NOVA ELLÉE.
Ouvre, ouvre, ouvre… ga arde ouvert No N o v A aa te s paup i paupi èé res en g rAn d Ne Lâ cHe pa as surTout n e dodors pAS P A s res te -là E t concentre - toi comme ci coOMme ça a a. Pr ends un e go rgé e de boisson ! énergisante ! ce sucre qu i p p ulse d A n s tes V eI ne s . .. Là ça v a mie u u x l’énergie revient çA révei lle-moi enco o re quelques Mi nute s encore quelques temps sous les Étoiles l e n t e m e n t j’ atte nds que ça f asse ef fet LÀ mon pouls se hâte tape mes tempes à la brutale que j’en tremblerais presque, de soulagement, tellement ça carbure et qu’alors la valse des yeux déli ire moins et que le fil de ma pensée, tous les mots unis, ça glisse plus structure dans la tête. C’est bon… C’est bien. Je ne m’endormirai pas. aujourd’hui. jamais. d’ailleurs. Ni déjanterai. complètement. Parce que, tout de même ?
Main lasse dans les cheveux. Froissés-brouille. Humides tellement la nuit transpire de chaud. Cheveux que je laisse pousser je ne sais encore jusqu’à où. Jusqu’aux épaules, jusqu’à la poitrine, jusqu’aux fesses ? Jusqu’à la terre où je suis arc-boute, les jambes pliées en tailleur, les yeux épinglant ce visage ce visage ce visage de Léon qui encore un peu se flo u te parfois. Mon bras tombe. Un feu-frisson me vibre. Mes doigts se déchaînent. Ils arrachent dérrachent rarrachent la prairie, toutes les fleurs ensemble. L’autre, le bras de l’autre est dans le plâtre ça me gratte là-dessous que je dois pincer mes lèvres pour ne pas glisser un crayon dessous et râper et racler et chapeler cette peau desséchure. À quand qu’on me l’enlève, déjà ? Soupir soupirette. À peine une quinzaine de jours depuis ma vélo-volée et l’électrocure des Grisœils, et le médecin avait dit quoi… six semaines, en tout, de blanc-ciment ? Joie ! Même pas fait la moitié, ça promet, d’autant plus que j’en suis juste à ma quatrième… ou cinquième… nuit sans dodo, et que souvent je corps-flanche et pensée-chancelle et que tout, tout, tout, me paraît tellement plus… l o n g… et ! et ! et ! énervant que tu vas te concentrer, oui ?!
Là reg arde Lé on et focus ton esprit sur lui, fais le vide sois le vide, malgré… focale focale-toi… ! malgré la ventile lourde des poumons, l’odeur sombre et chaude de la nuit, qui frétille à mes narines et pèse sur ma poitrine… main herbo-verte sèche mon front humide… la lune pèse et me colle à la peau… foca… ! ‘lisation ! Ou m’écraser dans le sommeil… je m’y laisserai glisser… en faufile dans le noir… non ! Non non NON NOVA ! Je ne le permettrai pas ! Nopinop l’Eurythmie c’est un plus jam’ tu n’y déraperas pas ! Alors ouvre ouvre OUVRE-moi ces saletés de paupières en GRAND et les yeux te trouent le crâne mais on s’en FICHE tu redresses ton buste te grandiettes fort fort haut haut ! t’empares de la canette et tu, et tu… vide ? ! ? Pardon ? Feulement. Vision rouge. La serre fichue canette de… fer tordu, élan du bras et VLAN je l’envoie valser là-bas ça vole ça métal dans l’herbe (pas loin hélas) et yeux qu’encore ça mouille-mouille mais aah, bon sang. Sèche-moi ça. Sèche j’ai dit ! Tu vas quand même pas pleurnicharder à chaque fois que t’es un peu l’agacère, ou bien ? La moindre piqûre te rend fâchure, toujours t’es sur les nerfs, mais c’est pas possible de vivre comme ça. Faudra bien que tu t’habitues aux mille nuits indormies, donc tu sais quoi ? Tu vas retaper une apparence digne de ce nom, là comme ça, tu vas étiria tes lèvres à l’hypra FORT et sourire comme toujours tu dois SOURIRE et dire aux gens que tu vas BIEN et être décontract’ au max et te concentrer quand tu le dois et jamais tout ira pour le SOURIRE.
Inspi-i-i-ire… Expi-i-ire… Respi-i-ire… Voilà. C’est parfait comme tu es belleau pas du tout gorge emmaillotée. La tête opée à reprendre l’observation. Tenter de contrôler l’Anima de cet enfant qui te ressemble tellement et que tu ne comprends à l’évadée pas toujours… et qui t’écoeure un petit peu… car enfin ?
Sa joue n’a toujours pas cicatrisé après la pluie acide, et je doute qu’elle le fasse un jour. Muscles ligaments qu’on voit, rouges luisants, sous la peau qui ridule au jaunissant. Et les dents même, à travers la pommette, une éclatée grisâtre juste là, qui sourient et sourient et sourient, comme ça, à la candeur de ce qu’il n’est pourtant pas. Son cache-oeil tache son visage. Ses cheveux foncés et bouclures dansottent sur son front. Il jongle avec un couteau qui a remplacé son épée en bois depuis l’inspection du Pensionnat. C’est un appel au fond des yeux, comme un : viens et folâtre avec moi ! que je tombe-sourire nauséeuse à l’anxieuse ici tout ici je me tiens le sternum comme si ça allait m’aider à mieux me recentrer il faut que ça calme là ca!me !à ! focale-toi… et je... ça sssssouffle à mon oreille ! sursaute alors.
Je me tourne à l’instinctive. Découvrir l’origine du murmure. Et je soubresaute une seconde fois. Parce que, tout de même ? C’est Siloé qui se trouve là. Enfin… Siloé-idéelle, à l’heureuse ce n’est pas la vraie ! Ça ne m’empêche pas de sang glacer quand je la surprends là. Encore une fois. Encore… une… fois… Crispure du coeur. Ça fait depuis l’inspection du Pensionnat que je la vois. Depuis notre discussion où elle m’a révélé connaître mon signe et celui des enfants du Pensiolà-bas qu’elle me hante. Oppressante, l’idéelle me susurre et resussurre chacune des paroles que Siloé m’a alors dite, comme un souvenir qui émerge et que je rejoue dans ma tête. Encore et encore, j’entends sa promesse de garder le secret sur ma nature de porte-chaos à condition que je me rende à l’Observatoire. Et moi, qu’est-ce que je fais ? Je l’ignore superbement. Et même, j’en ris. Ris ris d’elle qui veut m’aider à maîtriser Léon, qu’il cesse d’exercer une mauvaise influence sur toi… J’hilare d’elle qui veut lui extorquer des informations pour que nous retrouvions la Crypte et détruisions Naïa une bonne fois pour toute… Je ris j’hilare parce que je reste conviction qu’elle ne révélera rien à l’O.V.E.A., ou l’Office viendra nous anéantir nous les porte-chaos et ce n’est pas ce que Siloéo veut. Oh que no, elle veut nous utiliser à son compte ! Je ris j’hilare j’ignore-peur mais Siloé-idéelle est là est là je ne sais pas ce qu’elle représente ou alors si, en vérité je sais très bien, je ne ris pas je n’hilare rien du tout et Siloé-idéelle c’est toute ma peur qu’un matin je découvre le Pensionnat explosé par les agents de l’O.V.E.A. Siloé-idéelle, c’est moi qui panique panique tout en refusant de m’enlever cette panique en remplissant ses conditions. Siloé-idéelle, c’est l’impression qu’elle m’épie où que je vis, paranoïa alors ? Anxiété ? Et comment m’arracher cette manie que j’ai de l’écouter, parce que ce n’est pas uniquement répéter le dialogue du Pensionnat que l’idéelle fait, mais tenir tout un discours nouveau qui… qui… ah ! La frustration ! Parce qu’enfin ?
Max m’a promis de m’introduire à un groupe graffeurs à l’Onde, de ceux qui ne sont pas vraiment importants et n’entrent pas en communication directe avec mes mères, mais hélas elle est occupée pour l’instant. Et puis les démarches prennent du temps, surtout s’il l’on veut agir catiminement, il y a des rendez-vous à planifier, enfin bref ce n’est pas pour tout de suite. Et moi qui comptais sur elle afin d’entrer dans le mouvement, faire mes petites recherches discretos, trouver una maître-flomade, explorer le Flux sous sa navigation, que je me libère de l’Eurythmie au plus vitavite ! surtout maintenant que j’ai décidé de ne plus dodormir avant d’avoir trouvé Achronie, je suis laissia à moi-même, n’ayant que le petit livre bleu et ses pages à moitiés déchirées pour en savoir plus sur la Poétique. Et Siloé, alors. Siloé. Siloé est apparue comme une mine d’or d’informations à ce sujet.
Ah mama, ce que l’idéelle sait des choses sur le Flux ! Bien que je ne me l’explique pas, parce qu’après tout elle n’est qu’une abstraction de l’esprit, la mienne mon tourment, comment expliquer toutes ces connaissances, toute cette puissance d’éveillée mentale ? Serait-ce un Anima ? Celui de… Siloé ? Oh bon sang. Oh l’angoisse. Oh bordel... Mais même ! Okay, imaginarions ! Bien que cette éventualité m’éclate au sol, imaginarions que ce soit son Anima. Siloé ne fait pas partie de l’Onde, comment interpréter son savoir sur la Poétique ? Elle ne devrait en toute logique rien savoir. Est-ce toutes ses expériences sur les idéelles et Animas, là-bas à l’Observatoire, qui lui ont ouvert une brèche et permis la découverte du Flux ? Est-ce autre chose ? L’Observatoire qui pratique la Poétique mais cache l’existence de cette philovie à la populace ? Mais à quelles fins ? Hélas je n’en savons rien ! Quoiqu’il en soit : si au début, j’ai refus’hanté d’écouter le moindre mot de l’idéelle sur la question, j’ai fini par zieuter ses paroles. Premièrette, il serait stupiette d’ignorer un savoir sous prétexte que Siloé et moi bifurquons les opinions, ou bien ? Deuxièmette, rien ne me garantit qu’il s’agisse vraiment de Siloé derrière l’idéelle. Ce n’est pas elle, pas vraiment, juste mon délire d’esprit d’épuisement d’angoisse, ou alors si, c’est elle, son Anima, non, si, elle est là, pas là, là, pas là, là, bien sûr qu’elle est là, avec sa mâchoire massive, ses yeux métalliques mais dérangement chauds, voraces, quand elle me souffle-douce à l’oreille :
— Concentre-toi, Noévan… Concentre-toi ! Et dis-moi… Ce que tu sais, ce que Léon Ariel te montre. Tout, raconte-moi tout. N’importe quel détail peut nous être utile et nous mener à la Crypte…
Pénible déglutition. Membres raides. Je réancre mon attention sur l’Anima. Avec Siloé qui cercle autour de nous, marchant avec mécaniqué, claquant sa langue d’impatience, ses mains jointes derrière son dos. Un tour. Un second. Un troisième. Un millième tour. Et chaque orbe supplémentaire me presse davantage le thorax. L’angoisse ! J’essaie j’essaie j’essaie mais je je je… n’y arrive... pas. tellement. bien. Feu d’impatience se rallumant en fond-poitrine. Impuissance me brumant les yeux. Car enfin : pourquoi, pourquoi, POURQUOI tu ne veux pas, hein ? Cher Anima qui me suit depuis si longtemps, pourquoi tu ne veux pas m’obéir, un peu au moins ? Même si ce n’est pas pour céder à Siloé, mais pour entendre ma volonté à moi ? Voilà trois jours que j’écoute les conseils de l’idéelle, pourtant. Trois jours que j’intériorise des leçons comme : « Concentre-toi d’abord sur ta respiration, inspire expire en prenant des longues et lentes bouffées d’air. Voilà, parfait ! Détends-toi au maximum, ancre-toi dans l’ici et le maintenant. Vide ton esprit, épure-le de toutes pensées parasites, là comme ça, c’est bien ! Tu peux poser une main sur ton sternum si ça peut t’aider… avoir une sensation à laquelle te raccrocher… parfait ! Et lorsque tu te sens prêt, lorsque ta conscience est suffisamment claire et stable pour cela, compose un ordre simple, bref, impératif. Ne le complique pas trop ou tu t’égares. Puis, projette ta pensée en avant, en l’axant bien sur ton but final, à savoir Léon Ariel. Et alors, si tu as été suffisamment précis et ferme, l’Anima t’obéira, t’ouvrira son coeur avec d’autant plus abandon qu’il te fait confiance et te considère comme un ami. Sinon voilà longtemps qu’il t’aurait déjà déserté… »
Et j’ai essayé. Vraiment j’ai essayé, tous types d’ordre, des plus basiques aux plus compliqués, avec Siloé qui me conseillait de commencer par des pas trop contraignants. Il est évident que Léon ne va pas tout me dévoiler d’un coup, qu’elle affirmait, la première étape étant d’abord de l’habituer à un rapport de hiérarchie. Et si juste la perspective de dominer quelqu’un d’autre me révulse, j’ai fini par me plier, craquer en fait ! Car enfin ça suffit tout ce qu’il me fait mal avec la boussole lorsqu’il n’est pas d’accord, ça suffit ses caprices et son mystère et son couteau qu’il s’est mis à arborer depuis plus d’une semaine, ça suffit son dérangia dans la tête il y a un problème dans sa tête il faut que je trouve le problème dans sa tête, on ne peut pas se balader avec une arme pareille tout en souriant à mille dents. Il est temps que je lui apprenne certaines petites choses élémentaires dans la vie, comme le respect du droit d’autrui, l’ouverture d’esprit, le contrôle de ses émotions. Temps que je l’éduque, en somme ? Ne le laisse plus m’imposer ses vrilles de mécontenté à la moindre de ses contrariétés ? Alors entraînons-nous, hopihop ! malgré le brouillard dans les yeux tant je suis déso’, Léon Ariel, de jouer au conquista, mais voilà tu ne me donne pas tellement le choix.
Vide vide la tête… Respire en grand respire en fort. Et un ordre. À l’ultra simple. Autoritaire. Ferme. Tranchant. Comme : lâche-moi donc ce fichu couteau avec lequel tu jongles avec bien trop de fol’adresse ! Voilà. Comme ça c’est bien. Comme ça c’est… non ? Rien, aucune réaction ? Pas même un battement de paupière ? Bon. Peut-être que ma phrase est trop vague. Vague et vaste. Horizonnée. Réessayons : lâche-moi donc ce foutu couteau ! Allez allez ! Non, toujours pas ? Si ce n’est l’agrandia de son sourire ? Et son rire-malice, celui que je n’entends pas mais que je vois tellement il se moque de moi, moi, moi, et de mes essais tous plus infructueux les uns que les autres. Hontise je suis alors mes joues se gonflent se dégonflent d’explosif. Lâche-moi ce couteau ! Le couteau, lâche-le moi !! Lâche le couteau !!! Lâche. Couteau. Lâche lâche LÂCHE allez COUTEAU LÂCHE tomber il DOIT fichu LÉON de LÂCHE LÂCHE non toujours pas ce que ça me … et je vais je jure je vais bon un ordre plus simple alors comme parle parle PARLE parle-moi Léon dis-moi est-ce vraiment la Crypte que la boussole m’aiguille là-bas comme je le devine peut-être LÂCHE parce que tout de même COUTEAU Max m’a révélé que ce lieu c’en fut jadis le berceau de Naïa et aujourd’hui il est désert ruiné oublié même des Néonaïens c’est un endroit qui renferme un livre qu’on appelait Nuidex un livre d’une incroyable puissance un livre qui répertoriait tous les vivèmes naïens on raconte que la personne qui possède Nuidex contrôle les lois pandémoniennes OH Léon DIS-MOI si c’est ça que la boussole me montre parce que si OUI alors alors COUTEAU je LÂCHE n’irai jamais là-bas ce lieu doit rester OUBLIÉ même de Siloé qui cherche la Crypte elle cherche Nuidex elle veut les EXPLOSER et moi je ne veux PAS vous exploser parce que TOUT DE MÊME ça ne résout RIEN moi je veux juste qu’on cesse l’asservissement des signes je veux comprendre l’histoire des porte-chaos je veux sa reconnaissance je veux notre vérité notre JUSTICE alors je cherche CHERCHE pourquoi tu as DANSÉ sous les pendus ça me trauma COUTEAU ça me cauchemarde en plein jour même si je ne dors plus LÂCHE je t’en prie dis-moi je ne comprends PAS jamais rien du tout ça m’énervons fort fort FORT ça me fait MAL ces ongles plantés dans ma paume MAL ces doigts qui me perforent le COUTEAU sternum tellement je presse et ça me TREMBLE le dedans pourquoi je n’y arrive pas pas pas PARLE parle-moi raconte-moi ton histoire je te l’ordonne s’il te plaît que je te comprenne un peu meilleur pour mieux te GUÉRIR et bien sûr je sais déjà qu’Elévie et Orion t’ont RENIÉ je sais que tu ne t’es pas senti accepté même auprès des tiens LÂCHE tu te sentais si SEUL parmi tous nos PORTE-CHAOS tu n’as jamais voulu rien d’autre qu’une grande couteau FAMILLE et je sais tout ceci mais il y a tant d’autres choses que je ne comprends PAS et je je calmons je moi ça ne sert à rien lâche lâche j’arrête voilà j’arrête je détourne COUTEAU la tête je soupire et m’allonge dans l’herbe chaude et olive et humide et je regarde le ciel épais et vaste et constellé et j’ai les yeux qui tombent de sommeil mais je prends ma main valide j’enlève mes lunettes je flou je prends mes paupières et je les tiens grandes ouvertes SOURIRE comme ça yeux injectés de sang de feu ÉTOILES voilà plusieurs jours que j’ai l’impression de brûler à l’intérieur comme si j’avais enlevé la sourdine de mon enfance de ma COLÈRE contre les Grisœils qui m’ont cassé les os rendu mon visage si LAID je suis LAIDEUR toutes ces croutes et mon oeil au beurre noir et ma HAINE contre l’Eurythmie et l’AGITÉ au fond de la boussole LÂCHE que je tiens fort sur mon ventre la boussole m’apaise me glace me brûle me console m’obsède tout son CHAOS ça m’amplifie les COULEURS à l’intérieur comme si parfois ce n’était plus moi la COLÈRE mais une armée de porte-chaos dans moi dans moi dans moi ô les étoiles comme elles sont jolies les étoiles garde OUVERT tes yeux NOVA et j’essaie de résister à ça l’appel-au-NOIR mais c’est dur de ne pas vouloir monde-démolir quand les voix de la boussole hurlent au ciel de ma tête et que les idéelles glissent dans mes veines ça m’effroie mais ça me raffoufolle de vous je ne me séparerai jamais de nous malgré l’ECCHYMOSE que ça me laisse à l’estomac SOURIRE au COUTEAU quand l’Ombre s’invite chante poétise vole te dis-je ramène aux rêves Naïa éternelle ÉTOILES réparatrice d’injustice elle noiera l’oppression en terre ÉTOILES et s’en ira à la rage la seule mer qui ÉTOILES à la fin de tout ÉTOILES sera ère de Victoire JE LES AIME les étoiles quoi pardon Siloé s’est allongée à ma droite Léon à ma gauche il y a l’Ombre aussi je crois je me couche en chien de fusil aïe mon bras je regarde la dame savante elle sourit gigantale murmurisse dis-moi dis-moi TOUT et moi je ne te dirai jamais tout parce que tout de même tu ne sauras jamais que je possède une boussole une boussole qui porte Ariel la Mer le chaos les pendus leur colère les voix qui se souviennent de la guerre et la Mer la Mer ÉTOILES toi tu sauras juste ce que je veux bien te dire c’est une promesse je te regard-furie avec une vague non un tsunami qui monte en moi monte monte tellement nous sommes ORAGE de ne pas savoir ce que tu voiles ÉTOILES nous hurlons le silence et le dam des années écrasées nous voulons SAVOIR ce que tu SAIS ce que tu VEUX pour mieux enfoncer le COUTEAU dans la plaie quand tu ne regarderas pas je m’assieds Siloé s’assied Léon s’assied l’Ombre derrière nous se lève et nous surplombe c’est une idéelle à la silhouette fragmentaire qui souffle du noir et qui souvent me visite depuis les Grisœils sous la pluie et m’apaise m’apaise se confond avec mon ombre à moi puis chante c’est dans les chaînes que naît la solidarité le tsunami comme un CRI s’élève si fort qu’il me vrille le crâne me tremble les membres empeste le sel marin Léon se lève et danse danse en jongli-jonglette le COUTEAU surtout ne le lâche pas pas il servira à ASSASSINER nous assassinerons ENSEMBLE ce JE qui s’éprouve avant tout comme un NOUS tempêtons NOUS nous unissons NOUS vengerons les étoiles tous les couteaux ensemble NOUS ne sommes qu’un NOUS vivons comme la foudre NOUS sommes l’éclair anarchiste NOUS sommes immortels NOUS sommes TSUNAMI qui lorsqu’il touche le ciel emmène avec lui l’ordre destiné à SILOÉ elle doit nous DIRE TOUT CE QU’ELLE SAIT SUR LE FLUX SUR LA POÉTIQUE tout le monde retient son souffle tout le ventre qu’on aspire lorsque
FLAAAASH
il tombe le tsunami il s’effondre le tsunami il détruit le tsunami m’anéantit la poitrine me suffoque de douleur je nausée je tremble je rejette l’amer bile dans un vomi guttural je redresse le regard je vois Siloé sourire et sortir un livre de sa blouse et me le tendre, comme ça, et moi, je suis tellement stupéfaction qu’elle nous obéisse que voilà, ils partent tous les porte-chaos en moi, me vidant m’épuisant j’ai un début de migraine qui me pique l’oeil et je ne comprends pas ce qu’il s’est passé et je me demande si ça vient de la boussole tout ça cette colère cette haine trop forte pour n’être qu’à moi et je sue et j’ai chaud et j’ai froid et j’essuie ma bouche et c’est comme s’il ne restait de moi que des cendres ou des poussières ou des ruines oui voilà je suis ce qu’il reste de roué quand on ne dort pas je suis les ruines du sommeil.
Encore Siloé me tend le livre, la face bloquée dans une grimace disgracieuse, large sourire grandes dents c’est plaqué et factice, comme si elle voulait pas mais que voilà elle n’y pouvait rien et qu’alors elle faisait comme si de rien. Et moi j’hésite car enfin, après tout c’est un livre-idéelle. Ça ne sert à rien que je le prenne, il va s’échaporer au touché de ma main. Soupir soupirette sourire. las. Je range ma boussole dans la poche. J’enfile mes lunettes. J’approche mes doigts je touche la couverture je la touche vraiment, attendez mais quoi pardon ? L’objet passe d’elle à moi et éberluette je me retrouve là, à porter une idéelle comme on porte du vent, avec un tas de questions fluant !! dans la tête. Parce que, tout de même ? Est-ce que toutes les idéelles sont comme ça, aussi matérielles, ou seulement certaines d’entre elles ? Est-ce que certaines sont plus puissantes que d’autres, est-ce que Léon pourrait me poignarder la vie avec son couteau ? Est-ce que ça tient juste à la force de l’esprit, tant je sens que ça vole-s’en-va quand je ne me focalise pas à maintenir l’idéelle en existence ? Des pointillés gris s’égrainent, comme de la poussière, ou des miettes, filafilées dans le souffle chaud de la nuit, non non NON !
Me concentrant au plus fort que je peux, je pose l’ouvrage dans l’herbe. Centre toute mon attention dessus. Yeux plissés. Pensées appliquées. L’idéelle se stabilise. Je l’examine. Il y a mon pouls qui folle soudain, main sur le sternum je me grandis et respi-i-i-ire à l’hypra calme, calme, calme ! Parce que, tout de même ? Ce n’est pas le petit livre bleu de l’Onde mais c’est inscrit La Poétique… Usagé le carnet… Couverture brune flétrie… Épais bourrés de fiches volantes, marque-pages, j’épeur et j’exalte de découvria les mots à l’intérieur,
concentration,
intense…
focalisation !
Avant de l’ouvrir j’élève un bref coup d’oeil en l’air, sursaut ce n’est plus Siloé en face de moi mais Léon Léon Léon, qui est une lumière dans la nuit à s’égayer comme ça, des luolunes glissés dans son couteau. Et moi je ne comprends pas parce que Léon je croyais qu’il ne voulait pas entendre parler de la Poétique ? Hébétude, mal de ventre, ne voulant même pas savoir où Siloé a coulissé, je rive-regard à nouveau sur le livre-idéelle. Il est flou fait de brume non non non reste reste petite idéelle, ne t’efface pas dans les étoiles, focus Nova ! F O C U S ! Ça revient, se cristallise, fiouf ! J’avance des doigts tremblotants j’ouvre le carnet. Le touché est caressant, un brin piquète-piquote. La page de garde il y a des lettres, hélas elles sont nuageuses, à demi-effacées elles paraissent danser. Je v i d e - e s p r i t et me concentre plus vif à l’incisif les mots se fixe-précisent, je lis, tourne la page, lis, tente du moins, c’est un brouillard de mots, de phrases aux morceaux manquants. Je lis je lis et relis et rerelis, mais les lettres sautillent sur la page et la ponctuation ne veut rien dire, si dur de déchiffrer une idéelle dont je n’ai même pas touché le référent en vrai. Bâillement, corps-courbature, je m’appuie contre le vieux chêne, je flotte, je nuage, je… NON ÉVEILLATION il y a l’Ombre, soudain, qui s’approche.
Doucereuse elle est couchée dans l’herbe, rampe à mes pieds, avec la lune là-haut qui clair-lumine si fort le jardin du Pensionnat que les contours de l’Ombre sont rendus d’autant plus nets. Mais ce n’est pas seulement elle qui tache-ténèbres tandis qu’étincelle le ciel. C’est elle et tout l’ombrage du verger, elle et toutes les z’ombres elles sont si zombres et s’étirent et se distordent, je pâle-falot, encore plus lorsque l’Ombre chansonne un chuchotis noir-charbon écoule-toi dans la vague d’obscurité où règne tout ce que tu ne t’avoues pas. C’est froid mais câlinement doux, je ferme les paupières à demi, j’entends le bercement du ciel et de la mer. Mon souffle flou-flux-fluide, je tombe non je glisse là-bas ici et quelqu’un me couvre d’un soir tout noir comme un voile rempli d’étoiles. Je souris à demi, entrevois l’Ombre lever un bras, le maintenir au-dessus du livre ouvert. Je me redresse je regarde ses mouvements. Sa main coule sur le livre et cristallise les mots sur la page. Je regarde je lis noir-au-calme, l’esprit étrangement relâche.
Le premier chapitre parle des idéelles. Le second des effréelles, en avançant qu’elles sont l’un des grands dangers lorsqu’on s’ouvre au Flux. Aïo-aïe c’est quoi cette histoire ? Matérialisant une phobie ou étant plus crûment destinées à effrayer, elle sont d’apparence plus « réalistes » que les idéelles, si bien qu’il est souvent difficile de les distinguer de la réalité. Ronge-âmes, pernicieuses, elles peuvent ainsi plonger l’esprit d’une personne dans un état noir, dépressif, duquel il est difficile de sortir. Ah quoi pardon ? Ah la terrible angoisse ! Le livre avertit toutefois que leur plus grand danger réside en leur puissance épidémique : les effréelles finissent souvent par affecter les consciences à proximité de la personne qui les subit, pénètrent la conscience collective, deviennent perceptibles par toustes. Et Naïa a précisément tiré parti de cette propriété en instaurant un état de peur permanent durant la Belle Guerre. Tout gros mes yeux et je continue à lire et je… quoi ? Mais alors ça veut dire… ça veut dire… QUOI ? Naïa s’était aussi ouverte au Flux ? Et elle a… Eberluette je relève la tête. J’observe Léon Ariel, la respir’ si dure à ventiler soudain, parce que je comprends que la Poétique est large, oh tellement plus large que ce que vend le petit livre bleu.
Le bouquin-idéelle l’explique bien, dans le chapitre d’après : lorsqu’on décide d’explorer le Flux, on a devant nous pléthore de voies possibles. Si l’Onde a choisi celle de la Mer, celle de la liberté, Naïa a choisi celle du Fléau, celle de la vengeance. L’une vise l’absorption dans le Flux, alors que l’autre vise son exploitation. Autrement dit : l’Onde ment. Ment. Ment. Elle ment à l’outrancité puisqu’elle affirme que la Poétique c’est elle alors que ce n’est pas elle. La Poétique c’est parcourir le Flux dans toute sa potentialité et il existe différentes façons de le faire ; devenir flomade n’est qu’une possibilité parmi tant d’autres. Et découvrir ça là, que l’Onde distord la vérité à se présenter comme étant la seule philosophie ouverte au Flux, ça me gronde la poitrine parce que voilà la deuxième fois qu’elle casse mes espérances en elle. Eh bien oui, je le reconnais : quand le système des signes me cognait trop fort le coeur, quand j’ai découvert l’affiliation de Léon à Naïa, quand l’Eurythmie s’est révélée plus véhéviolence que jamais, l’Onde a toujours été ma façon de tenir le coup. Ma porte de sortie à tout. Et hop ! Je découvre que mes mères et Milan en font partie sans rien me dire ? Et hop ! Max me prévient qu’ils veulent m’utiliser sans qu’on ne sache trop comment ni à quelles fins ? Et hop ! Le petit livre bleu n’est qu’une vision erronée de la Poétique ? Mais comment faire confiance au mouvement, dès lors ? Est-ce que la flomadie ne serait pas un tissu de mensonges, elle aussi ? Permet-elle vraiment de nous libérer, penser au-delà des signes astrologiques, au-delà de toutes conventions sociales, nous délivrer de l’Eurythmie, trouver Achronie, comme elle nous le promesse ? Ou est-ce qu’à m’accrocher ainsi à sa philosovie, je ne m’agrifferai pas à une utopie ?
La tête explosée aux doutes, je regarde Léon qui resplendi’joyait et je comprends pourquoi il voulait que je lise le livre-idéelle. Lui et toutes les voix dans la boussole. Ielles désiraient que je connaisse la vérité sur la Poétique, cesse d’idéaliser l’Onde ainsi, suive le chemin de la boussole, trouve la Crypte, rejoigne la Famille naïenne, emprunte la voie du Fléau. Hélas quand comprendront-elles que je ne veux pas pas ? Et en même temps la solution flomade soudain je ne veux plus plus ? Et maintenant il y a Siloé par-dessus ‘sus ? Qu’est-ce que je fais, MERDE, qu’est-ce que je fais ? Et tout pendant que j’éclate les pensées, le ventre déchiré aux mille directions, les voix suav’agréables glissent caressent me chauffent les veines. Et me font tellement de… bien. Et Léon en face qui attendrit l’éclat de son oeil, là… près de sa joue morcelée, ça me… ça me… c’est comme si… j’ai moins de solitude dans mon tournis… et un peu plus d’effarée… parce que les rats, la pluie acide, la nuit noire… ? Les voix me le soufflent ce sont des effréelles… ah l’évidence ! revendiquées par le mouvement néonaïen… Mais ce n’est pas bien pas bien… Utiliser le Flux pour semer la terreur ainsi… Ce n’est pas bien… Ou bien ? La voie du Fléau est-ce ça la voie du Fléau est-ce bien la voie du Fléau ? Je baisse le regard je tourne la page je veux lire plus loin mais c’est vide c’est vide je cligne des yeux l’Ombre s’étale sur tout le livre c’est une flaque-noirceur qui fulgurisse : je n’arrive pas à extraire plus de mots du livre…
Et la voilà qui s’élève en une colonne de fumée sombre tandis que le livre-idéelle s’estompe sous la lune qui cireuse. Je me lève aussi, voulant me fondre dans son flui’mouvement, un brin frustration d’avoir commencé à lire une version plus complète de la Poétique et soudain ne plus y avoir accès. Debout devant cette silhouette informe, glacée, sinistre mais gracieuse, je fais un pas vers elle. Tout à l’hypnotique je lui demande qui elle est. Deuxième pas. Elle me susurre « je suis moi je suis toi je suis mouve’vent je suis le ciel et son cyclone je suis l’émeute je suis l’innocence trouvée dans la pureté de l’action je suis la joie enfantine la joie assassine je suis la beauté de l’âme je suis ce qui se surmonte soi-même à jamais à jamais je suis la poésie je suis l’anarchie je suis la vie je suis nous je suis NAÏA » et elle m’embaume tellement le coeur et elle glisse un doigt sur ma joue qui pleure et je souris dans un tremblement de lèvres et je ferme les paupières et je pleure vraiment c’était la fatigue le stress la nausée la déception la joie bien que je ne sache pas d’où ça me vient j’ai souri j’ai eu envie de danser j’ai dit il faut que je vole le livre de Siloé sur la Poétique mais à l’Observatoire comment c’est possible les caméras partout et les portes avec tous les badges spéciaux d’identification peut-être que Maxine peut m’y volter il faut que je la contacte mais l’Ombre elle s’est crispée elle s’est avancée elle était sur moi presque presque elle m’a dit c’est trop dangereux en revanche il existe un livre on le nomme le métamorphe il perçoit les désirs du lecteur et se transforme en donnant à lire ce qu’on veut lire et moi j’ai gonflé le buste d’espoir elle m’a dit qu’elle peut m’y emmener j’ai hoché la tête j’avais tellement besoin de savoir ce qu’était la Poétique dans toute sa vérité j’ai serré la boussole il y avait le bleu roi il roucoulait au fond de moi tandis que nous nous élancions à travers toute la Ville Ombrère, avec Léon derrière qui souriait plus lumière que jamais. Son couteau, il ne l’avait pas lâché mais, pour une raison qui m’échappait, ça ne me gênait plus. J’étais presque légèreté à courir en bas le Pensionnat, voguant à travers l’horizon cendré, en rêverie d’azur de sel d’euphorie. J’avais la vague impression que j’avais le coeur rongé, ou poisonné, enfin je ne savais pas trop, mais que je m’en fichais car, pour la première fois depuis quelques temps, je retrouvais un peu d’insouciance et d’hardiesse qui me disait non, non, tu ne tairas pas la vie au fond de toi. Tu seras révolte, tu seras valse, et tous les fantômes qui s’en sont allés vivre dans les étoiles tu les recueilleras, pour qu’à minuit-noirceur où s’élève Naïa, tu portes des étoiles plein le ventre. Des étoiles qui se souviennent et brûlent et hurlent et rient et dansent et chantent aux parois de la nuit. Nuit-chaos, nuit-liberté. Parce que toujours,
nous Naïa, Naïa, Naïa,
Naïa, Naïa, Naïa,
Naïa, Naïa,
Naïa...