Cher journal,
Les opérations de ce printemps et décidées par notre Führer sont un véritable succès. Une grande partie de l’Europe est désormais sous notre contrôle et je suis fier de pouvoir t’informer que Friedrich s’est particulièrement distingué lors des combats.
En France, et notamment du côté de Calais, il m’a indiqué que nos Stukas avaient fait un remarquable travail à tel point que huit jours après la prise de la ville, de nombreux bâtiments brûlaient encore.
Les Anglais ont été contraints de quitter la région en catastrophe pour se réfugier chez eux. Mais… je suis ravi de pouvoir te dire qu’ils ne seront pas nombreux à rentrer au pays. Friedrich a pu observer le pilonnage de trois navires britanniques par nos bombardiers. Il m’a avoué que le spectacle était magnifique à voir. J’aurais aimé pouvoir l’admirer de mes propres yeux.
Mon frère est à Paris pour le moment et sa dernière lettre m’a beaucoup inquiété : il dit que tous les Français ne sont pas aussi farouches qu’on le dit et plus particulièrement leurs femmes. Je l’ai mis en garde car il n’est pas question qu’il souille le nom de notre famille.
Malgré des conditions de vie très agréables, chocolat et café en grains à foison, vin et liqueur en quantité et chaque jour, une chemise et un pantalon propres, je n’ai pas souhaité qu’il reste là-bas. Je lui ai remémoré ses devoirs envers notre patrie et j’ai introduit une demande afin qu’il vienne à Dachau car il y a bien plus à faire ici.
Il ne voulait pas, j’ai dû insister et lui rappeler que nous devions rester unis derrière notre Führer parce qu'il sait qu'il mène cette guerre pour rendre la liberté à la population allemande et que nos enfants aient une vie plus belle et meilleure.
De plus, comme je ne tiens pas à renier mes vœux envers Christa, il doit à présent veiller à la continuité et à la survie de notre nom.
Avant de venir travailler à mes côtés, j’ai insisté pour que Friedrich suive une formation car je tiens à ce qu’il fasse honneur à notre père et il est hors de question qu’il se cantonne à de simples tâches de surveillance.
Gerhard m’a indiqué que Dachau allait servir de modèle pour tous les autres camps qui seront construits en Allemagne. Le KZ fonctionne comme une véritable ville : il y a un quartier général pour la Waffen SS, des casernes, des usines, des armureries, ainsi que des villas confortables destinées aux officiers et à leurs familles. Je dois dire que je suis très impressionné.
Mais tout n’est pas parfait à mon sens. Ainsi j’ai eu quelques mots avec mon supérieur au sujet des prisonniers d’honneur : il s’agit d’opposants que le régime tient à conserver pour des échanges éventuels et ils bénéficient de cellules meublées confortables. Je dois dire que c’est trop. Ils ne méritent pas autant d’égard de notre part et je compte bien remédier à ce problème.
Et je n’aime pas non plus les décisions prises au sujet des prêtres. Pour ne pas heurter les chrétiens de front, notre Führer a décidé que tous les prêtres catholiques et les pasteurs protestants soient transférés ici à Dachau. J’ai appris qu’en outre, ils ne sont pas affectés dans des kommandos extérieurs, qu’ils reçoivent une meilleure nourriture et un meilleur couchage. Pourquoi cette différence ? S’ils se retrouvent ici, ce n’est pas pour rien. Ce sont des opposants à notre Führer, ils n’ont pas à être privilégiés.
Je compte bien utiliser ma position dans le camp pour le faire savoir. D’ailleurs, avec plusieurs officiers, nous allons discuter des peines des prisonniers car nous sommes plusieurs ici à les trouver beaucoup trop légères. J’espère que mes paroles seront entendues car, si nous n’arrivons pas à imposer notre loi aux détenus, nous courrons à notre perte. L’isolement et la bastonnade sont les punitions les plus courantes. Cela doit cesser car certains ont compris que se retrouver en cellule leur permettait d’éviter le travail dans les kommandos. Je vais donc demander à ce que les conditions d’enfermement soient beaucoup plus difficiles pour que ces détenus comprennent ce qu’il en coûte de défier le Führer.
Il faudra que je l’explique à Friedrich car il ne me donne pas l’impression de le comprendre.
Werner