27 bis. Il en aura mis du temps

Par tiyphe

By Driss Diakité 

 

J’étais installé à mon bureau, prêt à me concentrer sur le long après-midi qui m’attendait. J’ai fait craquer mes doigts au-dessus de mon clavier. Un coup d’œil sur la cafetière m’informa qu’elle était en route et que la première boisson salvatrice des x tend vers l’infini serait disponible dans quelques instants. Je m’impatientais presque, sans savoir si c’était pour le café ou pour ce qui allait suivre. Une sorte d’appréhension mêlée à de l’excitation. 

J’allais devoir à la fois gérer la cybersécurité de tout l’événement au cas où des petits malins essayeraient de hacker la conférence de presse plusieurs étages en dessous. Et aussi superviser Sartrouville Ninja afin de les laisser hacker tranquillement la conférence de presse plusieurs étages en dessous. Si je n’étais pas aussi intelligent, je me serais déjà embrouillé comme cet abruti de Carmin.

D’ailleurs, quand je pense qu’il n’a toujours pas deviné que je suis Champignon, j’ai du mal à comprendre comment j’ai pu succomber à son charme de roux chauve. C’est pas possible d’être aussi aveugle. Enfin au final, je crois que c’est ça que j’aime chez lui. Pas son absence capillaire hein, ça je m’en fous. Ni le fait qu’il ne soit pas très malin. Mais sa naïveté. Je ne sais pas trop comment l’expliquer, il rend chaque situation plus simple, plus agréable. 

Il est content : le sexe. 

Il est triste : le sexe.

Il est en colère : le sexe.

Moi, ça me convient. Enfin, je crois.

— Ça va ? j’ai entendu sur mon termi. T’as l’air préoccupé.

C’était la voix de Kiwi à travers la boucle de FdB. Je préférais le nommer comme ça lors des opérations, ça me permettait de le considérer comme un membre de S-Nin et non comme mon insupportable de collègue que j’avais hâte de retrouver.

— Rah, pense à autre chose, ai-je dit à voix haute en vérifiant rapidement que la communication avec notre super espion était coupée de mon côté.

— Ouais... je pensais à… Champignon, a répondu le fameux espion au boss de S-Nin.

J’ai failli m’attendrir avant de reprendre mon sérieux. Cette mission était très importante et je ne devais pas me laisser aller à mes sentiments. FdB ne savait pas que j’étais Champignon, alors je devais continuer de jouer le jeu pour le moment.

— Ouais ? l’a encouragé Kiwi.

J’étais un peu curieux de savoir ce qui inquiétait Victor à mon propos alors pour une fois je n’ai pas éteint les inepties que partageaient les deux nouveaux meilleurs amis du monde. J’ai pris ma (déjà) troisième tasse de café que j’ai sirotée en vérifiant que tout allait bien dans la salle de conférence et j’ai écouté :

— Je sais pas, mais... son passage secret, là, c’est bizarre nan ? Je veux dire, si un truc pareil existe, comment il serait au courant ? Un passage secret pour évacuer le patron discrètement, c’est pas le genre de truc qu’on révèle aux employés.

Mes yeux ont dérivé direct sur l’écran montrant les signaux des différentes voix qui passaient à travers la boucle d’oreille. Celle de Fraise des Bois était rose et celle de Kiwi verte (je sais, je suis marrant). Est-ce que Victor avait enfin compris ?

— C’est sûr, s’est dessinée l’ondulation verte. Mais Champignon est le premier concerné par ce genre d’infos : c’est le chef de la cybersécurité.

Ah oui, c’est vrai que j’ai dû dévoiler cette information pour que Grenade me fasse plus confiance. Avec ça, si Victor n’a toujours pas compris… Je m’y attendais un peu, mais je l’ai entendu éclater de rire. Ce rire qu’il fait quand il est pris au dépourvu ou que son cerveau s’active. J’ai reposé ma tasse vide sous la cafetière que j’ai relancée. Kiwi a continué :

— Évidemment, tu me crois pas. T’es pas le seul. Mais c’est la vérité pourtant, il me l’a prouvé plusieurs fois. Rien que... tiens, t’étais pas encore là quand on a fait Santorga Bordeaux, mais on aurait jamais réussi si Champignon n’avait pas été là, sur le terrain à détourner la sécurité pour nous.

Étonnement là, il ne riait plus. Moi, ça me rappelait de bons souvenirs. Je m’étais bien amusé à le titiller et à le forcer à arrêter sa présentation pour qu’on aille dans un coin, loin des agissements de S-Nin. J’adore ça le pousser à bout. C’est dans ces moments-là qu’il se donne à fond et qu’il me le fait ressentir. Je ne sais pas comment ni pourquoi, mais dans ces instants que je me sens aimé ou au moins j’aimerai que ce soit le cas. Bref, il n’y avait vu que du feu, son obsession pour le sexe était parfois flippante, mais elle ne me déplaisait pas. Et ce jour-là, j’avais vraiment pris mon pied.

Pendant que je kiffais me remémorer certaines scènes, — qui resteront dans ma tête ! Si vous vouliez lire du cul, retournez lire du point de vue de Victor Carmin ! – je fus étonné de voir l’ondulation rose aussi plate qu’un cœur qui a arrêté de battre. Sans que je le contrôle, le mien se contracta. De quoi j’avais peur ? C’était bien ça que j’aimais chez Victor, non ? Qu’il simplifiait tout et toutes les situations. Alors pourquoi j’avais l’impression que quelque chose clochait ? Si ça se trouve, il n’avait toujours pas fait le lien… Je ne sais jamais avec lui.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? a fait la voix inquiète de Kiwi. 

Je ne devais pas me laisser distraire. J’allais éteindre leur voix pour me concentrer sur mes écrans. Il y avait tant de boulot. J’avais la salle de conférence à observer, et les différents couloirs du bâtiment. Je devais vérifier que les journalistes et les invités se connectaient bien à notre réseau sans pour autant prendre la main dessus. Cinquième café. Et puis, il y avait la surveillance de la sécurité. Personne ne devait se trouver sur la route de Sartrouville Ninja.

Même si je m’étais bien organisé, comme d’habitude, il fallait que je termine deux-trois manips avant de retrouver Kiwi, Litchi et FdB dans le bureau de Prigent. Donc autant vous dire que j’étais débordé. Et les états d’âme de Victor ne m’intéressaient pas sur le moment. J’allais donc appuyer sur le bouton qui coupait le son lorsque j’ai vu sur les plans de Santorga le point rose se déplacer, seul.

Où vas-tu ? je me suis demandé en observant Victor se rendre dans les toilettes les plus proches. Le stress lui donnait envie de pisser ou quoi ? La conférence était sur le point de commencer, ce n’était pas sérieux ! J’ai pris une grande inspiration pour me calmer. Ça irait. Toutes les opérations avec l’électron libre « Carmin » s’étaient à peu près bien passées jusqu’à maintenant, sauf Franche-Comté… Je n’avais pas vraiment envie d’y repenser là, maintenant.

Il ne fallait vraiment pas qu’il fasse tout foirer, pas aujourd’hui. C’était la plus grosse opération de S-Nin et elle allait faire beaucoup de bruits. Quand Kiwi m’a parlé du plan qui va changer l’Histoire, j’étais un peu sceptique au début. Ils faisaient dans la libération en général, et surtout des petits coups par-ci par-là. C’était quelque chose d’énorme cette fois, il ne fallait pas se louper. Au moindre problème, Kiwi pouvait être emprisonné ou même tué. 

— Explique-toi, a fait la voix tremblante de Victor.

J’ai sursauté sur mon siège. Je ne m’attendais pas à une confrontation. Alors on y était, Victor avait finalement fait les liens dans sa petite tête et voulait des explications. Il en aura mis du temps. Temps qui semblait maintenant défiler à toute vitesse, qu’est-ce que je devais dire ? J’avais envie de le rassurer sur mes intentions et en même temps de le taquiner un peu. Dans la panique, j’ai tout mélangé et presque avec mépris, j’ai lancé :

— Quoi, même ça, ça n’est pas suffisant pour que tu comprennes ? Je ne sais pas quoi te dire de plus, Carmin, évidemment que c’est moi Champignon. Je pensais que tu comprendrais après la Franche-Comté, quand j’ai ouvert la porte de la salle ou tu étais enfermé... mais même pas. J’avais sous-estimé le néant de tes facultés de déduction. C’est pourtant pas faute de te connaître.

J’y étais peut-être allé un peu fort. Mais lui rappeler qu’il était con, souvent ça fonctionnait pour lui donner envie d’être désirable et dans ce cas-là, je savais me faire pardonner. Finalement, j’étais assez fier de ma réponse. J’imaginais déjà le fauteuil de Prigent lorsque Kiwi et Litchi seraient en sécurité. Pour fêter notre victoire et en attendant la fin de la conférence, je ferai en sorte que Victor me pardonne.

— Mais tu... T’es avec Santorga, non ? a-t-il continué presque en murmurant. Je veux dire, Champignon... C’est une couverture ? T’es infiltré, comme moi ? On va toujours arrêter S-Nin ensemble ?

Ah. Ça n’allait pas être si évident que ça. Je commençais à m’impatienter. La conférence allait débuter et j’avais du travail. J’avais l’impression qu’il me demandait de choisir pour lui vers qui son allégeance devait se tourner, alors j’ai répondu rapidement :

— Dans le genre tordu Carmin, tu bats tous les records. Non, je n’ai pas l’intention de trahir Kiwi. Et puisque toi non plus, tu devrais plutôt voir ça comme une bonne nouvelle. Tu ne ferais pas long feu si on était ennemis.

Avec ça, il aurait dû me répondre « OK » et retourner avec Kiwi et Litchi, non ? À la place, il a explosé. La ligne rose qui correspondait à sa voix faisait comme des pics violents qui tentaient de me transpercer.

— QU’EST CE QUE T’EN SAIS ? QU’EST-CE QUE TU SAIS DE MOI PUTAIN ? TU CROIS QUE TU ME CONNAIS ? TU CROIS QUE JUSTE PARCE QUE TU M’AS... manipulé, TU ME CONNAIS ? JUSTE PARCE QUE tu t’es servi de moi TU SAIS CE QUE JE PENSE ?

Ça m’a énervé. Je n’avais vraiment pas le temps pour ces conneries. Il commençait vraiment à jouer avec mes nerfs et également avec ma fierté, apparemment, parce que j’ai répondu sur l’agressive moi aussi.

— Je t’en prie, ne fais pas ta victime. On a toujours couché ensemble par intérêt, qu’est-ce que tu crois ? C’est le principe des plans cul, auquel t’es tellement attaché.

J’allais trop loin et je le savais. Je regrettais mes mots au moment où je les prononçais, mais il m’avait poussé à bout. Je ne suis pas son père. Il doit prendre ses responsabilités, point barre.

— T’as dit qu’on devait pas trahir les gens avec qui on...

— Où tu vois une trahison ? J’avais anticipé que tu changerais de camp. Et ne me dis pas que ce n’est pas le cas, sinon pourquoi tu m’aurais donné un faux point de rendez-vous ?

Cette histoire allait mal finir, mais je ne sais pas pourquoi, j’étais en colère. Pourquoi cette fois il prenait tout à cœur ? Pourquoi pour une fois il réfléchissait ? Ce n’était pas le moment. Il fallait qu’il se reconcentre et moi aussi, sauf que je n’en étais pas capable là. Je fulminais. Pourquoi était-il aussi con ?

— T’ES UN CHIEN ! il a alors gueulé dans sa boucle d’oreille. T’ES UN PUTAIN DE CHIEN, merde, Diak. PLUS JAMAIS TU T’APPROCHES DE MOI, PLUS JAMAIS TU ME REGARDES DANS LES YEUX SALE MERDE.

J’allais perdre mon sang froid à mon tour. Je n’aime pas qu’on m’insulte et encore moins aussi injustement. J’allais donc crier à quel point c’était un idiot, qu’il devait reprendre ces esprits, retourner en salle de conférence et lâcher l’affaire. Sauf qu’il ne me laissait pas en placer une. Il continuait les injures toujours plus violentes les unes que les autres jusqu’à ce que j’entende un bruit d’objet qui tombe et sa voix plus éloignée. Il venait de jeter sa boucle d’oreille au sol.

— PUTAIN, T’ES VRAIMENT UN GAMIN, CARMIN ! j’ai gueulé alors que je savais que ça ne servait à rien.

J’ai rageusement éteint le flot d’insultes et j’ai pris ma tête entre mes mains. Je bouillonnais. Mes sentiments engloutissaient ma concentration. La dernière fois que c’était arrivé, c’était à Santorga Franche-Comté, quand Victor était en danger. Ce mec me rendait dingue. Dans tous les sens du terme. Il fallait vraiment que je retrouve mon sérieux. J’ai entendu un petit bip discret. La cafetière. Ma bonne amie.

J’ai relevé la tête et j’ai englouti ma septième tasse. Comme si ce café était mes sentiments que je devais réfréner pour le moment. Je gérerai Carmin plus tard. J’ai relancé la cafetière pour un huitième. J’ai défait mon chignon et laissé pendre mes dreads un instant en observant le plafond. Après quelques inspirations et expirations, je me suis redressé et j’ai rattaché mon tas de cheveux. J’ai lancé une console et j’ai commencé à taper différentes lignes de commande. L’opération allait démarrer et on avait 12 000 clones à réveiller.

***

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Hinata
Posté le 09/11/2020
Wooooow c'était si cool !!!! Tu me donne envie de lire ma version papier VILAINE XD XD

J'adore avoir les scènes qu'on connaît d'un autre point de vue, et la panique qui monte dans la tête de Driss et qu'on connaît bien en tant que lecteurice à ce moment de l'histoire T^T

Les détails sont trop bien : j'adore le café, j'adore les lignes de communications en couleur, j'adore le petit fantasme du fauteuil qui se glisse discretos dans le paysage XD Et la parenthèse qui nous dit de retourner lire Carmin pov pour le nsfw haha je suis morte c'est génial !!

Bref bravo bravo t'as géré, digne fan de KEM que tu es <3
tiyphe
Posté le 09/11/2020
Oups désolée :P

Moi aussi j'aime trooooop :3 Je m'identifie pas mal à Driss qui pète des câbles tout seul xD

Merciiiiiiiiiiiiiii ça me fait super plaisir <3
Sorryf
Posté le 02/11/2020
OMG OMG une fanfiiiiiiiiiiiiiiiiiiic *v* *v*
Merci Tiyphe ! je suis trop touchée olala ! surtout qu'elle est super !

Des le titre du chapitre je rigolais ! Diak est aussi dégénéré que les autres XDD ! j'ai adoré voir ses pensées !
"son charme de roux chauve" xDDD
"il est content : le sexe. Il est triste : le sexe" looooool Victor vu par les yeux de Driss est vraiment... Bah c'est bien le vrai Victor quoi xDD Ca change de quand il est vu par les yeux de Kiwi !
J'adore comme Diak maitrise avec les machines et les plans machiavéliques, mais des qu'il s'agit d'expliquer les choses calmement et clairement, a la fin du chapitre, il fait tout foirer ! On peut pas être doué en tout, Drissou-Lapin !!

"la cafetière. Ma bonne amie" -> je suis morte xDDD

Aussi, tu as mis "Sartrouville Ninja" au lieu de "Kartrouville Ex" comme c'est le cas sur PA, du coup j'ai un peu peur de la réaction des gens x.x Mais bon, il faut assumer ! xD
tiyphe
Posté le 02/11/2020
Je suis tellement heureuse que ça t'ait plu :3
J'ai vraiment eu un énorme délire à l'écrire, trop à fond avec tes persos et surtout Driss ! Je l'aime trop eheh !

J'ai un peu mis de mes expériences pro pour les machines ahah, ça m'a fait rire de le faire et le café, je ne sais pas comment il survit !!

Pour S-Nin, tu as vu j'ai capitulé alors que j'étais une team Kex xD Mais bon à force de le lire sur papier, j'ai été obligée ;)

Merciiiiiiiiii <3
Vous lisez