By Driss Diakité, dit la culpabilité
Dix-neuvième café. J’étais concentré. Prêt à intervenir au moindre problème. Les écrans sur le mur de ma gauche affichaient les différentes caméras du bâtiment. Comme ça, je pouvais surveiller Sartrouville Ninja et Victor Carmin, ce qui n’allait pas être qu’une partie de plaisir. Sur l’estrade, Prigent venait de souhaiter la bienvenue à tous ses invités et a commencé à parler des souches adultes pour son grand projet.
J’ai vu trois silhouettes au fond sortir de la salle de conférence en douce. Eux aussi avaient un grand projet, mais ça n’impliquait pas celui de Santorga. Un soupir de soulagement m’a échappé. L’électron libre faisait bien partie du groupe, il ne s’était pas précipité vers son patron chéri pour lui dévoiler tout le plan qui allait changer l’Histoire.
Quoi ? Oui, il en était capable.
Tiens ? J’ai collé mon nez sur l’écran. Je croyais que Carmin avait jeté sa boucle d’oreille. Alors pourquoi je voyais un point rose se déplacer en même temps que la salade de fruits ? Il l’avait récupérée ? Étonnant. Pourtant je n’avais pas vu les lignes rose, verte ou blanche (pour Litchi évidemment) s’animer sur mon écran de droite. Le micro devait être dans une poche, m’empêchant d’entendre quoi que ce soit. Bon, cela m’arrangeait dans tous les cas, c’était un moyen de surveillance supplémentaire. J’ai pu suivre leur dédale dans les couloirs et dans la cage d’escalier, là où il n’y avait pas de caméras.
Normalement, ils en avaient pour quelques minutes à monter au huitième. Je leur avais laissé un jeu de piste pour récupérer tout ce dont ils avaient besoin en sachant que ça amuserait Kiwi et en pensant amuser également FdB. C’était clairement raté pour le second. J’ai trouvé le temps long à regarder les écrans vides et le point rose qui ne bougeait pas tant que ça finalement. Ce n’est pas le moment de bavarder les gars.
Vingt-et-unième café. J’ai vu Carmin apparaître sur les caméras du huitième étage. Un regard sur le plan en 3D de Santorga m’indiqua que le point rose correspondait en fait à Kiwi qui était au dixième. Pourquoi Kiwi avait la boucle de Victor ? Vingt-deuxième café. Bon, je résoudrais ce mystère plus tard, mais ça m’intriguait. J’étais presque… jaloux ? Que s’était-il passé dans les toilettes entre Kiwi et FdB pour que Kiwi ait la boucle d’oreille ?
— Stooooooop, j’ai grogné pour moi-même.
Vingt-troisième café. J’ai soufflé et vidé mon esprit. Ce. n’était. pas. le. moment. de. craquer. Attendez ! Pourquoi FdB ne portait pas son masque ? Il va me rendre chèvre ! J’en peux plus de travailler avec des incapables. Ce n’est pas possible d’être aussi têtu et idiot et bête et têtu. J’en perdais mon Java. J’ai monté le son de la caméra 7F5 pour écouter les conneries qu’il allait débiter.
J’étais censé surveiller les trois étages, mais mon regard était absorbé par le huitième.
— TOUT LE MONDE PAR TERRE DANS LE COULOIR ! j’ai entendu.
Qu’est-ce que tu fabriques FdB ? Pourquoi tu vises tes collègues avec ton flingue ? Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête ? Parle-moi, Victor. J’avais envie de lui dire tout ça. J’étais complètement perdu. J’ai vu Brigitte étonnée demander à Carmin ce qui se passait et cet idiot lui gueuler dessus. Mais le son ne parvenait pas à mes oreilles, j’étais abasourdi. J’espérais qu’il passait juste sa frustration sur sa mission. Hein, c’était juste ça.
J’ai détourné les yeux, je ne reconnaissais pas le regard haineux de Victor. Je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer alors j’ai juste fui, lâchement. J’ai prié pour qu’il ne foute pas tout en l’air et j’ai observé si tout se passait bien pour Litchi et Kiwi. Ça me calmerait sûrement, ça et mon vingt-cinquième café.
La première avait déjà libéré ses 4 000 clones. J’étais toujours impressionné par l’efficacité de Litchi. Sa volonté et son dévouement étaient incroyables. J’avais vraiment hâte de la rencontrer, même si elle ne faisait pas confiance à Champignon. Ce serait peut-être différent avec Driss Diakité. Mais celui que j’espérais ardemment voir en vrai, c’était bien sûr Kiwi.
Sur la caméra, je l’ai vu galérer avec un seul bras. Il avait son arme dans la main braquée sur les scientifiques. Je n’étais pas sûr qu’il arrive à s’en sortir tout seul, mais il m’a encore une fois impressionné. Il a gueulé sur un des otages et lui a dicté le code à taper. Si Bernard n’obéissait pas, Kiwi tuait Mendie ou Carl. Je n’aimais pas vraiment ça, mais je savais que la violence pouvait être nécessaire tout comme je savais que mes collègues ne seraient pas idiots et laisseraient S-Nin réveiller les clones.
Ils n’avaient pas grand-chose à perdre, mes collègues. C’était le boulot de la sécurité d’empêcher ça et de les protéger. À l’inverse, Sartrouville Ninja avait beaucoup à perdre s’ils échouaient et en même temps tant à gagner en cas de réussite. Prigent ne s’en remettrait sûrement pas de ce coup-là, il allait être furieux et moi, je devais faire un travail exemplaire pour ne pas laisser une seule trace de S-Nin, Victor et moi.
Ma situation était particulière. J’aidais S-Nin à réveiller les 12 000 clones et en échange je mettais mon job en danger. Quand Prigent allait comprendre que je n’avais pas réussi à contrer Champignon, je perdais au mieux mon bureau solo et ma cafetière, au pire je finissais au chômage. Et autant vous dire que le chômage en 2037, ce n’est pas une partie de plaisir. J’ai regardé ma cafetière et ça m’a fait chier aussi de penser me séparer d’elle. Pour oublier, j’ai ingurgité un vingt-septième café.
En fait, vous allez penser que je ne sais pas compter. Mais en gros, quand je stresse beaucoup je prends un café simple et quand je stresse juste un peu je prends un café double. Ça dépend juste de ma patience à attendre que la deuxième capsule se lance ou pas. Donc quand je saute de deux en deux, c’est que ça va… à peu près. Voilà, vous savez tout, je reprends.
J’ai vérifié que le virus créé par mes soins et m’empêchant soi-disant de rendormir tous les clones était bien mis en place sur les trois étages. C’était à moi de jouer, maintenant. Pendant que Kiwi, Litchi et FdB montait jusqu’à moi, je devais plonger le virus aussi loin que possible sous une couche mirobolante de code que moi seul comprenait. Comme ça, si je perdais mon travail, mon remplaçant en chierait comme jamais. Ce n’est pas des mois, mais des années que ça lui prendrait. J’étais vraiment trop balèze.
Sur ces encouragements personnels, j’ai avalé une dernière tasse pour la route (la vingt-neuvième si vous vous posez la question), j’ai bloqué l’ascenseur à l’étage des RH pour la salade de fruits et je me suis rendu au point de rendez-vous. J’avoue que j’ai complètement mis de côté le problème Carmin. J’étais excité à l’idée de rencontrer Kiwi, Liam, le chef de Sartrouville Ninja. J’avais l’impression d’être un fan qui rencontrait son idole. Qu’est-ce que j’allais pouvoir lui dire ?
« Bonjour, je m’appelle Driss ! »
Ah non, je ne pouvais pas révéler ma vraie identité. Bon après, je connaissais celles de tout S-Nin et puis Carmin finirai par déballer fièrement que j’étais son plan cul, non ? Je pouvais peut-être au moins donner mon prénom, ou alors mon surnom. Halala pourquoi je me pose toutes ces questions. D’abord, je les mets tous en sécurité et on verra plus tard, on ira boire un verre. Peut-être que j’aurai la chance de goûter le bœuf bourguignon de Grenade. Kiwi m’en avait tant parlé.
J’étais devant l’ascenseur. Les étages augmentaient un par un, si lentement. J’avais envie d’un café. J’ai croisé les bras, je les ai décroisés. Les mains sur les hanches, derrière le dos, adossé au mur. Je ne tenais pas en place. J’ai fini par rester droit comme un piquet et lorsque les portes se sont ouvertes, j’ai vu un rayon de soleil. Il était là, enfin devant moi, celui avec qui j’avais échangé tant de fois. Il me souriait bêtement lui aussi et on s’est tombé dans les bras. Moi qui ne suis pas si tactile d’habitude, j’étais aux anges.
— Enfin, on se rencontre, m’a-t-il dit les larmes aux yeux dans le creux de mon cou. Maintenant, on te lâche plus. T’es avec nous jusqu’au bout.
— On verra, on verra, j’ai rigolé. Je vous suis plus utile en ayant des yeux chez Santorga.
On a eu du mal à se séparer. Le temps s’était arrêté pour nous. Je me suis finalement détaché de mon idole pour me tourner vers les deux autres. J’ai serré la main de Litchi poliment, je voyais dans son regard qu’elle était encore septique. Cette femme était vraiment la membre la plus intelligente de Sartrouville Ninja.
Puis j’ai regardé Victor. Je ne savais pas trop comment réagir avec lui. La colère remontait en moi et en même temps je voulais le prendre dans mes bras lui aussi, lui rouler une pelle et puis… Je devais avoir un air bizarre sur le visage entre aigreur et joie. Finalement, c’est ma bouche qui a parlé à la place de mon cerveau :
— Fraise des Bois, je l’ai salué.
J’ai alors remarqué un truc que je n’avais jamais remarqué avant. Victor avait les yeux et le nez rouges. Ses paupières étaient un peu gonflées et il avait un air plus qu’abattu. J’ai essayé de l’interroger du regard, mais il ne comprenait pas, il m’observait tout aussi stupéfait que moi. Pourquoi as-tu pleuré ? Je voulais le prendre à part, le faire parler, le consoler. Mais encore une fois, j’ai été lâche, j’ai détourné les yeux. Sauver Kiwi et Litchi était ma priorité.
— Je vous sors de là. Dépêchez-vous.
J’ai pris Kiwi par le bras. Je ne sais même pas pourquoi. Je me suis mis à marcher rapidement, je voulais que tout se termine vite, j’avais un mauvais pressentiment. J’ai ouvert le bureau de Prigent avec mon badge et j’ai fait entrer S-Nin. J’ai refermé la porte rapidement. De toute façon, toutes les caméras de ce couloir et du bureau tournaient sur une boucle infinie d’images où il n’y avait personne. C’est moi qui avais fait ça, donc on était tranquille.
Je me suis dirigé vers l’étagère où il y avait plein de bouquins que Prigent n’avait jamais dû lire. C’étaient de vieux romans plus édités qui avaient sacrément de valeur. En fait, de nos jours, les livres papier ça n’existait plus, ça prend trop de place et le papier c’est cher. J’ai trouvé le « Alexandre Dumas » dont Prigent m’avait parlé et je l’ai retiré de l’étagère. Dedans, il y avait un capteur pour badge. J’ai posé le mien dessus et un pan du mur s’est ouvert comme dans les vieux films d’espionnage pour faire apparaître un ascenseur secret.
— C’est par cette fenêtre que t’as vu l’éclaircie ? s’extasiait Kiwi en regardant par la grande baie vitrée du patron de Santorga. Ça devait être géant !
— C’était beau, ouais. Enfin, ça devait être mieux à l’extérieur, avec des gens qu’on aime.
J’ai regardé Victor en espérant qu’il comprenne le sous-entendu. J’avais été tellement en colère quand j’avais su qu’il y était allé avec Kiwi. Il ne m’avait jamais proposé de l’accompagner pour ce genre de choses. On ne faisait que baiser. Finalement, je crois que ça ne me suffisait pas cette situation. Malgré tout ça, FdB m’a renvoyé un regard plein de haine. Il n’avait pas saisi le sous-entendu.
Bon en même temps, il venait seulement de comprendre que j’étais Champignon, j’avais du mal à imaginer que saisir l’importance de mes sentiments pour lui puisse être aussi simple. Mais là, au-delà de l’incompréhension, il commençait à me faire flipper. C’était pas bon ce visage. Il était complètement fermé, comme décidé à faire quelque chose de grave, qu’il allait regretter, que j’allais regretter, qu’on allait tous regretter.
— C’est ouvert. Filez, j’ai dit un peu précipitamment. Vous aurez quelques minutes de marche dans les souterrains, et vous arriverez au métro Saint-Christophe. Kiwi, tu as le plan. Dépêchez-vous.
— Merci Champignon, a fait Litchi plus décontractée depuis que l’ascenseur était apparu. Bon travail.
— De rien. Soyez prudents. Kiwi, je te recontacte vite.
— Okay, a fait Kiwi tout content.
Il m’a pris une nouvelle fois dans ses bras comme si on se revoyait dans une éternité, voire jamais. Ou c’était peut-être pour me remercier. Je n’en savais rien. Litchi m’a fait un signe de tête avant de se précipiter dans l’ascenseur. J’ai regardé FdB, Carmin, Victor. Pourquoi est-ce qu’il ne bougeait pas cet abruti ? J’ai vu pire que de la haine dans son regard. Il était possédé. Il n’était clairement plus lui-même. Non ça ne pouvait pas être lui.
Sans bouger, je l’ai regardé sortir le brouilleur IEM de sa poche et appuyer dessus. Mon cerveau avait été contaminé apparemment parce que j’ai mis un temps monstrueux à comprendre ce qui était en train de se passer. Victor trahissait Kiwi. Pourquoi faisait-il ça ? Il me fallait une dose de café. Mais là, je n’étais pas spectateur dans mon bureau, là où je pouvais détourner le regard si je ne voulais pas être témoin des conneries de Carmin. Il me regardait lui aussi, il me tuait avec ses yeux. Non, il m’exécutait. Je n’avais aucune chance. C’est la voix surprise de Kiwi qui m’a sorti de ma torpeur :
— Je peux plus bouger !
— Bon sang Kiwi, a fait Litchi depuis l’ascenseur. Ne me dis pas que tu as oublié de te recharger.
— Évidemment que non ! a répliqué Kiwi fâché et nerveux.
Je connaissais la frayeur de Kiwi à l’idée de ne plus pouvoir bouger ses jambes. Il devait être terrorisé. Litchi est revenue en arrière. Elle a pris le bras de son chef et a essayé de le bouger. Elle a voulu le tirer pour emmener Kiwi avec elle, mais rien ne bougeait. Il était complètement paralysé. Pendant qu’ils étaient dans l’incompréhension la plus totale, je me suis rapproché de Victor.
— Mais qu’est-ce que tu fous ? je lui ai chuchoté, sans réussir à le regarder dans les yeux.
J’avais un volcan à côté moi. Il bouillonnait et il était clairement sur le point d’entrer en éruption. Le flot de lave qu’il s’apprêtait à déverser allait tous nous engloutir.
— Eh ben ? il a fait à voix haute pour que tout le monde l’entende. J’utilise le brouilleur IEM que tu m’as donné pour empêcher S-Nin de s’enfuir, évidemment.
Kiwi et Litchi ont arrêté de débattre. J’ai vu du doute dans les yeux de Kiwi qui passaient de Carmin à moi et de moi à Carmin. Litchi semblait comprendre, elle. Ses sourcils se sont froncés comme un chat qui feule.
— Quoi ? a demandé Kiwi presque timidement. C’est un brouilleur IEM que tu tiens ? Pourquoi t’as ça ? C’est vraiment pas le moment de déconner.
— T’as raison Kiwi, c’est pas du tout le moment de déconner, a répondu cet imbécile de Carmin.
J’étais complètement pantois, ahuri, interdit. Je ne reconnaissais pas mon collègue. Putain, mais qu’est-ce que tu fous ? C’est pas le moment de faire un caprice de loyauté envers ton Prigent chéri. Arrête ça tout de suite ! Qu’est-ce que tu fais ? Non, pas l’alarme ! J’aurais pu dire tout ça à voix haute, mais j’en étais incapable. J’étais perdu.
Carmin a dû comprendre que j’avais compris ce qu’il s’apprêtait à faire parce qu’il m’a visé avec son flingue. Il était chargé à blanc, mais ça m’a pétrifié. Ça m’a brisé le cœur qu’il pointe un flingue sur moi. Pas après tout ce qu’on avait vécu, non, Victor, tu ne peux pas…
Toujours avec cet air mauvais, presque fier de lui, il a annoncé à S-Nin :
— Donc là, vous voyez, je viens d’activer une alarme qui va alerter toute la sécurité. Je sais pas exactement combien de temps on a avant que tout le monde débarque, la dernière fois c’était un peu confus, Champignon et moi on l’a activée sans s’en rendre compte, on était en train de baiser, juste là, il y avait de la pluie, avec la baie vitrée c’était comme de baiser sous la pluie, mais sans les résidus de pollution qui tombent avec. Tu t’en souviens, Drissou-lapin, comme je t’avais fait prendre ton pied ?
Je m’en souvenais et j’avais envie de chialer à mon tour. J’avais envie de me recroqueviller sur moi-même. Tout s’écroulait. Tout était fini. Je n’ai même pas fait attention à la bagarre entre Litchi et Carmin. J’ai vu le brouilleur IEM sur le bureau de Prigent, mais je n’ai rien fait. J’étais comme Kiwi, inutile et piégé. Et d’un coup, je ne sais pas, j’ai eu un mouvement que je n’ai pas contrôlé, j’ai sorti mon flingue que j’ai dirigé vers cet homme que je ne connaissais pas. Il a paru étonné un moment et puis il a ri.
— Arrête... FdB, me trahis pas, a fait Kiwi.
Je prenais ces mots pour moi. J’avais l’impression d’être le traître ici. Je continuais d’observer Carmin, je cherchais dans ses yeux un signe. Il était en train de tous nous faire une blague, ça ne pouvait pas être autrement. Est-ce que c’était ma faute si tu étais devenu comme ça ? C’était à cause de moi que tu te retournais contre Kiwi ? Parce que je ne t’avais pas dit que j’étais Champignon ? Tu faisais vraiment un caprice d’enfant à un moment pareil ?
J’étais terrorisé. Et voir Victor pleuré au même moment me laissait penser que lui aussi avait peur. Mais je n’ai rien fait, comme d’habitude. Je suis intelligent, mais lâche. Je remarquais enfin Litchi qui grognait de douleur sous le poids de Carmin. Il la tenait par les bras dans son dos.
— Lâche-la, j’ai essayé. Et recule.
Je voulais arranger la situation, je le voulais bordel ! Mais ça me paraissait impossible. La sécurité allait débarquer d’un moment à l’autre. Qui j’étais censé sauver ? Mon idole ou mon plan cul ? Mes valeurs ou mes sentiments ? Avec un sourire effrayant, le second m’a défié :
— Force-moi, Champignon.
Ça m’a mis hors de moi. Il voulait me pousser à bout, il m’obligeait à choisir un camp. Comme s’il me mettait à sa place, comme s’il me reprochait de ne pas l’avoir aidé à choisir une heure plus tôt.
— C’est pas le moment de faire n’importe quoi, Victor ! Contrôle-toi, une fois dans ta vie ! Tu sais que tu vas le regretter.
On s’est défié du regard, mais je n’y arrivais pas.
— Victor ? a demandé Kiwi complètement à l’ouest. Champi qu’est-ce qui se passe ? Qui vous êtes ?
Ça m’a un peu réveillé. J’ai resserré mon emprise sur mon flingue, même si je savais que ça ne servait à rien. Je ne l’utiliserai pas de toute façon. Je n’en étais pas capable, je n’étais pas un homme de terrain, juste un geek qui sortait de l’école 42. Mais ce flingue, il me donnait une contenance et c’est tout ce que je pouvais espérer sur l’instant, parce que clairement, je me pissais dessus intérieurement.
— C’est des traîtres, Kiwi, a couiné Litchi malgré la douleur. Les deux ! Tu piges pas ? Ils sont de mèche ! Ils nous ont piégés.
— Non, s’est étranglé Kiwi, toujours immobilisé par ses jambes.
Il s’est tourné vers moi. Il cherchait des explications, je crois. Avec un regard froid, il a déclaré lentement en détachant chaque syllabe :
— Champi... Tu sais que... tu sais que son flingue est chargé à blanc. C’est toi qui nous les as fournis. Il peut pas te faire de mal. S’il te plait, désactive ce truc IEM, et laisse-nous partir. S’il te plait.
Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas. Je peux pas.
Mon flingue à moi avait de vraies balles. S’il se passait quelque chose et que par malheur l’un de nous appuyait sur la gâchette, une vraie balle serait tirée. Et je pouvais pas assumer ça. C’était complètement en dehors de mes compétences.
— Ben, vas-y Drissou, tire-moi dessus ! T’oses pas ? T’as trop peur de plus jamais trouver un aussi bon baiseur que moi ?
Mais bordel, c’est pas possible d’être aussi taré. Et ça le faisait rire. J’ai un peu baissé mon flingue tellement j’étais ahuri. Je me décomposais. Alors j’ai arrêté de faire semblant d’avoir une contenance. J’ai posé l’arme sur le bureau et j’ai baissé les yeux. Lâche, je me suis répété. Mais rien n’y faisait. Je ne pouvais pas. Mes sentiments avaient pris le dessus. De toute façon, c’était trop tard. La sécurité mettait 8 min 42 s à arriver et on venait de dépasser les sept minutes à l’instant.
Incapable de le regarder en face, j’ai dit :
— Kiwi, je te demande pardon. Je ne voulais pas que ça se passe comme ça.
Et je me suis reculé jusqu’au mur. J’étais là sans être là. Je regardais ma montre et les secondes défiler. Je crois que je tremblais. Je pleurais ça c’est sûr. Mais ma tête était baissée, alors ça ne devait pas se voir, si ? Derrière le bourdonnement de mes oreilles, j’ai entendu Kiwi :
— Tu lâches Litchi au moins ? T’as gagné, tu m’as eu j’ai vraiment rien vu venir. Champignon pareil. Haha, bravo les mecs. Mais au moins, laissez Litchi partir, elle mérite pas ça, elle a jamais eu confiance en vous, elle. Laissez-la partir. S’il vous plaît. Je te demande que ça Fd... Je te demande que ça, Victor.
Kiwi croyait que je l’avais trahi aussi et finalement, c’était peut-être ce qui s’était passé. Je voyais l’avenir et il s’annonçait mal. Tout était noir ou alors peut-être que c’était mes larmes qui brouillaient et obscurcissaient ma vue. Je ne sais plus. Huit minutes et vingt secondes. Ils sortaient de l’ascenseur, je les entendais. Dans vingt-deux secondes, ils étaient là.
Sauf que Litchi n’a pas essayé de fuir, elle s’en est repris à Carmin. J’étais dégouté de voir ça, dégouté de voir autant de loyauté. Ça m’a montré ce que c’était, et je n’y étais pas. J’avais voulu jouer sur deux tableaux, peut-être même trois avec Victor et j’avais perdu. J’étais meilleur informaticien qu’être humain. Alors par acquit de conscience, j’ai pris Litchi et je l’ai forcée à entrer dans l’ascenseur. Quelqu’un devait s’en sortir. C’était pas possible que tout le monde finisse comme Kiwi.
Au même moment, les CRS défonçaient la porte. J’ai reculé de nouveau près de mon mur. Il était bien ce mur, solide et fidèle à lui-même. Un peu comme ma machine à café. Elle me manquait ma cafetière. Quand j’ai poussé Litchi, elle m’avait défait mon chignon en se débattant. Ça m’arrangeait bien de ne pas voir l’arrestation de Kiwi, j’entendais ses cris et rien que ça, je ne le supportais pas. Tout ça, c’était ma faute. C’est moi qui avais été un abruti. Je n’aurais jamais dû impliquer Carmin dans tout ça.
Ou alors je n’aurais pas dû me laisser impliquer dans une relation, même basée que sur du sexe. Parce que moi, comme un con, j’étais tombé amoureux. Et là, je tombais de haut. Parce que je croyais que je pouvais contrôler tout ça comme les 0 et les 1 sur mes machines. Mais Victor Carmin n’était pas quelque chose ou quelqu’un qu’on contrôle. C’était un putain d’électron libre. Et pourtant, malgré toutes ces conclusions, en quittant le bureau de Prigent les yeux dégoulinants de larmes derrière mes dreads, la seule conclusion qui s’imposait vraiment à moi c’était que j’avais créé un monstre.
***
Je sais pas quoi dire d'autre haha, c'est aussi bien que le chapitre d'avant, y a plein de passages hyyyyper kiffants (la jalousie en repensant à l'éclaircie my my, c'est de la bonne came ça, et ses pensées quand il se tourne vers Victor après sa rencontrea trop émouvante avec Kiwi et qu'il veut le consoler et tout T^T) et puis hyper drôle aussi, j'aime trop que Driss nous parle à la FdB quand il compte ses cafés XD
Bref, à mourir de rire mais aussi tellement brise-coeur, c'est bien digne de l'histoire-mère XD Sorryf a un bon aperçu de ce qu'elle nous a fait subir haha, justice a été rendue !
Ca me fait super plaisir que ça te plaise :3 Je me suis bien amusée à écrire ces deux chapitres huhu !
J'espère bien nous avoir rendu justice XD
"Pourquoi FdB ne portait pas son masque ? Il va me rendre chèvre ! J’en peux plus de travailler avec des incapables. Ce n’est pas possible d’être aussi têtu et idiot et bête et têtu. J’en perdais mon Java. " -> j'adore ce paragraphe, il me fait tellement rire xDDD
Driss qui fait un pavé pour expliquer comment il calcule sa consomation de café JE SUIS MORTE xDDD "vous allez penser que je sais pas compter" personne ne pense ça, Driss xD
et comme il s'envoie des fleurs lol !
"Bonjour je m'appelle Driss" j'imagine trop la scène xDDD trop mignon !
La fin est beaucoup moins marrante T.T FdB Pourquoi T.T Dire que c'est moi qui ait écrit ce retournement de situation, je m'en veux un peu!
Bon il faut que Diak ralentisse un peu sur le café, il va faire une crise cardiaque le pauvre !!
Merci infiniment pour ces deux chapitres qui m'ont fait tellement rire et qui étaient riches en émotion !!! J'ai surkiffé les lire et les relire, voir les pensées de Diak dans les moments de crise (ça vaut le détour lol) <3<3<3
-> Mais trop !!! Genre avec des petits indices et tout !! Des dessins de Kiwis sur les murs là où il y a la clé ! Olala j'ai envie d'écrire une autre fanfic mdrrr "Le jeu de piste" xDD
J'ai tellement fait n'imp avec le nombre de café que j'étais obligée d'expliquer la logique de Driss mdr !
HEIN OUI TIENS ! POURQUOI FDB ? POURQUOI SORRYF T_T !
Merciiiiii infiniment Sorryf ! Je n'avais jamais pensé un jour écrire une fanfiction et j'ai adoré le faire ! Peut-être que j'en ferai d'autres quand la partie 2 sortira en papier ;P
<3