28 Novembre 2049
Les fourgons blancs dévalent la rue, au rythme des sirènes hurlantes. Une vive lumière bleue se reflète dans nos fenêtres. Un éclat rapide, terrifiant. Au même moment, les hautparleurs font retentir leur message d’alerte. Une cacophonie quotidienne.
Je récupère mon café qui finissait de couler et d’un pas lourd, je vais pour m’accouder à la fenêtre de la maison. Je porte la tasse à mes lèvres en observant les rues désertes. Il n’y a plus l’effroi des années passées, plus l’excitation paradoxale que me provoquait une telle vision que je croyais sortie des films de science-fiction. Il n’y a plus que la routine, la lassitude. Nos gouvernements appellent ça l’unité sanitaire. Les pandémies foudroyantes des dernières années nous ont amenés à être vigilants en toute circonstance. La distanciation et la prévention sont devenues la norme. Nos déplacements sont réglés comme une horloge, chaque individu se voyant assigné des horaires et des jours de sortie. Pour ma part, je suis en jour de retraite. Je me lève en attendant le lendemain.
De toute manière, il ne se passe jamais rien à la fenêtre. Las, je me retourne et me dirige vers mon bureau. C’est une petite table de fortune sur laquelle on ne voit plus le bois, étouffé par un tas de papiers éparpillés. Derrière, les livres manquent de tomber, enserrés dans la bibliothèque. Tout le monde pourrait me demander pourquoi je m’embarrasse de cet encombrement : le passage à la liseuse serait tellement plus simple. Mais je ne crois pas qu’il faille renoncer au pouvoir du livre, relique des temps passés, si singulière en sa matérialité. Il ne faut pas manquer de courage pour s’en fournir hélas, mais je n’ai jamais renoncé. Avec le luxe de pouvoir encore le faire, j’effleure leurs tranches du bout des doigts et non sans mal, je parviens à trouver l’ouvrage que je cherchais. Avec une sensation de victoire, je fais volte-face, pose le livre sur la table et m’installe sur mon siège de bureau, prêt au travail. Le temps de mettre mon ordinateur portable en route, j’explore les documents laissés en vrac. Après une brève lecture, je les réunis et jette un coup d’œil au calendrier.
Nous sommes le 28 Novembre 2049. Je dois rendre mon ébauche de recherche dans un mois. Je ne serai jamais à l’heure. Puis en regardant dehors, je me suis souvenu de l’ambition de mon projet. Ça ne fonctionnera jamais.
28 Novembre 2049.
Nous sommes bientôt en 2050.
« Comment l’ont-ils prédit ? »
Titre trop court, trop vague, trop ambitieux. Je dois l’affiner. De nos jours, il est dangereux de libérer des opinions. Mais je ne peux pas envisager la recherche comme une coquille vide. C’est une lumière nouvelle des idées, qui part dans une autre direction que celle qui nous aveugle dans notre quotidien. Je dois y mettre une part de moi-même, risquer d’y déposer mes réflexions.
Mon index tapote énergiquement mon clavier. Mes doigts font la mélodie, dansent sur les touches, me donnent les bonnes notes. Ils effacent et recréent. Ils modèlent le projet.
« Comment nos écrivains ont-ils prédit notre monde ? »
Bon, déjà, je suis bien contente de relire ce texte. Deux fois (même trois, dans mon cas), valent mieux qu'une ! Preuve en est, j'ai relevé une formulation un peu bancale : "C’est une petite table de fortune sur laquelle on ne voit plus le bois, étouffé par un tas de papiers éparpillés.". Tu devrais peut-être plutôt écrire : "C'est une petite table de fortune dont on ne voit plus le bois, étouffé par un tas de papiers éparpillés".
Le fait que ce soit situé dans un futur qui est, somme toute, relativement proche, tout en conservant le contexte pandémique est un beau parti pris ! Du culot, et, pour l'instant, ça marche !
Et oui, le contexte sanitaire était un parti pris, je peux comprendre que ça puisse sembler difficile à aborder de prime abord ! Mais si ça marche... 😉
Merci encore ❤️