facilité qui choqua le jeune homme. Il resta une seconde, figé, avant de vivement la retirer, arrachant un cri à son adversaire qui s'effondra. Les oreilles d'Armand bourdonnèrent. Il se recula, le corps secoué de tremblements. Les cris de l'homme lui perçaient les oreilles et le corps entier et la culpabilité grappilla du terrain alors qu'il savait qu'elle n'avait point sa place ici. Il ne faisait que défendre sa vie.

Il ferma les yeux, respira. Sa gorge ravala le liquide qui menaçait de refluer et de tenta d'effacer cette image et ce son de son crâne. Il pourrait certainement s'effondrer plus tard.

Durant ces quelques secondes, il ne sentit pas le mouvement dans son dos. La lame s'abattit, tranchant l'air et le choc métallique résonna. Armand se retourna. Son cœur bondit dans sa poitrine. Le dos puissant de Porthos se tenait face à lui, les muscles tendus par son épée bataillant contre celle de Ratignac.

Le mousquetaire attaqua, pesant tout son poids dans ses coups, acculant son adversaire. Armand n'osa intervenir et le vit frapper jusqu'à ce que Ratignac ne s'effondre, inerte, au sol. Armand observa l'homme à terre, incertain. Ses sentiments oscillaient entre l'euphorie et le regret de n'avoir pu l'achever lui-même. Le seul qui l'avait reconnu, le seul qui pouvait révéler son identité à celui duquel il se cachait. Il l'observa, mort et à jamais muet. Ses yeux remontèrent la scène jusqu'à croiser ceux du mulâtre ; à nouveau.

Un léger sourire lui vint; Porthos l'avait sauvé.

—Merci, murmura Armand.

Porthos se retourna lentement et les entrailles d'Armand se tordirent. Le regard que lui lançait le métis lui enfonça un poignard dans le ventre.

—Ne me parle pas.

La phrase avait été crachée d'un ton le plus sec que le jeune homme n'avait jamais entendu de la part du métis. Il était raide, les muscles bandés, ses yeux brillant d'une lueur menaçante, plus sauvage que jamais. Toute trace de sa personnalité légère avait disparu. Ce n'était plus l'homme jovial qui se tenait devant lui.

Armand ne réagit, choqué de ce qui venait de se passer.

Tout mais pas cela.

Porthos l'avait rejeté, complètement rejeté. Cette idée passait et repassait dans sa tête, l'obnubilant complètement. Il l'avait perdu, bel et bien perdu. Immobile, à la merci du moindre coup, il restait debout, planté là où le mousquetaire l'avait laissé à l'agonie pour aller certainement se trouver un autre adversaire. Il observa sans le voir le corps de Ratignac plus loin.

Il n'avait même pas pu l'achever de lui-même. Même en cela, il avait échoué.

Il ne remarqua la fin des combats autour de lui que lorsqu'une main lui pressa l'épaule, le forçant à avancer. Aramis l'entrainait avec le reste du groupe, au travers d'escaliers jusqu'au pont. Là-haut, ils préfèrent foncer vers la passerelle que se mêler à un combat avec le gros de l'équipage. L'effet de surprise les sauva sûrement, en moins d'une minute ils avaient rejoint la terre ferme, leurs ennemis à leur poursuite et se précipitèrent sur leurs chevaux, détachant les rênes.

L'équipée fonça au galop à travers le port et la ville, les sabots des montures de leurs poursuivants à portée d'oreilles. Athos à leur tête, ils laissèrent les habitations derrière eux pour pénétrer le bois.

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