3 - ...de le protéger...

Par SaNah
Notes de l’auteur : Hello,
Juste deux petites choses à savoir :
- ce récit comporte des scènes violentes ou dérangeantes,
- les premiers chapitres ont été complètement refondus, donc les commentaires n'auront pas grand chose à voir avec ce que vous avez lu.

Je vous souhaite une bonne lecture ! ^^

Rayan Sans-Nom de Rashad 

 

Je déteste travailler au Grand Musée de Rashad pour une raison : les vestiaires réservés aux servants. Avant et après nos missions, on nous enferme dans cette petite pièce poussiéreuse et mal éclairée au sous-sol.

Pour quelqu'un comme moi qui ne supporte pas le contact physique, c'est une véritable torture. Chaque fois qu'une peau moite touche la mienne, j'ai l'impression d'être paralysé.

En plus, ça sent atrocement mauvais. En cette fin d'été, il fait très chaud à Rashad, cette ville construite au milieu du désert. La sueur empeste dans ce cagibi sans aération, et se mélange aux odeurs de parfum bon marché. Et pour couronner le tout, certains de mes collègues urinent dans les coins de la pièce.

Je serre fermement ma bourse en attendant de recevoir mon salaire. Dès que la personne devant moi aura récupéré le sien, ce sera mon tour. Pour patienter, j'examine nos reflets, le mien et celui de mon voisin derrière moi, dans les miroirs qui couvrent les murs. Je reconnais tout de suite le grand gaillard qui m'a dévisagé quand j'ai ramassé la pièce d'or que Raoul m'a jetée. Il me regarde avec mépris et lorgne parfois ma bourse, tandis que moi, je passe le temps à compter ce que nous avons en commun.

Nous sommes tous deux servants. En tant que tels, nous portons des carcans suppresseurs de mana sur notre gorge et nous sommes coiffés d'une longue natte qui part du sommet de notre crâne rasé et tombe jusqu'à nos hanches. Mais à part ça, nous sommes comme le jour et la nuit.

Lui est très grand et bien bâti, alors que je suis petit et maigre. Sa peau est lisse, sans aspérité, comme celle d'un bébé, à part ses grosses veines bleues, alors que mes bras, mes cuisses, mon torse et mon visage sont couturés de vieilles cicatrices.

À Rashad, cet immense gaillard à l'expression patibulaire est l'incarnation de la beauté. Et moi, je suis considéré comme un pestiféré.

— Suivant !

Aussitôt que la jeune femme est partie, je m'approche du bureau. Le contremaître me jauge, puis me dit :

— Y'a rien pour toi. Suivant !

Frappé de stupeur, j'écarquille les yeux. Pourtant, je m'écarte en silence et m'en vais vers la sortie, sous le regard ahuri des autres servants. Même ceux qui me connaissent, ceux qui sont habitués à voir mon impassibilité à toute épreuve, ont l'air incrédules.

À Rashad, les autorités redoutent la rébellion des servants. Pour l'empêcher, on nous impose un carcan suppresseur de mana, mais surtout, on nous paie systématiquement pour nos services, sous peine de poursuites. Le fait que je ne perçoive pas mon salaire choque mes collègues, mais je suis sûr que mon absence de réaction les dérange encore plus.

Les portes du vestiaire ne s'ouvriront que quand tout le monde aura obtenu son argent. En attendant, je dois subir un brouhaha de commentaires méprisants et de questions outrées auxquelles je ne réponds pas.

— Il paraît qu'il a déjà reçu une pièce d'or ! s'écrie quelqu'un que je ne vois pas.

— Tais-toi, imbécile ! rétorque le grand gaillard qui me suit à la culotte. C'est pas vrai, grommelle-t-il aussitôt. J'étais là. Le balafré, il a rien eu du tout.

Son plan est si prévisible que c'en est ridicule. Il a sûrement l'intention de me rançonner.

Je pousse un soupir de dépit. J'aimerais pouvoir exprimer ma colère ou rire à gorge déployée et me moquer de l'évidence de son plan, mais ces émotions me sont interdites. Donc je ne réponds rien et patiente en silence.

Un instant plus tard, j'entends enfin le grincement des gonds.

Les autres servants et moi entrons dans une ruelle sombre derrière le bâtiment et montons un labyrinthe d'escaliers. Après quelques minutes, la file s'allège, les petits groupes se séparant au gré des fourches. Puis je me retrouve seul servant parmi la foule de promeneurs et d'artisans. Enfin, presque seul...

Je sens une démangeaison sur mon cou depuis que je suis parti, signe que quelqu'un me file. Dès que j'approche d'un pont sans rambarde reliant deux secteurs du quartier, je ralentis le pas et le traverse sans me presser. Si mes poursuivants veulent me tendre un piège, c'est le moment idéal.

Une fois arrivé à l'autre bout, je m'arrête et me retourne.

— Salut Rayan, me lance le grand gaillard de sa voix grondante.

Il a visiblement retenu mon nom. Moi, je ne connais ni le sien ni celui de son ami, un autre colosse dépourvu de cou, dont le petit visage est perdu au milieu de sa grosse tête, et qui a une lèvre inférieure proéminente qui lui donne l'air d'un troll.

— Salut, dis-je.

Je ne vais pas leur poser de question inutile. Nous savons tous les trois pourquoi ils m'ont suivi.

— On se disait qu'avec le sou qu't'as gagné, t'as besoin qu'on te protège, me dit le gaillard qui ressemble à un bœuf. Donne ta pièce, et il t'arrivera rien.

Je soupire et contracte mes muscles.

— Qu'est-ce qu'il pourrait m'arriver ?

Il scrute brièvement les environs, s'assurant que personne ne nous regarde, puis me jette un coup de poing dans le ventre. Ayant bondi vers l'arrière au moment de l'impact, je ne ressens aucune douleur, mais fais semblant de me tordre en deux et de cracher mes poumons.

— Voilà, il m'est arrivé quelque chose, dis-je, faussement essoufflé. Je n'ai plus besoin de protection maintenant...

Les deux grands gaillards s'échangent un coup d'œil effaré. Puis le troll-humain s'avance vers moi d'un air sinistre. Je recule, les mains tendues vers lui, faisant mine d'être terrorisé. Il fait craquer ses doigts. Je recule encore...

— Hé ! Fais attent-

Je me penche vers l'arrière et tombe dans le vide.

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Edouard PArle
Posté le 16/11/2022
Coucou !
On continue de suivre Rayan et Ezechiel. Le second est toujours aussi détestable mais je t'avoue que j'aime bien lire les introspections de personnages détestables, c'est parfois très amusant. Le passage où il dit "mon frère" de manière ultra hypocrite était très sympa^^
Tu introduis quelques nouveaux éléments d'univers, c'est intéressant.
Sinon, très belles inspirations, je valide à 100 % (=
Mes remarques :
"Je pâlis aussitôt que je vois l'ascenseur" -> dès que je vois ? (je ne sais pas, ça me paraît plus naturel)
"depuis que Rashad a déclaré son indépendance de Narus." je pense que tu peux trouver une meilleure tournure.
"D'après les dires des voyageurs, j'ai sous les yeux une cité spectaculaire." a-t-il besoin des dires des voyageurs vu qu'il le voit lui même ? peut-être tourner : cette vue me confirme les dires des voyageurs
Un plaisir,
A bientôt !
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