22h

J’ouvre les yeux.

Le ciel noir m’accueille, sans une seule étoile à l’horizon. Une nuit froide et silencieuse, brisée par quelques gémissements.

Sur ma gauche, un jeune homme est agenouillé, un regard inquiet tourné vers moi. Sa chemise blanche est maculée de sang. Il me crie dessus, visiblement paniqué.

Alors que j’émerge lentement, je distingue enfin ce qu’il me raconte :

— Reprends tes esprits, s’il te plaît ! Allez, lève-toi, ne me laisses pas seul !

Appuyé sur mes coudes, je me relève tant bien que mal. Une douleur soudaine pulse à ma tempe droite. En y portant mes doigts, je constate que je saigne.

Je baisse les yeux sur mes vêtements. Ils sont tout aussi ensanglantés que ceux de mon compagnon inconnu.

Inconnu, oui, car je ne me souviens de rien. Même pas de mon nom. Où suis-je ? Qui suis-je ?

Je regarde autour de moi sous l’impatience du jeune homme. Nous sommes dans une ville aux bâtiments de marbre blanc, l’air ancienne. Les rues sont pavées, et une fontaine sans eau se dresse devant nous.

Je ne vois personne d’autres. Je ne reconnais même pas les lieux.

Par tous les diables, suis-je en train de rêver ?

— Tu as assez dormi ! s’agace le jeune homme. Allez, relève-toi !

Il me prend la main gauche, me tire de toutes ses forces. Mais il a beau avoir une carrure élancée, sa force est inexistante. Je suis bien plus lourd que ce gamin.

Je me relève par moi-même, toujours interloqué.

— Qui es-tu ? grondai-je.

— Quoi ? s’étonne-t-il. T'es pas sérieux ?

Je fronce les sourcils, le regard noir. Cela à le mérite de le faire reculer, les mains levées en signe de défense.

— Silas ! s’exclame-t-il. Je suis Silas, tu ne te souviens pas ?

— Je ne te connais pas. Où est-ce que je suis ? Qui suis-je ?

Le dénommé Silas prends sa tête entre ses mains, soupire.

— C’est pas vrai, l’entends-je murmurer. Pas maintenant, pas ça...

Il relève les yeux vers moi, ouvre la bouche. Mais il n’a pas le temps de répondre qu’un hurlement retentit. J’y reconnais un hurlement de femme, mais c’est loin d’être un cri de détresse, bien au contraire. Mes poils se hérissent en l’entendant.

Silas redouble de panique. Ses yeux d’ambre me supplient.

— S’il te plaît, chuchote-t-il. Suis-moi, et je te dirai tout ce que tu veux savoir. Mais éloignons-nous des villageois, par pitié !

Au loin, je distingue les lueurs d’une flamme. Un cri s’élève à nouveau, bientôt suivi par une multitude de hurlements.

Rester ici ne me dit rien qui vaille...

Avec un hochement de tête, je fais signe à Silas d’avancer. Il me reprends par la main gauche, et me tire dans son sillage.