Je me réveillais seule dans la chambre. Saad avait dû descendre. Je me lavais le visage avec un peu d’eau fraîche, m’habillait et descendis dans la grande salle commune. Je saluais le tenancier qui levant les yeux vers moi eu un petit mouvement de recul. Il bafouilla un bonjour. Saad n’était pas là. J’espérais qu’il ne fut pas dans la chambre de Jorys, alors je sortis espérant de toutes mes forces le trouver dehors avec Lorens. Et effectivement, c’était le cas. Je le voyais accroupis auprès du loup gris, lui contant vraisemblablement les informations récoltées la veille. Je m’avançais vers eux, emplie d’une joie enfantine : nous avions obtenus des informations (bien que je ne su pas encore lesquelles), Saad n’avait pas passé la nuit avec Jorys, et plus encore, il l’avait passé avec moi ! Il m’avait fait confiance et m’avait montré qu’il tenait à moi ! Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais pleinement heureuse.
Saad leva les yeux vers moi comme j'approchais. Il se redressa brusquement, l’air surpris.
— Qu’est-il arrivé à vos cheveux ? me demanda-t-il, les yeux ronds.
—…mes cheveux ? Je le regardais sans bien comprendre, passant la mains dans mes boucles machinalement. C’est vrai qu’ils avaient repoussés et qu’il faudrait surement penser à les attacher en catogan ou en chignon comme Saad le faisait… Je lui répondis gaiement :
— Ma foi, rien ! Il doit être près de 8 h, que voulez-vous que j’aie pu faire sans servante ! Je suis si mal coiffée ?
Il me dévisageait, bouche bée. C’était un peu exagéré comme réaction…
J’entendis dans mon dos le chant familier de Jorys qui approchait, il se suspendit brusquement. En me retournant, je vis un masque d’horreur se poser sur son visage…
NON ! NON ! NON ! Qu’est-ce qu’il se passe encore !!? Je me précipitais à l’intérieur de l’auberge en courant, remontant dans la chambre à la recherche d’un miroir. J’en trouvais un brisé en partie dans le tiroir d’une veille coiffeuse en bois, bancale, et en le portant à mon visage, je le lâchais immédiatement…
Ils étaient blancs… Mes cheveux sont blancs ! Je tombais à genoux comme le miroir avant moi, interdite. Les milliers d’éclats deux fois brisés reflétaient ma monstruosité, alors que j’éclatais en sanglot pitoyablement. En l’espace d’une nuit, j’étais devenue une veille femme…Je sentis une présence derrière moi, je me relevais et me retournais pour lui faire face. C'était lui, bien sûr, Saad...Il me dévisageait.
—Sortez ! lui ordonnais-je froidement en le guidant vers la porte, me rendant compte qu’alors de mes mains ensanglantées par les bris de verre. Il me suivi mais au lieu de quitter la pièce leva la main pour examiner mes cheveux.
—Ne me touchez pas ! Vous avez entendu ? prononçais-je d’une voix blanche, SORTEZ !
Il plongea son regard dans le mien, les sourcils froncés, secouant la tête.
—C’est étrange…commença-t-il. C’est à ce moment que Jorys tenta d’entrer tandis que j'ouvrais la porte, m’envoyant brusquement contre le torse de Saad. Celui-ci m’enveloppa immédiatement et bloqua la porte de l’autre main.
—Un instant Jorys…dit-il d’une voix ferme.
Arrête de pleurer. Arrête de pleurer. Me répétais-je, ravalant mes larmes une par une. Quand la colère remplaça la tristesse, je pu me libérer de son étreinte. Je me dépêchais d’attraper un drap que je déchirais avec toute la force de ma rage pour former une écharpe que je nouais en turban, autour de ma tête. Il était toujours là à m’observer, silencieusement. Je tournais les talons en soufflant, pris nos sacs et sortis.
—Allons-y, lui dis-je. Je passais devant Jorys et rejoignais Lorens au dehors, lui indiquant de me suivre.
—J’imagine que vous le saviez ? adressais-je au loup, furieuse. La magie grondait en moi. Il ne répondit pas, tourna autour de moi avant de rejoindre Saad et Jorys avec un jappement mécontent. Le sort ne pouvait-il pas me laisser une journée de répit avant de s'acharner encore et encore ?
Saad me rejoignit, marchant près de moi sans un mot. Nous avançâmes ainsi en silence plusieurs minutes durant. J’évitais son regard et baissais la tête honteuse, furieuse et désespérée. Toutes les fibres de mon corps vibraient d’une rage que j’avais du mal à contenir.
—Il se dit que les cheveux de certains jeunes Norkhas passaient du brun au blanc à mesure que leurs pouvoirs grandissaient, s’exclama calmement Saad en passant devant moi sans un regard.
Je tournais la tête vers lui.
—En quoi cela me concerne ? répondis-je brutalement.
Il me dévisagea de ses yeux vert intenses, haussant les sourcils, il ne répondit pas.
—Nous avons déjà eu cette discussion, c’est n’importe quoi ! lui crachais-je en lui lançant un regard haineux.
Il s’arrêta devant moi, tournant la tête vers l’horizon avec un soupir sonore. La magie mêlée à la colère montait en moi. Laisse-moi passer idiot ou je te pulvérise !
—Calmez-vous…J’aimerais éviter de vous enfermer de nouveau, prononça-t-il d’une voix ferme et calme en me regardant agacé. Lorens nous rejoignit et se mit à grogner. Jorys vint se poster à côté de Saad en position de défense.
C’était à mon tour de les dévisager.
Dans ma tête, une petite voix me disait de continuer à le provoquer, au moins, personne ne viendrait me déranger dans cette prison. La tension était palpable. J'allais exploser, aucun doute sur ce point, et effectivement… Je levais le visage au ciel et hurlais de rage et sans trop comprendre ce que je faisais, je levais un bras puis l’autre et un flot d’énergie s’échappa de mes mains vers les nuages. Le flux bleuté monta à la verticale avant de se répercuter aux quatre points cardinaux puis de retomber dans un vacarme atroce en salves de foudre qui revenaient vers nous de proche en proche. Je baissais les mains pour me protéger les oreilles, incrédule…Quand je levais les yeux vers Saad, terrifiée, il avait les mains tournées vers le ciel, les paupières closes. Il semblait aspirer à lui l’énergie que j’avais dissipée, stoppant rapidement l’orage irréel que j’avais créé. Sérieusement ? C’est moi qui avais fait ça ? Je détachais lentement mes mains de mes oreilles pour les scruter horrifiée, puis je regardais mes compagnons à tour de rôle. Jorys me foudroyait du regard avec haine et détermination, la respiration haletante et les mains dirigées vers moi, prête à jeter un sort. Lorens était assis, l’air satisfait, la queue fouettant le sol. Et enfin Saad…
Saad secoua la tête en signe de désapprobation, le regard froid, il ne semblait pas surpris. Il leva lentement une main vers moi, et je compris... Ok, Jorys avait raison, j’étais un monstre. Je laissais retomber mes bras le long de mon corps. Je n’allais pas me défiler…Il prononça une formule et tout s’éteignît.