— Cher Lorens, vous vous attendiez à tout cela, n’est-ce pas ? Dites-nous ce que vous savez que nous puissions accompagner au mieux cette pauvre créature… Jorys tentait une nouvelle fois de sous-titrer des informations au loup. Mais celui-ci restait mutique.
Saad avançait, Iliana ballant sur son épaule, elle était lourde, se disait-il agacé. Il n’avait pas voulu l’enfermer de nouveau dans les Limbes de Oro, trop dangereux pour du temporaire compte tenu de la nouvelle portée de son pouvoir…et trop cruel, c’était malgré tout Iliana…
Il n’y avait désormais plus de doute possible, elle était bien Norkhas. Et les répercussions politiques de cette information étaient immenses…Il avait appris ce soir-là que la vieille prophétesse qui avait ensorcelé Iliana était elle aussi une Norkhas. Ce peuple n’avait donc pas disparu.
Des Norkhas détenaient-ils le pouvoir à Hasgord ? Comment aurait-il pu passer à côté de cette réalité ? Les Mages du Palais étaient-ils au courant ? Y avait-il des Norkhas parmi eux ? Il se repassait en mémoire chacun de ses amis, analysant l’expression de leur pouvoir, tentant de se remémorer des indices qui auraient dû lui mettre la puce à l’oreille…Non, il ne voyait pas et surtout, il n’y croyait pas.
Il était passé à côté du pouvoir d’Iliana et en même temps, il ne s’était jamais exprimé jusque-là…Le Roi jubilait à l’idée qu’il puisse épouser sa fille et ainsi qu’il eu pu utiliser son pouvoir pour ses propres desseins. Pourquoi ? Le pouvoir des Norkhas était déjà bien suffisant pour assujettir ses ennemis…Cela n’avait pas de sens. Il connaissait le Roi depuis son enfance, c’était un souverain faible et débonnaire. Sans l’action de la petite communauté de Mages, il n’aurait jamais pu maintenir son royaume.
Iliana lui avait affirmé qu’aucune manifestation de magie avait eu lieu auparavant et il avait la certitude qu’elle était sincère… Les Fenrirs étaient apparus quelques jours seulement après qu’elle eu été libérée de l’enchantement. Et ils n’avaient eu de cesse de l’éloigner du Palais…Était-il possible qu’ils ne souhaitaient pas qu’elle soit découverte ? Dans ce cas, cela pouvait signifier que la cour n’avait pas encore connaissance de sa nature.
Qui savait quoi ?
Une chose était certaine, la magie native s’hérite…Le Roi ne pouvait pas ignorer ce qu’elle était ! Mais son attitude...Cela ne collait décidément pas ! Il réfléchit encore...Si le père...LA MERE ! Quand était-il de l’ancienne Reine ? Était-il possible que ce fut la Reine Horsine qui fût Norkhas, aurait-elle pu le cacher à son époux ? Il tentait de se remémorer son visage mais il avait peu de souvenir d’elle. Elle était morte d’une infection quand Iliana devait avoir 15 ans.
La seule image qui lui venait à l’esprit était celle du portrait de la famille Hasgord qui trônait dans la grande salle de réception. Elle était très belle avec de longs cheveux blonds et des yeux bleu lavande. La jeune sœur d’Iliana qui était son portrait craché trônait sur ses genoux. Il se souvint que ce portrait avait toujours été une source d’infinie tristesse pour Iliana. Elle avait été malade quand le peintre avait réalisé son œuvre, aussi, avait-elle été ajoutée artificiellement. Elle apparaissait à part, comme en dehors de la cellule familiale. Les couleurs bleutées qui illuminaient le trio royal étaient absentes de la jeune Iliana, dont les yeux bruns et les cheveux flous semblaient transparents dans le décor. Il se souvint de son sourire brisé quand elle avait découvert le tableau, et plus encore quand, constatant la beauté et la ressemblance avec les membres de sa famille, elle s’était exclamée devant tous que c’était la plus belle représentation de sa famille qu’elle avait pu voir. Il se souvint de l’avoir réconforté dans ses bras d’enfant quand ayant pu se soustraire à la foule, elle n’avait pu retenir le flot de larmes. Quand est-ce que leurs chemins s’étaient-ils irrémédiablement séparés, se demanda-t-il.
Il devait rentrer au Palais, il était désormais certains qu’une partie des réponses demeuraient en ces lieux. Mais quels risques courraient Iliana à y retourner ?
— A quoi penses-tu Saad ? l’interrogea Jorys qui lassée par le mutisme du loup, avait reporté son attention sur son compagnon.
— Je pense qu’elle est lourde…répondit-il agacé.
— Tu aurais pu t’épargner cette charge avec les limbes d’Oro…retorqua Jorys.
La voix métallique de Lorens résonna alors tranchante.
— Nous l’interdisons. Pour quel crime mériterait-t-elle d’être emprisonnée ? Celui de ne pas être de votre race, de ne pas maîtriser en quelques jours ce que chacun d’entre vous a mis des années à contrôler ou de convoiter le même homme que vous ?
Jorys émit un rire cristallin.
— Certes, toutes ces raisons serait d’une grande injustice, j’en conviens…mais vous ne pouvez nier que sa race a…Elle ne put finir sa phrase car Saad l'intérompit :
— Pourquoi souhaitiez-vous l’éloigner du Palais ? Est-ce à cause de l’émergence soudaine de ses pouvoirs ?
Le loup émis un jappement qui semblait empreint de satisfaction avant de faire un tour sur lui-même !
— Vous posez enfin les bonnes questions, Grand Mage…répondit-il.
— Il serait bien plus simple que vous fassiez preuve directement d’une complète transparence à mon égard…rétorqua Saad en repositionnant la jeune femme sur son épaule douloureuse.
— Nous n’avons pas encore décidé si vous étiez digne de confiance…lui répondit le loup en accélérant avant de disparaître tout à fait de leur vue.
Il souffla longuement en observant l'animal qui s'éloignait.
— Il faudra un jour qu’on m'explique le principe de la croyance en des présages à géométrie variable… grommelât Saad, agacé.
Jorys lui adressa une tape sur le bras.
— Le libre arbitre, Saad… Et tu le sais plus que quiconque, toi qui peut modifier le cours du temps…lui retorqua-t-elle.
— C’est justement pour cela que je ne crois pas aux présages…répliqua-t-il.
— Je suis contente de te l’entendre dire…répondit-elle avec un sourire avant de l’embrasser sur la joue.
Il s’arrêta, surprit.
Depuis quand n’avaient-ils plus fait l’amour ? Il sourit en regardant ses hanches rouler au rythme de ses pas… Ce n’était rien, il n’y avait rien entre Iliana et lui…Un, deux baisers de rage ? Un peu de désir ? Et alors ? Cela ne signifiait rien, à part qu’ils n’étaient clairement plus des enfants et qu’ils étaient incapables de communiquer simplement. Mais avec Jorys…
Jorys, c’était tout à la fois une amitié sans faux semblants et la passion brute…Elle dû deviner ses pensées ou peut-être avait-elle ressentit l’accélération de son souffle, car elle se retourna et lui adressa une oeillade. Puis elle sourit avant de détacher sa cape qui glissa sur le sol et de lui jeter un regard brûlant…Non, ce n’était pas une bonne idée…Mais déjà elle s’avançait lentement vers lui, défaisant le laçage de son corset…
— Jorys…murmura-t-il.
— Saad…répondit-elle d’une voix suave, un sourire espiègle aux lèvres.
Il sentit son corps se raidir, et ressentit plus encore la puissance du flux magique qui circulait en lui…
Il avait envie d’elle, comment pouvait-il en être autrement…Ils n’allaient pas faire l’amour, bien sûr, pas avec Iliana à côté, pas avec ce qui c’était passé avec Sophia…Mais il pouvait leur accorder quelques minutes de plaisir. Il s’avança vers un rocher et déposa Iliana délicatement contre celui-ci, dos à eux. Il évita de la regarder, par culpabilité surtout et peut-être aussi pour oublier qu’il lui arrivait d’avoir envie d’elle.
Puis il rejoint Jorys dont les seins magnifiques s’exposaient désormais à la lumière de la mi-journée et semblaient appeler ses baisers. Sa bouche s’empara de la sienne sans plus de formalités et tandis que ses mains trouvaient la chair douce et moelleuse de ses seins, il ne désirait rien de moins que de ne plus réfléchir…
Et contrairement à la résolution qui avait été la sienne, ils firent l’amour avec d’autant plus d’excitation qu’Iliana gisait inconsciente à quelques mètres et que le loup pouvait revenir et les surprendre à tout moment.