31) La troisième Lili

Cela faisait au moins dix ans que je n'avais pas vu Assia, l'ancienne proviseure de mon lycée. Je me demandais pourquoi elle avait insisté pour que je lui remette en personne l'objet qu'elle avait demandé à la fondation Lindermark : une balle de revolver de calibre .38 Spécial. Je ne savais pas ce qu'elle comptait faire avec cette munition, mais j'étais chargée de la lui donner en personne.

— Bonjour madame Jalili, tenez, dis-je en lui remettant une petite boite.

Le parc dans lequel nous nous étions retrouvées était débordant de vie. Entre les plantes, les ruisseaux, les nombreux oiseaux et les enfants qui jouaient.

— Tu peux m'appeler Lili maintenant, répondit-elle en jetant un œil à l'intérieur de la boite. Tu sors toujours avec ce bel anglais ?

— Jonathan et moi ne sommes pas ensemble, corrigeais-je.

Assia haussa les épaules et attrapa les roues de son fauteuil roulant après avoir rangé la boite dans la poche de sa veste.

— Peu importe comment vous appelez ce genre de relation, les jeunes de nos jours...

— Puis-je vous demander ce que vous comptez faire avec cette balle ? demandais-je.

— Une vengeance, répondit-elle en se rapprochant de moi, m'examinant de haut en bas. Tu es devenue une sacrée femme depuis le temps, tu as toujours les cheveux aussi longs et aussi désordonnés...

— Une vengeance très spécifique, vu votre demande. Je ne sais pas si Emily approuverait.

Assia ricana et recula légèrement en secouant la tête.

— J'ai quarante-six ans et j'ai réchappé d'un attentat, pas sans dommages. (elle tapota les roues de son fauteuil) À toi de me dire ce que ma vengeance a de si spécifique.

— Je ne sais pas, dis-je en haussant les épaules. Je pense pas que vous voulez tuer le coupable, pas en vous embarrassant à trouver une balle si spécifique.

Elle et moi avançâmes jusqu'à un coin d'ombre au bord d'un ruisseau.

— Il s'agit d'une balle de calibre .38 Spécial, elle contient le pouvoir d'Emily ainsi que le tiens. Supprimer et donner des émotions, je suis jalouse de vos pouvoirs ! ricana-t-elle.

— Le votre n'est pas mal non plus, pouvoir vous adapter à n'importe quel véhicule, n'importe quel terrain... dis-je.

— C'est un pouvoir de paraplégique, répondit-elle en faisant claquer sa langue et en tapotant son fauteuil. Je peux donner des pneus tout terrain ou même des chenilles à ce fauteuil, c'est vrai, mais ça ne sert pas à grand-chose avec mon plan.

— Votre plan par rapport à cette balle ? demandais-je. Vous savez quoi ? Finalement je veux pas savoir, faites-moi la surprise.

Elle ricana une nouvelle fois et m'invita à la suivre d'un mouvement de la tête, je la suivais jusqu'à sa voiture.

— Dark Horse, murmura-t-elle pour invoquer son pouvoir.

J'observais alors son corps agir comme le mien, à l'époque. Ses yeux et ses cheveux devinrent plus brillants, et la mécanique de son fauteuil roulant se mua alors autour de l'habitacle de la voiture. Créant de nouveaux boutons et leviers pour lui permettre de conduire sans ses jambes, son fauteuil se fondit avec elle sur le siège conducteur, sans qu'elle n'ait à bouger.

— Moi je le trouve plutôt cool, votre pouvoir, fis-je remarquer.

Elle ricana de nouveau et haussa les épaules avant de démarrer le moteur.

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise, moi, il ne m'impressionne pas. (Elle s'étira brièvement avant de poser ses mains sur le volant) Bien, je dois te laisser, mon infirmier va bientôt arriver. Et s'il ne me trouve pas à la maison il va commencer à paniquer.

— Faites attention sur la route, Lili... enfin je veux dire, n'écrasez personne.

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