La belle semaine ensoleillée avait continué, et la journée laissa sa place à une soirée fraîche, se transformant peu à peu en une nuit gelée. Pierre descendit du C15, frissonnant, et regarda autour de lui ; il n’y avait personne sur la place à cette heure-ci. Le contraire aurait été étonnant.
Il attrapa un gros coupe-boulon caché sous le siège, s’approcha de la grille, et toujours en vérifiant que personne ne l’observait, sectionna la grosse chaine qui empêchait les gens de pénétrer dans l’enceinte de l’abbaye la nuit. Puis il ouvrit la haute grille dans un grincement, avança le C15 dans l’allée entourée d’arbres, et referma la grille derrière lui, toujours en vérifiant qu’aucuns regards indiscrets ne les guettent. Doucement, il emmena la voiture jusqu’au grand jardin, où il se gara près du premier pilier à activer. Il ouvrit les portes de derrière pour libérer le Chevalier, qui sauta avec lourdeur sur le sol glacé.
Contrairement à la fois d’avant, la nuit était d’une clarté absolue ; la lune, en son zénith, les toisait de haut.
Cela permettait de voir beaucoup plus loin, chaque pilier du jardin étant désormais dans leur champ de vision. Un vent glacé fit claquer des dents de Pierre, mais le Chevalier n’en eut cure ; à l’intérieur de l’armure, il faisait toujours bon. Le Chevalier fit quelques pas sur le sol, pour s’imprégner de cette « arène ». L’épée sur son flanc gauche, il tapotait machinalement la poignée, sentant ses doigts prêts à dégainer. Faisant un tour sur lui-même, il marqua quelques points de repère pour apprécier au mieux les lieux.
La première fois, il n’avait pas remarqué le grand conifère perché en haut de cette petite colline surplombant le jardin. La brume gelée avait grisé ses feuilles, le faisant scintiller d’argent sous les rayons de l’équinoxe. Il en ressentit quelque chose, sans comprendre vraiment quoi.
— Peux-tu m’aider à les installer ? demanda Pierre dans la vapeur de sa grosse voix.
Le grand homme à la peau ébène avait sortit les caisses qui contenaient ce qu’ils appelaient des « lance-flammes », ainsi que plusieurs grappin et filets. Le Chevalier fit oui de la tête et s’exécuta.
Ils placèrent les deux lance-flammes à l’entrée du jardin, et les grappins en carré, à bonne distance les uns des autres. Puis ils activèrent tous les piliers sauf un. Le bourdonnement résonna sensiblement dans l’air, sans faire apparaître le voile. Enfin, Pierre enfila ses mitaines de combat, rangea son Glock dans son holster, et le Chevalier commença à mouliner avec son épée pour retrouver des sensations. Ils étaient prêts.
Edmond sentait encore le goût salée des lèvres de Lucie sur les siennes, et le parfum de leur dernière étreinte sur ses épaules. Ce fut finalement cela la chose la plus difficile : partir sans elle. Accroupi dans un buisson, il attendait le signal de Rose, qui, vingt mètres plus loin, observait l’entrée du bâtiment. Deux grands costauds en costumes noirs gardaient l’entrée à la forme gothique. La guerrière longeait le mur en silence avant de s’arrêter à un mètre d’eux, cachée par le bourrelet de pierre qui entourait la porte. Elle fit signe à Edmond d’approcher et lui-même la rejoignit en longeant la pierre blanche. Avec deux doigts, Rose lui indiqua de préparer son arme, et de s’occuper de l’homme à gauche. Bien que nerveux, Edmond obéit : il revissa les deux parties de son arme, appliqua les paumes de ses mains sur le métal froid, et quand il sentit les picotements fluer suffisamment au bout du cuivre, il se décala d’un mètre et visa en plein thorax l’homme ; propulsé contre la pierre, il retomba lourdement à plat ventre dans un bruit sourd. À peine le deuxième eut il le temps de réagir et de se ruer sur Edmond que Rose lui sauta dessus, entourant son cou avec ses cuisses, et utilisa tout son poids pour le faire basculer en avant. A terre, Rose serra fortement sa gorge pour le mettre K.O en quelques secondes, le temps que l’autre homme reprenne conscience ; il ne le fit pas longtemps, car la guerrière déjà debout lui asséna un coup de pied horizontal en pleine tête ; il tomba une deuxième fois dans un bruit sourd. L’attaque avait duré dix secondes, dans un silence relatif.
— Scotch, demanda Rose.
Edmond lui tendit un gros rouleau de ruban-adhésif gris qu’il portait à sa ceinture, et Rose bâillonnât et ligota les deux malfrats, joignant leurs pieds et leurs mains. Avec l’aide d’Edmond, elle déplaça les hommes inertes à l’intérieur.
— Bien. On y va.
Ils repartirent accroupis dans les couloirs étroits, croisant de temps à autre un membre en toge ; la plupart du temps Rose les laissait filer, et quand elle n’avait pas le choix, elle les mettait K.O et les ligotait de la même manière que les deux gardes. Au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans le bâtiment, un fredonnement de psaumes aux voix basses s’invitait à leurs oreilles, glaçant l’ambiance entre les murs épais. Ils descendirent le long escalier en colimaçon pour se retrouver en haut de la grande salle, à l’abri d’une des alcôves. En jetant un rapide coup d’œil par-dessus le muret, Edmond remarqua les membres de la secte dans leurs toges pourpres au croissant de lune, assis sur des bancs de bois, appliqués ; les psaumes résonnaient de plus belle, assommant l’atmosphère.
— Eddy, reste ici, chuchota Rose, je vais vérifier les recoins.
Rose partit en glissant dans chaque coin de l’étage ; Edmond entendit deux fois un bruit sourd, et une fois un craquement d’os. Rose revint deux minutes plus tard, le rouleau de ruban adhésif pratiquement vide, qu’elle abandonna au pied de l’alcôve.
— Maintenant nous avons le champ libre, murmura Rose à l’adresse d’Edmond, tout en observant la scène en bas.
Edmond hocha la tête, ses mains légèrement tremblantes accrochées à son arme. Les psaumes s’intensifiant glaçaient l’échine ; les messes noires faisant écho sur les murs de la cathédrale souterraine, se répercutant sur les arcs brisés du triforium où Rose et Edmond se situaient.
En bas, près de l’autel en marbre rose poli, trois acolytes s’affairaient avec dévotion, remarquables parmi les autres par la teinte violette plus profonde de leur toge, et le cordon d’argent qui ajustait leur taille. Des grands prêtres. Ils se disposèrent en triangle équilatéral parfait, tête invisible comme tous les autres dans l’ombre de leurs capuches. Au dessus d’eux, le grand vitrail violet était obstrué par un rideau épais de la même couleur. Sur de grandes tentures, des lunes, mêlées à des écritures latines qu’Edmond ne pouvait traduire, habillaient les murs tout autour. Les psaumes s’interrompirent, le silence se fit, encore plus mordant que les murmures. Une porte en bois claqua à l’autre bout, et Gérard, reconnaissable à sa grande taille et la cicatrice qui barrait son visage, entra dans la salle silencieuse, éclairé par la simple lueur des bougies qui dansait sur sa peau nue ; passant au milieu des bancs, il ne portait pour tout vêtement qu’un pagne, violet et rapiécé ; les sbires se levaient sur son passage, et il était suivi de deux membres à la toge indigo, qui transportait quelque chose sur une civière de bois.
Non, pas quelque chose, un corps.
Le corps, momifié, semblait dans un incroyable état de conservation ; on reconnaissait un homme brun, de corpulence imposante, dont la peau semblait être du cuir noirci ; ses yeux entrouverts avaient un éclat violet, bien que terne, et sur son front, deux protubérances entouraient une profonde cicatrice qui séparait son crâne en deux. A la vue de cette blessure, inutile de chercher la cause de la mort. La procession arriva jusqu’à l’autel, où les deux sbires en violet sur les côtés invitèrent leur chef à s’approcher. Les psaumes reprirent avec une vivacité sourde, crispant les muscles.
— J’ai l’impression d’être dans le temple maudit! s’amusa Rose qui malgré l’étrangeté de la situation, semblait surexcitée.
— Et j’imagine que c’est moi demi-lune ? demanda Edmond, contracté par les cantiques macabres qui résonnaient.
— Bien sûr que c’est toi ! murmura-t-elle. Je te rappelle que je suis professeur d’histoire. Et archéologue.
Gérard s’allongea sur la plaque de marbre, les bras entourant son torse, le menton bien haut, regardant la voûte du bâtiment. Le troisième prêtre s’approcha et se mit au dessus de lui, les mains jointes dans leurs manches. Les chants tourbillonnaient de plus en plus fort. Les deux hommes qui suivaient avec le brancard l’installèrent précisément à un mètre de l’autel, et placèrent une sorte de pont-gouttière entre les deux, fait du même marbre rose.
Ils se dirigèrent ensuite derrière l’autel, sous le rideau dont ils tinrent les cordes, tandis qu’un troisième sbire en bleu fit son entrée, portant un coussin de soie violet sur lequel était posé un couteau rituel en argent, dont la poignée de nacre rosé était incrustée d’améthystes, si bien taillées que la seule lumière des bougies les faisait briller.
Les prières résonnèrent de plus belle.
L’homme s’abaissa devant le prêtre de gauche, qui prit avec dévotion le couteau, et le tendit vers l’archiprêtre, au dessus de l’autel. L’homme prit le couteau par la poignée, de ses deux mains, et le porta en l’air.
Les prières redoublèrent d’intensité.
Les deux sbires en bleu ouvrirent le rideau, laissant entrer la lune à son apogée ; ses rayons teintés de violet par le vitrail éclairèrent comme en plein jour la cathédrale souterraine dans des halos pourpres ; ils faisaient miroiter l’autel poli, et l’argent de la lame reflétait de mille feux, envoyant des spirales de rayons lumineux tout autour des murs.
Les prières se firent assourdissantes.
L’archiprêtre érigea le poignard encore plus haut ; brusque silence. La lame plongea en plein cœur du sacrifié, barbouillant de sang tout ce qui se trouvait à côté. Edmond eut un énorme haut-le-cœur, tandis que Rose observait, fascinée.
— Au moins ils n’ont pas arraché le cœur, murmura Rose.
— Et tu crois que c’est mieux ? répondit Edmond avec dégoût. Il ravala son spasme, lui laissant un gout acide dans la bouche.
Un silence de mort enveloppa la pièce. Gérard gisait sur l’autel, mort. Son sang coula le long du marbre, récolté par de petites gouttières se déversant dans le petit pont qui faisait la jonction jusqu’à l’autre cadavre ; le sang gouttait sur la peau noircie, la recouvrant petit à petit d’une couche rouge et poisseuse. Cela dura quelques secondes, toujours dans un silence d’attente morbide. Puis, sous les puissants rayons lunaires, le cadavre se mit à luire dans une fumée violette, comme la vapeur sur l’herbe au jour levant ; il se tordit en une convulsion violente, avant de retomber sur son brancard. Une bosse apparue là où devait se trouver son cœur, de plus en plus grande, jusqu’à ce que la peau se brise et laisse passer à travers elle un orbe violet rayonnant, s’élevant dans les airs par une force obscure. Edmond, cette fois-ci, échappa son diner. Sous un nouvel éclat lunaire, l’orbe envoya une décharge électrique, utilisant le sang du sacrifié comme conducteur. Le courant remonta jusqu’à Gérard qui, à la grande surprise de Rose, ouvrit les yeux. Tous les acolytes autour de lui, les bleus comme les violets, durent le maintenir fermement contre l’autel, l’homme se débattant et hurlant de douleur. Le cadavre quand à lui, vieillissait et se ratatinait au fur et à mesure que le corps de Gérard noircissait, gagnant petit à petit en masse et en puissance. Ses bras devinrent plus gros que ses cuisses, ses yeux commencèrent à luire d’une lumière violette. Tous les sbires de la salle se mirent à genoux, priant devant leur dieu revenu. De minces esquisses de bosses apparurent sur le front de Gérard, qui cessa de se débattre. Les acolytes reculèrent tous d’un pas, le laissant s’assoir ; il observa ses bras disproportionnés ; sa hauteur avait gagné au moins vingt centimètres ; impressionnant, mais loin de l’image trouvée dans le livre. Un sourire satisfait barra son visage devenu diabolique. Le silence était revenu. Il se mit debout, appréciant son nouveau corps sous l’œil fasciné de la salle, Rose et Edmond inclus. L’orbe flottait toujours à deux mètres de lui, mais n’émettait plus de lumière ni d’électricité ; elle était juste suspendue par magie. Elle était la clé. La clé du plan.
— Eddy, chuchota-t-elle, ça va être à toi de jouer. Tu es prêt ?
Bien que blanc comme un linge, il fit oui de la tête, et posa son bâton sur le muret, visant prudemment.
— A mon signal, tu tires et tu cours ensuite à la voiture. Prêt ?
Gérard s’avança doucement vers l’orbe, encore peu habitué à sa nouvelle musculature. Autour de lui, les sbires étaient positionnés de telle sorte qu’ils formaient une étrange rosasse. Il tendit la main vers l’orbe.
Edmond ressentit les picotements, la chaleur le long de sa colonne vertébrale se dirigeant jusqu’aux bras. L’onde détonna dans la salle et percuta l’orbe, qui tomba et roula à terre. Tous les membres de la secte tournèrent le regard vers eux.
— COURS ! cria Rose.
Elle sauta par-dessus le muret, atterrissant sur un des sbires, le mettant K.O sur le coup ; elle retomba en une roulade à terre, entre les jambes des autres membres de la secte, qui se débattaient dans la confusion la plus totale. Rose distribuait coup de pied, de poing, de dague, s’abaissant, sautant, éliminant des membres par poignés qui s’armaient de bâtons, de chandeliers et de tout ce qu’ils pouvaient trouver à proximité. Quand la confusion fut assez forte, elle chercha l’orbe des yeux qui avait roulé plus loin ; elle esquiva, s’appuyant parfois sur un des membres de la secte, esquivant, se baissant, pour se retrouver à un mètre de la sphère. Là, elle croisa le regard de Gérard qui se trouvait de l’autre côté ; ses yeux violets luisaient de haine.
Rose se précipita sur l’orbe pour le prendre au nez et à la barbe de son ennemi qui hurla, dans une voix rauque et sourde :
— Attrapez-la !
Rose se fraya un chemin entre les acolytes, marchant dessus, escaladant certains, glissant sous les jambes d’autres qui, sous la confusion, se frappaient eux-mêmes. L’orbe entre ses doigts n’émettait aucun rayonnement ; il était froid comme la pierre, et excessivement lourd. Le tenant dans sa main gauche, elle le plaça dans sa poche pour escalader un pilonne et rejoindre le triforium ; son agilité et sa rapidité étaient telles que personne ne put la suivre. Elle ressortit l’orbe de sa combinaison qui l’empêchait de courir, et entendit derrière elle Gérard donnant l’ordre de l’abattre.
Des coups de feu retentirent dans la salle, les impacts éclatant les murs dans une poussière ocre tandis que Rose courrait à toute jambe rejoindre l’extérieur. Elle avait acquis une certaine avance et comptait bien l’allonger un peu. Elle monta quatre à quatre les escaliers en colimaçon, fonça dans le couloir, passa devant les deux gardes ligotés et sortit en glissant. La supercinq se trouvait au bout de la rue, moteur et feux allumés, prête à l’accueillir.
Elle entendit la porte en bois exploser derrière elle quand elle fut à quelques mètres de la voiture ; le coffre s’ouvrit en grand et elle plongea à l’intérieur. Quelques balles s’écrasèrent non loin, et elle aperçut la fureur de Gérard à leur poursuite.
— Alors ? demanda Edmond qui baissait la tête à chaque coup de feu.
— Je l’ai ! répondit-elle en lui montrant l’orbe. Fonce !
Le coffre toujours ouvert, Edmond écrasa la pédale d’accélérateur et la voiture partit dans un crissement de pneu. Quinze mètres derrière eux, Gérard les poursuivait, utilisant ses bras disproportionnés pour se déplacer à la manière d’un gorille.
Rose s’harnacha comme elle le put aux sangles qu’elle avait disposées de part et d’autre du coffre, tapa dans une boite qui s’ouvrit à la volée et y récupéra son AK47 préalablement chargée.
Viser dans ces conditions était pratiquement impossible, et Rose dû mettre à l’œuvre ses rudes années d’expérience ; la taille du démon facilitant tout de même grandement la tâche. Les balles ne semblaient pas pénétrer sa peau, mais ricochaient tout de même avec vigueur, le perturbant un peu dans sa course ; et il le fallait, car malgré le fait que la voiture fonçait à toute allure dans les rues de la ville, le monstre tenait la cadence, dans des hurlements et une rage folle. Ses yeux furieux s’illuminaient, et de la fumée noire semblait en sortir.
Quelques virages serrés brinqueballèrent Rose dans tous les sens, l’empêchant de décocher des balles.
— Tu sais où tu vas au moins ? se plaignit-elle à Edmond.
— Bien sûr ! J’ai une ex qui n’habitait pas loin !
Rose grommela, et reposa ses yeux sur sa mire. Edmond allait au plus court, mordant parfois sur les trottoirs, renversant quelques poubelles au passage et effleurant des bouches à incendie. La bête bondissait, gagnait du terrain à chaque ligne droite.
— Il faudrait songer à accélérer !
— Je fais ce que je peux !
Au croisement d’une rue, ils aperçurent une voiture de police qui fonça à leur poursuite. Les yeux des deux policiers s’écarquillèrent quand la bête les dépassa, toujours à une vitesse de voiture. Rose releva son arme pour ne pas les blesser. Les policiers, pris d’un courage zélé, sommèrent la bête de s’arrêter, et visèrent ses pieds.
Ça va peut-être le ralentir.
Gérard grogna, détachant ses yeux de la supercinq pour se concentrer sur la voiture de police. D’un seul coup d’épaule, il propulsa le véhicule vers le trottoir qui glissa et prit un platane de côté.
Ouille ! J’espère qu’ils vont bien.
La manœuvre avait au moins permis de le ralentir.
— On y est presque ! s’exclama Edmond.
Au loin, il apercevait la grille au coin du quartier. Il ralentit l’allure, actionna le frein à main pour faire tourner la voiture, et fonça sur la grille qui s’ouvrit à la volée. La route caillouteuse de l’allée les secoua, et ils atteignirent avec une certaine célérité le jardin, dans lequel ils s’arrêtèrent dans un nouveau dérapage contrôlé sur le sol gelé. Rose bondit du coffre et se plaça bien au milieu du jardin, l’orbe à la main, pour attirer le monstre. Encore haletante, elle s’écria à Pierre et au Chevalier :
— Prêts ?
Pierre hocha la tête, le globe dans sa main au dessus du dernier pilonne. Le Chevalier moulinait de son épée. Edmond sortit au petit trot de la voiture, son bâton en main.
Le sol trembla, et les cris rageurs du démon résonnèrent dans l’enceinte. Dans la pâle lueur de la lune, ses yeux se voyaient de loin, comme un train au bout d’un tunnel. Rose serra les dents, prête à être percutée. Au dernier moment, elle lâcha l’orbe. Gérard sauta pour s’en emparer, et roula avec sur plusieurs mètres, provoquant des ornières dans le sol gelé sans érafler sa peau. Pierre activa le pilonne dans son bourdonnement caractéristique, et le voile les enveloppa. Chacun courra à l’emplacement d’un des quatre grappins, attendant le signal de Rose. Cette dernière cherchait les lance-flammes des yeux ; Gérard les avait percutés avec lui dans sa fureur, les détruisant totalement, maculant le sol de liquide inflammable.
Fait chier !
Ils ne pouvaient plus se reposer que sur le Chevalier. Gérard, au centre de la place, recroquevillé sur lui-même, se déploya, l’orbe dans ses mains qui cette fois-ci luisait chaudement sous les rayons lunaires ; il l’observa avec obséquiosité, avant de la placer contre sa poitrine, et de l’enfoncer profondément. Il y plongea comme dans du beurre, aveuglant d’une lumière violette les alentours, jusqu’à ce qu’il entre entièrement à la place de son cœur. Il y eut une sorte de craquement sourd. Puis la peau de Gérard se mit à luire, d’un halo pourpre, échappant une fumée noire et violette. Il se mit à grandir, grandir ; ses bras s’épaissirent encore un peu, ainsi que ses jambes ; les ébauches sur son front prirent de la masse ; ses yeux brillaient encore plus, sa peau s’assombrit de plus belle, devenant couleur charbon, marbrée de fissures violettes semblables à des veines magiques. Il ria. Un rire sombre, démoniaque, qui résonnait tout seul. Déployant sa gorge et ses bras, l’équipe ne put que mesurer l’ampleur de la tache qui les attendait ; Gérard faisait désormais trois mètres de haut pour presque deux de large. Pierre et Edmond avaient les yeux écarquillés.
— Il est… gigantesque !
— Concentrez-vous ! hurla Rose.
Gérard cessa de grandir, et s’observa à la lune ; la transformation était désormais achevée.
— MAINTENANT !
Chacun activa son grappin, qui sifflèrent en l’air avant de retomber lourdement à terre et de s’enfoncer dans le sol, immobilisant Gérard, surprit. Ils accoururent tous vers lui pour le rouer de coups, le Chevalier en premier, mais en vain ; la bête déploya ses puissants bras, et en simplicité, rompit les quatre gros câbles et les filets qui le maintenaient à terre. Le Chevalier brandit son épée, mais d’un revers de main, la bête l’envoyer voler au loin. Les trois autres s’arrêtèrent dans leurs courses, prudents. Rose visa la tête de Gérard, mais les balles ricochaient désormais sur lui comme des billes d’airsoft. C’était cependant suffisamment gênant pour le déconcentrer. Edmond visait soit les yeux par petites ondes, où un membre avec une onde plus puissante, pour le déstabiliser ; Pierre prenait le relais de Rose quand celle-ci rechargeait. Le Chevalier revînt en courant, sans que le démon ne puisse le voir, et abattit avec hargne son épée sur la cuisse du monstre. Du sang violet s’en échappa, lui extirpant un hurlement horrible, et le Chevalier s’arrêta en glissant un peu plus loin. Gérard observa sa blessure, à la fois furieux et apeuré. Il se tourna vers le Chevalier, qui baissa la tête et chargea de nouveau. Alors que l’énorme poing noir se dirigeait vers son plastron, le Chevalier fit un pas de côté et sauta de toutes les forces que l’armure lui prodiguait, effectuant cette fois-ci une taillade sur l’épaule. Gérard hurla de nouveau de douleur dans une gerbe de sang violet. Le Chevalier atterrit derrière lui en effectuant une roulade et s’arrêtant sur un genou. Il se tourna de nouveau vers son ennemi. Pierre et Rose visaient désormais les plaies, essayant de blesser au maximum le monstre, Edmond se concentrant sur les yeux, à bonne distance. Gérard fulminait de rage, une sorte de brouillard violet l’entourant. Le Chevalier lança une nouvelle attaque, pleine de vitesse, mais cette fois-ci, Gérard fut plus rapide et l’attrapa en plein vol par la cheville, avant de le propulser de toutes ses forces. Le Chevalier vola sur quinze mètres avant d’atterrir en roulé-boulé, arrêté brusquement par le voile. Le revers violent de Gérard surprit les autres membres qui s’arrêtèrent quelques secondes. Grave erreur.
Gérard courra en premier vers Pierre, et de toute sa vitesse, le heurta d’un coup d’épaule. L’homme massif s’envola comme un fétu de paille, et retomba lourdement contre les portières de la supercinq, à l’extérieur du voile. Il ne se releva pas. Gérard fonça ensuite vers Edmond, qui estomaqué, ne bougea pas. Rose arriva aussi rapidement qu’elle le put vers lui, lâcha son arme et poussa Edmond avec force, le sauvant de justesse. Gérard arriva une seconde après et percuta si violemment Rose qu’elle sentit son cerveau cogner contre sa boite crânienne. Elle roula sur plusieurs mètres sur le sol gelé, ses os craquants, sa cheville se tordant, avant de finir sur le dos. Tout son corps lui faisait mal, comme si elle venait de passer une heure dans une machine à laver. Elle n’arriva pas à reprendre sa respiration avant de cracher un glaviot de sang qui retomba en partie sur sa joue. Les pas lourds de Gérard résonnèrent à ses oreilles qui bourdonnaient, et elle le vit se pencher au dessus d’elle, par intermittence, sa vue se troublant sous l’effet du choc.
Le genou du monstre écrasa sa poitrine, lui faisant recracher un nouveau glaviot de sang, la faisant suffoquer. Gérard lui assena un énorme coup de poing sur le visage, et Rose vit blanc pendant plusieurs secondes.
— Alors petit moucheron, s’exclama Gérard de sa voix diabolique qui résonnait anormalement. Tu as enfin comprit que j’étais supérieur à toi ? Tu as enfin compris que je suis un dieu ?
Rose recracha du sang, et se mit à rigoler. Cela eut le don d’énerver la bête.
— Qu’est ce qui te fait rire moucheron ?
Rose rigola encore un moment, puis répondit d’une voix sifflante :
— C’est marrant parce que… (Elle prit une inspiration, l’air entrant et sortant de ses poumons en chuintant). C’est marrant parce que tout les mégalos dans ton genre disent ça avant de crever. Vraiment une phrase de kéké.
Gérard releva son corps, incrédule, et soudain, au niveau de son ventre, une épée dépassa, transperçant son corps depuis son dos.
Gérard hurla de nouveau de douleur, se tenant là où l’épée le transperçait. Le Chevalier s’agrippait à son cou de toutes ses forces ; son armure était méchamment bosselée, et ne régénérait pas. L’épée ressortit du corps de la bête, avant de s’y réimplanter, un peu plus haut ; le Chevalier cherchait à viser le cœur. Gérard se débâtait tant bien que mal, essayant d’attraper le Chevalier dans son dos qui esquivait. Ils s’éloignèrent ainsi de Rose, qui se tourna, se mit à quatre patte et toussa à s’en rompre les bronches, provoquant des haut le cœur douloureux. Elle recracha du sang. Le terrain autour d’elle était cramoisi. Sa poitrine et ses côtes étaient affreusement douloureuses, et sa jambe n’avait pas un angle normal. Elle toussa encore plusieurs fois avant que sa respiration ne redevienne normale. La douleur dans sa poitrine s’estompa. Sa jambe redevint droite. Enfin, elle se remit debout avec faiblesse. Edmond s’était relevé, et malgré sa manche en charpie, aidait comme il pouvait le Chevalier en déboussolant la bête. Cette dernière avait enfin réussi à se débarrasser de son parasite, mais le Chevalier ne lui laissait pas de répits, et l’attaquait de nouveau. Rose remarqua que comme pour elle, les plus vieilles plaies de Gérard avait guérit. Ainsi, sa cuisse et son épaule étaient de nouveau intactes.
Alors ça, ça ne nous arrange pas.
Les trois combattants se tenaient proche de la flaque de carburant qu’avaient laissé les lance-flammes brisés ; Rose chercha sa propre arme et la trouva non loin de là, dans l’herbe. Elle cria comme elle le put :
— Chevalier, fait le tomber !
Le Chevalier avait entendu. Il se tenait devant la flaque et attendait l’attaque de Gérard. Celui-ci ne se fit pas prier et courra la tête la première. Edmond, à l’aide d’une onde puissante, déstabilisa un tout petit peu sa course, juste assez pour que le Chevalier taillade le mollet de la bête qui s’écrasa dans la flaque, se couvrant d’essence. Rose rattrapa son arme et tira.
A l’impact, le corps de Gérard prit feu, et il hurla de nouveau de douleur. Rose se rapprocha d’Edmond et du Chevalier, passablement épuisés, et ils regardèrent Gérard se consumer. Le Chevalier empoigna son épée, lame devant lui, prêt à en finir.
— Vise bien, lui conseilla Rose.
Le Chevalier hocha la tête.
Vise le cœur, détruit l’orbe.
Il s’approcha d’un mètre, et Gérard se recroquevilla, poussant un cri terrible.
Puis il se redéploya, et sa fureur produit une onde autour de lui qui projeta Edmond, Rose et le Chevalier à un mètre plus loin. Les flammes s’estompèrent, son corps ruisselait de sueur et de sang violet, sa fureur était désormais un brasier qui brûlait dans ses yeux. La lune le fit briller, et toutes les plaies, même les plus récentes, se dissipèrent sur son corps. Une sorte de brume noire volait désormais autour de lui. Rose tenta une nouvelle salve de balle, mais l’arme était vide.
Merde.
Elle dégaina ses dagues et chargea. Son agilité lui permit d’esquiver les coups de Gérard et de sauter sur ses épaules. Ses dagues ne pouvaient pas entailler sa peau, mais elle pouvait au moins ennuyer son adversaire pour essayer de donner une fenêtre de tir au Chevalier, qui ne se fit pas prier. Edmond envoyait toujours des ondes mais leur puissance, même à pleine charge, ne fragilisaient pas assez le monstre. Il chercha autre chose, fit un tour sur lui-même, remarquant Pierre contre la supercinq, toujours inconscient. Il se retourna, regardant vers l’abbaye.
Mais oui !
Il chercha alors les voitures. Le C15 était garé à l’intérieur du dôme. Un coup de chance.
— Rose ! Occupez le quelques instants ! J’ai une idée !
Rose, trimballée sur les épaules du monstre, entendit à peine.
— Tu quoi ??
— JE REVIENS !
Edmond courra jusqu’au C15 et se dirigea vers le bâtiment avec le véhicule. La bâtisse était paisible, même si on y entendait de loin le combat depuis le jardin. Il retrouva rapidement la promenade des sœurs, espérant que ce qu’il cherchait était encore là dans ce petit couloir.
Oui !
Il glissa sur le sol de pierre, s’arrêtant devant les boites de bois qui contenaient l’orgue en morceau. Il chercha la flute la plus grande et la plus large, se démena pour la soulever et l’emmener jusqu’au C15 en la trainant.
Le Chevalier se concentra visuellement sur le cœur de la bête ; son corps était couvert d’éraflures et de plaies, mais aucune n’avait atteint l’orbe. Le monstre était bien trop mobile. Et infatigable. L’armure commençait à accuser le coup, et malgré son incroyable pouvoir, faiblissait et devenait lourde. Tout le côté droit était bosselé et le manteau de plume était déchiré. La Lady Rose portait en elle un incroyable courage. Même si son allure était frêle, elle n’hésitait pas à sauter et s’agripper au monstre, comme une guêpe s’acharnant sur un homme ; cela laissait le temps au Chevalier d’ajuster ses coups d’estoc. Il positionna ses pieds pour prendre de l’élan et fila vers le monstre. Celui-ci se débarrassa une fois de plus de Rose en l’envoyant paître dix mètres plus loin.
La guerrière atterrit en roulant en arrière, les fesses s’écrasant douloureusement sur le sol gelé. Elle releva son buste tant bien que mal, et resta assise pour s’en remettre un peu. Le C15 arriva à vive allure et s’arrêta en dérapant à un mètre d’elle.
— Rose, tu tombes bien ! déclara Edmond, bizarrement surexcité.
— Question de point de vue… grommela-t-elle en se massant le bas des reins.
Elle se leva tant bien que mal et se dirigea à l’arrière du C15 où Edmond s’affairait. Il avait prit une énorme flute de cuivre.
Mais comme il a réussi à soulever ça ?
— Aide-moi à la prendre au lieu de me regarder comme ça !
Sans réfléchir, Rose s’exécuta et l’aida à transporter l’instrument jusqu’au capot avant de la voiture, où ils posèrent une des extrémités dessus. Le Chevalier combattait toujours la bête, bien que sa fatigue se fasse ressentir ; Rose et Edmond pointèrent la flûte vers l’énorme masse noire et violette. Edmond retira ses gants ouvert aux paumes, pour ressentir le mieux possible le métal glacé sur ses doigts. Cela lui demanda une concentration extrême ; le tuyau était tellement grand que les picotements étaient lents, parcourant tout son corps avant de s’accumuler dans ses bras et rejoindre le métal, qui chauffait doucement. Rose tentait de boucher au mieux l’autre extrémité du tube, la fente qui produisait le son. C’était lent. Trop lent.
Le combat entre le Chevalier et la bête s’éternisait, et cette dernière prenait un avantage considérable.
Le métal commençait enfin à accumuler une chaleur adéquate.
Le Chevalier tomba rudement à terre, la bête prête à le fracasser de ses deux poings rejoint en l’air.
Le métal était prêt. Les picotements cessèrent. Edmond relâcha la pression.
POOOOOOW !
Une onde formidable s’échappa du tube, dans un tonnerre assourdissant, semblable au klaxon d’un cargo ; si grosse qu’elle était visible dans la nuit, un tourbillon de vent qui percuta le démon de plein fouet, et le propulsa à une trentaine de mètres, le sonnant. Une terrible fatigue envahi Edmond, ses genoux fléchirent, mais par une forte volonté il se maintint debout.
— Ça a… ça a marché ! balbutia-t-il.
Rose le regarda, incrédule, les tympans douloureux.
— Ah parce que tu n’étais même pas sûr ?? geignit-elle.
Le démon bougea, se relevant tant bien que mal, une main sur son énorme tête qu’il secoua. Le Chevalier, plus loin, s’était relevé aussi, et reprenait quelques forces, son épée toujours à la main, comme un prolongement de son bras. Le démon ne le regarda pas. Ses yeux étaient fixés en direction d’Edmond et Rose.
— Recommence Eddy ! ordonna Rose.
Malgré l’épuisement, malgré la douleur qui cognait son cerveau, Edmond s’exécuta, et replaça ses mains de toute leur longueur sur le cuivre. Le démon se releva, et commença à courir dans leur direction.
— Edmond dépêche toi, implora Rose.
— Je fais ce que je peux, répondit-il les lèvres pincés.
Il avait si mal au crâne.
— Il arrive.
— Je sais, répondit-il, crispé.
Les picotements venaient, puisaient dans ses réserves, semblaient vider son sang. Mais ils étaient là.
— Il approche vraiment là…
— JE SAIS ! répondit Edmond exaspéré.
Le démon n’était plus qu’à cinq mètres.
Chaleur.
POOOOOOOOOOOOOOOOW !
La deuxième onde partit, encore plus puissante, et percuta de nouveau le démon en plein abdomen. Combiné avec la vitesse qu’il avait accumulé, cela le propulsa haut dans les airs, jusqu’à ce qu’il ricoche sur le haut du voile qui émit un éclat violet et un bourdonnement sourd ; le démon retomba tout aussi sec sur le sol gelé, faisant trembler les alentours ; cette fois-ci, il était totalement sonné.
La flute roula le long du capot et retomba sur le sol. Edmond vit tout blanc, ses muscles le trahirent et Rose retint sa chute à terre. Encore conscient, il se força à se mettre sur les genoux, un mal de crâne épouvantable l’envahissant, Rose à ses côtés lui disant des choses qu’il n’entendait pas. Au bout de quelques secondes, sa vision s’éclaircit, et il vit le Chevalier s’approcher du démon inerte.
Le combat avait dû durer bien plus longtemps qu’ils ne l’aient cru, les rayons violets du crépuscule laissant désormais place aux blancs de l’aube, chatouillant l’armure qui se dora. Le Chevalier pointa son épée en l’air, le métal s’illuminant en captant un rayon divin.
L’heure de l’hallali avait sonné.
Les quelques pas qui le séparait du démon résonnèrent pour lui comme un chemin de croix.
Vise le cœur, détruit l’orbe.
Le monstre était toujours inerte. Le Chevalier moulina en s’approchant de lui, observant son corps abominable à terre. Il l’escalada, pieds joints sur son torse.
Vise le cœur, détruit l’orbe.
Le Chevalier leva son épée bien haut, et des deux mains, la planta en plein dans son cœur.
Un sang violet gicla, et le démon poussa son dernier cri, dans un borborygme infâme ; son vagissement résonna dans toute la place ; l’épée du Chevalier se mit à luire dans une blancheur éclatante, et un tourbillon de brume noire et blanche les entourèrent en formant un huit. Un halo violet consuma la brume, et le tout semblait pénétrer dans le démon comme dans un trou noir, le Chevalier se tenant toujours bien droit au dessus. Le corps du démon se rétracta quelque peu, avant d’exploser dans un éclat lumineux qui éclaira de violet tous les alentours dans un rayon d’un demi-kilomètre, aveuglant toute personne qui regardait, dans un sifflement de tempête suivit d’un dernier craquement sonore.
Puis, tout redevint calme. Le combat était terminé.
Quand la vision leur revint, Rose aida Edmond à se relever, et ils rejoignirent le Chevalier, cahin-caha. Dos à eux, ce dernier se tenait sur un genou, appuyé sur son épée comme pour prier, devant le cadavre de la bête qui n’était plus qu’un corps recroquevillé, carbonisé, étrécit. Par respect, ils s’arrêtèrent à deux mètres de lui, lui laissant de l’espace.
Le Chevalier, remarquant leur présence, se releva sans se retourner. Il pointa son épée vers le bas, laissant le sang violet dégouliner de la lame, maculant l’herbe gelée de poisse pourpre. Quand le métal fut débarrassé de tout son sang, il planta l’épée au sol, toujours dos à ses compagnons.
Rose et Edmond ne bougèrent toujours pas, ôtant seulement leurs masques, lui laissant apprécier le moment.
Le Chevalier apposa les mains sur son casque, qui se détacha pour la première fois du reste de l’armure, dans un halo doré qui semblait provenir directement de l’intérieur. Il était enfin libre.
Il y eut d’abord une cascade de cheveux d’un noir profond, corbeau, qui tombèrent lisses jusqu’en bas du dos. Une forte respiration emplit ses poumons, avalant la libération du travail accomplit. Un vent se leva en même temps que le soleil, faisant voler ses cheveux épais. Son visage tourna de quelques degrés, l’œil vif et luisant de rouge par l’aube, comme pour les inviter à le rejoindre ; le soleil leur dévoila pour la première fois les traits de son visage, traits qui leurs étaient auparavant inconnus.
Des traits féminins.