22. Le roi Mellas.

Par FloCes

Mélusine et Ephrem étaient entrés dans le château, et le roi avait accepté de les recevoir. Ils étaient à présent dans une immense pièce circulaire sous un dôme si haut, qu’on avait du mal à voir le plafond. Le rouge qui dominait partout donnait l’impression que les lieus étaient en feu. Sur chaque pan de mur, on pouvait apercevoir les armoiries du royaume de Lognis, qui représentait un oiseau aux plumes écarlates à l’intérieur d’un feu vermillon. L’oiseau ouvrait grand ses ailes au-dessus de sa tête pour y tenir la couronne qui s’y trouvait. La couronne de l’oiseau de feu, comme celle du roi, était en or, avec, incrustée sur le devant, un rubis qui ressemblait à l’iris du phénix.

            « Je vous écoute ! parla le roi pour attirer l’attention de Mélusine et d’Ephrem, qui avaient le souffle coupé par tant de richesse et de beauté. C’est votre père qui vous envoie, je crois ? »

            Mélusine ne répondit pas immédiatement. Elle scrutait le roi Mellas des pieds à la tête, ne se rendant compte à aucun moment à quel point cela était impoli et grossier. Le roi, nullement contrarié, souriait simplement en attendant que Mélusine ait terminé d’analyser son l’apparence.

Le roi Mellas était assis sur un haut trône en ivoire, recouvert d’or et serti de rubis. Lui-même était grand, beau, et avait assurément un visage noble. Sa peau claire et parfaite semblait aussi douce que celle d’un bébé et ses longs cheveux blonds aux reflets dorés étaient négligemment relâchés sur ses larges épaules. Le beau roi Mellas, le regard las, continuait à sourire poliment à Mélusine, tandis que d’un doigt il retira une mèche qui cachait ses yeux. Ephrem remarqua que le roi portait un anneau à l’oreille gauche, tandis que Mélusine remarquait plutôt celui qui se trouvait à son auriculaire. Elle n’aurait su dire pourquoi, mais cet anneau, curieusement, la fascinait. Pourtant, il n’avait rien d’extraordinaire. Un simple anneau serti d’une pierre tout aussi noire que les ailes d’un corbeau, avec un étrange symbole en son centre : Une forme arrondie avec une petite partie inférieure ouverte et étirée dans le sens opposé. Comme si la lettre « O » s’était ouverte et que des pieds lui étaient poussés à cet endroit !

Le roi, d’un air amusé, balançait sa main de droite à gauche, observant Mélusine la suivre d’un côté puis de l’autre.

            « Sa beauté est hypnotique n’est-ce pas ? »

            La voix grave du roi ramena Mélusine à la réalité. Il avait raison, son anneau l’avait hypnotisé, mais certainement pas à cause de sa beauté.

            « Que représente le symbole au milieu de cet anneau ? questionna Mélusine intriguée. »

            Un homme proche du roi, que Mélusine et Ephrem n’avaient pas remarqué jusque-là, fit un pas en avant, l’air sévère.

            « Quand vous vous adressez au roi Mellas, siffla-t-il entre ses dents, vous devez dire “votre majesté”, ou “sire”. Est-ce compris ? »

            Le roi Mellas secoua la main d’un geste lent et ennuyé, comme s’il voulait chasser une mouche. L’homme, le visage impassible, retourna dans l’ombre de son roi.

            « Vous n’êtes pas venu parler symbole, il me semble, répondit le roi avec un léger sourire. D’après les registres, c’est votre père qui vous envoie. Selfyn ! »

            — Heu… Oui, c’est exact. Votre majesté, rajouta rapidement Mélusine en voyant le regard sévère que lui lança l’ombre du roi.

 

La jeune Elfe raconta au roi Mellas la raison de sa venue et de celle d’Ephrem. Le roi, en bon auditeur, écouta son histoire d’un bout à l’autre sans l’interrompre. Parfois il jetait un regard furtif à Ephrem, qui gardait les bras croisés et la tête baissée.

Le roi s’était redressait dans son trône pour écouter les conclusions de Mélusine :

« C’est pour cette raison que nous sommes venus vous voir, sire. »

Le sourire du roi avait changé pour se transformer et laisser place à un air grave.

« Je comprends pourquoi Selfyn vous envoie, dit-il. Comme tous les Elfes, ou presque, il est prisonnier de son monde. »

À cette remarque Mélusine parut outrée, mais elle se retint de tout commentaire pour éviter de se mettre le roi à dos.

« Si je vous ai bien comprit demoiselle, vous compter sur mon aide et mon armée de valeureux soldat pour vous aider à retrouver les parents de ce jeune homme (il ne fit aucun signe vers Ephrem et ne le regarda même pas), peut-être prisonnier des Traneks. »

— C’est bien cela votre majesté.

— Encore une fois votre obsession à vous isoler des autres aura joué contre vous !

— Sire ? dit simplement Mélusine qui n’était pas sûre d’avoir compris.

Ephrem leva la tête, et observa attentivement le roi, qui s’était de nouveau affalé dans son trône, l’air blasé. Ephrem l’observait dégager des mèches de sa vue, et l’éclat de son anneau le captiva également. Mais contrairement à Mélusine, il sentit une étrange colère s’emparer de lui, mais il réussit à la contenir.

« Je ne vous apprendrais rien, je suppose, reprit le roi, si je vous dis que Legnister est divisé en six parties, partagées entre Elfes, Traneks et Humains. Vous savez également que quatre d’entre elles sont la propriété de roi distinct ? »

            Mélusine acquiesça.

            « Tonin, roi d’Isolde, au nord de Legnister, Métill, reine de Déverdal, à l’extrême est de Legnister, Giull roi d’Isbergue, coincé entre Déverdal et Lognis, dont je suis moi-même le roi. »

            — Où voulez-vous en venir votre majesté ? demanda Mélusine.

            — J’essaie de vous dire que vous ne vous êtes pas adressé au bon souverain. Les horreurs que vous me rapportez se sont produites à Luctès, qui se trouve sur le royaume du roi Giull. Je n’ai nullement le droit d’y déplacer mon armée sans son consentement sans courir le risque de faire éclater une guerre entre nos deux royaumes.

            — Vous ne pouvez pas nous aider ? demanda Ephrem.

            L’ombre du roi s’apprêtait à rappeler Ephrem à l’ordre, mais il fut chassé d’un nouveau mouvement de main du roi.

            « Pas directement en tout cas ! répondit celui-ci sans regarder Ephrem. »

            — Que voulez-vous dire ?

            — Que vous allez être mes messagers ! Vous remettrez à ce bon roi Giull une missive où votre histoire lui sera expliquée. Il sera content, si ça lui arrive parfois, de savoir qui est responsable de l’incident arrivé au petit village de Luctès. Je lui demanderais également s’il serait possible que vous soyez autorisé à faire partie des recherches. Sincèrement je doute qu’il accepte. Le roi Giull est très méfiant et il ne supportera pas que je m’immisce dans ses affaires. C’est là tout ce que je peux faire.

            Mélusine et Ephrem se regardèrent, la déception se lisant sur leur visage. Pour eux, les choses continuaient à avancer lentement.

 

            Un parchemin, une plume et de l’encre furent apportés au roi. Quand il eut terminé d’écrire, le parchemin fut roulé et scellé. Mais avant que le roi ne le remette à ses nouveaux messagers royaux, son ombre lui chuchota quelque chose dans l’oreille. Le roi Mellas scruta rapidement Mélusine et Ephrem.

            « On me fait remarquer que les messagers du roi Mellas ne peuvent pas être vêtus de la sorte, dit-il après avoir frappé dans ses mains. »

            À cet instant, un véritable défilé d’hommes et de femmes en tunique rouge se mit à tourner autour de Mélusine et d’Ephrem, portant tous dans leurs mains toute sorte d’étoffe rouge. Les femmes encadrèrent Mélusine et les hommes s’occupèrent d’Ephrem, ouvrant autour d’eux un large tissu opaque qui les cachait des pieds à la tête. Pendant plusieurs minutes, on n’entendit plus que le bruit de ciseaux qui découpaient et de tissus qui se froissaient.

Un bruit métallique attira l’attention du roi. Pendant qu’on le déshabillait (de force presque), l’épée d’Ephrem était tombée. Le bandage qui le recouvrait s’était retiré, révélant au roi surpris une épée qui, il le savait, n’appartenait pas à Ephrem. Le roi fit signe à un serviteur et lui murmura quelque chose. Après une révérence, le serviteur parti à toute allure.

Enfin les rideaux tombèrent, révélant Mélusine et Ephrem dans leur nouvel habit : ils avaient tous les deux une courte tunique serrée à la taille par une ceinture en cuir rigide, dont les doubles lanières retombaient sur le côté, ainsi qu’une longue cape à capuche. Alors qu’Ephrem avait un pantalon de cuir, Mélusine portait des collants épais, et ses gants blancs avaient été remplacés par des rouges. Ils se regardèrent et se tournèrent autour pour pouvoir admirer leurs nouveaux habits d’un air appréciateur. Ils virent que sur le dos de leur cape étaient brodées les armoiries du royaume de Lognis, qu’ils avaient remarqué un peu plus tôt : un oiseau écarlate à l’intérieur d’un feu, qui tenait une couronne d’or avec un iris de rubis au centre. Mais il y avait également quelque chose d’écrit. Mélusine lut à haute voix :

            « Amour et passion ! »

            — Ces mots sont la devise du royaume de Lognis, renseigna le roi. Mon armée est connue comme étant des passionnés. En effet ils placent l’amour et la passion avant tout. Ils aiment avec passion, ils haïssent avec passion… Certains se moquent de mon armée, qu’ils nomment les amoureux, mais mes sujets possèdent une force et une volonté peu commune. Malgré ces railleries, aucun royaume n’a jamais osé défier mes soldats, car ceux-ci même s’ils perdent les bras et les jambes, ramperont pour déchiqueter leurs ennemis avec leurs dents !

            Le roi avait dit cela d’un ton à la fois détaché et redoutable, les yeux dans le vague. Mélusine et Ephrem déglutirent avec difficultés. Ils ne savaient pas si le roi plaisantait ou pas, car il avait toujours un sourire en coin. En tout cas, ils n’avaient pas envie de rire en imaginant la scène ! Un silence glacial s’était installé, et ils continuaient à fixer le roi avec des yeux ronds. Ils ne virent donc pas qu’un homme s’était approché d’eux. Ils sursautèrent quand celui-ci vient se planter devant eux, les mains portant un énorme coussin duveteux, sur lequel était posé un arc, un carquois, des flèches et un fourreau vide.

            « Je n’ai pu m’empêcher d’observer que vous étiez à moitié armée pour affronter les dangers vers lesquels vous vous dirigez inexorablement, bâilla le roi. C’est pourquoi je vous offre ceci : un fourreau pour une épée. Jeune homme, dit-il en regardant vaguement dans la direction d’Ephrem. L’adresse d’un homme quand il s’agit de dégainer sa lame peut faire la différence entre une vie bien remplie et une mort ridicule. Pour dégainer convenablement, il vaut mieux avoir un fourreau. »

            Ephrem prit le fourreau et y fit glisser son épée. Elle s’y emboita parfaitement. Il la glissa ensuite à sa ceinture et remercia le roi en baissant la tête.

            « Cet arc, reprit le roi en fixant intensément Mélusine dans les yeux, appartenait à quelqu’un qui m’était très cher. Je suis sûr que cette personne serait heureuse de voir son arc et ses flèches en votre possession. Je suis sûr que vous saurez l’utiliser parfaitement. »

            Mélusine prit l’arc, qui ne semblait pas avoir de poids, le carquois et les flèches, et les observa avec beaucoup d’intérêt.

            « Il est temps pour vous de partir désormais. Une aventure périlleuse vous attend. »

            — Heu ! hésita Mélusine. J’aurais voulu vous poser quelque question, votre majesté. Comme par exemple, comment se fait-il que vous connaissiez mon père ? Et êtes-vous réellement immortel ? C’est sans précédent pour un Humain il me semble ? Ou peut-être n’êtes-vous pas tout à fait Humain ? Et est-ce que par hasard…

            — Mademoiselle, l’interrompit l’homme en sortant de l’ombre du roi avec un air menaçant, n’avez-vous dont pas entendu le roi vous congédier ?

            — Mais… commença Mélusine.

            — Arrête Mélusine ! dit Ephrem en lui tenant le bras, le roi Mellas en a déjà fait beaucoup pour nous.

            — C’est vrai, je me suis laissait emporter par ma curiosité. Veuillez me pardonner votre majesté.

            — Le roi Mellas a affaire à présent, veuillez partir sur le champ ! Des chevaux vous attendent à l’extérieur. Ils vous conduiront là où vous devez aller. Partez !

            Après une brève révérence, Mélusine et Ephrem sortirent de la pièce en toute hâte. Le roi Mellas les regarda partir, le menton appuyé sur son poing, et son sourire s’élargissant comme jamais auparavant !

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