Loredas – 22 Vifazur
Au Répit des Morts
Si hier, c’est de froid et de fatigue que mes doigts tremblaient, c’est de peur qu’ils souffrent aujourd’hui. Exténuée, je n’ai pas d’autre choix que de camper dans ce tombeau nordique, et pourtant, Mara m’en soit témoin, je donnerai tout pour être ailleurs.
Par les neufs, cette journée est encore plus incroyable que la précédente. Et je suis, au moment où j’écris ces lignes, encore loin d’avoir terminé cette aventure. Mais alors que mon corps est éreinté, mon esprit ne peut trouver le repos, et me voilà donc à remplir ce journal pour ne pas penser aux horreurs qui hantent ce lieu …
Pour reprendre au sujet de ma quête, je suis partie de Morthal peu avant onze heure. Il n’est certes pas convenable pour une aventurière de trainer ainsi au lit, mais j’avais bien besoin d’un tel répit. En sortant de la ville et en suivant la route, je suis passé devant une écurie. De beaux chevaux au crin sombre et au regard doux paissaient docilement. Je me suis alors frappé le front, maudissant ma bêtise : si seulement j’avais acheté une monture plus tôt ! Peut-être n’aurais-je même pas eu à me battre dans les marais.
Je me suis enquis du prix des chevaux auprès du palefrenier. 1000 septims ! C’est là une somme conséquente … que je n’ai bien sûr pas en ma possession. Qui partirait à l’aventure avec une telle somme sur soi, de toute manière ?* Dépitée, je fus contrainte de continuer à pied, sur un chemin dallé, cette fois-ci. La route contournait le reste des marais pour se perdre dans les hauteurs. De très loin, le Répit des Morts est tout de suite identifiable. C’est un tombeau nordique construit dans la roche, et dont l’entrée est magnifiquement présentée : plusieurs constructions de pierre servent de canaux aux eaux de la montagne. Depuis la racine du mont, j’apercevais déjà les cascades brumeuses qui se perdaient dans la chute.
En gravissant la montagne, des loups m’attaquèrent. Prise au dépourvu, je n’eut pas le temps de réfléchir et j’utilisais, presque par réflexe, le seul sort de destruction que je connaisse. Des flammes faibles sortirent de mes paumes, et les loups s’enfuirent, l’arrière-train en feu. La magie de l’école de destruction est puissantes, sans aucun doute. Dommage que les livres permettant d’apprendre de nouveaux sorts soient si rares. J’aurai aimé connaitre au moins un sort de foudre et un de glace avant de m’aventurer dans cet endroit …
Au sujet de la magie, je suis partagée. En tant que Brétonne, j’ai une affinité naturelle avec l’école de Conjuration, qui permet d’invoquer des atronachs élémentaires (sorte de golems), de créer des armes éthérées et temporaires mais puissantes, mais qui ouvre également le champ de la nécromancie. Et si dans ma famille le maniement des armes est une évidence, la pratique de la Conjuration, et par extension de la magie en générale, touche au tabou : encore aujourd’hui, les Brétons sont associés à la nécromancie et aux profanations. C’est pourquoi je me sens mal à l’aise à l’idée de pratiquer la magie.
Outre la Conjuration, l’école de Destruction (qui se concentre sur la maitrise du feu, de la foudre et de la glace) a ma préférence. Les sorts sont simples, directs, et dévastateurs. A l’opposé, l’école d’Illusion se concentre sur la manipulation mentale des alliés et des adversaires, et demande une pratique constante et une connaissance pointue. L’Altération est une autre école complexe, qui est sans doute la plus mystérieuse selon moi. Elle touche à des domaines variés, de la télékinésie à la transmutation, de la création d’armures magiques à l’amélioration de certaines compétences. Enfin, l’école souvent oubliée de la Guérison, se concentre sur les sorts de soin et de protection magique, ainsi qu’à la restauration de santé, de puissance magique et de vigueur.
Bref, où en étais-je ? Ah, oui, la montagne. Alors que j’avais presque atteint le Répis des Morts, j’ai entendu un hurlement sourd et puissant, un cri si terrifiant que je me suis pétrifiée sur place. D’où venait-il ? De quoi venait-il ? Je l’ignore, mais je n’ai pas cherché plus avant, et me suis précipitée dans le tertre. Une fois à l’intérieur, ma surprise fut encore décuplée … croyez moi ou ne me croyez pas, mais un FANTOME se tenait devant moi. Il était d’un bleu transparent et dégageait une aura brumeuse. Sous le choc, je me suis effondrée sur place. L’apparition ne fit pourtant aucun mouvement vers moi, se contentant de fixer un artéfact qui trônait au centre de la pièce. Lentement mais surement, je me suis relevée. Un pas après l’autre, je me suis rapprochée. Soudain, l’être éthéré disparut, me laissant à nouveau seule.
Je pris le temps de scruter mes environs : l’entrée de ce tombeau semblait sans issue. Cette pièce était petite et aucune porte ne permettait d’aller plus avant. Quatre sarcophages debout occupaient les murs, et au centre une table d’embaumement présentait un étrange artéfact. Une fois remise de ma torpeur, je m’approchais de cet objet. Il s’agissait d’une sorte de statuette en forme de patte de dragon, sculptée dans du rubis. Un tel objet devait avoir une véritable fortune ! Sans trop réfléchir, je pris l’artéfact. Aussitôt, les quatre sarcophages s’ouvrirent, laissant s’échapper une odeur putride … et des cadavres vivants !
Des Draugrs. C’est ainsi qu’on les appelle, ici en Bordeciel. Des morts embaumés et protecteurs des tombes. Les légendes racontent qu’ils hantent les tombeaux, mais … je n’avais aucune idée que ces légendes étaient vraies ! Paniquée, je me saisi de mon épée et taillais dans le tas. En peu de temps, les quatre abominations retournaient au repos éternel. Essoufflée mais vivante, je vis alors un pan du mur en face de moi se dérober. Un passage s’était ouvert !
Pour être honnête, je n’avais à ce moment-là plus du tout envie de continuer. L’idée que d’autres de ces créatures se trouvent par ici me donnait la nausée. Je ne songeais plus qu’à m’en aller, retourner à Solitude, et démissionner de cette académie des bardes qui prend ses apprentis pour des mercenaires. Mais le fantôme réapparût, me montrant le chemin qui continuait dans le tombeau. Et cette fois, je pu le voir avec clarté : il s’agissait de Svaknir, l’auteur du poème que j’étais venue chercher ! Il était reconnaissable à sa tenue de barde et sa balafre au menton.
Alors, dans un élan de courage, je me suis engouffrée dans le passage. Et comme de bien entendu, d’autre Draugrs m’y attendaient. De salle en salle, toujours remplies de sarcophage et nimbant dans une lueur trouble, les cadavres se firent de plus en plus nombreux. Mais ce n’est pas le seul danger du lieu, non ! Il y a aussi les pièges ! Des haches qui se balancent au plafond, des troncs qui vous tombent dessus, des lames qui sortent du sol … Olaf ne voulait vraiment pas que sa tombe soit profanée.
Bref, le temps est passé et je me suis finalement effondrée dans une ancienne salle de banquet. J’ai posé mon sac de couchage, incapable de tenir plus longtemps. Suis en sécurité ? J’ai exterminé tous les draugrs du coin, et fermé les portes (ces idiots ne semblent pas pouvoir les ouvrir). Mais je me sens quand même très exposée, seule, installée devant un feu de camp de fortune.
Enfin, je sens que la fatigue me rattrape … Je vous en conjure, Mara, faites que cette aventure ce termine bien …
Joanna Altmora